(terminé) Sujet aléatoire - Will & Clarke

La journée avait été longue et épuisante. Épuisante au point où elle n'aurait sans doute pas dû reprendre la voiture pour rentrer chez elle. Elle n'était pas suffisamment concentrée, pas suffisamment en alerte. Elle représentait un danger tant pour elle que pour les autres dans cet état de fatigue. Sauf que Clarke n'avait qu'une envie : rentrer chez elle au plus vite pour se mettre au lit. Personne ne pouvait la raccompagner et elle n'avait aucune envie de marcher plusieurs dizaines de minutes pour rentrer. Alors, elle avait fini par céder à l'envie de reprendre sa voiture pour rentrer, oubliant la prudence.

La route lui paraissait plus longue que d'habitude. Ou plutôt, après plusieurs minutes d'inattention, sans doute, elle s'était rendue compte qu'elle avait quitté la route qu'elle devait suivre pour en suivre une autre, qu'elle ne connaissait pas. Etait-ce la fatigue qui la poussait à croire qu'une route venait soudainement d'apparaître à la place de celle qu'elle suivait chaque jour ? Clarke roulait depuis plusieurs minutes déjà sur cette route qui s'étendait à l'infini. Il n'y avait rien. Absolument rien. Ni maison, ni bâtiment, ni route secondaire, ni même d'autres voitures. Elle avait l'impression qu'elle pouvait continuer des dizaines et des dizaines de kilomètres comme ça, sans rien trouver, sans rien pour lui indiquer où elle était.

Dans un premier temps, lorsque la jeune femme se rendit compte qu'elle était perdue, elle poussa un long soupir en tapant l'une de ses mains contre le volant, d'agacement. Elle était si fatiguée, qu'elle n'avait qu'une hâte : rentrer. Ce n'était pas le moment de se perdre ou de perdre du temps. Et pourquoi n'y avait-il aucune autre route où tourner ? Aucune maison où demander son chemin ? Pour couronner le tout, la nuit était tombée depuis un moment et il semblait bien que la pluie et l'orage n'allaient pas tarder à arriver, eux-aussi.

Tandis qu'elle pestait toute seule dans sa voiture, cette dernière se stoppa. Un instant, elle se demandait ce qu'elle avait fait pour avoir le droit à une si mauvaise nuit tout en tentant de redémarrer la voiture, qui refusait toujours. C'était étrange, plus rien ne s'allumait sur le tableau de bord. La voiture avait juste cessé de fonctionner. La jeune femme n'avait donc d'autres solutions que celle de se résoudre à descendre de sa voiture. Une voiture ne s'arrêtait pas de fonctionner sans raison. Elle n'avait pas crevé et sa voiture n'avait rencontré aucun problème dernièrement... Elle avait alors fini par ouvrir le capot pour vérifier si elle trouvait quelque chose. Il n'y avait rien. Rien, aucune panne qu'elle ne puisse reconnaître en tout cas. Elle contourna donc le devant de sa voiture pour retourner chercher son portable qui était resté à l'intérieur. Évidemment, il n'y avait pas de réseau. « Merde ! » claqua-t-elle en le rejetant à l'intérieur de la voiture.

Intérieurement, elle résumait donc la situation. Elle était tombée en panne sur une route inconnue et déserte, il n'y avait aucune voiture depuis de longues minutes, elle n'avait croisé aucune habitation et elle n'était entourée que de champs et de la forêt, il faisait nuit et le temps était en train de tourner à l'orage. Soit elle était vraiment maudite, soit c'était le début d'un film d'horreur. Clarke en avait connu des situations difficiles dans sa vie, mais cette ville semblait être pire que tout.

Elle n'avait plus d'autres choix que de chercher de l'aide. Elle s'imaginait déjà devoir marcher des kilomètres ou des heures avant de trouver quelqu'un. La jeune femme récupéra donc le portable qu'elle venait de jeter dans la voiture, récupéra ses clés et se mit à marcher droit devant elle. Inutile de prendre la route inverse de celle qu'elle venait d'emprunter. En conduisant, elle avait bien remarqué qu'il n'y avait rien. Il ne lui fallut alors que quelque minutes pour tomber nez à nez avec un homme qui semblait avoir les mêmes ennuis qu'elle. De plus en plus étrange cette histoire. Elle ne l'avait même pas aperçu jusqu'à maintenant.

L'homme prit la parole le premier pour la remercier de s'être arrêtée. En réalité, il n'en était rien et elle aurait préféré cette situation à celle qu'elle était en train de vivre. « J'aurais aimé pouvoir vous aider et vous n'allez peut-être pas me croire, mais je viens de tomber en panne là, juste à quelques mètres. » précisa-t-elle avec un geste de la main en direction de sa voiture. « Ma voiture s'est arrêtée sans raison, exactement comme la vôtre et impossible de la faire redémarrer. Et comme si ça ne suffisait pas, je n'ai pas de réseau. » confia-t-elle. Ils étaient tous les deux dans la même situation, autant s'entraider. « Et j'ai l'impression que le temps tourne à l'orage. » lança-t-elle dans un soupir d'agacement. Les mauvaises choses s'accumulaient et elle commençait à comprendre que ce n'était pas prêt de s'arranger.

Quelle était la probabilité pour que deux voitures tombent en panne en même temps, au même endroit et sans raison ? Sans doute était-elle très faible. Pour renforcer l'idée que cette ville se moquait d'eux, il faisait nuit, il n'y avait pas de réseau pour demander de l'aide et il allait pleuvoir. Autre chose allait-il leur tomber sur la tête ? Ils n'étaient sans doute plus à un ou deux problèmes maintenant. Il y avait au moins un avantage à tout ça, ils étaient deux. Deux pour affronter les problèmes, c'était toujours mieux qu'un.

L'homme semblait tout aussi agacé qu'elle, mais qui ne le serait pas dans cette situation ? Il fallait trouver une solution, évidemment. Il n'était pas question pour Clarke d'attendre bêtement ici, avec lui, ou seule dans sa voiture. Elle était épuisée et elle voulait rentrer chez elle. Et puis quelque chose lui disait qu'attendre dans sa voiture n'était pas une bonne idée. C'était bien trop dangereux de rester dans une voiture arrêtée en plein milieu de la route. Et il y avait ce mauvais pressentiment. Un mauvais pressentiment qui naissait tout au fond d'elle, lié à l'ambiance de la situation, certainement. Une banale panne en pleine journée, sur une route plus ou moins fréquentée, pourquoi pas. Une panne la nuit, sur la route qu'elle empruntait tous les jours, pourquoi pas. Là, quelque chose l'avait fait emprunter cette route. Clarke n'était pas suffisamment concentrée, soit, mais tomber en panne sans raison la nuit où elle se trompait de route ? Elle n'arrivait pas à croire à une simple coïncidence, un simple hasard. La jeune femme avait vu bien des choses dans sa vie, suffisamment pour croire que rien n'était dû au hasard et que si elle était là, cette nuit, il y avait sans doute une raison.

