(Terminé) It's good job ft. Will

S'il reste convaincu de l'intérêt, voire même de la nécessité, d'avoir retrouvé un poste similaire à celui qu'il occupait quand il officiait à Quantico, par certains aspects, Will doit bien admettre qu'il n'avait pas entièrement mesuré certains désavantages. Certes, les quelques enquêtes sur lesquelles il a travaillé lui ont prouvé qu'il n'avait en rien perdu la main, et il ne redoute plus de voir son aptitude, son imagination, son empathie dévorer chaque fibre de son être et le dissocier de lui-même. Il sait qui il est, pleinement, il ne se laissera pas envahir, dominer, parasiter par ceux dont il cherchera à analyser le comportement. Plus jamais, plus maintenant. Il voit, il comprend, il analyse en toute conscience mais sans se laisser ronger. Certes, les résultats sont là, et il a aidé à résoudre plus d'une enquête relativement complexe depuis son retour dans la "course"...

Mais il y a les à-côtés. Ses collègues et supérieurs ne lui accordent pas les mêmes largesses que ne le faisait Jack Crawford, qui respectait sa nécessité d'être seul au moment d'observer une scène de crime afin de s'immerger dans le dessein du coupable. Il doit agir dans un champ d'action limité, à moins d'occasions saisies au vol, malheureusement peu nombreuses. Et il y a certains de ses collègues, dont il se défie de la compagnie. Enfin, surtout, il y a Clarice et ce quelque chose qu'elle sait et qu'il ne parvient pas à comprendre le concernant, concernant Jack, concernant Hannibal peut-être. S'il n'avait pas la certitude que les doutes se porteraient trop facilement sur lui si quoi que ce soit devait lui arriver, il en ferait une proie de choix. Mais non, il doit faire avec la contrariété qu'elle représente, avec les questionnements qu'elle lui pose, sans savoir encore de quelle façon il sera à même ou non de les résoudre.

Enfin, pour l'heure, il garde le contrôle de la situation, et cela lui est arrivé si rarement au cours de son existence tourmentée qu'il n'a pas la moindre intention de la perdre, sous aucun prétexte. Il fera ce qu'il faut pour le préserver, et cela passe forcément, oui, par l'emploi qu'il conserve et la place qu'il se fait ici, ne serait-ce que dans l'optique de couvrir les traces de ses propres crimes. De leurs crimes.

Arrivé tôt au commissariat, il est très rapidement alpagué par sa supérieure qui lui apprend qu'on l'attend sur une scène de crime. Très bien, c'est son champ d'expertise, davantage que les dossiers dans lesquels on lui demande de fourrer son nez régulièrement, même si l'on peut déduire beaucoup de photographie et d'un descriptif détaillé. Alors qu'il enfile sa veste, prêt à se rendre sur les lieux, il croise Aloy, une jeune femme dont... il ne pense pas grand-chose, à vrai dire. Ils se sont très peu parlés. Elle prête main forte à la police, c'est tout ce qu'il sait. Au-delà de ça, pas grand-chose. Il n'a pas cherché à en apprendre plus non plus, il vaut dire, peu sociable comme il sait l'être.

"Je me rends sur une scène de crime, je suppose que tu peux demander à venir aussi."

Pas qu'il ait vraiment envie de l'avoir dans les pattes, mais il ne peut pas cacher qu'il est sur le départ, il anticipe ce qu'il pense pouvoir être une suggestion de sa part. Dans tous les cas, ce n'est pas Will qui prend la décision finale.

L'enthousiasme d'Aloy à la perspective de le suivre n'est pas spécialement communicatif, avant tout et surtout parce que, de manière générale, Will préfère quoi qu'il en soit être seul, et plus encore quand il doit inspecter une scène de crime, quand il doit se servir de son imagination, comme le formulait Jack, qui au fond n'a jamais vraiment compris son mode de fonctionnement - ou en tout cas aimait faire mine de ne pas le comprendre puisque ça arrangeait ses affaires et l'empêchait de le voir... devenir.

