Jealousy betrayal anger [Will Graham] Terminé

Chiyoh menait une vie paisible depuis 4 ans. Elle aimait son travail à l’armurerie, car elle était dans son élément. Au début, cela avait été difficile de parler avec des gens à nouveau. Elle avait perdu l’habitude… Ses débuts avaient été compliqués. Elle était laconique et sèche dans ses conseils. Avec le temps, elle s’était adoucie même si elle restait très professionnelle et assez peu loquace. Peut-être était-ce à cause de son passé : elle avait été au service de personnes depuis très jeune. On ne lui avait pas vraiment demandé son avis sur bon nombre de choses. Ou peut-être était-ce tout simplement sa personnalité. Difficile à dire après toutes ces années.

Pourtant sa quiétude et cette petite vie qui n’appartenait qu’à elle furent profondément bouleversées récemment. En effet, le passé de Chiyoh refit surface d’une façon tout à fait inattendue. Alors qu’elle profitait du week-end pour se promener en ville, flânant au hasard juste pour le plaisir d’être libre, son regard fut attiré par un écriteau sur une façade.

Cabinet psychiatrique du Dr Lecter

Elle se figea. Elle fixa les lettres sans comprendre leur sens. Comment était-ce possible ? Elle avait entendu parler de personnes dans son entourage qui avaient retrouvé des proches de leurs anciennes vies, mais elle n’en avait jamais croisé pour sa vie à elle. Et pour tout dire, elle en avait été plutôt heureuse. Ici, elle avait pu se reconstruire. Où peut-être même se construire tout court. Elle n’était ici que pour elle-même. Mais ce panneau changeait tout. Hannibal était… Tellement de choses pour elle. C’était à la fois un plaisir de la savoir à nouveau en vie, mais aussi un immense fardeau qui tombait sur ses épaules.

Elle jeta un coup d’œil dans la rue pour peut-être l’apercevoir, mais il n’était pas là. Puis, elle décida de prendre de la distance physique avec tout ça pour réfléchir à ce qu’elle allait faire ensuite. Elle resta la journée chez elle, à tourner en rond comme un lion en cage. Tout se bousculait. Elle manqua de lucidité et de pragmatisme pendant trois bonnes heures avant de se reprendre. Il lui fallait un plan, il lui fallait prendre les devants, il lui fallait affronter ses démons. Elle s’obligea à respirer bien profondément pour calmer son trouble et elle élabora un plan.

C’est avec une minutie qui lui était propre qu’elle prévue la suite pendant une petite semaine. Elle soudoya un petit génie de l’informatique, qu’elle avait rencontré au stand de tir, pour trouver l’adresse d’Hannibal. Il fallait qu’elle le voie et elle ne voulait pas faire ça à son cabinet. Elle n’était pas une patiente et elle espérait être encore quelqu’un qu’il considérait suffisamment proche pour se permettre de venir le trouver chez lui. Elle avait partagé beaucoup de choses avec lui et elle lui était loyale malgré tout. Elle avait tué pour lui. Serait-elle capable de tuer à nouveau pour le sauver ? Avait-il changé ? La police, était-elle après lui ? Quel genre de vie menait-il à présent ?

C’est avec toutes ces questions en tête, mais calme qu’elle se rendit à son domicile. Elle expira profondément avant de frapper à la porte d’entrée. Elle était calme, elle était prête à faire face à ce qui viendrait. Du moins, c’est ce qu’elle croyait…

Will Graham se tint devant elle. Ce n’était absolument pas ce à quoi elle s’était préparée. SI Hannibal été dans cette ville, il n’y avait aucune raison pour que Will Graham ni soit pas aussi, mais elle ne l’avait pourtant pas envisagé à un seul instant. Ou plutôt, elle n’avait pas envisagé Will chez Hannibal. La dernière fois qu’ils s’était vu avec le profileur, elle l’avait jeté d’un train en marche juste après l’avoir embrassé. Bien sûr, elle avait su qu’il avait survécu et elle l’avait même aidé à s’échapper avec Hannibal. C’était quand même assez perturbant de se tenir en face de quelqu’un qu’on avait voulu arrêter à tout prix.