L'homme reprit la parole, lui demandant d'où elle venait. Il répondit de lui-même à sa propre question. Réponse qui désespéra davantage Clarke. Ils étaient vraiment dans la merde s'ils étaient perdus au milieu de nul part. « J'ai suivi la même route pendant... Quinze minutes, je pense. Et vous êtes la première personne que je croise. » Au moins quinze minutes, peut-être même un peu plus. Elle n'avait pas eu les yeux rivés sur l'heure à chaque instant. Et puis, elle n'avait même pas compris à quel moment elle s'était engagée sur cette route, plutôt que sur sa route habituelle, comme si cette dernière s'était ouverte devant elle d'un coup. « Vous connaissez cette route ? En réalité, c'est la première fois que je l'emprunte et j'ignore même comment je m'y suis engagée... Elle est comme... sortie de nul part ! » Sans doute paraitrait-elle inconsciente de conduire et de ne pas être capable de donner ce genre d'informations puisque cela signifiait qu'elle n'était pas suffisamment attentive à son environnement, mais à cet instant, c'était le cadet de ses soucis. S'il connaissait la route, peut-être pourrait-il les conduire vers une maison ou n'importe quoi pouvant les aider. A vrai dire, Clarke se doutait que ce n'était pas le cas ou que cette route ne lui était pas totalement familière en tout cas, sinon sans doute aurait-il directement indiqué où aller pour trouver de l'aide. Il serait stupide de sa peur de perdre autant de temps pour rien.

L'orage semblait vouloir rappeler sa présence. Il n'était pas encore tout près, mais il venait d'éclater et il ne tarderait pas à se rapprocher. Ils n'avaient plus d'autres choix, ils devaient prendre une décision et se bouger. Rester planter bêtement là n'allait pas les aider. « Clarke Griffin. » Se présenta-t-elle, lorsqu'il se présenta. Il pouvait être utile de connaître le prénom l'un de l'autre en cas de problèmes. Puis elle reprit aussitôt, ne souhaitant plus perdre de temps en discussions inutiles. « Il est inutile de retourner sur nos pas, il nous faudrait des heures pour trouver de l'aide... » Vingts minutes en voiture, à la vitesse à laquelle ils roulaient, il y avait bien trop de kilomètres à parcourir. « Soit on tente de continuer sur la même route, mais je doute qu'on puisse trouver de l'aide rapidement, soit on tente de traverser la forêt ou les champs. » énuméra-t-elle. Aucune des propositions ne donnait très envie, mais avaient-ils réellement le choix ? « Ou bien, on essaye de trouver un abri le temps que l'orage se calme ? » Il n'existait aucune autre solution, selon elle. Il n'y avait aucune solution miracle ou parfaite. Si l'homme avait une idée de génie, elle prenait. S'il n'en avait pas, elle attendait simplement qu'il prenne une décision ou qu'il choisisse son option préférée. Autant dire qu'elle n'avait ni envie de traverser une forêt inconnue en pleine nuit et sous l'orage, ni envie de traverser des campagnes en pleine nuit et sous l'orage, ni envie de trouver un abri, à supposer qu'ils en trouvent un, pour y passer des heures. Mais il fallait se bouger et faire quelque chose, alors ils le feraient.

Sans grande surprise, l'homme ne connaissait pas non plus cette route. Comment une route pouvait-elle sortir de nul part ? Comment pouvait-elle apparaître mystérieusement ? Cette ville donnait la drôle d'impression d'être vivante, se modifiant lorsqu'elle le souhaitait, jouant avec les habitants comme avec des marionnettes, créant les pires situations pour s'amuser d'eux. Elle finissait toujours par obtenir ce qu'elle voulait, elle finissait toujours par les amener là où elle voulait, elle finissait toujours par leur jouer les pires tours. Depuis qu'elle était ici, dans combien de situations étranges Clarke s'était-elle retrouvée ? Son monde d'origine lui avait déjà joué quelques tours, et ici, rien n'était différent. Il fallait toujours être sur ses gardes, n'importe quoi pouvant vous tomber dessus n'importe où. Projetée à une autre époque, dans cette même ville dévastée, poursuivie par des types armés, plongée au coeur d'une attaque de monstres sortis d'elle ne savait où, maintenant perdue au milieu de nul part avec impossibilité, certainement, de retrouver la civilisation jusqu'à ce que la ville le décide... Elle n'avait aucune hâte de vivre la prochaine folie de cette ville. « Génial... » avait fini par répondre Clarke dans un soupir agacé. S'ils ne savaient pas où ils étaient, comment en sortir ?

Si Clarke ignorait où elle était ou ce que la ville voulait d'elle, elle était certaine d'une chose : elle n'allait pas rester plantée là bêtement. Il fallait trouver une solution, au moins pour ne pas attendre des heures à ne rien faire. Et des solutions, il n'y en avait pas des centaines. Rebrousser chemin ou continuer sur cette même route ne servait à rien. Ils mettraient des heures à trouver de l'aide, à supposer que cette route ait une fin. Selon Clarke, il restait alors la possibilité de chercher un abri en attendant que l'orage passe ou tenter de trouver de l'aide en passant par les champs ou la forêt, en imaginant que l'un et l'autre ne s'étendent pas à l'infini également. L'idée de rester coincée pendant, possiblement, des heures ne l'enchantait pas. Celle de parcourir champs ou forêt en plein orage non plus, mais à choisir, c'était encore ce qu'elle préférait. Même si c'était en vain. Elle avait besoin d'agir, de chercher une solution, de faire quelque chose. L'homme, quant à lui, semblait vouloir prendre le temps d'y réfléchir davantage pour prendre la meilleure décision. Clarke se résigna donc à la suivre pour s'abriter dans la voiture, s'installant du côté passager, bien que l'idée ne lui plaisait pas le moins du monde. Ils échapperaient au moins à la pluie pendant un temps.

L'homme reprit alors la parole, la questionnant de nouveau, cette fois pour savoir ce qu'elle faisait avant de s'engager sur la route. A vrai dire, elle ne comprenait pas bien l'intérêt de ces questions, mais elle allait y répondre, si ça pouvait aider d'une quelconque façon. « Je sortais de l'hôpital pour rentrer chez moi. » Passionnant, n'est-ce pas ? Elle avait terminé sa journée de travail et rentrait chez elle, comme certainement une bonne partie de ceux qu'elle avait rencontré en voiture avant d'arriver sur cette route de malheur. « J'ai emprunté le même chemin que celui que j'emprunte chaque jour entre l'hôpital et Raccoon Square. Et je me suis sans doute laissée distraire, mais je n'ai aucune idée du moment où je suis entrée sur cette route. » avait-il suffisamment de précisions ? Voulait-il savoir autre chose ? Avait-elle bien compris sa question ? « En quoi cela peut vous aider ? » demanda finalement Clarke, les yeux tournés vers l'extérieur pour observer la pluie et l'orage, puis vers son téléphone qui n'affichait toujours aucun réseau. « Vous allez sans doute rire, mais j'ai l'impression qu'on ne sortira d'ici que lorsque quelque chose ou quelqu'un l'aura décidé. » La ville. Quelqu'un qui avait le pouvoir de tout contrôler dans cette ville. Elle n'en savait rien, mais c'était forcément quelque chose sur laquelle ils n'avaient aucune emprise. Et si cette chose avait décidé qu'ils allaient attendre, ils pourraient faire tout ce qu'ils voudraient : ils attendraient.