Seul, il préfère l'être, à une exception près, et même s'il ne sait rien d'Aloy ou presque, qu'il n'a pas d'a priori particulier à son encontre, il ne se réjouit pas particulièrement de s'imposer ainsi sa compagnie.

Mais ce qui est fait est fait, c'est lui, après tout, qui a proposé à la jeune femme de l'accompagner, et au fond, il peut s'entendre sur ce point : la paperasse et les commérages n'ont jamais été son fort non plus, il a toujours préféré ce qui était concret, même si on pourrait arguer qu'il effleure à peine le tangible, dans son domaine. Si cela peut lui arriver, appréhender les criminels n'est tout de même pas son rôle. Son rôle est d'établir le profil psychologique des criminels en question. De ses pairs, en somme.

"J'ignore si l'affaire sera bien palpitante, à première vue, le crime a toutes les caractéristiques du crime passionnel classique", observe-t-il en tendant à Aloy un dossier contenant les informations fournies par leurs premiers collègues arrivés sur place.

Qu'elle aime la paperasse ou non, il sera préférable pour elle d'y jeter un oeil avant d'arriver sur place. Ceci dit, il est loin de se fier d'office à l'expertise de ses collègues. Pas qu'il les trouve incompétent. La plupart de ceux qui se trouvent ici n'ont en vérité rien à envier aux grandes pontes du FBI avec qui il avait pris l'habitude de travailler. Des talents très particuliers et spécifiques qui donnaient une fois de plus cette impression que le choix des habitants de cette île, même si incompréhensible, n'avait pas été fait au hasard, loin de là.

Will invite à prendre place dans la voiture de fonction qu'il démarre dès l'instant où il est assuré que sa collègue est bien installée. Il fixe la route, se demande s'il se perdra ou non cette fois dans le dédale de routes en tout genre qui semblent changer d'apparence au gré des envies de la ville. Selon les circonstances, cela pourrait leur prendre beaucoup trop de temps. Se fier au GPS est toujours une option, évidemment, mais qui reste aléatoire également. A la technologie aussi, on a tout intérêt à ne pas trop se fier dans tous les cas.

"Je n'ai jamais eu l'occasion de vous poser la question. Vous travailliez pour la police, avant ?"

Will ne sait pas vraiment à quelle réponse il s'attendait de la part de son interlocutrice, mais ce qui est certain, c'est qu'il ne s'attendait certainement pas à celle-ci, qu'elle lui adresse pourtant avec le plus grand naturel. D'où elle vient, la police n'existe pas. C'est un concept si inédit pour le profiler qu'il a relativement du mal à l'intégrer (et pourtant, en matière de phénomènes et d'histoire inexplicable, il a eu plus que son compte depuis son arrivée sur cette île, et même avant cela, d'ailleurs).

Même dans le monde le plus étrange et le plus apocalyptique qu'il soit en mesure de concevoir, il ne peut imaginer que ne s'exerce aucune forme d'autorité, de justice... de répression ? Il ignore si la perspective d'un monde sans police l'intrigue, ou même si elle lui plaît. C'est sûr, dans un monde sans police, il n'aurait plus de travail, d'un autre côté, la bête aurait plus facilement le champ libre. Will pose son regard un très bref instant sur son interlocutrice avant de se focaliser de nouveau sur la route. Il ne savait trop que penser d'elle, à présent, il sait au moins cela : elle est parvenue à l'intriguer.

Elle était chercheuse, lui apprend-elle avant de désigner cet appareil qu'il ne parvient pas à identifier mais qui lui laisse deviner qu'elle doit être de ces individus qui ont évolué à une époque bien postérieure à la sienne, au final très proche de celle où ils se trouvent à l'heure actuelle.

"Comment avez-vous récupéré une telle technologie ici ?" s'étonne Will, de nouveau attentif à la route et à la circulation.

