Les trahisons mènent toujours à la vengeance | Sophie

L’amitié. La confiance. L’affection. Tant de mots qui, normalement, définissent une amitié sincère. Une amitié qui s’était consolidée à travers le temps. Une amitié que l’on pensait indestructible. Une amitié que l’on pensait interminable. Une amitié qui avait pourtant pris fin. Sophie ! Une amie si gentille, si sincère, si dévouée… Non… Une traîtresse. Voilà ce qu’elle était réellement. Lorsque le gouvernement avait pris la décision de lancer une chasse aux sorcières, Sophie avait été la première à dénoncer. De tous les mortels de ce monde, c’est en Sophie que Sabrina avait le plus confiance. Quelle erreur ! Sophie n’avait pas hésité à la dénoncer aux autorités. Pire encore, elle les avait aidés à l’arrêter. Elle avait fait ce qu’il lui avait demandé pour bloquer les pouvoirs de la sorcière. Elle avait fait ce qu’il fallait pour la désarmer, pour l’empêcher de se protéger contre ces hommes qui étaient venus l’arrêter. Et elle, elle s’était contenté de rester là. Immobile, à observer ce qui se passait sous ses yeux.

Sabrina avait passé des semaines, des mois à endurer les pires souffrances. Des mois durant lesquels elle se faisait torturer sans presque aucun répit. Des mois durant lesquels elle avait eu le temps de penser à la trahison de celle qu’elle pensait être son amie. Elle avait d’abord été triste, perdu dans l’incompréhension la plus totale. Et au fil du temps, sa tristesse s’était transformée en haine. En une profonde haine.

Des mois s'étaient écoulés lorsque la sorcière avait réussi à quitter sa prison. Tous ses pouvoirs lui avaient été restitués, par la force. Et Satan savait à quel point ses pouvoirs allaient lui être utiles. Sophie et tous ces démons qui avaient osé lui faire du mal, à elle et à ses frères et sœurs sorcières, ils devaient le payer de leur vie. Ils devaient connaître la même souffrance, ils devaient connaître une mort atroce et lente.

Après avoir fait de la Terre un nouveau cercle infernal, après avoir pris le pouvoir sur cette maudite île, Sabrina n’avait plus qu’une idée en tête : retrouver les traîtres. Toute la population était mise à contribution, ceux qui lui rapportaient ceux qu’elle cherchait étaient gracieusement remerciés, ceux qui les protégeaient étaient méchamment punis, condamné à une éternité de souffrance.

Les ennuis causés par cette ville, Sophie ne les connaissait que trop bien. Généralement, elle se retrouvait dans une histoire complétement folle qui la dépassait complètement en compagnie d'une autre personne. Dans ce cas, il fallait alors se battre contre une créature, trouver la solution à une énigme, survivre à quelque chose, par exemple. A chaque fois, Sophie s'en sortait indemne - en dehors de quelques séquelles psychologiques, les événements marquant forcément durablement les habitants.

Naturellement, lorsqu'elle avait ouvert les yeux dans ce nouveau monde, Sophie s'était imaginée qu'il s'agissait d'une énième épreuve, comme d'habitude. Pourtant, cette fois-ci, elle était seule et l'endroit était terrifiant. Des ruines. Du feu. La déconstruction, partout. Elle était dans la même ville que celle où elle vivait depuis cinq ans, elle en était certaine, mais cette version-là était... l'Enfer sur terre. La mort, partout. La vie elle-même semblait inexistante. Enfin, presque...