Puisqu'elle ne semblait pas vraiment avoir le choix, Clarke s'installa dans la voiture de Will. En réalité, elle aurait très bien pu refuser et décider d'essayer de s'en sortir toute seule, mais quelque chose lui disait qu'être deux, c'était mieux. Si quelque chose de pire leur tombait dessus, ils ne seraient pas trop de deux pour se défendre et trouver des solutions. Sans comprendre le pourquoi, elle répondit donc tout de même aux questions de l'homme. Peut-être avait-il une idée ? Peut-être pensait-il à quelque chose ? Peut-être que les réponses de Clarke pouvait l'aider ? Il y avait bien peu de chances, sauf si quelque chose échappait à Clarke, mais elle n'avait pas mieux à faire que de lui répondre de toute façon.

La jeune femme expliqua donc qu'elle sortait de l'hôpital pour rentrer chez elle, en empruntant la même route habituelle. Si Clarke avait emprunté cette route étrangère, il n'y avait que deux solutions : elle s'était laissée distraire ou cette route venait littéralement d'apparaître mystérieusement. Le pire étant que cela n'étonnerait même pas Clarke plus que ça. Il fallait être réaliste, la ville avait déjà fait bien pire que faire apparaître une route qui semblait s'étendre à l'infini. Les réponses données, Clarke lui demanda en quoi cela pouvait l'aider. Après tout, s'il avait une idée, peut-être devrait-il la partager ? A deux, ils réfléchiraient mieux et plus vite. Malheureusement, il ne fut pas bien compliqué pour Clarke de comprendre qu'il était aussi perdu qu'elle et qu'il ne posait des questions que pour espérer comprendre quelque chose sans savoir quoi.

Elle ne put alors pas s'empêcher d'ajouter qu'il n'y avait certainement aucune solution, en réalité. La ville, ou celui qui la contrôlait, était la seule à décider de quand ils auraient le droit de partir. Quoi qu'ils fassent. Pourtant Clarke préférerait être dehors, à affronter la pluie et l'orage, pour trouver une solution ou simplement pour avoir l'impression de ne pas juste subir la situation. Elle avait besoin d'agir, comme toujours. Incapable d'attendre bien sagement.

L'homme semblait d'accord avec elle à propos de cette ville. Il avait dû, lui aussi, subir les envies de cette mystérieuse île. De l'extérieur, les deux devaient sembler tout aussi désespérés. Combien de temps allaient-ils devoir passer dans cette voiture à attendre un miracle ? « J'en conclus que cette ville aime vous jouer des tours à vous aussi ? » Certains semblaient vivre leur vie tranquillement ici, pendant que d'autres subissaient tout et n'importe quoi. « Nous sommes forcément ici pour une raison. » elle n'était pas d'accord avec lui, sur ce point. Leur présence dans cette ville avait forcément un but. Pendant longtemps, Clarke avait cru qu'il s'agissait pour eux de changer le futur, ce futur apocalyptique qu'elle avait vu et vécu. Aujourd'hui, elle ne savait plus trop. « Rien n'arrive jamais par hasard... » elle préférait se convaincre qu'il y avait toujours une raison. « Tout ça, ce n'est peut-être qu'une punition... Une façon pour nous de racheter nos fautes... » elle commençait à partir trop loin. Elle le pensait. Parfois. Mais elle n'allait pas dévoiler toutes ses hypothèses à cet inconnu.

Finalement l'homme reprit la parole, la questionnant de nouveau. « Médecin. Ou future médecin, plutôt. Si la ville m'autorise à sortir d'ici un jour. » lançait-elle en le regardant à son tour, un sourire mi-amusé mi-lassé sur le visage. Elle commençait à croire qu'elle n'aurait pas le temps de finir ses études pour devenir médecin. Un des mauvais tours de la ville finirait par lui être fatal. Cette dernière semblait tellement s'acharner, et aujourd'hui elle était seule pour lutter alors elle ignorait combien de temps elle serait capable de le faire. « Et vous ? Je parle, mais je ne connais rien de vous... D'où veniez-vous, que faîtes-vous ? » Pourquoi serait-elle la seule à se dévoiler, après tout ? Peut-être pouvait-il lui donner des informations qui l'aideraient, après tout, même si elle en doutait.

L'homme ne semblait pas vouloir partager ses mésaventures avec la ville. Après tout, Clarke ne lui avait pas demandé ce qui lui était arrivé, mais simplement si la ville s'était acharnée contre lui. Clarke lui lança un regard rapide, à la recherche de la moindre réponse, mais rien. Elle n'y prêtait pas plus attention, ne cherchant même pas à le relancer pour obtenir une réponse. Dans le fond, cette information ne l'aiderait pas à sortir d'ici rapidement. Au mieux, cela lui permettait de faire la conversation pour passer le temps. Finalement, toute leur conversation ne servait-elle pas qu'à cela ? Discuter pour passer le temps parce qu'aucune solution n'était trouvable. Ils étaient là, tous les deux, condamnés à attendre.

Ils finirent donc par discuter de leur présence ici. Selon Clarke, ils ne pouvaient pas être là par hasard. Il était plus facile d'accepter la situation en imaginant qu'au bout, quelque part, il y avait une raison, un but. Clarke imaginait même parfois que tout ça, ce n'était qu'une nouvelle chance de tout réparer. Ou une punition pour racheter toutes leurs erreurs. Elle connaissait le futur. Ou plutôt, elle connaissait un futur. Un futur apocalyptique. Un futur où les humains se réfugieront dans l'espace pour survivre. Un futur où les humains continueront de commettre les mêmes atrocités en boucle, répétant les mêmes erreurs encore et encore, sans tirer la moindre leçon du passé. Clarke sentait le regard de l'inconnu sur elle, mais elle ne détachait pas son regard de l'extérieur. Mais plutôt que continuer sur cette lancée, la jeune femme avait préféré lui poser une question à son tour. Après tout, il en savait un peu sur elle, mais elle ignorait tout de lui, hormis son nom. Il semblait légitime qu'il se présente à son tour. Il revenait de Lockwood ? Elle venait de l'opposé, lorsque la ville ne se décidait pas à changer de forme, et pourtant ils étaient sur la même route, empruntant la même direction. Etait-ce un signe de plus que cette ville n'était qu'un grand n'importe quoi ou la fatigue la faisait réfléchir n'importe comment ? Lorsqu'il lui avoua d'où il venait avant d'être ici, elle retint sa question. Venait-il d'un monde semblable à celui-ci ? D'un passé quelconque ou d'un futur différent de celui que Clarke connaissait ? Quelque chose lui disait qu'elle allait avoir tout le temps de lui poser ses questions et qu'il était inutile de s'empresser de les lui poser. D'autant que Will reprit la parole.