Elle ne semblait pas être la seule à trouver la situation perturbante, car pendant un long moment, ils se dévisagèrent sans trouver leurs mots. Elle regarda l’homme en face d’elle longuement. Il semblait aller bien physiquement parlant. Psychologiquement, elle avait des doutes par sa simple présence chez Hannibal. Ou bien était-ce chez eux ? Qu’avait-elle bien pu louper de leur relation depuis leur mort commune ? S’étaient-ils vraiment suicidés comme on le racontait ? Avaient-ils succombé aux blessures du Dragon ?

Elle reprit ses esprits en entendant Will parler. Un mince sourire s’immisça sur les lèvres de la jeune femme.

- Cette fois.

Elle ne le connaissait que très peu, mais elle trouvait qu’il prenait assez bien le fait de la revoir. Elle l’avait quand même jeté d’un train… Peut-être avait-il compris qu’elle avait protégé Hannibal à sa façon en faisant tout ce qu’elle avait fait. Cela, faisait-il d’eux des ennemis ? Ne l’étaient-ils pas déjà par le passé ? Après tout, elle savait qu’il voulait tuer Hannibal à ce moment, tandis qu’elle espérait pour lui la prison. Pour autant, elle n’était pas toujours sûre des motivations du profileur. Il était difficile de savoir ce qu’il avait en tête.

Elle n’oubliait pas non plus que c’était Will qui l’avait « libérée » de sa tâche en Lituanie. Et qu’elle avait dû se résoudre à un geste impossible à cause de lui aussi. Hannibal l’avait piégée, mais elle s’était aussi sentie piégée par Will à ce moment-là. Les relations entre ces deux hommes et elle, n’étaient ni noires ni blanches, mais un patchwork de gris qu’elle avait du mal à comprendre parfois. Elle n’osait pas imaginer ce qu’il en était de la relation entre Hannibal et Will. Mais elle était curieuse d’en savoir plus. Et c’est cette curiosité qui la poussa à hocher la tête quand Will lui demanda si elle voulait entrer. Cependant, elle ne le fit pas immédiatement. Elle avait d’abord une question à lui poser.

- Vous souvenez-vous de ce que vous m’avez dit quand je vous ai trouvé en Lituanie ? « Je suis un ami d’Hannibal ». Est-ce toujours le cas ?

Elle ne savait pas encore ce qu’elle ferait de la réponse qu’il lui apporterait. Il n’y avait ni bonne ni mauvaise réponse à cette question, mais elle se sentait obligée de la poser quand même pour savoir à quoi s’en tenir avec lui. Il avait dit être un ami d’Hannibal et c’était probablement vrai à l’époque. Pourtant, il avait tenté de le tuer. C’était un concept particulier que d’apprécier quelqu’un, mais de vouloir sa mort. Mais était-ce bien ça qu’il avait voulu au fond ?

Chiyoh franchit le seuil de la maison de Will avec une certaine tension. Elle n’a peut-être rien à craindre sachant que c’est elle qui a prouvé être plutôt hostile à son égard par le passé. Mais justement, quand on jette quelqu’un d’un train, il faut peut-être s’attendre à un retour de bâton. Elle ne l’aurait pas volé et elle aurait compris. Elle aurait même trouvé ça juste d’une certaine façon. Pourtant, Will ne semble pas hostile à cet instant. Il lui propose même du café ou du thé.

- Un thé serait parfait. S’il vous plaît.

Il y a une petite pointe de remords chez la jeune femme à se voir offrir une telle hospitalité alors qu’elle ne la mérite pas. Cela la détend un peu. Elle avait ses raisons d’agir comme elle a pu le faire par le passé, mais ça n’excuse pas tout. Cela dit, si Will semble prêt à mettre de l’eau dans son vin, elle se doit de faire de même. Elle écouta avec attention ce que lui disait Will au sujet de sa relation avec Hannibal.

