The accounting of what's important and what isn't [Abigail]

The accounting of what's important and what isn't

feat. Abigail

S’il n’est plus question pour eux de se voir en catimini (inutile de se cacher d’Hannibal, qui dans tous les coups, avec son satané flair infaillible, sera tout à fait capable de déterminer qu’Abigail se sont vus ou non même s’il ne lui disait rien – et par la force des choses, se cacher de Garret Jacob Hobbs n’est plus à l’ordre du jour non plus), ce n’est pas pour autant que la fréquence de leurs rencontres a véritablement évolué, et pour cause, depuis l’épisode de la mort de son père, et celui, plus déconcertant encore, du dîner de Noël, il marche sur des œufs, partagé entre l’intention d’être disponible pour elle et de lui faire comprendre qu’elle peut se reposer sur lui en toute circonstance et le souhait, également, de lui laisser entendre qu’elle est libre de s’éloigner si elle le décide, qu’il ne lui impose pas le chemin qu’elle devra suivre à présent…

Même si, en affichant si ostensiblement sa volonté de la garder dans sa vie (et par conséquent dans la vie d’Hannibal), il influe nécessairement son choix… Cela fait deux mois, maintenant, à peu de choses près, que Will lui a remis cette boite emballé dans du papier brillant, lui suggérant de l’ouvrir quand bon lui semblerait, sans lui donner plus de détail. A l’intérieur de la boîte, une clé. Difficile de faire plus explicite. En l’absence de son père, Abigail est libre de vivre où elle veut… rester dans la demeure de son père, prendre son indépendance une bonne fois pour toutes… Après tout, elle est bien assez grande et autonome pour ne plus s’encombrer de figures parentales qui, qui plus est, lui ont toujours été oppressante.  Malgré tout, elle pourrait faire le choix de vivre sous leur toit. Et c’est bel et bien le souhait de Will. En confidence, il le lui avait déjà avoué, ce souhait presque impossible de reprendre où tout s’était brusquement arrêté, de vivre comme ils auraient pu le faire, tous les trois, s’il avait fait des choix différents à l’époque, des choix qui avaient eu un impact immédiat sur la vie d’Abigail.

Il le garde à l’esprit, anxieux d’une réponse qui n’arrive pas. Mais il sait qu’Abigail a besoin de temps, et que c’est même normal et naturel. Abigail doit faire le deuil de son père… L’assassiner de sang froid était une étape naturelle, nécessaire, c’est une opinion que Will partage bel et bien avec Hannibal. Il fallait cet acte fondateur pour libérer une bonne fois pour toutes la jeune femme de l’influence néfaste et sordide de son père. Mais avoir conscience de cela ne rend pas les choses beaucoup plus simple à intégrer pour commencer. Si Will voulait être à l’écoute de ses confidences, il ne voulait pas les forcer non plus. Comme sur un fil ténu, il restait dans l’attente d’une réponse, mais ne l’exigeait jamais, au cours d’aucune de leurs rencontres, comme durant celle-ci, où Will lui avait proposé de passer chez lui – en l’absence d’Hannibal, toujours : le prétexte était bien sûr de pouvoir parler de ce que bon leur semblerait, mais l’idée était aussi, nécessairement, d’intégrer pleinement la jeune femme à ce décor où il voulait qu’elle trouve sa place. Ponctuelle, elle sonne à la porte, et Will vient lui ouvrir aussitôt.

« Entre… Comment tu te sens ? »

« Comment tu te sens ? » plutôt que « Comment vas-tu ? ». La question lui semble davantage appropriée.

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Abigail & Will

Les dernières semaines n'avaient pas figuré parmi les plus joyeuses de son existence. Ce qui n'était pas peu dire, étant donné la morosité générale qui hantait ses vingtaines d'années. Mais en plus du deuil de son père, l'esprit d'Abigail avait été préoccupé par l'angoisse la plus humaine qu'elle puisse ressentir : celle de finir sa vie derrière les barreaux. Culpabilité, chagrin et soulagement se mélangeaient et formaient un tout qui la tourmentait chaque nuit, et même chaque fois qu'elle fermait les yeux. Elle revoyait les regards de son père, menaçants d'abord, puis horrifiées et enfin, éteints.

La tentation avait été forte de s'isoler, de profiter de cette tragédie pour rester enfermée chez elle - chez son père - et de se servir du prétexte qu'elle était en plein deuil pour refuser la compagnie de ses quelques amis ou de qui que ce soit d'autre, en vérité. Mais plus le temps passait, moins elle ne supportait de rester entre ces murs qu'elle n'avait pas habités longtemps, mais suffisamment pour qu'elle y sente la présence étouffante de son père même après la mort de ce dernier. Tout comme avant, elle suffoquait dès qu'elle se retrouvait trop longtemps entre ces murs.

Alors, en quête de changement et de liberté, Abigail avait suivi assidument ses cours, s'était refugiée dans les cafés et les bibliothèques pour travailler, se plongeant dans ses devoirs et examens pour mieux éviter de penser à cet acte qu'elle avait commis de sang-froid.

Et ça avait marché, pendant un temps. Jusqu'à... Jusqu'à ce soir de trop, où le moindre craquement du bois, le moindre souffle du vent sur les carreaux l'avait tenue éveillée, obsessionnellement aux aguets, soumise à une paranoïa alimentée par ses angoisses irrationnelles. Cette nuit-là, elle avait été hantée par les horreurs et le souvenir de son père au point qu'elle avait craint, irrationnellement craint qu'il soit de retour une fois de plus, revenu d'entre les morts pour mieux resserrer son emprise sur elle.

Et c'était cette nuit qui avait achevé de la convaincre de prendre une décision radicale. Ce jour-ci, elle devait retrouver Will. Elle ne se fit pas prier et, ponctuelle, sonna à la porte pour se faire accueillir presque aussitôt.

- J'ai du mal à dormir, répondit-elle avec sincérité. Mais ça va... Mieux qu'il y a quelques semaines.

Elle tenta un sourire, légèrement crispé, avant de s'avancer pour mieux le dévisager.

- Et toi, comment tu te sens ?

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Will n’est malheureusement pas surpris de la réponse d’Abigail. Les cauchemars ont hanté ses nuits depuis si longtemps, ce n’était pas la mort de son père qui allait les faire disparaître. Pas tout de suite en tout cas. Abigail va avoir besoin de temps pour se reconstruire, pour vivre sans se sentir poursuivie par l’ombre de son père… Encore que, pour cela, il serait sans doute préférable qu’elle ne se tourne pas vers des pères de substitution qui pourraient aggraver son mal au lieu de l’arranger véritablement. C’est ce qui s’était passé dans sa vie précédente, c’est ce qui menace de se reproduire à présent. Car Will a beau estimer que les choses ont changé, il a beau vouloir faire tout son possible pour aider Abigail et la soutenir, il ne saurait prétendre que lui offrir avec tant d’insistance de revenir dans son sillage – et donc dans celui d’Hannibal – ne lui sera pas fatal d’une manière ou d’une autre…

C’est probablement inévitable, au bout du compte. Oui, les nuits d’Abigail ne seront sans doute pas sereines avant bien longtemps, peut-être même qu’elles ne le seront jamais, cependant, Will apprécie tout de même d’entendre la jeune femme affirmer que les choses vont un peu mieux pour elle à présent, regrettant tout de même de n’avoir pas été aussi présent qu’il l’aurait voulu au moment où cela aurait peut-être été le plus nécessaire, mais il n’avait pas voulu s’imposer plus qu’il n'aurait été acceptable de le faire dans la vie d’Abigail.

Difficile de savoir ce qui lui aurait été plus profitable entre une distance présumément saine ou, bien au contraire, une présence éventuellement étouffante. Il voudrait lui dire qu’il est désolé, qu’il veut être capable de faire quelque chose pour apaiser ses cauchemars et les rendre plus supportables, mais rien ne lui vient. Rien qui ne semble complètement superflu, en réalité. Les choses qu’il pourrait lui dire, elle les sait déjà. Impossible pour elle de douter encore de la sincérité de ses intentions quand il ne cesse, souvent maladroitement, de chercher à la protéger.