Ses premiers mots firent enfin tourner les yeux de Clarke vers lui, qui regardait désormais à l'extérieur, curieuse de savoir ce qu'il se demandait. A sa question, ses yeux se reposèrent aussitôt sur cette pluie qui tombait, sur l'extérieur, comme si elle fixait une chose invisible qui se trouvait dehors. Elle n'était pas prête à confier ses erreurs passées. « Je ne suis pas certaine que vous aimeriez savoir... Puis, vous ne me croiriez même pas ! » Soupira-t-elle d'abord. Pouvait-il croire qu'elle était née sur une Arche, dans l'espace, qu'elle s'était battue contre des humains qui n'avaient jamais quitté la Terre, qu'elle avait tué pour défendre les siens, qu'elle avait causé la mort de dizaines et de dizaines de personnes en activant un simple levier pour sauver son peuple. De nombreux innocents, des enfants, avaient péri. Et elle avait fait bien pire. Elle le savait. Elle le sentait, même si elle ne s'en souvenait pas. Elle reprit, malgré tout, presque aussitôt : « J'ai commis des atrocités pour sauver ma famille, mes amis... Les miens. J'ai fait des choix, j'ai pris des décisions... Qu'il est certainement impossible de comprendre ici. » ici, dans cette ville, dans ce contexte. La vie ici était bien loin de la vie là-bas alors il était compliqué de comprendre ses motivations ou ce qui l'avait toujours poussé à prendre les pires décisions. Si elle n'en disait pas trop, peut-être ne la chasserait-il pas de cette voiture en la faisant enfermer. « Je ne viens pas d'ici, je viens d'un endroit très... différent. Se battre était la seule façon de survivre et pour protéger ceux qu'on aime, on prend parfois des décisions qu'on ne pensait jamais prendre. » elle en disait déjà beaucoup trop. « Alors je mérite sans doute tout ça et bien plus encore. » et elle se sentait désolée de l'embarquer dans son Enfer, s'il n'était dans cette voiture en panne, sous la pluie, que par sa faute. Bien qu'au fond d'elle quelque chose lui disait que ce n'était pas le cas. Il était, selon elle, inutile de continuer à en dire davantage ou de lui poser, à son tour, de nouvelles questions. Il était préférable d'attendre sa réaction d'abord.

Clarke ignorait pourquoi elle restait là, à se confier à un inconnu. La situation la poussait à parler, comme pour s'occuper l'esprit. Il aurait certainement été préférable de discuter pour trouver une solution, mais à la place, ils discutaient de leur passé. Ou Clarke discutait de son passé, pour être plus précise. Un passé qu'elle contait brièvement, sans donner trop de détails, imaginant que personne ne pourrait la croire. Il n'était pas simple d'accepter tout ce que Clarke pouvait raconter et elle en avait pleinement conscience. Alors elle se contentait d'expliquer qu'elle avait commis des atrocités, sans les nommer. La jeune femme n'était pas capable d'avouer ses crimes au premier inconnu qui passait. Elle en parlait très peu. Octavia même, ne savait rien encore de ses pires actions. Pourtant lorsque cette dernière retrouverait la mémoire, elle s'en souviendrait. Et sans doute que Clarke lui devrait des explications. Des explications, elle en avait. Des raisons, aussi. Des excuses, certainement pas. Rien ne pouvait excuser un crime, ou presque. Elle avait défendu ceux qu'elle aimait et elle recommencerait sans aucune hésitation, mais ça n'excusait rien. Sans doute y avait-il d'autres solutions à ses problèmes, des solutions qu'elle n'avait pas su voir à ce moment précis.

Elle s'attendait à de nombreuses réactions venant de Will : des questions peut-être, des détails pour juger de ces fameuses atrocités... Pas simplement un constat... rassurant ? Clarke avait tourné la tête vers l'homme, l'observant tandis qu'il lui expliquait que ses motivations étaient nobles. Nobles ? Elle avait tué, même s'il l'ignorait, et ce n'était pas pardonnable. Quelqu'un avait dû prendre les décisions difficiles, et ça avait été elle. Ça ne l'excusait en rien, néanmoins. Même si elle tentait de se rassurer, lorsque son passé était trop lourd à porter, en se disant qu'elle n'avait jamais pris ses décisions à la légère, il n'avait jamais été question d'un plaisir ou d'une envie, juste, à ses yeux, d'une obligation. « Et vous, vous me donnez l'impression de défendre l'indéfendable. » souffla-t-elle, se permettant un sourire discret. Après tout, elle avait parlé d'atrocités sans jamais en évoquer les détails. Il ignorait à peu près tout d'elle et de ses actions, mais il les défendait ou les excusait.

Puis il posa une nouvelle question. Une nouvelle question à laquelle Clarke devait réfléchir un instant. Que devait-elle lui répondre ? Ce n'était pas simple... Alors elle observait toujours la pluie et l'orage, qui était en train de se rapprocher, les laissant coincés dans cette drôle d'ambiance. « A tout ça... » répondit-elle en désignant la forêt, les champs, le vide... C'était ça, chez elle. Un monde en ruine, en grande partie. Un monde vidé de sa civilisation, en partie également. « et... » reprit-elle, faisant une nouvelle pause, hésitant un instant à répondre. « à ça... » finit-elle par avouer en désignant le ciel, le laissant en déduire ce qu'il voulait. Elle avait l'impression de ne pas réellement contrôler ses confidences, forcée à révéler son histoire sans comprendre pourquoi. Peut-être parce que ça lui faisait du bien de se confier ? Peut-être parce qu'elle se persuadait qu'elle ne reverrait plus ce type après ce soir et qu'il ne pourrait rien contre elle ? « C'est ça, l'endroit d'où je viens... » reprit-elle en désignant l'extérieur, guettant sa réaction. C'était ça, dans le sens de cette planète, de ce monde. Cette île, elle ne la connaissait pas, en revanche, mais elle n'avait rien de différent, à ses yeux, d'avec le monde qu'on lui racontait, le monde d'avant l’holocauste nucléaire. « mais dans un futur... apocalyptique. » précisa-t-elle, s'attendant à se faire mettre dehors à toute vitesse ou à l'entendre rire. « Vous n'êtes pas obligés de me croire, mais je vous ai répondu. A vous de me raconter l'endroit d'où vous venez ! » lança-t-elle finalement, jugeant qu'elle avait évoqué pas mal de choses, bien que n'entrant jamais dans les détails, et que c'était à son tour désormais.