Bien sûr, un simple « nous sommes amants » n’auraient pas été digne d’Hannibal Lecter et de Will Graham. Leur relation avait toujours eu plusieurs facettes et elle n’avait été témoin de cela que du point de vue extérieur d’un seul des deux partis.

- Oui, «Nakama » semble réducteur… Si vous y trouvez tous les deux votre « équilibre », le terme a peu d’importance.

Ce fut au tour de Chiyoh d’avoir un mince sourire quand elle entendit Will rectifier qu’il n’avait pas l’intention de le tuer, pour l’instant. Elle y trouvait un étrange réconfort. Peut-être qu’il n’y avait que quand on partageait un haut degré d’intimité avec Hannibal qu’on était incapable de savoir si on aurait prochainement envie de le tuer. Chiyoh fit un petit salut de la tête à Will lorsqu’il déposa sa tasse sur la table du salon. Elle la prit entre ses deux mains comme sa mère le lui avait appris. Elle prit le temps de humer le thé fumant avant de plonger son regard dans le sien.

- Je suis tombée par hasard sur le cabinet d’Hannibal. J’avais besoin de le voir… vivant. Les médias y sont allé bons trains lors de votre disparition. Les théories étaient nombreuses.

Elle détourna le regard, toujours un peu troublée par la simple évocation de la disparition d’Hannibal. Cela avait été très dur à accepter. Pour la jeune femme, cela avait été un vide béant qui s’était ouvert en elle et dans sa vie. Elle n’avait jamais su le remplir jusqu’à ce que la lune rouge arrive et change tout. Elle se ressaisit et afficha même un petit sourire avant de reprendre :

- J’aurais dû me douter qu’on ne se débarrassait pas d’Hannibal aussi facilement, même avec sa mort…

Ce n’était peut-être pas la manière la plus directe pour dire qu’elle était heureuse de le savoir en vie, mais Will comprendrait à travers les lignes, elle en était sûre. Elle prit une gorgée de thé, savourant l’arôme s’épanouir sur sa langue avant de poursuivre.

- Si vous êtes là, est-ce que nos ennemis communs sont de retour aussi ? Dois-je m’attendre à démanteler un élevage porcin ?

La déclaration de Will quant au fait qu’il ne voulait pas réellement tuer Hannibal rassura beaucoup Chiyoh. Même si leur dynamique semblait avoir évolué depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, elle était heureuse d’apprendre que Will semblait déterminé à ne plus le vouloir mort. Après tout, si elle avait pu réagir de manière excessive quand on connaissait la suite des événements, au final, elle n’avait fait que protéger Hannibal envers et contre tous. Elle lui adressa donc un petit sourire entendu. Hannibal n’était pas facile à tuer, encore moins avec des relations aussi compliquées que les leurs. Et encore, elle n’était pas forcément la plus à plaindre. La dynamique entre Will et Hannibal était bien plus complexe encore de son point de vue.

La déclaration suivante fut plus compliquée pour elle. Pas tellement au sujet de l’éleveur de porc, mais pour son implication à elle. Chiyoh prit le temps de réfléchir à cette question. Sa première réaction, instinctive, primaire, aurait été de répondre « oui ». Bien sûr, qu’il pouvait compter sur elle. Ou qu’ils le pouvaient puisqu’il semblait former un duo à présent. Elle avait un enclin tout naturel à protéger Hannibal contre tous les dangers, qu’importent les sacrifices. Avant de parler, elle se rappela quand même ce que ça signifiait. Devrait-elle abandonner son travail ? Ses loisirs ? Sa liberté ? Sa vie ? Qu’était-elle prête à sacrifier ? Avant, il lui semblait qu’elle n’avait rien donné parce qu’elle n’avait rien à perdre. Sa vie lui avait été rendue par Will lorsqu’il avait libéré le tueur de Misha. Mais c’était une vie vide. Elle n’avait rien eu comme substance pour la remplir. Elle n’avait pas eu d’amis, pas eu d’amants, pas eue d’envie pour elle-même.