Peut-être qu'elle le mène en bateau, ce n'est pas impossible, mais il reconnaît être intrigué quant à l'usage qu'il serait possible de faire d'un tel objet sur une scène de crime. Devrait-il envisager de s'en inquiéter ? Peut-être bien. Tout dépend du degré de perfectionnement de l'objet en question. Enfin, il ne s'alarme pas pour autant, pas tant qu'il n'en sait pas davantage, du moins. Puis Aloy enchaîne, évoque leur enquête, lui demande d'où lui viennent ses conclusions. Il répond évasivement.

Il lui est toujours difficile d'expliquer avec précision l'acuité de son instinct, et il le fait avec d'autant plus de réticences dorénavant que Jack n'est plus là pour défendre son "pouvoir d'imagination" (même s'il lui tournerait clairement le dos aujourd'hui si leurs chemins devaient se croiser de nouveau, au vu de ses récents choix de vie, qui sont davantage des évidences à ses yeux). Alors il préfère demeurer factuel. Il ne peut pas parler en termes d'émotions, d'empathie, de ressenti. Alors il se contente de ce que le dossier montre plutôt que de ce qu'il perçoit, même si, comme il le répète souvent, il ne fait jamais interpréter les preuves.

"Les crimes passionnels sont spontanés, impulsifs, brouillons... ils ne sont ni maîtrisés, ni... élégants. Ils manquent d'une véritable motivation. Le choix de larme, la maladresse des coups portées, l'accumulation d'indices, tout pointe dans cette direction. Enfin, nous verrons en arrivant sur place."

Will fait le choix de ne pas s'attarder plus longtemps sur cet appareil et mystérieux et futuriste, mais sa curiosité demeure entière, et il escompte bien comprendre de quoi il retourne plus précisément. Mais ce n'est ni le lieu, ni le moment. Pour l'heure, ils sont en mission, une mission qui, aux yeux du profiler, n'est absolument pas promesse d'exaltation, mais qui fait partie du métier. En acceptant de revenir sur le terrain, il a aussi accepté l'éventualité d'avoir, dans la grande majeure partie des cas qu'il devrait traiter, affaire à des crimes de moyenne voire très petite envergure, rien de bien challengeant...

Quelque chose de reposant, quelque part, contrairement aux cas pour lesquels on l'appelait, au sein du FBI, et qui se révélaient tous plus délicats les uns que les autres. Mais il n'a plus besoin d'un cadre apaisant pour favoriser un état d'esprit de toute façon jamais serein. Il n'est plus instable, et il réclame de l'intérêt, qu'on aiguise son appétit, qu'on éveille sa curiosité. Enfin, pour peu que cette expédition n'ait qu'un intérêt aussi limité que celui qu'il lui soupçonne d'avoir, la personne qui l'accompagne a au moins le mérite de se révéler plus intrigante et intéressante qu'il ne l'aurait soupçonné de prime abord. Et c'est tout à son honneur.

Sur place, on les conduit jusqu'à la scène de crime. Will en observe chaque détail, tranquillement, posément, chaque élément, même le plus minime, prend la forme d'un indice subtil qui, peut-être, pourra être exploité plus tard. Trop de monde autour, il aurait besoin de plus de calme, de solitude, de tranquillité pour examiner la scène de crime comme il le désirerait, mais il ne peut évidemment compter sur l'autorité de Jack, dans ce monde, pour imposer à toutes les personnes présentes de le laisser à sa guise exploiter son pouvoir d'imagination, sans être dérangé ou interrompu.

Alors qu'il est tout à son examen de la scène, il ne prête pas attention à sa collègue qui, pourtant, de son côté, explore de nouvelles pistes, sans doute bien plus digne d'intérêt, et qui auront le mérite de raviver nettement l'intérêt que le profiler peut porter à la scène. Quand elle l'appelle, il la rejoint et découvre une pièce jusque-là verrouillée, où gisent deux cadavres, qui n'ont plus grand-chose de très frais. On ne lui avait signalé qu'un seul crime, un cadavre. Du travail bâclé... Mais un crime multiple, donc. Qui n'écarte pas d'office la thèse du crime passionnel mais gagne le mérite d'explorer de nouvelles options.