Clarke répondait aux questions de l'inconnu sans même savoir pourquoi. Sans doute aurait-il était plus simple de lui mentir, de lui répondre que cet événement était dû au hasard. Sans doute aurait-elle dû répondre que son monde était celui-ci, qu'elle était chez elle, qu'elle connaissait cette île et qu'elle y avait grandi. Quelque part, cela aurait été plus rassurant. Pour elle. Plus rassurant que se confier à un inconnu dont elle ignorait les réactions. Peut-être refuserait-il ses réponses, concluant à des mensonges grossiers. Qui prétendait venir du ciel, de l'espace ? Qui prétendait que cet endroit n'était qu'un purgatoire ? Qui avouait avoir commis de terribles actes ? Toutes les confessions de Clarke aurait pu, aurait dû, pousser cet homme à la fuir, mais il s'obstinait à trouver une raison, une vérité en chacun de ses mots. Il était peut-être, parfois, plus facile d'accepter que de se compliquer l'existence en niant absolument tout.

Clarke restait hésitante dans ses réponses, craignant malgré tout les réactions de l'homme, même si jusqu'à présent elle n'avait eu aucune raison de s'en faire. Elle sentait le regard curieux de Will. Elle tentait alors d'être plus explicite, dévoilant une autre partie de son histoire et de sa vie. Clarke, quelque part, venait bien d'un monde comme celui-ci. Mais pas de cette époque. Elle venait du futur. D'un futur. Un futur où tout avait mal tourné pour les humains. Clarke s'attendait à entendre rire, ou à se faire jeter dehors. Will ajouta, au contraire, qu'il la croyait. Ce qui ne manqua pas d'étonner Clarke, qui le fixa un instant, cherchant à déchiffrer le pourquoi cet homme était prêt à tout accepter. Elle devait bien l'avouer, elle s'étonnait de ses réactions. Mais elle n'allait pas s'en plaindre. Elle appréciait avoir trouvé quelqu'un prêt à la croire.

En échange de ses propres confidences, Clarke demanda à l'homme son histoire. Il n'allait pas tout lui dévoiler, elle le savait, mais peut-être pouvait-il lui fournir quelques indications comme elle l'avait fait. Will prit alors la parole à son tour, expliquant venir d'un monde identique à celui-ci. Il ajouta également qu'il n'y avait pas grand chose à savoir. Etait-il sérieux ? Allait-il la laisser avec si peu d'informations alors qu'elle, elle avait tant dévoilé ? Clarke le regarda longuement, sans répondre, attendant une éventuelle information en plus. Et elle avait bien fait d'attendre. Sa révélation fut plus qu'étonnante. Clarke le fixait désormais pour tout autre chose. Elle ne savait comment réagir à ça. « Quand vous-êtes mort ? » répéta-t-elle, bêtement, sa question n'attendant aucune réponse. « Comment est-ce possible ? » elle avait besoin de détails, d'explications. Au fond d'elle, une explication, elle en avait une. Difficile à accepter, mais elle était là.

Elle poussa finalement un long soupir, son regard se perdant de nouveau loin devant elle, sur cet orage qui s'était dangereusement rapproché et sur cette pluie qui semblait tomber de plus en plus, puis elle reprit. « Je suis peut-être morte, moi-aussi, même si je n'en garde pas de souvenirs... Ce n'est peut-être que notre punition... Le purgatoire, ou ce que certains appellent l'Enfer... » après tout, à certains moments ça pouvait réellement y ressembler. Tous ici méritaient peut-être ce sort, méritaient peut-être de payer le prix de leurs actes, méritaient peut-être de souffrir comme ils avaient pu faire souffrir. C'était une hypothèse comme une autre, après tout.

Si Clarke n'avait aucun souvenir d'être morte avant d'arriver ici, elle n'excluait pas l'hypothèse de se retrouver dans une sorte de monde après la mort. L'Enfer. Le Purgatoire. Quant au Paradis, elle n'y songeait même pas, consciente de ne pas y mériter sa place. Clarke n'avait aucun souvenir de sa potentielle mort, mais pouvait-elle réellement se fier à ses souvenirs quand elle savait pertinemment qu'il lui en manquait de nombreux ? Des années de sa vie avaient été effacées. Elle le sentait. Elle le savait. Ou alors était-elle morte au Mont Weather sans en garder aucun souvenir ? Ses impressions d'après n'étaient peut-être que des impressions ? Ces rêves qu'elle croyait être des souvenirs n'étaient peut-être que des rêves... Il semblait difficile de faire la différence entre tout ça ici. Il n'y avait personne pour l'aider, l'aiguiller. La seule personne qu'elle avait retrouvé dans ce monde, Octavia, avait perdu la tête. Elle ne se souvenait de rien et, mieux encore, elle s'était inventée une nouvelle vie. Une vie qui n'avait rien à voir avec l'Arche ou la terre dévastée qu'elles avaient pourtant connue.

Alors oui, il était impossible de certifier être en Enfer, mais il semblait impossible aussi, aux yeux de Clarke, d'affirmer le contraire. Autrement dit, cet endroit était toujours aussi mystérieux. Elle avait néanmoins un nouvel indice : Will était mort avant son arrivée ici. Les morts revenaient donc à la vie. Ou restaient morts et se retrouvaient en Enfer. Ça ne l'avançait pas beaucoup, mais ce n'était pas rien d'apprendre ça. C'était un détail qui pouvait avoir son importance un jour, selon les découvertes de la jeune femme. Clarke partagea alors son idée de l'Enfer ou du purgatoire, curieuse de connaître l'avis de cet homme. S'il était vraiment mort, et Clarke était prête à le croire, peut-être avait-il d'autres informations sur son ressenti ? Son réveil ? Quelque chose ? Elle attendait l'indice. Celui qui leur permettrait de comprendre.

La jeune femme attendait sa réponse, mais fut déçue quelque part de ne pas avoir une réponse à ses questions ou une solution logique qui répondait à toutes ses questions. Comme s'il allait lui révéler toute la vérité sur cette étrange île alors qu'elle avait parfaitement conscience qu'il était comme elle : il n'en savait rien. Alors il était ridicule d'avoir espéré le contraire un instant. A son tour alors, il émit une hypothèse. Ou plutôt, il essaya d'expliquer pourquoi l'hypothèse de Clarke - qu'il avait partagé pendant un temps - ne pouvait pas être la bonne. « Et s'il n'y avait rien à comprendre ? Si ce monde échappait à notre logique simplement parce qu'il ne ressemble en rien à ce que l'on a connu jusqu'ici ? » Il échappait à leur logique, mais sans doute avait-il sa propre logique ! Elle était simplement différente de ce qu'ils connaissaient. « Si c'était juste ça la vie après la mort... Une ville, une nouvelle vie, une punition pour certains, une seconde chance pour d'autres... Si ce n'était pas un endroit pour expier nos fautes, si ce n'était pas un endroit pour vivre éternellement, si ce n'était pas ce monde parfait que l'on nous décrit parfois... Si c'était juste une vie, comme une autre, mais régit par d'autres lois, d'autres logiques que celles que nous connaissons ? Il n'y a peut-être aucun but, aucun dessein... » Clarke partait sans doute bien trop loin dans ses réflexions, la situation angoissante et la fatigue ne l'aidant pas à garder les idées claires. Pourtant quelque part au fond d'elle, elle trouvait ça presque possible. Un monde échappant à la logique de la majorité, mais qui était régi par ses propres lois. Ce qui leur semblait impossible ou étrange n'était peut-être que quelque chose de normal et habituel ici ?