Aujourd’hui, il lui semblait qu’elle avait beaucoup plus à perdre. Elle s’était offert une nouvelle façon de vivre. Elle n’était au service de personne. Elle n’était prisonnière d’aucune promesse. Alors que ferait-elle ? Serait-elle capable d’abandonner sa liberté pour un homme qui lui avait tourné le dos sans se retourner ? Serait-elle prête à tuer à nouveau pour le sauver ? Elle qui avait passé des années avec un meurtrier comme captif tout ça pour éviter de le tuer. Elle qui s’était condamnée à une vie de solitude et de rigueur. Toutes ces questions se déroulèrent en une petite minute. Ce qui est un temps anormalement long pour une conversation, mais elle pensait que Will comprendrait son hésitation. Elle leva les yeux vers Will avant de répondre. Elle était sûre d’elle.

- Aujourd’hui et à jamais.

Peut-être qu’elle faisait erreur. Peut-être est-elle encore sous influence sans en avoir conscience. Peut-être qu’elle regretterait son choix, mais elle prenait ce risque. Hannibal avait tant compté pour elle. Ils avaient tant partagé ensemble dans leurs jeunes années. Sa loyauté était inébranlable. Quoi que ça lui coûte.

- Nous avons donc des ennemis communs. Qui sont-ils ? La police ?

Elle pouvait l’apprendre d’elle-même si elle commençait à suivre Will et Hannibal, mais le plus simple restait d’en discuter avec le concerné. Elle n’avait pas encore réfléchi à tout ce qu’impliquait sa déclaration un peu plus tôt. Comment ferait-elle pour protéger Hannibal si elle continuait de travailler ? Était-il à ce point a risque ou devrait-elle faire attention uniquement à certaines occasions ?

- Est-ce que… Le régime alimentaire d’Hannibal a changé ici ?

L’atmosphère de la conversation est vraiment particulière. D’un côté, ils sont visiblement du même camp et ont un intérêt commun. D’un autre, il y a quand même un léger manque de confiance, surtout de la part de Will, mais Chiyoh ne peut que le comprendre. Après tout, elle l’a déjà trahi une première fois. Elle sait qu’elle doit faire ses preuves pour lui montrer qu’elle est digne de ce qu’elle lit dans son regard. Elle n’a aucun intérêt à le décevoir, du moins tant que ses intentions à lui envers Hannibal restent les mêmes. Elle se doute que la relation entre les deux hommes est compliquée à bien des niveaux, mais c’est aussi ce qui la rend plus forte et plus difficile à briser. Quant à elle, elle se rangera du côté d’Hannibal et si Will est de ce côté, elle le protégera aussi.

En parlant de protection, elle en apprend un peu plus sur leurs ennemis. La police est encore loin de s’occuper d’eux sérieusement et c’est une bonne chose. Il faudra quand même se méfier de cet agent qui a quelques doutes. Chiyoh ne maîtrise pas aussi bien ce domaine que Will et Hannibal, mais ils doivent sans doute avoir des idées pour l’éloigner de leurs petites affaires. Peut-être en disséminant des preuves qui en accuseraient un autre ou quelque chose dans le genre. En-tout-cas, c’est comme ça qu’elle s’y prendrait elle. La liste ne s’arrêtait pas là malheureusement.

- Alana Bloom n’était pas la psychiatre en charge de la captivité d’Hannibal ? Elle est ici aussi ? Quel pouvoir a-t-elle ?

Pouvait-elle témoigner en défaveur d’Hannibal ? Était-elle sur leur piste et pouvait-elle fournir des informations à la police ? Chiyoh ignorait tout des aspects plus intimes de leurs relations avec la psychiatre.

