Il n’est pas question que je consulte un psychiatre. Pas avec mon vécu, pas avec ce qui m’est arrivé. Mais ces émotions sont en train de me rendre folle. Il faut que je me sorte toutes ces choses de la tête alors pourquoi pas écrire un peu ? Peut-être que ça m’aidera à me sentir moins perdue.

Je ne sais pas vraiment pas quoi commencer. Si je devais parler à quelqu’un, on me demanderait sûrement de commencer par le début, mais quel est le début de tout ça ? Mon enfance ? Ma naissance ? Je ne suis pas sûre que ça compte beaucoup…

Ma mère est originaire du Japon, mais quand mon père l’a abandonnée, elle a quitté le pays pour se mettre au service d’un couple riche qui vivait en Lituanie. Elle était leur domestique et ils ont accepté de me prendre dans le lot, m’offrant un toit et à manger. Le mari de ce couple, Monsieur Lecter, décéda peu de temps après notre arrivé. J’étais encore toute petite à cette époque, je ne m’en souviens même pas. Ma mère a beaucoup aidé Lady Murasaki durant son deuil. J’ai eu une enfance heureuse et privilégiée. Grâce à ma mère, j’ai appris le japonais, mais c’est en partie l’éducation de Lady Murasaki qui me permit d’apprendre à parler anglais ainsi que le lituanien. Elle m’apprit aussi à me battre, à me débrouiller par moi-même, à être astucieuse et curieuse. C’est plus tard qu’elle m’apprendra aussi à me servir d’un fusil pour défendre le domaine.  

Ma mère tomba malade en décembre l’année de mes 8 ans. Nous pensions que ce n’était rien de grave au début, mais son état s’est très vite dégradé et elle nous quitta en juin. J’avais repris son rôle de femme de chambre pendant sa maladie et à sa mort, j’ai gardé le poste. C’est une période bizarre pour moi. Tout est arrivé si vite…

Et puis, il y eu l’arrivé d’Hannibal. Il était orphelin lui aussi et Lady Murasaki le prit sous son aile lui aussi. Je ne sais pas trop quoi dire de lui enfant. Il était comme un frère pour moi à bien des égards. Il me raconta tout de l’histoire de Misha. À la mort de Lady Murasaki, nous sommes devenus encore plus proches. Il ne restait que nous sur le domaine à présent. C’est ensemble que nous décidâmes de retrouver le meurtrier de Misha. Cela prit du temps, cela nous demanda beaucoup d’efforts, mais nous y parvîmes. Hannibal avait l’intention de le tuer. Je pouvais le comprendre, mais je ne pouvais m’y résoudre. Je ne supportais pas l’idée que mon ami puisse devenir un meurtrier. Je ne savais pas ce que l’avenir me réserverait à bien des égards quand j’y pense…

Toujours était-il qu’Hannibal accéda à ma requête : il ne tua pas l’homme qui avait tué Misha. En revanche, il me le confia. Je devais le garder prisonnier dans le domaine. Une tâche simple. Une dette en quelque sorte pour avoir retiré sa vengeance à Hannibal. En fait, au fil des années, je me suis imaginé bien des raisons à ma tâche, mais je n’ai jamais été sûre de ce qu’Hannibal y mettait. Hannibal était parti sans se retourner. Sans jamais se retourner. Et je me suis retrouvée seule avec mon fardeau.

Le châtiment du meurtrier devient mon châtiment. J’étais seule. Si seule… Et je mettais un point d’honneur à faire souffrir mon captif. Je ne lui adressais jamais la parole, lui apportant seulement à manger pour le maintenir vivant. Ma vie tournait autour de lui. Je sortais rarement du domaine, seulement pour des courses nécessaires à ma survie. Je profitais du domaine pour chasser le plus gros de ma nourriture. Ma vie ne tournait qu’autour d’un but : la survie de cet homme. Plus tard, Will Graham me dira qu’il s’agissait d’un test de la part d’Hannibal. Pour savoir si je finirais par tuer cet homme ou non… Je ne sais toujours pas quoi en penser.

Parlons-en de Will Graham. Il déboula un jour sans prévenir, pour retrouver Hannibal. Il apprit l’existence du meurtrier de Misha et le libéra dans mon dos. Cet homme aurait pu s’enfuir à ce moment-là. Il était libre après tout ce temps. Mais il décida de retourner dans sa cellule et m’attaqua. Il m’étrangla. Et je l’ai tué. Je l’ai tué pour survivre. J’ai fait exactement l’inverse de ce que j’avais passé, toute ma vie, à empêcher.

Dire que je me sentais vide était un euphémisme. J’étais une tueuse et je n’avais plus de but alors j’ai accepté de suivre Will dans sa quête d’Hannibal. Pourtant, même si Will fit son possible pour me montrer une facette sombre d’Hannibal, je lui restais fidèle. Je fis de mon mieux pour le protéger à plusieurs reprises. Je sais ce qu’il est, ce qu’il a fait. Cependant, il ne mérite pas de mourir. Pas pour moi. Je reste profondément opposée à la mort. Ce n’est pas une solution. À aucun problème.

J’ai appris la mort d’Hannibal, et celle de Will par la presse. Suicide ? Conséquence de leur combat ? Personne ne sait vraiment le fin mot de l’histoire. Et moi, je me suis retrouvée complètement abandonnée et seule. Je ne suis pas une petite chose fragile, mais mon existence était intimement liée à celle d’Hannibal. Sa perte fut… Traumatique pour moi. Heureusement que je ne dis pas ça à une psychiatre. Je pense que j’aurais déjà pu finir en prison ou en hôpital avec ce que je raconte.

Sans prévenir, il y eut la lune rouge. Mon monde fut transformé à nouveau sans commune mesure. Je passais d’un vide à un vide plus profond. Ma vie n’avait déjà pas beaucoup de sens avant, mais elle n’en avait plus aucun à présent. Je ne suis pas une petite nature. Je suis allée de l’avant. J’ai trouvé un travail dans un stand de tir où je suis vendeuse et surtout monitrice. C’est très bizarre. Je n’ai aucun problème avec ce travail, mais plutôt avec le concept même d’avoir un travail. Se lever tous les jours avec un but, avec un objectif. Avoir du temps pour moi aussi.

Être libre.

Sans emprise. Me faire des amis, rencontrer des gens, sortir, vivre… Ça fait 4 ans que je découvre une vie normale. Les débuts ont été vraiment difficiles, mais j’aime beaucoup mon petit quotidien à présent.