Aux yeux de Clarke, ce monde n'avait aucune logique. Aucune logique d'après ce qu'elle, elle connaissait. Les morts revenaient à la vie. Les souvenirs s'effaçaient. Des monstres attaquaient. Des disparitions mystérieuses. Des gens venant d'un passé ou d'un autre. Des gens venant d'un futur ou d'un autre. Des gens venant de l'espace. Il semblait qu'ici tout était possible. Pouvait-il, réellement, y avoir une logique à tout cela ? L'Enfer, le Purgatoire... Clarke avait déjà pensé à bien des hypothèses. Aucune ne répondait pleinement à ses questions. Pour certains, ce monde avait des allures de seconde chance, pour d'autres d'Enfer. Alors qu'était-il ? L'idée que ce monde ne soit, en réalité, qu'une vie après la mort effleurait la jeune femme. Ce n'était pas LA vie après la mort. Pas celle que l'on trouvait dans les bouquins, les religions ou les croyances. Mais une vie. Loin de tout ce que l'on connaissait, loin de la vérité que l'on s'était imaginée, loin des logiques et des lois régissant nos mondes et nos vies. C'était autre chose. Quelque chose de nouveau et d'insaisissable. Quelque chose d'incompréhensible et d'effrayant. Un monde qui ne semblait avoir aucune loi, aucune limite, aucune finalité, aucun but... Rien. Juste un monde où il fallait apprendre à vivre ou à survivre. Comment l'arrêter ? Comment en sortir ? Etait-ce seulement possible d'arrêter tout ça, de sortir d'ici ? Les mois et les années passants, Clarke y croyait de moins en moins.

La jeune femme observa son voisin, elle ignorait s'il tentait de comprendre cette théorie ou si, au contraire, il refusait de l'admettre lorsqu'il laissa sa tête tomber sur l'appui-tête, tout en répétant quelques mots. Il semblait en pleine réflexion. Clarke n'ajouta alors rien, le laissant à ses dernières. Et ce qu'il dit la fit réagir à son tour. S'il admettait qu'elle pouvait avoir raison, il admettait indirectement qu'ils étaient potentiellement morts et qu'ils étaient bloqués ici. Lui, il l'était d'après ce qu'elle avait dit. Elle, elle n'en avait aucun souvenir. Clarke n'arrivait pas à imaginer le reste de sa vie coincée ici, sans sa mère, sans Bellamy... Sans Madi. Sans tous ses amis. Pourtant ici, elle n'avait retrouvé qu'Octavia. Octavia qui, dans ses souvenirs, n'était pas morte. Alors que tous ses amis morts n'étaient pas là. Où étaient Wells, Finn et tous les autres ? Où était son père ? Se pouvait-il que dans ce monde, tous les morts ne se retrouvaient pas ? Où étaient-ils alors ? Avaient-ils eu le droit de reposer en paix ? Admettre que cette théorie était peut-être la bonne, c'était voir arriver les questions par dizaines. Rien ne répondait jamais à leurs questionnements. Jamais totalement.

Clarke fut alors sortie de ses pensées par l'homme qui reprit la parole. Selon lui, la pluie s'était calmée. Clarke avait l'impression qu'il pleuvait toujours autant, mais elle se fichait pas mal de finir trempée. Elle avait besoin de sortir de cette voiture et d'agir, de chercher. « Comme vous le dîtes, on peut rester ici encore longtemps... Autant essayer de trouver une solution et se bouger ! » Au moins, ils ne ressasseraient pas tout encore une fois et, avec de la chance ou si l'île le voulait bien, ils trouveraient quelque chose. Clarke n'attendit pas plus longtemps avant d'ouvrir la portière et de sortir. Il était encore compliqué d'y voir, autant dire qu'ils risquaient de galérer. La pluie tombait toujours, et toujours aucun réseau sur le portable. Décidément, elle en était certaine, l'île n'avait pas encore fini de s'amuser avec eux ou alors, elle attendait qu'ils trouvent la solution. Il n'y avait plus qu'à savoir laquelle, maintenant. « Une idée ? » demanda-t-elle en contournant la voiture pour se rapprocher de lui. Peut-être avait-il un plan, une idée ? Elle avait déjà exposé ses propres idées au départ, avant d'entrer dans cette voiture, à son tour de proposer s'il avait mieux en tête. « Rester sur la route, s'aventurer là-bas ? Ou là-bas ? » Demanda-t-elle finalement en désignant de la tête les campagnes puis la forêt. Elle lui laissait le choix. Elle le suivrait de toute façon, après tout, il n'y avait sans doute pas de solution miracle alors il était inutile de se prendre la tête sur la marche à suivre.

Leurs confidences semblaient toucher à leurs fins. Il n'y avait plus rien à dire, ici, à l'abri dans cette voiture. Ils n'apprenaient rien, ne comprenaient rien et n'avançaient pas. Il semblait être le moment pour eux de quitter cette voiture et d'affronter la pluie. Clarke préférait ça à rester inactive plus longtemps. Elle avait besoin de bouger, de chercher, d'avoir l'impression d'être utile. Ils sortirent alors de la voiture. La pluie ne s'était en rien calmée. Quelques secondes avaient suffi pour que Clarke finisse trempée. Ça n'avait aucune importance, elle continuait de préférer ça au reste. La jeune femme contourna alors la voiture pour rejoindre l'homme et lui demander s'il avait un plan. Il semblait compliqué de trouver une solution idéale.

La pluie empêchait d'y voir, l'orage grondait toujours et toujours aucune autre voiture sur la route. Bien qu'elle l'avait proposé, s'aventurer dans la forêt par ce temps était sans doute la pire des idées. Il restait bien les campagnes, mais ça ne les avancerait sans doute pas plus. Il restait alors la route comme le confirma l'homme. Clarke était persuadée que ça ne les mènerait à rien non plus, mais peut-être se trompait-elle ? Elle osait l'espérer. Puis si elle ne voulait pas rester enfermée dans la voiture, il fallait bien prendre une décision et suivre un chemin.

Aux quelques mots de l'homme, Clarke se contenta de répondre, en commençant à marcher pour le suivre, un : « je l'espère. » Etait-il possible d'imaginer que cette route ne menait nul part ? Dans ce monde, oui. Cela pouvait même paraître presque normal. Ce monde n'avait aucune logique, les routes apparaissaient de nul part et, parfois, des bâtiments semblaient apparaître et disparaître comme par magie. Alors, une route qui n'avait pas de fin ou qui ne menait nul part ? Cela devait sans aucun doute exister ici.