- Freddie Lounds est une « journaliste » pour Tattle Crime. Je ne suis pas sûre que la moitié de ce qu’elle écrit est véridique.

Chiyoh avait vécue recluse en Lituanie pendant longtemps, mais elle avait pu se faire un avis assez rapide sur la journaliste lors de son retour à Baltimore. En effet, les articles publiés avant la mort d’Hannibal avaient un côté très surjoué pour la jeune femme. Elle n’avait pas non plus su quelle part de vérité accordée à ceux publiés après la mort de Will.

- Elle risque de publier des choses sur votre relation ? De quoi est-elle au courant ?

Chiyoh se doutait que Will n’avait pas vraiment envie d’aborder ces sujets pourtant, elle était obligée de creuser pour savoir quel serait son rôle et comment les aider. Elle avait fait son choix et elle était maintenant prête à mettre en place ce qui devrait l’être pour les protéger. C’était sa mission.

Will lui répondit au sujet des habitudes culinaires de leur psychiatre favori. Chiyoh aurait dû se douter de la réponse avant même de poser la question, mais elle avait eu besoin d’être sûre d’elle et, une fois de plus, de savoir dans quoi elle mettait les pieds.

- Même si j’apprécie l’invitation à sa juste valeur, je crains de devoir faire un repas végan.

Elle se doutait que Will la provoquait volontairement, mais elle n’allait pas se laisser faire. Elle connaissait l’histoire derrière les goûts particuliers d’Hannibal. Elle avait accepté cette partie de lui, pour autant, elle n’était pas prête à participer. Tolérer, oui. Ingérer, non.

- Est-ce que vous partagez son appétit ?

Elle était sincèrement curieuse de savoir si Will participait activement à tout ceci ou non.

Chiyoh écouta avec attention Will lui expliquer l’implication d’Alana Bloom dans ce monde. Il faudrait qu’elle fasse ses propres recherches, évidemment, mais pour l’instant la menace était réduite et indirecte. Certes, Alana était au courant pour Hannibal mais si Will n’évoquait pas de convocation à la police locale, c’est qu’ils avaient trouvés un terrain d’entente. Chiyoh restait toutefois très méfiante. Quelqu’un qui en savait un peu trop restait un danger. Que se passerait-il si Mme Bloom se décidait à parler ? Évidemment, Will et Hannibal avaient déjà dû y penser eux-mêmes et s’étaient sans doute concertés pour la laisser en vie. Elle ne prendrait donc pas de décision elle-même sur le sujet, mais s’ils lui faisaient signe, elle ne reculerait pas.
Freddie Lounds était une autre histoire. Elle semblait plus imprédictible, plus sournoise.

- On la laisse en vie jusqu’à ce qu’elle commette un impair ? Est-ce que ça ne sera pas trop louche si juste après avoir publié quelque chose, elle disparaît ? D’un autre côté, si on apprend qu’elle est liée à nous via notre ancienne vie, ce sera suspect aussi… Sa disparition pourrait faire bouger Mme Bloom également.

La situation était compliquée pour Chiyoh. Dans leur ancienne vie, Hannibal était en danger à cause de bien des personnes, mais il avait su garder pendant très longtemps le secret sur ses actes. Ici, il y avait trop de personnes impliquées au goût de l’asiatique. Vivons caché, vivons heureux…

Le sujet de l’alimentation de Will fut ensuite abordé. Chiyoh garda un visage neutre pendant qu’il lui parlait. Elle s’était déjà habituée aux préférences d’Hannibal alors partager celles de Will n’était pas vraiment un effort pour elle. Elle comprenait d’une certaine manière cette façon de faire, bien qu’elle soit incapable de l’envisager pour elle-même.

- J’imagine que partager la vie d’Hannibal sans respecter ses préférences culinaires devait être compliqué de toute façon… S’il est très exigeant envers lui-même sur bien des points, je suis persuadée qu’il l’est aussi avec les autres.