« Je vais bien... », répond-il simplement sans beaucoup plus d’explications quand Abigail lui retourne sa question. Il n’est pas vraiment concerné par tout ceci. Ou du moins oui, il l’est, mais il ne veut pas être au cœur de la discussion. C’est une place qu’Abigail doit tenir et non lui… « Je te sers quelque chose à boire ? »

Il attend sa réponse et s’affaire en conséquence selon cette dernière. Il hésite. Il pourrait décider de s’aventurer sur un sujet qui n’aurait pas le moindre rapport. Ou bien il pourrait lui poser la question plus frontalement. Il attend une réponse depuis plusieurs semaines et, pour ne pas la brusquer, il n’a pas remis le sujet sur le tapis… Seulement, cette situation le travaille, et il suppose qu’elle la travaille aussi.

« Est-ce que tu as réfléchi… à ce que je t’ai proposé ? »

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La distance de Will avait, paradoxalement, fait beaucoup de bien à Abigail. Cette dernière avait eu l'occasion de se retrouver seule avec ses pensées, avec ses désirs, avec toutes les possibilités qui s'offraient à elle à présent qu'elle était délivrée de la présence étouffante de son père. Il lui fallait choisir entre plusieurs ébauches d'avenir. Un avenir où elle serait potentiellement délivrée de toute présence de son passé - mais même après la mort de son père, elle ne croyait que moyennement à cette possibilité. Un passé où elle acceptait la présence de Will et Hannibal, sans pour autant s'impliquer dans leur relation pourtant essentielle à son histoire. C'était en partie grâce à eux qu'elle avait su évoluer et devenir la jeune femme qu'elle était à présent. Et, enfin, un avenir où elle acceptait la proposition de Will, et où elle se plaçait volontairement sous leur influence autant que sous leur protection. De manière bien plus concrète que ce ne l'était déjà. Mais, cette fois, il n'était plus question de secrets, plus question de cacher son existence à Will et de le voir souffrir. Plus non plus question de rester seule en présence d'Hannibal et de ses paroles hypnotisantes.

La réponse de Will était évasive. Elle comprit, instinctivement, cette réaction. Il ne souhaitait pas que la conversation tourne autour de lui. Elle savait ce qu'il attendait, mais lui fut néanmoins reconnaissante de ne pas attaquer d'emblée avec ce qu'il souhaitait savoir.

- Je ne suis pas contre quelque chose de frais, répondit-elle lorsqu'il lui proposa quelque chose à boire.

Elle en était la première surprise, mais Abigail se rendit compte qu'elle était nerveuse. Nerveuse, car elle savait sur quel sujet la conversation allait inévitablement dévier. Et nerveuse, car elle connaissait déjà la réponse à cette question qui ne tarderait pas à être posée. Et que cette réponse changerait radicalement le cours des choses.

De ses grands yeux, elle observa le visage de Will, aperçut des signes de nervosité, ou peut-être d'impatience, chez lui aussi. Cela la fit brièvement sourire.

- J'ai réfléchi... Et j'accepte.

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Will fait mine de ne pas constater la légère nervosité d’Abigail tandis qu’il ouvre le frigo à la recherche d’une boisson fraîche à leur servir, ses doigts se referment sur un bouteille de jus de fruits fraîchement pressés tandis qu’elle reprend la parole. Il pense deviner ce qui peut être à l’origine d’une telle nervosité. Il devine qu’il aura une réponse aujourd’hui. Positive ou négative, va savoir, mais il aurait une réponse, en effet, et cette perspective le rendrait presque lui-même nerveux, car si Abigail devait définitivement décider de ne pas vivre sous leur toit, il ne sait pas exactement quelle serait sa réaction. La déception serait évidente. La jeune femme doit être libre de faire ses choix, et lui se doit de l’accepter, mais il ne pourrait sans doute pas nier qu’il lui en voudrait sans doute, de façon tout à fait injuste, de refuser ce qui pourtant est certainement une solution bien trop dangereuse pour qu’il l’encourage à la poursuivre.

Alors finalement, alors que Will tend son verre en direction de la jeune femme, cette dernière lui apporte enfin la réponse qu’il attendait. Son sourire avait rarement été si large et surtout si sincère. Il était toujours difficile de lui décocher plus que de simples risettes, de fines esquisses de sourire, mais en cet instant, il est véritablement radieux, parce que sincèrement heureux de sa réponse. Ce n’est pas seulement le fait qu’elle accepte de vivre avec eux, c’est tout ce que cette réponse induit, symboliquement, une symbolique dont ils ont tous conscience, quand bien même ils ne le montrent pas forcément.

En acceptant sa proposition, elle accepte également de tenir pour lui ce rôle auquel il ne s’était toujours senti que partiellement légitime, quand bien même il ne savait être autre chose ni faire autrement. Abigail ne se contente pas d’accepter de vivre sous son toit, elle accepte d’être définitivement pour lui cette fille qu’il a toujours perçu comme tel. La pudeur défend Will de prendre Abigail dans ses bras, mais une fois encore, son expression radieuse en dit long.

« J’espérais vraiment que tu acceptes. Enfin… tu le sais déjà. » Il l’avait très mal dissimulé, notamment du fait de quelques appels du pied qui n’avaient franchement rien eu de subtils, lui-même pouvait le reconnaître. « Je pense qu’on peut réaménager l’étage pour que tu aies un espace fonctionnel rien que pour toi », reprend-il en admettant en ces quelques mots à quel point il a déjà réfléchi à la question. Et sur ce point, s’il en a discuté avec Hannibal, ce dernier n’a eu que peu voix au chapitre mais semble s’être fait une raison. Pour tout ce qui concerne Abigail, il n’a pas son mot à dire, tout simplement. « Quand penses-tu emménager ? »

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Le sourire, radieux, de Will était contagieux. Abigail lui rendit son sourire, quoiqu'avec plus de timidité. Car elle n'était pas habituée, tout simplement. Mais elle était émerveillée, d'une certaine manière, de constater à quel point Will était sincèrement heureux de sa réponse.

- Oui, je le sais, confirma-t-elle avec douceur tout en le fixant avec bienveillance.

Elle semblait plus en paix avec elle-même et avec ses décisions depuis qu'elle s'était affranchie très littéralement de son père génétique. Elle craignait moins de démontrer toute l'affection qu'elle portait à Will, toute la reconnaissance, aussi. Il avait prouvé, à plusieurs reprises depuis qu'ils s'étaient retrouvés dans cette ville, à quel point il souhaitait la protéger et veiller sur elle mieux que son père ne l'avait fait. Et elle le croyait enfin sans laisser sa méfiance naturelle se dresser entre eux. Entre ce qui n'était finalement qu'une évidence.

- Ce serait super. Mais tu n'as pas à t'embêter pour ça, Will. Si c'est trop compliqué, je comprendrai.

Les implications qui se glissaient sous cette suggestion, en vérité, lui plaisaient. Cela ne faisait que la convaincre davantage qu'elle prenait la bonne décision. Will était sincère dans sa démarche, sincère dans ses intentions. Et c'était réconfortant, de se savoir appréciée au point qu'il accepte de bousculer ses habitudes et de s'engager aussi concrètement dans leur relation de père et fille d'adoption.

A sa dernière question, elle haussa les épaules.

- La maison de mon père a été vidée, alors... Je n'ai plus qu'à la vendre, je crois. Je peux emménager dès que... Dès que ça vous arrange, en fait. Mes affaires sont prêtes.

Car pour une telle décision, il avait fallu réfléchir à toutes les conséquences, et c'était par le concret qu'Abigail s'était décidée. En se préparant, physiquement, à quitter la maison de son père, elle avait également permis à sa conscience d'accepter ouvertement l'idée de vivre sous le même toit que Will et Hannibal, et de remplir le rôle de fille adoptive qu'elle avait toujours joué sans oser l'affirmer, au moins pour Will.