"Je voudrais examiner la scène seul. Est-ce que vous pourriez sortir un moment ?" demande Will à Aloy sans forcément de délicatesse. Pour procéder, l'idéal pour lui est d'être seul, et de laisser parler son esprit d'analyse sans personne extérieure pour lui bloquer la voie.

Will s'était attendue à ce que son interlocutrice lui oppose plus de résistance au moment de lui demander de quitter la pièce. Le plus souvent, ses collègues refusaient cette faveur, ce qui était compréhensible. Le laisser seul sur une scène de crime, laisser qui que ce soit seul sur une scène de crime revenait à prendre le risque de la corrompre. Alors en temps normal, on l'envoie balader et on ne l'écoute pas. Dans son autre vie, quand il travaillait encore pour le FBI, c'était très simple. Il avait l'aval de Jack, qui comptait après son "imagination" et acceptait sa manière de procéder, quand bien même il ne la comprenait pas, et puisqu'il était leur supérieur à tous, il n'était pas difficile pour lui d'ordonner à ses collègues d'agir comme bon lui semblait. Ici, c'est différent, il n'a personne pour le couvrir et corroborer ses méthodes toutes singulières, et il est dans l'obligation de faire avec. Aussi apprécie-t-il de voir qu'Aloy ne se comporte pas comme tous les autres.

Elle, elle décide de l'attendre dehors, et rien que pour cette faveur qu'elle lui accorde, elle remonte plus que grandement dans son estime. La porte fermée derrière lui, il ferme les yeux et se concentre. Mouvement de balancier derrière ses paupières clauses, son esprit remonte le temps, rassemble les pièces de ce puzzle dissolu pour recomposer l'image d'origine. Le dessein qu'il avait à tort envisagé, faute d'éléments qui lui sautent à présent aux yeux. Toutes ses thèses sont à remettre en question, mais le profil qu'il doit établir n'en est que plus intéressant. Au gré de sa reconstitution mentale du crime, il voit se distinguer un nouveau dessein, bien différent de celui qu'il avait imaginé.

Quand il sort, son premier réflexe n'est pas de référer de ses réflexions à ses autres collègues, il se contente d'adresser quelques mots aux experts scientifiques afin qu'ils puissent faire leurs analyses et prélèvements habituels. Lui, va retrouver Aloy, qu'il retrouve un peu à l'écart, assise sur les marches à l'entrée, feuilletant le dossier qui leur avait été confié, devenu caduque au regard des nouveaux éléments qu'ils avaient découvert.

"Il n'y a pas un assassin, mais deux, deux méthodes et deux intentions très différentes, mais un dessein commun", lui apprend-il sans complètement développer le fil de réflexion qui l'a mené à cela, surtout parce qu'il est difficile d'expliquer en détail ce qui tient de l'intuition. "Merci d'avoir accepté de me laisser analyser la scène seul, j'ai plus de difficulté à... me concentrer quand il y a quelqu'un à proximité."

Il n'est pas d'un naturel reconnaissant, et encore moins de nature à accorder sa gratitude, mais il estime qu'Aloy l'a effectivement mérité, alors il lui accorde cette en soi bien maigre concession.

Will approuve d'un léger hochement de tête quand Aloy observe qu'elle comprend parfaitement que l'on puisse vouloir être dans sa bulle afin de se concentrer. Et c'est effectivement le cas, même si beaucoup de ses collègues peinent à le comprendre. Ce n'est, cela dit, pas seulement pour cette raison que le profiler a tendance à préférer la solitude quand il inspecte une scène de crime, cela dit, mais aussi parce que sa manière très particulière de réfléchir l'oblige à se mettre dans un certain état d'esprit, et c'est là une facette de lui (qui en réalité pourrait bien le définir entièrement à ce stade) qu'il ne souhaite pas outre mesure dévoiler à son entourage.