Elle finit par le rejoindre et se mettre à ses côtés, silencieuse, tout comme lui durant plusieurs minutes. Cette route semblait identique à chaque mètre qu'ils faisaient. La pluie semblait ne jamais se stopper, l'orage ne jamais disparaître. A croire qu'ils étaient coincés dans une boucle qui n'en avait pas fini avec eux et qui n'avait pas de fin. « Comment êtes-vous... » elle s'apprêtait à lui demander comment il supposait être mort, mais un bruit l'interrompit. Elle sursauta, resta sur ses gardes et observa les alentours. Avait-elle halluciné ? « Vous avez entendu ? » Ce n'était pas un gros bruit, surtout mélangé au bruit que la pluie faisait et à l'orage. Clarke était incapable d'en déterminer l'origine. Il semblait venir du côté, de la forêt, ou de derrière eux, peut-être ? Il était compliqué de le dire, en réalité, tous les bruits se mélangeant. Peut-être que son imagination lui jouait des tours ? Après tout, la situation était propice à imaginer tout et n'importe quoi. « Peut-être aurais-je dû poser cette question plus tôt, mais... Vous avez quelque chose pour vous défendre ? » demanda-t-elle, inquiète de se savoir loin des voitures, sans défense. Parce qu'elle, elle n'avait rien qui pouvait servir d'arme. Et en même temps, c'était logique. Tout le monde ne se baladait pas avec ça. Et elle ne serait pas étonnée d'apprendre qu'il n'avait rien, lui non plus. « Juste au cas-où ! » précisa-t-elle, ne voulant pas s'alarmer plus que nécessaire si elle avait rêvé ce bruit. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de craindre ce potentiel danger caché. Toute cette situation lui montait à la tête, c'était en tout cas ce qu'elle se répétait pour garder son calme.

Comme Clarke s'y attendait, cette route ne semblait pas avoir de fin. Chaque pas qui aurait dû les rapprocher de quelque chose, d'une autre voie, d'une maison... de quelque chose, ne les rapprochait de rien du tout. Tout restait toujours identique. La forêt, les champs, la route, la pluie, l'orage, le réseau... Rien ne changeait. Ils étaient comme bloqués hors du temps, perdus au milieu de quelque chose de bien trop fort pour eux. Une boucle dont ils ne pouvaient pas sortir. Un cauchemar dont ils ne pouvaient pas se réveiller. Plongés dans l'obscurité et le silence, silence rompu uniquement par la pluie et l'orage, ils continuaient d'avancer en vain. Will avait-il compris, également, que tout cela ne servait à rien ? Continuait-il, comme elle, pour se donner l'impression de faire quelque chose et de ne pas attendre son destin bêtement installé dans une voiture ? Ils s'occupaient l'esprit, d'une certaine façon, se donnaient l'impression d'agir et de ne pas simplement subir. C'était tout ce que Clarke voulait. Pourtant ce silence devenait pesant. La situation était stressante, angoissante. Avancer dans l'obscurité, en silence, avec un inconnu, n'aidait pas. Alors elle voulut rompre ce silence en lui posant une question. Par curiosité, aussi. Mais elle n'eut pas le temps de terminer qu'un bruit vint l'interrompre. Sans doute avait-elle simplement halluciné ? Forcément ! C'était juste ça, une hallucination à cause de la situation ! Il le fallait ! Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de demander confirmation à Will. Avait-il entendu lui-aussi ? Malheureusement pour elle, il l'avait entendu. Clarke n'avait donc pas rêvé. « Peut-être... » souffla-t-elle, pas du tout convaincue lorsqu'il émit l'hypothèse qu'il s'agissait d'un animal sauvage. Pourtant, c'était possible. Chaque bruit semblait plus impressionnant et difficile à isoler à cause de l'orage et de la pluie. Alors, il pouvait tout à fait s'agir d'un animal sauvage... Seulement son instinct lui soufflait que non.

Jusqu'à présent, elle n'avait pas songé qu'une arme pouvait être utile. Stupide. Dans une telle situation, dans une telle ville... Une arme s'avérait toujours utile. Elle, elle n'avait rien de tout ça. Elle ne possédait pas d'arme et n'avait rien pouvant faire office d'arme sur elle. Elle demanda alors à Will s'il avait pensé à prendre quelque chose. Clarke ne l'avait pas vu faire, mais cela ne signifiait pas qu'il n'était pas armé pour autant. Sa réponse ne fut pas rassurante. Il avait bien une arme, mais pas sur lui. Dans la voiture. Cette voiture qu'ils avaient quitté il y a de longues minutes déjà. L'un comme l'autre auraient dû y penser avant de se retrouver dans cette situation. Ils n'avaient pas été intelligents, n'avaient pas pensé à toutes les éventualités. Avant que la blonde ne puisse proposer de retourner vers la voiture de l'homme, il l'avait proposé. Clarke ne répondit rien, lui emboitant le pas immédiatement. Il n'y avait pas une seconde à perdre. Ils étaient plongés en plein film d'horreur et, pour en avoir regardé quelques-uns depuis son arrivée ici, ils étaient bien partis pour finir découpés en petits morceaux et éparpillés dans la forêt.

En silence, ils avançaient tous les deux, Clarke priant pour rejoindre la voiture au plus vite. La pluie ne faiblissait toujours pas, le bruit ne disparaissait pas. Il lui semblait même de plus en plus clair.
Impression, sans doute. Elle se concentrait trop sur ce dernier, cherchant à y déceler quelque chose, ce que c'était, d'où il provenait. Une chose était certaine, ce bruit les suivait.

Les minutes passaient, mais aucune voiture à l'horizon. S'il y avait eu plusieurs chemins, Clarke aurait supposé qu'ils s'étaient simplement trompés. Là, impossible de se tromper puisqu'il n'y avait qu'une unique route. Comment les voitures avaient-elles pu disparaitre ? Ou la situation leur donnait l'impression d'avoir trop marché pour les rejoindre alors qu'il n'en était rien ? Elle ne savait plus quoi penser. « Vous avez raison... Je crois. » admit la jeune femme, se stoppant. Inutile de continuer bêtement. « Réfléchissons. » souffla-t-elle plus pour elle-même que pour l'homme. « Quoi qu'il soit en train de se passer, on ne veut pas qu'on retourne aux voitures. » Même si elle avait dit peu de temps avant qu'il n'y avait aucun dessein dans cette ville, elle se contredisait, mais il semblait compliqué de croire que tout n'était qu'un hasard. Sans doute, que ce monde ne répondait à aucune logique connue d'eux, mais répondait à d'autres logiques. Ce monde n'avait peut-être pas de but précis, juste de rendre fous ses habitants et de les pousser à bout en s'amusant avec eux. « Résumons la situation : plus de voitures, pas d'arme, toujours pas de réseau, des bruits étranges, aucun chemin pour s'échapper et une pluie qui nous empêche d'y voir. » Bon, ils n'avaient pas beaucoup de points positifs de leurs côtés « Autant dire que la situation n'est pas réellement à notre avantage... » se permit-elle de plaisanter, bien que ce n'était pas du tout le moment. Elle avait l'impression que cette chose qui s'amusait avec eux n'avait attendu que ça : qu'ils s'éloignent de la voiture pour se perdre.