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Will pourrait difficilement cacher à Abigail à quel point il avait espéré une réponse positive de sa part, mais il ne cherche pas à lui dissimuler quoi que ce soit. Will montre toujours très peu ses émotions. Tout sauf expressif, il bâtit des murs entre lui et les autres. Hannibal avait été le premier à être parvenu à les franchir pour voir au-delà, mais en ce qui le concernait, il n’avait guère besoin d’abaisser la moindre barrière pour autant. Hannibal dépasse ces obstacles avec aisance, sans exiger de Will qu’il n’abatte aucun d’entre eux. Avec Abigail, ces résistances semblent céder d’elles-mêmes, révélant de lui une facette plus avenante… ce que cette sorte d’instinct paternel qu’elle lui inspire lui incite tout naturellement à témoigner sans qu’il soit véritablement en mesure de l’expliquer tout à fait… C’est le cas, c’est tout, et cela, d’une certaine manière, rend cette conversation plus simple.

« Ce n’est pas trop compliqué », répond simplement Will quand Abigail affiche naturellement des réserves quant à ses propositions.

Savoir qu’elle accepte de vivre sous leur toit sans la moindre condition spécifique le rassure, mais il ne souhaite pas abuser de la confiance qu’il a reconquise ou peut-être même conquise, de même qu’il ne veut pas considérer Abigail comme un accessoire à la vie qu’il a toujours idéalisée. Il sait qu’il doit se garder à tout prix d’oublier de la considérer comme un individu à part entière, au-delà de tout ce qu’il a pu projeter sur elle par le passé, quand elle n’était plus de ce monde, ou plutôt, quand elle n'était plus de l’autre monde. Alors même si, d’un point de vue logistique, adapter les lieux à la présence d’Abigail demandera un certain nombre d’efforts, ce n’est là aucun effort que Will ne se sente incapable de fournir – il y en a bien eu des équivalents pour aménager le sous-sol de leur demeure… où il est préférable qu’aucun représentant de l’ordre ne tombe jamais.

« Je peux t’aider, pour la vente de la maison », fait-il, bien conscient que devoir gérer ce genre de choses, du haut de son jeune âge et dans de telles circonstances, ne doit rien avoir de simple. « Tu es la bienvenue dès l’instant où tu l’as décidé. »

Il n’y a pas de moment plus arrangeant qu’un autre, Will, dans tous les cas, se sentira d’office plus rassuré en sachant Abigail sous son toit, c’est ainsi. Même si c’est l’accepter dans l’antre même de la bête, et là encore, ses décisions sont prises sans s’embarrasser de l’aval d’Hannibal. Certes, ce dernier est tout à fait d’avis de la faire venir ici, ça a sans doute été son intention dès le départ, d’ailleurs (ce qui n’est pas particulièrement rassurant), mais le reste se fera selon les termes à eux.

« Et bien sûr, si tu dois un jour changer d’avis… je ne t’en voudrais pas pour ça. »

Il s’y efforcera, en tout cas.

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Will semblait véritablement avoir réfléchi à la question. Et ça fit du bien à Abigail, sans que celle-ci ne parvienne immédiatement à identifier la cause du soulagement certain qu'elle se mit à éprouver.

- Dans ce cas, pourquoi pas oui, accepta-t-elle donc avec un mince sourire.

Elle savourait le fait d'avoir enfin exprimé sa décision. Il restait encore des zones d'ombres, des contrariétés principalement administratives, mais le plus dur était fait. Elle avait accepté, en toute conscience, de replonger dans son passé, tout en acceptant l'idée que cette fois-ci, les événements devraient se dérouler différemment. Elle avait enfin accès à ce qui lui avait été promis plusieurs années plus tôt, et les quelques inquiétudes qu'il était nécessaire d'avoir n'étaient rien en comparaison du profond soulagement de pouvoir enfin se révéler telle qu'elle était réellement. Entre elle, Will et Hannibal, il n'était plus question de secrets, à présent. Ils étaient tous bien conscients de la véritable nature des autres, ce qui pour Abigail, se rapprochait véritablement de sa définition de la famille.

La jeune femme soupira avec soulagement suite à la proposition de Will de l'aider pour la vente de sa maison.

- Honnêtement, c'est pas de refus. Je suis même pas sûre d'avoir tous les papiers qu'il faut...

Elle parut consternée durant un instant, avant qu'elle ne s'attarde de nouveau à son observation des lieux, puis de Will lorsque celui-ci reprit la parole.

- Pourquoi je changerais d'avis ? l'interrogea-t-elle avec un fin sourire.

Ce n'était peut-être pas très délicat de sa part, mais le simple fait que Will ait songé à cette éventualité l'amusait. Et cela l'amusait, parce qu'elle n'était pas surprise. Il avait toujours eu un mélange fascinant d'initiatives et de doutes lorsqu'il s'adressait à elle.

- J'aimerais bien venir le plus vite possible, mais avant ça je crois que... Enfin...

Elle prit une inspiration et tourna vers lui son regard attentif, avant de souffler :

- Tu as réussi à obtenir des infos sur... Mon père ?

En d'autres termes, savait-il si elle était directement soupçonnée par les autorités locales ?

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S’il est naturel pour Will de vouloir aider et protéger Abigail, et de vouloir la garder à ses côtés (ce qui n’est pas nécessairement sain compte tenu du fait qu’elle a totalement l’âge de voler de ses propres ailes), pour le reste, il a tendance à être dans une certaine forme de contrôle, pas tant par volonté de tout ingérer dans la vie de sa fille de cœur que parce qu’il redoute à tout instant que cette dernière se ravise, décide finalement que cette vie ne lui convient pas, ou bien qu’elle a fait le mauvais choix en les laissant, lui et Hannibal, revenir dans sa vie. Alors peut-être qu’il en fait trop, mais il le fait de bon cœur. Et par ailleurs, c’est une situation qui a pour vocation de leur faciliter la vie à tous. C’est une chose qu’ils ont tous souhaitée, au fond, même si Will, pour sa part, l’a souhaité à rebours, quand il était déjà trop tard. Il ne veut pas que le réel se transpose à son imaginaire.

« On regardera ça ensemble », la rassure Will avec un fin sourire.

C’est une maigre satisfaction, mais il apprécie de pouvoir tenir ce rôle-là, celui que tous les pères tiennent auprès de leurs enfants, leur apportant leur soutien dans des moments où ils se sentent particulièrement déplacés.

Pourquoi changerait-elle d’avis ? Elle aurait sans doute des dizaines de raisons de changer d’avis, et Abigail le sait nécessairement. A cette question, il ne répond pas. Ce n’est pas nécessaire. S’efforcer de faire en sorte de ne pas lui faire regretter de faire ce pas vers lui, vers eux, c’est une initiative qui accapare tout son temps. Il se rassure en l’entendant lui affirmer qu’elle aimerait bien venir le plus vite possible. Elle a tout de même une réserve, et avant même que celle-ci ne soit formulée, il en devine la nature.

« L’affaire a été classée, tu n’as rien à craindre », lui assure-t-il, qui est bien décidé dans tous les cas à faire tout le nécessaire afin que la culpabilité ne lui incombe jamais, quitte à l’endosser lui-même. Seulement, s’il veut être tout à fait honnête, il est tout de même quelques éléments qui pourraient être un tant soit peu contrariant. « En revanche… » Il n’est pas ravi de devoir l’apprendre ainsi à Abigail mais il est préférable qu’elle le sache. « … Freddie Lounds est ici, et elle est venu me poser des questions au sujet de ton père. »

Will veut croire que le cas de Freddie est gérable… mais il pourrait ne plus l’être très longtemps. Et l’idée qu’elle pusse rôder autour d’Abigail comme elle l’avait fait autrement le dérange terriblement.

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D'abord rassurée en apprenant que l'affaire de son père avait été classée, son soulagement fut cependant de courte durée. L'évocation de Freddie Lounds la fit se figer dans ses mouvements, et elle dut se souvenir d'expirer le souffle qu'elle retenait inconsciemment.

- Oh.

Hélas, elle n'était pas surprise. La visite de Freddie au domicile de son père l'avait privée de la possibilité d'être surprise quant à la présence de la journaliste en ville. Et, bien sûr, Freddie choisissait le moment où son père mourait pour refaire son apparition.

Gênée, angoissée, elle se passa une main sur le visage avant de lui confier à voix basse :

- Elle est venue me voir aussi, il y a quelques jours. En prétendant vouloir m'aider.

