(abandonné) We stand together || Ben

❝Ben...❞

Le souffle court, l'angoisse au coeur, une unique question s'empare de moi, terrifiante, vertigineuse, prégnante... Et maintenant ? Je ne lâche pas Ben du regard tandis qu'il considère la dépouille de Snoke de ses yeux sombres. J'ignore quelle émotion l'anime : le mépris ? Le soulagement ? La haine ? L'espoir ? Ce que je ressens en revanche, trop vivement pour l'ignorer, c'est cette dualité, que j'ai toujours perçue chez lui, et ce dès le jour de notre rencontre. Ou bien est-ce la mienne ? Je me sens dans un état second, pourtant ce n'est pas sur moi que je me concentre. Mais bel et bien sur Ben, uniquement sur Ben. En prononçant son prénom, j'esquisse le vague espoir de le rendre à cette lumière certes vacillante, mais bien réelle, que je discerne en lui. Elle semble proche d'éteinte quand il se tourne vers moi. J'espérais un sursaut de bravoure dirigée vers le camp du bien, à la place, je découvre que ce sont des ténèbres si épaisses qui l'enveloppent que je ne serais jamais capable de le rejoindre... à moins de ne m'y enfoncer moi-même.

Je veux que tu me rejoignes. Ensemble, nous pouvons instaurer un nouvel ordre dans la galaxie.

J'observe la main qu'il me tend, interdite. Il me propose de le rejoindre... ses paroles sont douces, séduisantes à l'oreille... Le premier réflexe qui doit me dominer, le seul réflexe qui doit me dominer, est celui de refuser. Pourtant, mon regard ne sait se détourner de ce bras tendu. Il devrait être simple, pourtant, de refuser au nom de toutes les valeurs qu'il me faut défendre. Je suis en lutte avec moi-même. Refuser, c'est l'abandonner... et je ne m'en sens pas capable.

Tu veux savoir la vérité sur tes parents ou tu l’as toujours su ? Tu l’as refoulée. Tu sais d’où tu viens. Tes parents étaient des parias. De vulgaires ferrailleurs qui t’ont vendu pour s’acheter à boire. Ils sont morts. Ils sont dans une fausse commune dans le désert de Jakku. Tu n’as aucune place dans cette histoire. Tu ne viens de nulle part.  Tu n’es rien.

Je me mords la lèvre, ferme les yeux, chasse l'évidence autant que je le peux, celle qu'il m'assène, celle qu'il me refuse le droit de nier. Je me suis inventée une quête impossible, celle de mes origines, j'ai voulu donner du sens à ce qui n'en a pas... mais bien sûr, c'est Ben qui a raison. "C'étaient des parias." Mes parents n'étaient rien, mes parents n'étaient personne, et moi-même je ne suis personne... Les mots sont douloureux, ils le sont parce qu'ils sont vrais, j'ai le coeur arraché, il me brise de tout part, et puis, en quelques mots, prétend me réparer. Et ça marcherait presque.

Tu n'es rien... Mais pas pour moi.

Je ne suis rien, mais pas pour lui. Et je sais que chacune de ces paroles dites est une parole pensée. Je ne suis rien, je ne peux plus me leurrer. Ma vie n'a aucun sens, je n'ai aucun but, à moins... A moins d'accepter cette main qu'il me tend, toujours plus séduisante. Partir, l'abandonner, m'en aller tandis qu'il me demande, me supplierait presque de rester. Ou le trahir, pour ne pas me trahir... ou ne pas trahir qui je crois être. La vérité, c'est que je ne sais plus qui je suis... Non, plus précisément, je ne l'ai jamais su. Mais j'effleure de moi-même une image plus précise quand il est avec moi...

Rejoins-moi.

Je m'approche doucement, je me sens tremblante, presque extérieure à moi-même, c'est pourtant une prise ferme qui agrippe la main de Ben, et je la serre si fort, comme si lâcher prise maintenant devait revenir à me précipiter dans le vide. Je veux nous sauver peu importe la manière, même si ça doit être celle-ci.

Un instant, je ne dis rien, le regard rivé à nos mains jointes, j'ai conscience d'avoir atteint un point de non-retour, mais pour la première fois depuis si longtemps, j'ai le sentiment de mieux comprendre qui je suis. Et surtout, quelle est ma place. Ma place est avec lui.

❝J'ai peur...❞, je lui confie doucement d'un voix qui ressemble à un souffle, en levant enfin les yeux vers lui.

Et maintenant ?