Alors que Sophie déambulait dans ce qui avait été des jardins autrefois, au milieu de ruines et de statues étranges, elle avait aperçu une silhouette. Prudente, Sophie s'était approchée. Il pouvait s'agir d'un allié ou d'un ennemi... Le problème était que pour le découvrir, Sophie devait signaler sa présence. A une distance sûre, elle s'était stoppée. Non seulement pour garder ses distances au cas où cette personne s'attaquerait à elle, mais aussi parce que cette silhouette lui était étrangement familière. Elle se trompait peut-être, mais... Non, elle ne se trompait pas. Quelque chose, au fond d'elle, lui soufflait qu'elle ne se trompait pas. « Sabrina... » Souffla-t-elle en se dirigeant vers elle. Les deux femmes ne s'étaient ni revues ni parlées depuis que Sophie l'avait mise dehors, mais dans cette aventure, elles n'avaient d'autres choix que de s'allier et mettre leur rancoeur de côté, n'est-ce pas ? « Je suis heureuse que ce soit toi... » Continua-t-elle en réduisant la distance pour la rejoindre. Même si elles étaient en froid, Sophie savait qu'elle pouvait compter sur Sabrina - et ce, malgré tout ce qu'elles avaient pu se dire avant de se quitter.

De toutes les personnes qu’elle connaissait, jamais Sabrina n’aurait imaginé que ce serait Sophie qui allait la trahir. Elle croyait la connaître, elle pensait être son amie. À elle, elle se confiait, presque sans aucune retenue. À elle, elle avait tout raconté de son histoire. Avec elle, elle s’était amusée avec la magie. Pourtant, dès qu’elle en avait eu l’occasion, elle l’avait trahi, dénoncée. À cause d’elle, Sabrina avait vécu l’enfer, le véritable enfer. Elle avait été privée de ses pouvoirs - à cause de Sophie qui l’avait piégé avant même qu’elle ne soit capturée - et elle avait été torturé durant ce qui semblait être une éternité.

Maintenant, qu’elle était dehors, elle avait fait de la ville un nouveau cercle infernal, forçant chaque mortel à lui obéir. Détruisant tout ce qu’elle touchait, parce qu’elle devait la retrouver. Elle devait retrouver celle qui lui avait fait tout ce mal et elle devait lui rendre la monnaie de sa pièce. Sophie devait souffrir autant qu’elle. Plus qu’elle. Elle devait payer le prix de sa trahison au prix fort. Elle devait payer les semaines de souffrance de la sorcière au prix fort.

Sabrina avait remué chaque coin de cette ville, réellement, elle avait incendié des dizaines, des centaines de bâtiments, elle avait laissé les démons et les sorciers se déchaîner sur Terre, elle avait condamné des mortels, parce qu’ils refusaient de lui dire où était la traîtresse. En quelques semaines à peine, le chaos s’était répandu sur l’île. Tous les traîtres étaient sévèrement punis, ceux qui la servait était gentiment récompensé. Sabrina ne comptait pas s’arrêter avant de l’avoir devant elle. Mais jamais, elle n’aurait imaginé que cette stupide mortelle vienne seule, jusqu’à elle. « Heureuse que ce soit moi ? » Répéta-t-elle, avant d’ajouter un rire cynique. « De qui te moques-tu Sophie ? » Ajouta-t-elle en s’approchant de la rousse. Elle l’avait dénoncée, trahie, faite enfermée et maintenant, elle osait dire qu’elle était contente que ce soit elle. À quoi s’attendait-elle ? À une explosion de joie ? À un pardon ? Jamais. Jamais Sabrina n’allait lui pardonner ce qu’elle lui avait fait. « Tu as toujours été si naïve Sophie. Si stupide. Tu pensais vraiment que j’allais t’accueillir à bras ouverts après ce que tu m’as fait ? » La blonde se mit à rire de nouveau, réduisant la distance qui la séparait de Sophie. « Non… Tu vois, je ne suis pas aussi stupide que toi. Je ne le suis plus. » Dit-elle après s’être placée derrière Sophie. Elle avait attendu ce moment depuis si longtemps. Elle s’était imaginé sa vengeance depuis si longtemps. Et maintenant que le moment était venu, elle ne savait pas comment s’y prendre. Ce moment ne devait pas être gâché, ni regretté. Elle devait agir au mieux, penser à comment faire au mieux pour se venger au mieux.

Sophie était rassurée. Rassurée de voir un visage familier. Rassurée de voir un visage rassurant, malgré les problèmes qu'il y avait eu entre elles. Avec Sabrina, Sophie se sentait en sécurité. Avec Sabrina, Sophie pensait qu'elle était capable de se tirer de cette histoire sans trop de soucis et, surtout, entière.