Seulement, Abigail était avertie désormais, et elle ne tenait pas à ce que son visage se retrouve de nouveau propulsé en première page des journaux. Freddie possédait bien trop de connaissances sur son passé pour que sa présence soit rassurante. Sa curiosité et sa ténacité étaient légendaires. Abigail redoutait un acharnement qui ne serait pas surprenant de la part de la journaliste, mais qui pourrait causer de nombreux dommages pour sa sérénité ainsi que pour celle de Will et d'Hannibal.

Consciente que Will avait le temps d'établir une dizaine de théories quant à la manière dont s'étaient déroulées ces retrouvailles, elle s'empressa d'éclaircir la situation :

- Je n'ai pas dit la vérité et j'ai écourté au mieux la visite, mais... Si elle est venue te voir pour t'interroger, on peut être sûrs qu'elle va s'entêter.

Son front se plissait d'inquiétude. A mesure qu'elle s'exprimait, elle réfléchissait à la situation, et les conclusions qui s'imposaient de lui plaisaient pas.

- Si elle apprend que j'emménage chez vous... Ce sera pire. Pour vous et pour moi. Elle sait tout de nous, comment peut-on l'empêcher de tout révéler ? Ce serait le scoop du siècle pour elle.

Trois cannibales sous le même toit. Freddie n'avait qu'à évoquer cette histoire à la police pour que l'on vienne les interroger et fouiner dans leurs affaires.

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Will se tend légèrement au moment de découvrir la réaction d’Abigail. Il aurait voulu éviter d’aborder le sujet Freddie Lounds avec elle, convaincu que cela reviendrait à l’inquiéter plus que nécessaire, mais c’était un sujet trop délicat pour être gardé sous silence, et en fin de compte, il devait à présent réaliser que la journaliste était déjà venu la trouver… Il aurait dû sans douter. Elle était venu les voir, lui et Hannibal, dans la même journée. Sans surprise, elle avait dû rendre la même sorte de visite à Abigail peu de temps avant ou peu de temps plus tard. Qui sait, elle avait peut-être cherché à comparer leur version des faits, ou avait simplement essayé de les intimider, si suicidaire cette entreprise soit-elle de la part de l’encoure trop vivante Freddie. Il n’aime pas savoir que la journaliste s’est ainsi permise de roder dans le sillage de sa fille de cœur. Si ce n’est pas une surprise en soi, ce n’est clairement pas pour autant qu’il le prend autrement que gravement.

Un sourire cynique étire légèrement ses lèvres quand Abigail lui apprend que Freddie avait prétendu vouloir l’aider. Bien sûr que c’est ce qu’elle avait prétendu… Mais Abigail ne s’était pas laissé prendre à son jeu, et ça, c’est chose rassurante. Même si découvrir sa présence ici, bien plus que celle d’autres acteurs de leur passé à l’instar d’Alana ou de Mason Verger, est naturellement chose alarmante, ils feront front contre ses entreprises, quelles qu’elles puissent être, et cette fois, elle ne s’en sortira pas à si bon compte. Will n’a guère le temps de poser la moindre question qu’Abigail y répond déjà, sans doute conscient de toutes les interrogations que suscite en lui la possibilité d’une rencontre entre Freddie et Abigail. Elle a menti, elle a écourté la visite. Au fond, il n’en attendait pas moins de sa part.

« Nous n’avons sans doute pas besoin de grand-chose pour lui donner du grain à moudre. J’ai cru qu’elle allait sauter de joie en découvrant qu’Hannibal et moi vivions ensemble », remarque Will sans dissimuler l’agacement que lui inspire Freddie quand Abigail fait remarquer que son emménagement ici sera du pain bénit pour elle. Sans doute que oui, mais ce n’est pas pour autant qu’il leur faudra revenir sur leur décision. Quoi qu’ils fassent ou disent à présent, Freddie Lounds en sait de toute façon trop. Et Freddie Lounds a définitivement vécu beaucoup trop longtemps. « Je surveille son blog, pour le moment, pas un mot à notre sujet, ce qui n’est pas forcément bon signe, à vrai dire, mais qui signifie qu’elle cherche encore à étoffer son article pour le rendre plus… » Il grimace légèrement. « … percutant. » Ce serait logique. Elle n’a guère besoin de se précipiter alors qu’elle se sait détentrice d’une vérité qu’aucun journaliste concurrent ne possède, lui laissant un chemin pavé d’or. Qui sait si elle ne cherche pas – miracle – à sourcer son travail afin de lui donner plus de poids. « Ce qui nous laisse un peu de temps. »

Il ne précise pas pourquoi, mais Abigail le déduira aisément d’elle-même. Freddie Lounds représente une menace pour eux tous. Et les menaces doivent être éliminées.

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Abigail ne fut pas surprise d'apprendre que Freddie s'était réjouie d'apprendre que Will et Hannibal vivaient ensemble. Pour une femme qui savait établir des théories farfelues et croustillantes à partir de rien, cette information devait être une véritable mine d'or pour elle.

- Oui... Je suppose que ça ne fait que confirmer ses théories. Elle a vraiment... Une très mauvaise opinion de vous.

Bien sûr, Will comme Hannibal le savaient déjà. Freddie n'avait jamais cherché à dissimuler sa méfiance à l'encontre de Will. Abigail devait lui reconnaître que la journaliste n'avait pas froid aux yeux.

- Elle joue avec vous. Avec nous.

C'était une certitude pour Abigail, qui n'avait plus la naïveté de penser que l'intérêt de Freddie à son égard était motivé par une réelle volonté de la protéger. La journaliste s'en persuadait peut-être. Mais ils savaient tous que c'était par goût du scandale que Freddie tenait tant à connaître son histoire et à fouiner. Car si elle tenait réellement au bien-être d'Abigail, elle ne chercherait pas à la faire parler ou à faire remonter cette affaire classée.

La suggestion de Will lui fit incliner la tête, très légèrement. Une femme aussi présomptueuse et acharnée que l'était Freddie Lounds ne pouvait pas survivre, pas s'ils tenaient tous les trois à conserver leur sérénité et l'équilibre qui commençait à s'installer entre eux, en tant que famille recomposée.

La journaliste était bel et bien une menace pour eux. Abigail le savait, et pour cette raison, elle ne tenta pas de dissuader Will. Elle se doutait, par ailleurs, que la volonté de son père adoptif n'était pas des plus simples à ébranler. L'assurance de Will, dans cette vie, n'avait rien à voir avec celle qu'elle lui avait connu par le passé. Il ne faisait donc aucun doute, pour elle, qu'il comptait mettre sa menace à exécution et, quelque part, elle en éprouva une forme de pitié pour Freddie. Car même si cette dernière avait des intentions bien trop ambiguës à son égard, Abigail savait que Freddie avait tout de même été plus douce avec elle qu'elle ne l'avait été envers ses autres proies.

Mais ce n'étaient pas sur de tels sentiments que la jeune femme pouvait se permettre de bâtir son avenir. Elle releva donc ses yeux vers Will et l'interrogea calmement :

- Qu'en pense Hannibal ?

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Le sourire de Will, empreint d’un évident cynisme, en dit long sur le fond de sa pensée quand son Abigail observe que Freddie a une mauvaise opinion de lui et d’Hannibal. Ça ne date pas d’hier, et il n’aura pas fallu que toutes ses théories se voient confirmées pour que ce soit le cas quoi qu’il en soit. Quand Will songe à Freddie Lounds et à cette période de flottement au cours de laquelle Hannibal avait cru qu’il avait bel et bien assassiné l’impétueuse journaliste, il ne peut qu’éprouver de sérieux regrets.

S’il l’avait vraiment tuée, il s’épargnerait l’embarras d’avoir à la supporter à présent (encore qu’elle aurait certainement pris un malin plaisir à revenir d’entre les morts, comme eux tous), il aurait cédé plus rapidement à ce qui deviendrait dans tous les cas son devenir, il se serait débarrassé d’elle, aurait rejoint Hannibal, aurait retrouvé une Abigail encore vivante et prête à les suivre… Ici, tout peut revenir dans cet ordre, ça commence déjà à être le cas, tout bien considéré. Mais ces occasion manquées, trop nombreuses, ne manquent pas de jeter un voile déplaisant sur une situation qui aurait pu être idéale. Et c’est encore sans compter les révélations qu’elle lui avait faites au moment de leurs retrouvailles… s’il fallait vraiment les considérer comme telles.