Déjà qu'il sait pertinemment qu'ici, alors qu'il n'est plus protégé par Jack, ses méthodes font franchement jaser. L'essentiel est qu'elle comprenne et ne se pose pas davantage de questions. Aloy ne ressemble définitivement pas aux personnes avec lesquelles il a l'habitude de collaborer, mais en cet instant, il constate définitivement que c'est pour le mieux. Même s'il préférera toujours travailler seul (mais on ne lui laisse pas spécialement le choix), elle n'est définitivement pas la pire partenaire sur laquelle il pouvait tomber, bien loin s'en faut en réalité.

"Ce n'est pas tant un terme policier qu'un... tic de langage personnel, je dirais", répond Will quand Aloy l'interroge sur la définition que l'on pourrait donner au terme "dessein".

Il doit être à peu près certain que personne n'emploie ce terme autant que lui, mais le fait est qu'il est la clé de ses interprétations : c'est ce qu'il recherche bel et bien, comprendre le but, l'intention profonde des criminels dont on lui "offre" les scènes de crime : le dessein, oui. Alors il n'y a rien d'étonnant qu'elle n'y soit pas forcément habituée, d'autant qu'elle-même a bien probablement évolué dans un contexte où ce terme n'avait pas véritablement de raisons d'être employée.

"Mais oui, on pourrait le définir comme ça, le but." Il marque une pause. "Je reste convaincue de la thèse du crime passionnel et impulsif concernant le premier corps que nous avons trouvé mais..." Tandis que les rouages de son esprit se mettent en berne, il prend conscience d'un point qu'il n'avait pas tout de suite envisagé, mais qui à présent fait parfaitement sens dans son esprit. "La personne qui a assassiné les deux victimes que vous avez trouvée est la même que celle dont nous avons découvert le cadavre en premier."

Ce qui signifierait donc qu'il y avait bel et bien deux meurtriers, mais qu'un seul est encore dans la nature, celui qui avait sans doute voulu venger la mort du couple trouvé baignant dans son sang dans la pièce voisine. De nombreuses questions restent en suspens, c'est certain, mais Will est plus que jamais sûr de son hypothèse.

A partir des informations brutes que Will a pu distinguer sur la scène de crime, Will s'est fait une image mentale très précise d'une scène qui lui a été présenté si vivement qu'il semblerait l'avoir vécue lui-même, pas seulement y avoir assisté, mais l'avoir perpétuée. Cela, il ne peut l'expliquer, tout comme il ne peut ensuite que laisser mijoter ces visions dans l'espoir de leur donner une cohérence.

Son expertise révèle des indices qui, bien souvent, échappent au plus grand nombre, mais elle n'apporte pas de réponse miracle non plus, il n'a pas subitement sur le bout des lèvres le nom du responsable, le nom des victimes, leurs motivations... il ne peut que se faire une idée relativement précise de ce qu'a été l'état d'esprit de celui - ou celle - à l'origine de cette boucherie.

De cette seconde boucherie, du moins. Mais reste de nombreuses zones d'ombre malgré tout, celles qu'Aloy ne manque pas de souligner de son côté, et à juste titre. Si Will ne fait pas de commentaire direct sur les réflexions qu'elle articule à voix haute, ce n'est absolument pas parce qu'il n'y accorderait aucun crédit, mais parce que lui-même n'a pas encore d'idée bien arrêtée sur la question, et Will n'est pas un bavard, il économisera sa salive s'il doit sentir que celle-ci ne serait employée qu'à prononcer des paroles creuses, et qui donc n'auraient rien de franchement nécessaires.