Elle disait cela comme si elle n’avait pas été elle-même la cible de ces fameuses exigences, mais indirectement elle l’avait été. On ne pouvait pas espérer rester proche d’Hannibal si on était décevant. Être à la hauteur d’un homme si raffiné n’était pas simple, c’était aussi pour ça qu’il n’avait pas beaucoup de proches qui ne soient pas des pions pour ces jeux. Si on pouvait espérer ne pas être des pions quand même. Il y avait toujours plusieurs niveaux de lecture à une relation. C’était d’autant plus vrai et plus intense avec Hannibal.

- Est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre au courant pour Hannibal ? Même parmi les gens de confiance ?

Chiyoh avait vécue recluse pendant si longtemps qu’elle n’avait aucune idée de l’évolution de la vie des deux hommes. Avaient-ils des amis au courant ? Des parents ? Des gens de confiance, mais qui pourraient un jour les trahir ? Elle s’attendait à tout et surtout au pire. Elle pensait qu’avec tout ce que Will avait vécu, il ne trahirait plus jamais Hannibal, mais elle n’en savait rien pour les autres.

- Vous travaillez toujours pour le FBI ? Est-ce que parmi vos collègues, on pourrait avoir des doutes ?

- Abigail ? Son nom ne me dit rien. Qui est-elle ? Nous avons des choses en commun selon vous ?

Chiyoh était intriguée par ce nouveau protagoniste. Bien sûr, vivre en Lituanie toutes ces années l’avait beaucoup éloigné de la vie d’Hannibal. Elle avait recollé une partie des morceaux de sa vie lorsqu’elle avait suivi Will, mais il lui restait sans aucun doute des parties de l’histoire à reprendre. Surtout que si une grande partie des éléments avaient été médiatisés par différents journaux, il restait indiscutablement des éléments qui restait secrets. Elle en faisait partie. Jamais aucun média n’avait parlé de son implication pourtant, elle avait bien participé à leur passé commun.

- N’est-ce pas trop risqué d’en parler à quelqu’un du FBI ?

Bien entendu, elle fait confiance à Will, mais elle ne peut s’empêcher de poser la question. Elle sait très bien qu’il est quelqu’un de prudent avec sa vie privée. Elle ne doute pas qu’il s’agisse d’un nouvel intervenant de confiance, mais plus le secret est révélé à de nombreuses personnes, moins il devient un secret justement. Ils ont déjà assez d’ennemis comme ça, il n’est pas question de rajouter d’autres protagonistes. Elle le comprend néanmoins. Partager ce niveau d’intimité avec Hannibal doit être une lourde charge mentale et elle suppose qu’il est normal qu’il se décharge un peu auprès de personnes de confiance.
Elle termina son thé et se leva tranquillement.

- Je ne vais pas vous importuner plus longtemps. Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Elle hésita une seconde à en dire plus. Le remercier pour lui avoir ouvert la porte en premier lieu, mais aussi pour lui avoir une nouvelle fois fait confiance alors qu’elle aurait très bien pu le trahir. À nouveau. Bien sûr, ils savent qu’ils ont des intérêts communs, mais elle reconnaît qu’il lui a sûrement fallu du courage pour avoir cette conversation. Elle aimerait l’en remercier, mais elle ne sait pas trop comment faire. Lui dire plus clairement tout ceci, c’est compliquer pour elle. Même si les quatre années qu’elle a passées dans cette nouvelle vie, l’ont un peu réparé au niveau des relations humaines, elle a toujours du mal. Pourtant partir sans en dire plus est compliqué aussi. Une main sur la poignée de la porte d’entrée, elle se retourne vers lui.

- Je…

Mais les mots restent bloqués. Elle ne sait pas comment faire face à ses sentiments. Encore moins, car elle est légèrement chamboulée par tout ce qu’elle ressent à l’idée d’être de nouveau dans le cercle d’Hannibal.

- Merci.