Abigail le résume en définitive très bien. Elle joue avec eux tous, avec Abigail compris, et il est difficile de comprendre la nature précise de ce jeu et la totalité de ce qu’il peut impliquer. Il est seulement indispensable de savoir considérer ce jeu comme dangereux. Peu importe ce que le retour de Freddie dans leur vie peut bien augurer, ce ne sera forcément rien de bon, et ce n’est pas une chose qu’ils peuvent nier ou ignorer. Chaque instant passé à la laisser fouiner comme bon lui semble et déterrer des affaires qui ne devraient pas la concerner sont des instants dangereux pour eux, et qui pourraient compromettre le fragile équilibre qu’ils sont parvenus à instaurer, non sans peine et non sans efforts.

Will a affirmé la chose frontalement, mais il ne pouvait en faire un secret, encore moins en présence d’Abigail, à qui quoi qu’il en soit il ne saurait ni ne voudrait cacher la nature qu’il a progressivement apprivoisée et dont elle doit avoir pleinement conscience si elle veut prétendre à vivre sereinement sous leur toit.

« Il pense que nous en savons encore trop peu, ce qui est vrai », répond Will quand Abigail s’interroge quant à l’opinion d’Hannibal sur la question. « Et qu’elle en sait définitivement trop, ce qui est une certitude. » En somme, il faudra bel et bien décider de son sort, le moment venu, mais ils doivent s’assurer préalablement qu’elle n’aura pas répandu suffisamment d’indices derrière elle pour les mettre en difficulté. Freddie est agaçante certes, mais elle est aussi brillante. En sachant pertinemment à qui elle s’attaquait, elle a certainement protégé ses arrières. « Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? »

Car après tout, elle est tout aussi concernée qu’eux par ce qui se trame à présent.

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Abigail & Will

Abigail hocha la tête, s'étant doutée de ce que penserait Hannibal de la situation. Oui, ils en savaient trop peu, et Freddie en savait définitivement trop. Sa simple présence la rendait dangereuse. Abigail savait qu'une partie de l'histoire lui échappait, n'ayant pas été présente pour y assister. Mais le peu qu'elle savait suffisait à la convaincre que Freddie était une menace pour leur équilibre et leur survie. La journaliste était douée pour les scandales, et si elle n'avait peut-être pas la renommée qu'elle avait autrefois en cette ville, Abigail était certaine que ce n'était qu'une question de temps. Qui ne dévorerait pas l'histoire de trois cannibales vivant sous le même toit, s'il leur en était donné l'occasion ? Aucun lecteur ne favoriserait la présomption d'innocence, dans leur cas. Si Freddie exposait leurs noms et ne serait-ce qu'un fragment de leur histoire respective... Ils pouvaient dire adieu à cette forme d'anonymat confortable dont ils bénéficiaient dans cette nouvelle vie.

Mais pour l'heure, Freddie Lounds devait rester en vie, car ils en savaient trop peu. Abigail le comprenait, bien que cela l'agaçât. Au moment où Will l'interrogea, elle fronçait les sourcils, tentant déjà de trouver comment participer à éliminer cette menace de leur vie.

- Elle s'est présentée comme une alliée. Mais je sais que... Ses intentions ne sont pas altruistes. Je ne suis sûrement qu'une bonne histoire à raconter, pour elle.

Ce qui était fort dommage. Une présence féminine telle que celle de Freddie n'était pas désagréable pour Abigail, qui manquait cruellement de cette douceur et de cette compassion feintes que la journaliste affichait en sa présence.

La jeune femme releva les yeux vers Will, paraissant songeuse.

- J'aimerais ton avis. Je ne lui fais pas confiance et je ne veux pas que mon nom se retrouve dans ses articles mais... Il vaudrait peut-être mieux, pour nous trois, que je prétende me résigner. Que je fasse mine de lui apporter mon aide pour... Pour mieux savoir ce qu'elle sait précisément.

En somme, devenir un autre type d'appât pour mieux mener Freddie dans l'antre des monstres.

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feat. Abigail

Will sait, à ce stade, qu’Abigail ne saurait plus être dupes des manipulations de Freddie Lounds à son égard, et c’est un véritable soulagement. Déjà qu’elle représente pour eux une menace des plus encombrantes, il est plaisant de constater que si elle cherchera, d’une manière ou d’une autre, à les confondre tous d’une manière imparable, elle ne saurait en revanche menacer l’équilibre encore fragile mais obtenu de haute lutte qu’ils sont parvenus à obtenir non sans sacrifices. Non, en effet, les intentions de Freddie ne sont pas altruistes, elles ne l’ont jamais été.

Au mieux peut-on admettre qu’elles sont un rien suicidaires, car elle y aurait évidemment gagné à ne surtout pas se montrer et à demeurer terrée où elle l’avait été jusqu’ici… Elle risque à présent sa vie et sa sécurité par seul goût du scandale, et ce seul constat à son sujet ne peut que vous en dire long déjà sur le genre de femme qu’elle est. Freddie Lounds n’est l’alliée de personne et encore moins celle d’Abigail. Mais eux le sont, et ils l’empêcheront de se servir de toute cette situation pour s’en prendre à elle.

Quand Abigail reprend la parole, Will se tend légèrement. Ce qu’elle annonce n’a, il faut le dire, rien pour le rassurer. Elle cherche à l’évidence à le rassurer quand elle précise bien qu’elle ne lui fait pas confiance et ne veut pas faire l’objet d’un de ses articles, et il est totalement convaincu qu’elle est sincère sur ce point, mais… Il y a un mais, et c’est bien ça qui l’inquiète et le laisse tout naturellement sur ses gardes. Il comprend très rapidement où elle veut en venir. Il l’avait, à vrai dire, deviné assez rapidement. Elle parle de l’approcher, elle parle de prétendre… Et malheureusement, il doit admettre que c’est une bonne idée… Seulement, il n’arrive pas à s’y résigner.

« Elle ne se laissera pas duper », prétend-il alors que, en réalité, il est convaincu qu’elle serait totalement convaincue qu’elle ferait illusion.

C’est autre chose qui le dérange. Will s’est tant efforcé de se distancier de Garret Jacob Hobbs après s’être appropriée ses pensées au point de redouter ne plus savoir s’en dissocier, et voilà qu’il agirait comme lui-même l’avait fait avec sa fille de son vivant. Faire d’elle une sorte d’appât… la démarche est maline, intelligente, même, et elle est bien la seule à pouvoir tenir ce rôle. Seulement… pour quelles conséquences.

« Je n’ai aucune envie de t’imposer ça », reprend-il comme pour s’en justifier car, en réalité, c’est peut-être la meilleure option dont ils disposent, et Will devine qu’Hannibal abondera dans ce sens dès lors qu’il aura pris la mesure de cette option qu’ils n’ont même pas à lui imposer pour qu’elle se porte volontaire. « Tu es sûre que tu te sentirais prête à faire ça ? »

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Abigail & Will

La jeune femme adressa à son père de substitution un regard profondément dubitatif lorsqu'il affirma que Freddie ne se laisserait pas duper. Elle savait qu'il n'y croyait pas, mais le prétendait seulement dans le but de la protéger. De lui offrir une possibilité de renoncer à une idée qui, indéniablement, la mettrait dans une position délicate. Freddie Lounds était avide de scandale, et tant qu'elle y trouvait son compte, la journaliste était prête à s'engager dans des situations déraisonnables. Le témoignage d'Abigail, qu'elle avait tant insisté pour obtenir dans leur ancienne vie, et qui lui rapporterait tout autant d'argent si ce n'est plus dans cette ville, était une opportunité tellement attendue par Freddie que celle-ci serait bien capable de passer outre sa méfiance et ses réticences pour profiter allègrement de cette décision. Et c'était précisément ce sur quoi comptait Abigail pour faire mine de se rapprocher d'elle, de se fier à elle et de grossir le trait de la fragile jeune femme manipulée par deux forces de la nature.

Abigail devinait d'où venaient les réticences de Will. Nécessairement, cette situation le faisait penser à son père et à la manière dont elle avait joué les leurres pour lui. Elle comprenait, pour y avoir songé dès l'instant où elle avait suggéré cette solution. Mais Will n'était pas comme son père. Ou du moins, il n'avait de ressemblance avec lui que les bons côtés. La tendresse, principalement.