Pourtant, il suffisait de se montrer attentif au comportement de Sabrina et d'observer les traits de son visage pour comprendre qu'il y avait un problème. Quelque chose n'allait pas. Elle se comportait étrangement. Elle était différente. Il y avait quelque chose de mauvais en elle. Sophie, en y regardant de plus près, pouvait le ressentir, le voir dans le fond de ses yeux. Sabrina n'était plus vraiment Sabrina.

Les mots de Sabrina avaient confirmé les craintes naissantes de Sophie. Il se passait quelque chose. Quelque chose qui ne pouvait pas seulement être lié à leur histoire commune, aux derniers événements qu'elles avaient eus à vivre, toutes les deux... Non, il y avait quelque chose de plus grave. Sophie frissonnait de peur face au rire et aux mots de celle qui avait été, autrefois, son amie. Elle avait peur d'elle parce qu'elle savait la puissante sorcière qu'elle pouvait être et elle avait peur parce qu'elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Rien n'était plus effrayant que lorsqu'on ne comprenait pas.

Les accusations fusaient, mais il n'y avait jamais aucune raison précise donnée à ce comportement. Elle se contentait de sous-entendre des menaces, de rester vague. Sabrina se rapprochait, rappelant la naïveté et la stupidité de Sophie au passage. Elle évoquait ce quelque chose qu'elle lui avait fait, sans que Sophie ne comprenne quoi, évidemment. Alors, Sophie se contentait d'observer, en silence.

Doucement, Sabrina avait réduit la distance qu'il y avait entre elles jusqu'à se positionner derrière Sophie. Elle ignorait comment réagir ou quoi dire. Sabrina semblait tellement en colère et Sophie craignait de faire pire que mieux. Pourtant, il n'y avait pas le choix. Elle devait faire quelque chose. Se défendre. Réagir. Rester immobile et silencieuse n'arrangerait rien à la situation, c'était évident. « Sabrina... Explique-moi, je ne comprends pas ce que tu dis. » Souffla-t-elle en se retournant vers son amie. A cet instant, elle aurait aimé s'éloigner, mais elle n'y arrivait pas, paralysée par la peur de ce que la sorcière était capable de faire avec ses pouvoirs et sa colère si Sophie donnait l'impression de prendre la fuite. « Qu'est-ce que je t'ai fait ? » Demanda-t-elle, sans faire de pause pour lui laisser le temps de répondre. « C'est parce que je t'ai demandé de partir ? » Elle ne pouvait pas lui en vouloir autant juste pour ça, si ? Puis ça n'expliquait pas ce qui était arrivé à la ville... Non, il y avait forcément autre chose.

Le moment était enfin venu. Sabrina avait dû attendre pendant si longtemps, mais elle était enfin là. Sophie était venue à elle, seule, de son plein gré. Quelle imbécile. Pensait-elle avoir le droit de venir la voir comme une fidèle amie ? Pensait-elle avoir le droit de lui dire qu’elle était heureuse que ce soit elle qui se trouvait face à elle ? Avait-elle cru que sa trahison allait être pardonnée aussi rapidement ? Jamais. Jamais elle n’allait être pardonnée. Elle allait devoir souffrir, payer pour tout le mal qu’elle lui avait fait.