Alors il ne dit rien jusqu'au moment où Aloy suggère de retourner sur les lieux afin de scanner les lieux avec le focus dont elle lui avait parlé dans la voiture, cet objet qui l'intrigue beaucoup, et qu'il avait la curiosité de voir à l'oeuvre. Une chose est certaine : la scientifique va très certainement les détester, mais c'est une chose qui lui importe plus. Il ne prend en considération les émotions d'autrui que lorsque celles-ci n'ont aucune chance de parasiter les siennes, et cela arrive rarement.

"Pourquoi pas, oui", confirme le profiler. "Est-ce que vous m'autorisez à vous accompagner ?"

Il pose la question par convenance, par politesse, parce qu'il estime que c'est bel et bien la chose à faire en cet instant. Lui-même n'a pas hésité à demander à Aloy de le laisser seule sur la scène de crime l'instant d'avant, et puisqu'elle a consenti à cette faveur que beaucoup d'autres auraient très certainement refusée, ne serait-ce qu'au nom de considérations éthiques, il peut bien se permettre de mettre sa curiosité en sourdine (même si cela promet définitivement de ne pas être chose facile pour lui) et de la laisser procéder comme bon l'entend. Peut-être cela vaut-il même mieux au regard de tout ce dont ce focus dont elle lui a vanté les mérites semble être capable.

"Très bien", approuve Will, qui ne risque certainement pas d’imposer à Aloy la présence de qui que ce soit d’autre sur la scène de crime.

S’il est intrigué par la manière dont fonctionne ce fameux focus et a envie de le voir à l’œuvre, il ne souhaite pas franchement, en revanche, partager le spectacle avec quiconque. De manière générale, moins il est entouré, mieux il se porte, et par ailleurs, si ce focus devait dévoiler des vérités qui pourraient à la longue se révéler dangereuses pour lui, il voudra comprendre son mode de fonctionnement, et aviser en fonction. Il se surprend à apprécier Aloy, peut-être parce qu’elle est une solitaire, comme lui, il préférerait si cela est possible, ne pas avoir à en venir à des extrémités regrettables avec elle.

Ils décident donc de rejoindre la scène de crime, et leur requête d’être laissés seuls dans la pièce est acceptée. Ils ont la chance d’être tombés sur des collègues conciliants, ce n’est pas toujours le cas. Et quand ce n’est pas le cas ? Will a appris à faire avec, mais sans pour autant apprécier franchement de devoir en arriver là. Ce n’est pas un processus avec lequel il se sent franchement confortable. Mais pour l’heure, et même si son regard ne peut s’empêcher d’explorer la scène de crime à l’affût d’indices, quels qu’ils soient, qui lui auraient échappé jusque-là, c’est avant tout sur Aloy qu’il se focalise tandis qu’elle allume son focus, qui se charge d’analyser la scène en faisant défiler une foule d’informations, processus avec lequel l’esprit, si vif soit-il, de Will aurait bien été en mal de rivaliser. C’est impressionnant, et quelque part un peu alarmant également. Il ne peut que constater le fait qu’Aloy ne lui a absolument pas survendu les capacités de son focus : oui, cette chose est capable de véritables merveilles. Elle détient une technologie remarquable, redoutable… éventuellement dangereuse en fonction de qui l’aurait en sa possession exactement.

Will écoute attentivement chacune des paroles d’Aloy. Il y a ce qu’il avait lui-même constaté : la propreté du travail qui laissait penser à quelque chose de bien plus maîtrisé. Un cheveu, ça il ne l’avait pas détecté, en revanche. Égratignures sous les vêtements, ça aussi il n’aurait pu le remarquer en dépit de ses compétences. L’une des victimes membre d’un gang. Deux noms familiers d’un coup. Loki Laufeyson, le propriétaire de l’Asgard, que Will avait déjà rencontré. Il avait eu vent de son agression, en effet… Et l’agent Starling.