Elle attendit silencieusement qu'il revienne de lui-même sur ses propres affirmations, et se permit un sourire victorieux lorsque, finalement, il l'interrogea pour être certain de sa volonté de s'engager à pareille supercherie.

- Je suis prête et je n'en serais pas à mon premier secret, tu le sais bien.

Il était même le mieux placé, à l'exception d'Hannibal, pour le savoir.

Elle continua de songer aux efforts de vulnérabilité, factice ou non, qu'il lui faudrait déployer pour berner Freddie.

- Mais je n'obtiendrai rien d'elle si je ne lui donne pas de quoi vous évoquer dans l'un de ses articles. C'est ce qu'elle voulait quand elle est venue me voir. Que je témoigne contre vous. Sans aller jusque-là... Je pense qu'il va falloir que je lui fasse penser que votre emprise sur moi est trop lourde à accepter.

Elle marqua une pause et prit une longue inspiration avant de reprendre :

- Mais je ne veux pas que ça te blesse.

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feat. Abigail

Will le sait, bien sûr, qu’ajouter ce secret-ci à tout les précédents ne reviendra jamais qu’à agrandir une liste déjà très longue, et qui ne risque pas particulièrement de diminuer à l’heure où elle s’apprête à vivre sous leur toit. Il est tout bonnement impossible que la jeune femme s’extirpe de ce cercle vicieux. Les secrets seront son lot quotidiens car ils sont, en vérité, essentiels à cet esprit de préservation si prononcé chez elle. Elle n’a guère moyen d’y échapper : c’est ni plus ni moins qu’une nécessité. Ce n’est pas pour autant qu’il veut ajouter plus de poids que nécessaire sur les épaules d’Abigail alors que cette dernière doit, à l’évidence, en supporter beaucoup déjà. Par ailleurs, et même si cela peut sembler contradictoire, en l’entraînant dans son giron (et par conséquent dans celui d’Hannibal), son intention n’est pas le moins du monde de lui rajouter un poids supplémentaire mais bien davantage de la délester de celui qu’elle porterait d’ores et déjà sur ses trop frêles épaules, qui n’avaient guère été préparées à assumer de telles responsabilités.

Abigail demeure pragmatique dans sa manière de présenter les choses. Elle remarque que pour gagner la confiance de Freddie, elle sera obligée de se livrer à quelques concessions. Malheureusement, Will le sait. S’ils doivent vraiment s’engager sur ce terrain pour le moins glissant, ils n’auront tout simplement pas le choix. Il va falloir accepter bel et bien de céder un rien de terrain à Freddie, pour le lui reprendre au centuple ensuite, cela va sans dire. L’affaire ne sera pas simple, et elle promet de n’avoir rien d’agréable, mais en même temps, ils ne parviendront à rien s’ils doivent ne pas prendre sur eux, et c’est une chose qu’ils savent pertinemment.

Les déductions d’Abigail, sans surprise, sont les mêmes que celles de Will. Freddie Lounds a besoin d’un os à ronger, et la jeune femme peut lui offrir cela si elle daigne prétendre être sous influence… Ce qui veut dire également qu’elle pourrait bel et bien se libérer de l’emprise qu’ils auraient éventuellement sur elle. Après tout… ce serait certainement mentir que de prétendre qu’ils n’en ont absolument aucune pas vrai ? Très probablement, oui.

« Je ne serai pas blessé », répond très sincèrement Will. « Je te fais confiance. » Une confiance qu’il veut croire mutuelle. Ce n’était peut-être pas gagné pour commencer, mais au point où ils en sont à présent, il ne veut croire à aucune forme de trahison de sa part. « Comment compterais-tu t’y prendre pour parvenir à la convaincre ? » Il marque une pause. « Elle ne sera pas simple à influencer. »

De ça, ils peuvent être absolument sûrs autant l’un que l’autre.

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Abigail & Will

La confiance que lui accordait Will était précieuse, elle le savait. Mais Abigail plaçait en lui une confiance similaire. Elle était en paix, à présent, avec l'idée que tous les trois, ils formaient une famille. Will et Hannibal étaient ses deux pères adoptifs, elle le savait, elle le formulait consciemment, et elle y trouvait du réconfort. C'était tout ce qui importait, dans son esprit.

Et à présent qu'elle avait obtenu son accord tacite, elle se sentait d'autant plus sereine à l'idée d'approcher Freddie Lounds. Bien sûr, elle savait que la journaliste était diablement intelligente. Et qu'elle ne se laisserait pas facilement duper. Pire encore, qu'elle tenterait, à son tour, de la manipuler. Mais Abigail était prête. Ses études l'y préparaient et elle ne manquerait pas de demander des conseils à Hannibal. Des conseils qui ne viendrait que compléter ce qu'elle avait toujours fait, inconsciemment. Instinctivement. Se préserver et redoubler de prudence, ne dévoiler que ce qu'il était nécessaire de dévoiler.

Bien entendu, Will était de précieux conseil, lui aussi. Il saurait comment l'aider. C'était même rassurant, pour Abigail, que de pouvoir parler de ses intentions avec lui. Ils pouvaient peaufiner les détails de cette nécessité ensemble. C'était une étrange activité père-fille, certes, mais venant de leur part, ce n'était pas si étonnant.

- Il faut qu'elle pense que je suis en détresse. Vulnérable.

Ce ne serait sans doute pas suffisant. Freddie savait qu'Abigail vivait sous le même toit que Will et Hannibal, et si elle devait être honnête, Abigail savait que Freddie avait parfaitement compris quelle sorte d'individus étaient ces deux hommes. En revanche, la jeune femme était également certaine que Freddie se trompait sur son compte. Là où la journaliste voyait une frêle chose facile à manipuler, Abigail voulait croire qu'elle était plus forte que ça.

- Il faut qu'elle pense que je peux lui donner ce qu'elle veut. De quoi vous compromettre.

Elle marqua une pause, le temps pour elle de rassembler ses esprits et de réfléchir au sujet qu'il valait mieux aborder avec Freddie. L'abus était hors de question. Elle n'y croirait pas, parce que Will était présent. Le cannibalisme, en revanche...

- Je peux lui faire croire que je suis réticente à l'idée de vous aider. Que je regrette de m'être libérée de mon père pour me retrouver dans une situation similaire avec vous. Que je me suis trompée sur ton compte.

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feat. Abigail

Will n’est définitivement pas rassuré quant à la tournure qu’est en train de prendre cette conversation. Il n’émet aucun doute en ce qui concerne Abigail, il fait le choix de lui faire pleinement confiance. Il peut même admettre qu’elle est tout à fait prête, et n’a pas besoin d’être protégée autant que Will cherche à le faire (mais de ce point de vue-là, ce n’est pas gagné avant qu’il sache lâcher véritablement du lest). Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Sa décision la met tout de même en danger, de même qu’elle l’associe à d’anciens schémas auxquels Will aurait voulu la soustraire, en lui attribuant une fois de plus le rôle de l’appât.

Will écoute Abigail, partiellement inquiet, partiellement admiratif. Abigail sait faire preuve d’une détermination et d’une intelligence qui ne cesseront jamais de forcer son admiration. C’est de façon presque clinique qu’elle résume ses plans : faire croire à Freddie Lounds qu’elle est en détresse. Vulnérable. Ce point-là ne devrait pas être le plus délicat. Will devine que le regard que la journaliste porte sur la jeune femme est biaisé par les échanges qu’elles avaient eue dans leur vie passée. Elle sera très certainement ravie de voir ses convictions renforcées par le discours et l’attitude d’Abigail, si cette dernière doit se faire passer pour la malheureuse victime de tragiques circonstances.

La suite coule évidemment de source. Pour gagner la confiance de Freddie Lounds, Abigail devra lui donner très précisément ce qu’elle veut, soit des informations compromettantes à leur sujet. Ce qui signifie donc que dans l’intention de la piéger, ils se mettront forcément en danger. C’est un mal au fond nécessaire.