Sabrina s’amusait un peu avec celle qui allait devenir sa victime. Elle faisait naître la peur en elle, parce que Sophie l’avait peut-être dénoncée, mais elle n’en restait pas moins un lâche, elle avait peur de la magie et elle allait avoir peur de Sabrina. Qu’est-ce qu’elle lui avait fait ? Elle ne comprenait pas ? Jouer les innocentes n’allait pas l’aider, bien au contraire. Sophie ne pouvait pas avoir oublié sa trahison et si elle l’avait fait, Sabrina allait l’aider à se souvenir. « Parce que tu m’as demandé de partir ? » Dit-elle en haussant la voix, une voix remplie de haine et de mépris. « Je n’avais pas l’impression d’avoir le choix. » Elle l’avait empoisonnée pour la priver de ses pouvoirs et l’avait vendu aux chasseurs de sorcières. Où était la demande dans tout cela ? « J’ai cru que tu étais mon amie, mais j’ai eu tort. Tu m’as trahi Sophie. Je peux au moins savoir ce que tu as gagné à faire ça ? Quelle a été ta récompense ? » Elle avait dû être généreusement récompensée pour avoir dénoncé une sorcière. Mais avait-elle eu une belle récompense ou s’était-elle contentée d’une bouchée de pain ? Avait-elle si peu d’importance à ses yeux ? Elle n’en avait aucune visiblement, sinon, elle ne l’aurait pas vendu, pas même contre une grosse fortune. « Que dirais-tu d’inverser un peu les rôles ? Toi la victime et moi celle qui t’offre en pâture ? J’ai des tas de démons impatients de te faire la peau. Mais si tu préfères, je peux aussi jouer le rôle du bourreau, c’est un rôle qui me convient parfaitement. Mais je préfère te prévenir, je serais moins douce que n’importe quelle créature démoniaque foulant cette maudite ville. » Voilà ce que la trahison et la souffrance avaient fait d’elle. Le mauvais côté de Sabrina avait ressurgi, prenant le pas sur tout le reste, sur tout ce qui faisait d’elle une bonne personne.

Sophie ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas le comportement de Sabrina et la colère qui se dégageait d'elle. D'accord, elles s'étaient disputées au point où Sophie lui avait demandé de partir, mais... Ça ne pouvait pas avoir créé une telle haine chez celle qui fut longtemps son amie, si ? Sabrina se moquait, appréciait le moment, mais ne répondait pas aux questions de la jeune femme. Elle lui parlait de choix et, en effet, Sophie ne lui avait pas laissé le choix de quitter sa maison, mais... Enfin, ce n'était tout de même pas une raison pour lui en vouloir à ce point. Sabrina avait joué avec sa mémoire et ses souvenirs, Sophie avait parfaitement le droit d'être en colère.

Avant que Sophie ne puisse répondre quoi que ce soit, Sabrina avait repris la parole. Elle disait avoir cru que Sophie était son amie, mais qu'elle s'était trompée, que Sophie l'avait trahie et elle s'interrogeait sur la récompense à tout ceci. Mais à quoi ? Sophie ne comprenait rien. Tout ça ne correspondait pas à ce qui s'était réellement passé entre elles. Il semblait y avoir plus. Beaucoup plus. Seulement, Sophie ne savait pas quoi. « Sabrina, je t'assure que je ne comprends rien. Je suis ton amie. Nous avons eu des différends, je le sais, mais je ne t'ai pas trahie. Tu as joué avec ma mémoire et j'étais en colère, mais j'ai souffert aussi de ton départ, ne crois pas que ça m'a fait plaisir. Il n'y avait rien à gagner, juste... Je n'avais pas le choix. » Il fallait que Sabrina comprenne, Sophie ne lui avait jamais voulu le moindre mal. Jamais. Bien au contraire, même.

Sabrina n'écoutait rien. Il y avait en elle un désir de vengeance incontrôlable. Quelque chose que Sophie n'arrivait pas à comprendre. Elle menaçait Sophie, elle la menaçait très sérieusement de laisser ses démons l'attaquer. Ses démons ? Comment ça, ses démons ? Ou elle proposait mieux encore, de devenir elle-même le bourreau, la menaçant d'être plus cruelle encore que ces démons qu'elle évoquait.

Sophie avait peur. Terriblement peur. Elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer et elle ne comprenait pas comment calmer son amie. Elle voulait à tout prix l'empêcher de lui faire du mal et de dépasser les limites pour lui éviter des regrets, plus tard. « Sabrina, je t'en prie, ne fais pas n'importe quoi. Ne fais rien que tu puisses regretter un jour à l'autre. J'ignore pourquoi tu es dans cet état, pourquoi tu es si en colère, mais tu n'es pas toi-même, tu n'es pas dans ton état normal. » Tenta-t-elle de la supplier.