A cette information, Will contient un léger rictus agacé. Il ne veut pas avoir affaire à elle. De manière générale, toutes les occasions qu’il peut avoir de se tenir le plus loin possible de l’agent Starling sont saisies comme des opportunités. Il n’a… rien à proprement contre elle, il admet même, objectivement, qu’elle est plutôt redoutable dans son domaine : droite, intelligente, téméraire. Et c’est bien là le problème en réalité… Elle serait une alliée remarquable, mais elle pourrait tout aussi bien être une ennemie redoutable. Et surtout, surtout, elle en sait trop sur lui…

"Ce n’est pas un tort de trop parler tant qu’on ne parle pas pour ne rien dire", répond Will, en exprimant plus que sincèrement le fond de sa pensée. Non, il ne considère pas qu’elle a trop parlé. Au contraire, chacune de ses paroles a été éloquente, et surtout très pertinente. "Ce focus est… remarquable. Il rendrait presque mon travail inutile." Mais pas complètement, il ne pense tout de même pas qu’une machine, même la plus évoluée, puisse décortiquer la psyché meurtrière. "Je connais un peu l’agent Starling, puisqu’il semblerait que nos affaires tendent à se recouper, j’irai lui parler. Je pense que vous devriez partager vos observations avec notre lieutenant."

Will est d'avis en effet, lui aussi, que le focus devrait rester hors de portée du plus grand nombre, pas tant parce qu'il redouterait terriblement qu'une telle technologie le mette au chômage (s'il trouve une commodité certaine à avoir repris ses fonctions, il ne l'a fait que dans un but précis, et quelque part, se détacher pour de bon de ce monde ne serait peut-être pas un mal) que parce qu'une telle technologie pourrait exposer au grand jour tout ce sur quoi il ne veut pas que l'on fasse la lumière. Alors bien sûr il ne peut qu'inciter Aloy à la "prudence", même si c'est chose tout à fait intéressée de sa part, bien évidemment.

Dans tous les cas, elle lui assure être la seule à pouvoir décrypter les données complexes du focus. Est-ce que c'est bel et bien le cas ? Will ne parierait pas forcément là-dessus, même s'il ne se targuerait pas d'en être capable pour sa part, étant donné qu'il a vu Aloy à l'oeuvre sans franchement comprendre de quoi il retournait plus précisément. Mais il sait que d'autres sont accoutumées de technologies très complexes. Il en a croisés quelques-uns qui, force lui a été de l'admettre, venaient d'une époque lointaine et futuriste, et peut-être que dans ce genre de contexte, le focus n'était qu'une technologie à peine évoluée. Va savoir. Qu'Aloy la garde précieusement, et qu'elle se garde de l'utiliser sur une enquête qui le concernerait de trop près, tant qu'à faire.

"Au vu de l'aide que vous venez de nous apporter, je ne peux certainement pas vous refuser d'assister à mon entretien avec l'agent Starling", confirme Will, qui a bel et bien l'intention d'aller parler à Clarice, puisque la situation l'oblige, mais certainement pas de gaieté de cœur pour autant.

Clarice Starling, du moins le redoute-t-il, serait bien capable de lire en lui bien plus efficacement que n'importe quel focus, et il a tendance, si puéril ce comportement peut-il sembler être, à l'éviter autant qu'il le peut, et ce devait rester son mode de fonctionnement tant qu'il n'aurait pas cerné très précisément qui elle est et ce qu'elle sait de lui. Quoi qu'il en soit, il se doit de rester professionnel, et quelque part, qu'une tierce personne soit présente au cours de cet entretien ne sera pas un mal. Par ailleurs, Aloy a plus que mérité de participer activement à l'enquête au regard de tous les éléments qu'ils ont été capables d'isoler grâce à elle.

"On va retourner au commissariat. Si elle a du temps à nous accorder, nos règleront cette histoire tout de suite. Dans le cas contraire, je vous contacterai au moment opportun, cela vous convient ?" demande-t-il alors, déjà prêt à rejoindre son véhicule et invitant Aloy à le suivre.