« En allant la voir, tu devrais dévoiler tes cartes, affirmer que nous t’avons envoyée, Hannibal et moi, dans l’intention de la sonder. » Ce qui est donc vrai, et peut-être la meilleure manière de prendre Freddie à revers si elle devait se méfier de quoi que ce soit. « Étant donné votre passif, elle croira dans le fait que tu aies décidé de l’avertir plutôt que de nous laisser faire. »

En songeant à la position dans laquelle il met Abigail en cet instant, il pense à celle dans laquelle il s’était lui-même trouvé dans ce qui lui semble être une autre vie, quand il prétendait se rapprocher d’Hannibal pour mieux le protéger. Sauf que, dans son cas spécifique, le temps qu’il avait passé seul à seul avec Hannibal avait eu une influence réelle sur sa manière de penser et sur ses sentiments, si bien que lui-même ne savait plus trop de quel côté il se situait, dans celui d’Hannibal ou dans celui de Jack. Placer Abigail dans une telle situation est naturellement dangereux, pour elle autant que pour eux. Mais il décide de croire en elle.

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Abigail & Will

Dévoiler ses cartes, c'était un grand risque. Certes, c'était la méthode la plus efficace pour contrer les suspicions de mensonge. Mais c'était également prendre le risque de trop en révéler dans la panique ou, pire encore, de pousser Freddie à agir contre eux. Abigail ne doutait pas du fait que Will et Hannibal sachent s'occuper du cas Freddie Lounds si celle-ci venait à être trop impertinente. Mais tant qu'ils ne savaient pas quelles mesures de sécurité la journaliste avait prévu... La plus grande des prudences restait de mise.

Abigail soupçonnait déjà que jouer les jeunes femmes traumatisées ne suffirait pas. Elle devrait se montrer un tant soit peu amicale envers la journaliste, sans trop l'être. Cette dernière option ne manquerait sans doute pas d'éveiller les soupçons de Freddie qui était loin, très loin d'être dupe ou de manquer d'intelligence. C'était une difficulté. Abigail était habituée à approcher des jeunes femmes de son âge. Mais Freddie était plus âgée et n'avait aucun intérêt à se lier d'amitié, même factice, avec elle. Néanmoins, Abigail plaçait toute sa confiance en Will concernant cette affaire. Il connaissait mieux Freddie qu'elle. Et il était régulièrement de précieux conseils.

- Je le ferai, assura-t-elle avec une détermination nouvelle.

Elle devinait ce qu'il taisait. Cette situation était un risque en soi, mais c'était également un risque très personnel pour Abigail, qui n'était pas insensible à la manipulation. C'était lui accorder une confiance monumentale que de lui permettre d'approcher Freddie et de l'autoriser à dévoiler des éléments de leur vie. Le risque que Freddie parvienne finalement à la persuader de l'aider sincèrement était présent. Et pourtant, Abigail était sincère dans sa démarche. Elle savait que si elle trahissait la confiance de ces deux hommes, elle le paierait très cher. Trop cher. Et elle n'en avait aucune envie, par ailleurs. Ce n'était pas par plaisir qu'elle s'engageait dans ce jeu de manipulation, mais par nécessité. Sans cela, ils ne sauraient jamais ce que Freddie avait de concret à leur sujet. Or, dans ces relations-là, tout ce qui était tu était dangereux.

- Que se passera-t-il si elle se sert de ça pour sortir un article sur vous ?

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feat. Abigail

C’était un jeu dangereux auquel ils s’adonnaient à l’heure actuelle. Trop de variables manquaient pour qu’ils puissent s’assurer qu’un plan à ce point fragile n’aurait pas des répercussions violentes sur eux tous, mais ils n’avaient quoi qu’il en soit pas le choix. Des situations désespérées exigeaient des mesures désespérées, et la menace représentée par Freddie Lounds devait être étouffée dans l’œuf d’une manière ou d’une autre. Qu’Abigail se retrouve à jouer les appâts une fois de plus est un constat aussi déplaisant qu’injuste, mais faute de meilleure option, il leur faudra s’en contenter. Tout, dans cette situation, représentait un risque, le mieux qu’ils pouvaient faire était de s’assurer que ce risque soit le plus calculé possible.

Abigail agissait de son plein gré, c’était ce dont Will voulait s’assurer en priorité. Elle intervenait dans l’urgence qu’exigeait définitivement la situation, mais sans y être forcée. C’était ce que Will voulait éviter à tout prix, se référer à de vieux schémas qui avaient entravé sa fille de cœur par le passé. Il avait autrefois plongé si profondément dans la psyché de Garret Jacob Hobbs que des séquelles, impérissables, en avaient résulté. Et il ne pourrait que mentir en affirmant que ces séquelles étaient moindres. Oui, il veut être une autre sorte de père pour Abigail, mais dans des circonstances telle que celle-ci, la distinction entre celui qu’il aspire à être et celui qu’il ne veut surtout pas devenir devient moindre. C’est sur la détermination qu’il discerne dans la voix et dans le regard de sa fille que Will se repose pour appuyer fermement ses choix. Oui, le risque, en voulant prendre Freddie à son propre jeu, est qu’ils se retrouvent tous piégés à leur tour… mais ce n’est qu’un risque parmi tant d’autres, une condition essentielle et malheureusement inéluctable à leur nouvelle vie. Soit ils l’acceptent, soit ils se laissent dépasser par les événements. Ils ont fait leur choix.

« Ce ne sera pas le premier article à charge qu’elle sortira contre nous », tente de temporiser Will quand Abigail lui demande ce qui se passera si elle doit se servir de l’intervention d’Abigail pour rédiger un article contre lui. « Une chance pour nous, sa crédibilité journalistique est la même ici qu’elle ne l’était d’où nous venons. »

Ce qui ne signifie certainement pas qu’ils doivent tenter le diable pour autant. Leur avantage, pour le moment, et de n’avoir pas su attirer l’attention sur eux, et c’est presque miraculeux compte tenu du nombre d’acteurs susceptibles de menacer l’équilibre ô combien fragile qu’ils sont parvenus à construire dans ce nouveau monde.

« Si un tel cas de figure doit se présenter, nous aviserons. Dans l’idéal, Freddie n’aura de toute façon pas l’occasion de faire quoi que ce soit », ajoute-t-il d’un ton décidé.

Le sort de Freddie appartient à la catégorie de ce qui est préordonné. Elle ne pourra pas survivre, un point c’est tout.

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Abigail & Will

Abigail avait des réserves, bien sûr. En fait, plus ils en discutaient, plus elle prenait conscience des failles de leur plan et de toutes ces variables qu'ils ne maîtrisaient et qu'ils ne pouvaient pas maîtriser, d'ailleurs. Ils ne pouvaient pas anticiper les réactions de Freddie, pas totalement en tout cas. Ils n'avaient que des hypothèses. Mais les hypothèses de Will étaient sans aucun doute les plus fiables. Et pour sa part, Abigail avait une petite expérience dans l'art de manipuler autrui, même si ordinairement, les jeunes femmes qu'elle devait appâter n'avaient aucune raison de se méfier d'elle. Ce qui ne serait pas le cas de Freddie, mais Abigail comptait sur l'appât du gain pour l'amadouer.

Dans l'idéal, Freddie n'aurait pas l'occasion de faire quoi que ce soit. Elle savait ce que sous-entendaient ces propos. Et elle était bien d'accord. Elle n'avait pas pour Freddie l'antipathie de Will ou d'Hannibal. Mais elle savait, à présent, qu'il fallait s'en méfier. Tout comme elle savait que sur le long terme, Freddie ne résisterait pas à la tentation et chercherait à les exposer à ses lecteurs. Abigail la pensait suffisamment tenace et redoutable pour se faire connaître, et dans ce cas, l'on accorderait du crédit à ses propos. Ce qui n'était pas quelque chose qu'elle pouvait accepter.

- Bien. Alors c'est décidé.

Et en attendant de mettre leur plan en action, il y avait bien d'autres sujets de préoccupation. Et des sujets plus légers et plus pragmatiques.

- Pour en revenir à un sujet plus plaisant.

Elle lui adressa un sourire qui, après la conversation qu'ils venaient d'avoir, était étrangement enjoué. Elle releva les yeux vers son père adoptif, se redressant, visiblement prête à agir.

- Tu penses qu'on peut utiliser ta voiture pour aller chercher mes affaires ? Techniquement j'ai le permis, mais... j'ai jamais vraiment conduit. Et j'ai pas de voiture à moi.