Fuir semblait compliqué. Impossible. Si quelqu'un se trouvait là, il allait les suivre. Ce quelqu'un avait alors un avantage sur eux : il les voyait alors qu'eux ne voyaient rien. Et puis, où fuiraient-ils de toute façon ?  « S'il y a un quelconque danger, il faut l'affronter. On ne peut ni se cacher, ni fuir. » Ce n'était pas vraiment une proposition, elle ne comptait pas se cacher ou fuir. Cela ne servirait à rien de toute façon. « Il faut qu'on trouve de quoi se défendre. C'est une forêt, on devrait pouvoir trouver quelque chose. Et il ne faut surtout pas qu'on reste sur place, nous serions alors des cibles trop faciles, on doit se déplacer. » Une branche épaisse ferait l'affaire. De toute façon, ils n'allaient pas faire leur difficile et même si une branche ne ferait pas le poids contre bon nombre d'armes, c'était un minimum déjà. Sans attendre la moindre réponse, la jeune femme s'approcha donc de cette forêt, quittant la route. Elle se pencha rapidement vers une branche qui traînait. « Ce n'est pas l'idéal, mais ça fera l'affaire pour le moment. » lança-t-elle pour se rassurer, se disant qu'elle finirait par trouver mieux. Le bruit se fit entendre de nouveau, plus clairement et plus proche, selon elle. « Alors, toujours persuadé qu'il s'agit d'un animal sauvage ? » demanda-t-elle, elle-même désormais certaine que ce n'était pas ça. Sur ses gardes, la branche serrée entre les mains, son regard se posant partout à la recherche du bruit, elle ajouta : « Peut-être aurais-je dû préciser qu'il y a quelques mois, en plein centre-ville, j'ai été attaquée par des... monstres. » elle ne savait pas comment les appeler. Ils ressemblaient à des morts-vivants, des créatures sorties tout droit des Enfers. Alors l'information n'était pas rassurante, mais peut-être pouvait-elle, au moins, être pertinente ? Il ne s'agissait peut-être pas de monstres cette fois-ci, mais une chose était certaine : ils pouvaient s'attendre à tout.

Ils étaient clairement en mauvaise position. Clarke n'avait pas le moindre doute là-dessus. Les voitures avaient disparu. Ou elles étaient inaccessibles. Peu importe, au final, le résultat étant le même. Par conséquent, ils n'avaient pas non plus accès à l'arme de Will. Il était impossible de retourner aux voitures et impossible de se cacher. Quelqu'un ou quelque chose attendait forcément quelque chose d'eux. Peut-être qu'ils affrontent ce qui se cachait dans la forêt ? Qu'ils trouvent une issue de secours ? Qu'ils découvrent quelque chose en particulier ? Il fallait découvrir quoi pour pouvoir quitter cet endroit, elle en était persuadée.

Clarke résuma donc la situation. Ils ne pouvaient pas prévenir les secours, ils ne pouvaient pas se cacher, ils n'avaient ni voiture ni armes, et il y avait ce bruit affreux dans la forêt. A tout cela, il ne fallait pas oublier l'obscurité, la pluie qui les empêchait d'y voir et l'orage. S'il fallait affronter cette chose, il leur fallait une arme. Une arme de fortune, puisqu'ils n'avaient pas d'autres choix. Sans perdre une seconde, la jeune femme s'approcha donc de la forêt pour y ramasser un morceau de bois, trempé. Ce n'était clairement pas l'arme idéale, elle n'allait pas l'aider à combattre tout et n'importe quoi, mais au moins, elle se sentait protégée un minimum. L'homme fit alors de même, attrapant une branche. Ce fut à ce moment précis, maintenant qu'ils étaient tous les deux armés, qu'un nouveau bruit se fit entendre. Un bruit beaucoup plus fort et beaucoup plus proche. L'instinct de Clarke lui disait que les véritables problèmes allaient commencer. La branche en mains, Clarke était sur ses gardes et observait les alentours. Ils devaient trouver d'où provenait ce bruit. Ils étaient clairement des proies et elle n'aimait pas ça. Ils étaient des cibles beaucoup trop faciles.

Lorsque Clarke demanda à Will s'il était toujours persuadé qu'il s'agissait d'un animal, il répliqua quelque chose qui aurait pu faire sourire Clarke dans une autre situation. Sauf qu'elle n'était clairement plus d'humeur à sourire ou à prêter attention à de la mauvaise foi. En revanche, elle venait de juger qu'il était le moment idéal pour elle de dévoiler un événement. En effet, il y avait quelques mois, en plein centre-ville, des créatures des Enfers l'avaient attaqué, elle et un petit groupe. Précision qui pouvait avoir son importance dans un moment comme celui-là. Will confirma alors simplement que la précision aurait pu être utile. Elle était d'accord, puisqu'elle l'avait elle-même signalé, mais en même temps elle n'y avait pas pensé. Comment aurait-elle pu deviner que quelque chose comme ça allait se passer ? Elle n'allait pas lui raconter toutes les choses étranges qui lui étaient déjà arrivées. Cela prendrait bien trop de temps, en plus.

Toujours sur ses gardes, ses yeux scrutaient les alentours et essayaient de se faire au mieux à l'obscurité. Elle tentait de garder son calme, de contrôler sa respiration, d'être attentive au moindre craquement. Sauf que la pluie et l'orage rendaient tout cela difficile, voire impossible. Clarke n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit qu'elle entendit l'homme la mettre en garde et la tirer par le bras. Ses yeux se posèrent alors sur la créature.  « Merde, c'était quoi ça ? » demanda-t-elle, en essayant de retrouver son souffle. Peut-être qu'il s'agissait de quelque chose qu'elle ne connaissait pas, peut-être qu'il savait comment s'en débarrasser ? Il le fallait ! Face à ça, avec deux branches, ils n'allaient pas faire long feu.

Clarke tentait alors de se reprendre, se positionnant de sorte à pouvoir se défendre au mieux. La créature semblait leur tourner autour, préférant l'obscurité, peut-être pour les effrayer. « Vous la voyez ? » demanda Clarke, tentant de se faire entendre entre la pluie et les bruits que la créature faisait. A peine la question fut-elle posée, que la créature chargea de nouveau. Sans se soucier de ce que son voisin faisait, elle tenta de la repousser avec un coup de bâton. Si la charge avait pu être évitée, la créature ne semblait pas effrayée pour autant. Elle s'était simplement stoppée, s'enfonçant de nouveau entre les arbres pour rester à couvert. Clarke tournait alors sur elle-même à la recherche de la moindre trace de cette chose. « Attention ! » cria la jeune femme lorsque la créature se dirigea entre eux, obligeant Clarke à s'éloigner de l'homme pour éviter la créature. Ils ne devaient pas se séparer, c'était la pire chose à faire, mais il semblait que c'était ce que ce monstre essayait de faire.