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feat. Abigail

C’est décidé, oui, et même si Will reste particulièrement sceptique et inquiet quant à cette décision, il accepte de ne pas la discuter. Il admet sans difficulté que c’est certainement la stratégie la plus efficace qu’ils aient à leur disposition, et c’est une chose qu’ils ne peuvent négliger ou mettre de côté. Par ailleurs, ils resteront prudents. La famille qu’ils forment à présent, toute singulière soit-elle, exige intrinsèquement qu’ils prennent soin les uns des autres, et c’est ce qu’Abigail s’applique à faire pour sa part… La suite, il est impossible d’en avoir une idée claire pour le moment, et c’est ce qui est aussi déstabilisant que désagréable, mais les cartes qu’ils ont en mains sont loin d’être les pires du jeu, et c’est ce qu’ils doivent garder à l’esprit avant tout.

Will veut ajouter quelque chose mais c’est Abigail qui, d’elle-même, fait le choix de détourner le sujet, accompagnant son propos d’un sourire étonnamment détendu, presque enjoué, comme s’ils ne venaient pas de prendre une décision des plus catégoriques, et qui pourrait lui coûter particulièrement cher. Il lui rend son sourire presque malgré lui. Chaque occasion qu’il peut avoir de découvrir un sourire heureux sur le sourire d’Abigail le rassure naturellement. Pour Abigail, il ne sera jamais certain de prendre les meilleures décisions, mais il sera en revanche toujours certain de vouloir faire le meilleur pour lui, et cette fois ne fait définitivement pas exception.

« Il faudra y remédier », observe Will sur le ton de la conversation quand Abigail suggère de prendre sa voiture pour chercher ses affaires, ajoutant que bien que propriétaire du permis, elle n’a jamais eu l’occasion de conduire, pas plus qu’elle n’a de voiture à elle.

Cela ne l’avait pas effleuré pour commencer, mais il y songe comme une évidence. Bien sûr que c’est à lui de lui offrir sa première voiture. A eux, et bien sûr qu’il l’accompagnera chaque fois qu’elle estimera avoir besoin de lui. C’est au fond le rôle qu’il a toujours voulu tenir auprès d’elle.

« Tu veux y aller maintenant ? Et puisque tu n'as plus l’habitude de conduire, je te confie le volant », suggère-t-il d’un ton plus léger.

Au fond, c’est ce qu’il préfère, de tout ce qu’ils ont partagé et partageront, pour ce que cela implique de monstruosité, ces moments tout simples, que pourrait partager n’importe quel parent avec son enfant, ces moments qu’il avait fantasmés, hors d’atteinte, quand il s’imaginait pêcher avec elle, tenir des promesses que cette vie avait empêchées.

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Abigail & Will

Il faudra y remédier ? Ce que sous-entend Will semble être bien trop, pour Abigail, qui sourit d'un air qui oscille entre l'amusement et la réprobation. Il en fait un peu trop en voulant faire bien, mais au fond, elle lui en est reconnaissante. Elle se sent... À sa place, auprès de lui. Et auprès d'Hannibal, aussi, même si elle sait que c'est quelque chose de plus dangereux le concernant.

Lorsqu'il lui propose de prendre le volant, elle le regarde d'un air affligé, écarquillant exagérément les yeux avant de secouer la tête de gauche à droite.

- T'es sûr ? C'est déconseillé, si tu tiens à éviter les accidents, plaisante-t-elle avec une légèreté qui lui fait le plus grand bien.

Après une telle discussion, ne plus songer qu'à la préoccupation de conduire convenablement et de passer un moment père-fille - c'est bien ce qu'ils sont, non ? -, c'est quelque chose d'agréable. C'est peut-être même plus agréable du fait qu'ils viennent d'avoir une discussion aussi sérieuse. Abigail chérit la protection que lui accordent les deux hommes chez qui elle vit. Mais elle chérit bien plus sincèrement les instants qu'elle peut passer avec eux, où elle peut prétendre qu'ils sont une famille presque... normale. Qui aime passer du temps ensemble, parce que d'une façon bien étrange, et même inexplicable, ils s'aiment. Tout simplement.

Abigail met ses chaussures, puis sa veste, et enfin, s'assure de prendre les clés de la maison de son père. Elle redoute d'y retourner. Parce qu'elle appréhende que les souvenirs qui y soient liés refassent surface. Mais elle sait que c'est nécessaire, et elle se félicite alors d'avoir suggéré à Will de l'accompagner. Sa présence la rassure instinctivement. Et c'est donc avec une gratitude sincère, qui n'est ni feinte, ni cynique, qu'elle se tourne vers lui une fois qu'elle est prête :

- Merci de m'accompagner. C'est... ça vaut beaucoup, pour moi.

Alors qu'ils quittent la maison, elle s'accroche à son bras, naturellement. Simplement. Puisqu'elle est bien partie, elle se permet un semblant d'honnêteté et d'émotion supplémentaire :

- Je te considère vraiment comme un père, tu sais. Meilleur que... celui d'origine.

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feat. Abigail

« Je te fais confiance », répond simplement Will quand Abigail lui fait remarquer à juste titre que lui proposer de prendre le volant dès maintenant est probablement une chose un tant soit peu dangereuse. « On prendra les routes les moins fréquentés », se permet-il quand même de préciser à la suite d’un ton des plus léger.

Will ne peut prétendre le contraire, et il serait sans doute idiot de courir des risques absurdes ici et maintenant quand ils auront bien assez d’occasions de se mettre en danger autrement. Mais le danger reste ce qu’il y a de plus mesuré, et par ailleurs, c’est de façon absolument sincère que le profiler s’exprime quand il assure à sa fille de cœur qu’il lui fait confiance. C’est le cas. Et la confiance qu’il lui adresse est aveugle, totale… et proche d’intuitive. Elle est probablement la seule à avoir bénéficié d’une telle confiance de sa part, d’ailleurs, car il ne peut prétendre avoir adressé ce « cadeau » à beaucoup d’autres… pas même à Hannibal. Surtout pas à Hannibal, en vérité, et c’est bien un de leurs sujets de discorde les plus récurrents d’ailleurs, Hannibal ayant plus souvent tendance à mettre sa confiance à l’épreuve qu’à l’apaiser véritablement.

Alors qu’ils sont à l’extérieur de la maison et s’apprêtent à rejoindre son véhicule. Il espère surtout que cet exercice improvisé permettra à Abigail à apaiser les angoisses qu’il lui devine, et qu’il est parfaitement à même de comprendre. Elle vit une situation des plus délicates, que Will a bien conscience de ne pas arranger par de nombreux aspects. Le soutien qu’il lui apporte est aussi naturel que nécessaire. Il aurait été dans l’incapacité la plus totale de la laisser de côté. Il veut être présent pour elle quoi qu’il arrive. C’est une chose importante pour lui, même s’il n’a pas toujours su de quelle manière s’y prendre et de quelle façon appréhender le rôle qui s’était présenté à lui. C’est Abigail qui lui facilite la tâche alors qu’elle s’installe côté conducteur, au moment de lui-même boucler sa ceinture côté passager. Les mots qu’elle prononce alors le prennent totalement de court.

Un voile d’émotion se dépose sur ses prunelles, indifférent à son intention de dissimuler cette même émotion, et il ne sait empêcher le sourire le plus franc et le plus sincère qui puisse être d’étirer sur ses lèvres. Abigail le considère comme un père. Meilleur que son vrai père. Will pourrait rétorquer, pour dissimuler un peu de son trouble, qu’il n’était pas difficile d’être un meilleur père que Garret Jacob Hobbs, mais il ne le fait pas. A la place, il s’exprime tout aussi honnêtement à l’adresse de la jeune femme.

« Tu es ma fille, Abigail. » Il l’avait toujours perçue comme telle, pas toujours pour des raisons très saines, d’ailleurs, quand son esprit se perdait trop loin dans celui du père de son interlocutrice, mais quoi qu’il en soit, en cet instant, il est des plus sérieux. Abigail est sa fille, et il la désignera toujours comme telle aux yeux de tous. « Tu pourrais même le devenir officiellement si tu le voulais. »