(abandonné) Certain personalities are attracted to certain professions [Alana]

Certain personalities are attracted to certain professions

feat. Alana

Hésitant, Will tourne et retourne la question dans son esprit, conscient d’en connaître déjà la réponse. Il devrait refuser… et ne certainement pas se laisser convaincre pas les propos de Jack Crawford, qui a su précisément de quelle façon s’adresser à lui afin de le rallier à sa cause. Bien sûr qu’il ne saurait demeurer impassible face à l’horreur des crimes commis. Bien sûr qu’il veut intervenir, mais il sait également pour quelle raison il devrait s’abstenir de le faire. A l’abri de sa salle de classe, il ne résout peut-être aucun crime, mais il demeure également à distance de ce qu’il devine être un dangereux point de non-retour. Considéré comme trop instable pour intervenir sur le terrain, il a admis son sort plus qu’il ne l’a accepté… Prétendre pour autant qu’il ne se laisse pas doucement convaincre par les éléments mis à sa disposition. Qu’il le veuille ou non, cette affaire vient d’ores et déjà trouver un écho trop prégnant dans son esprit pour qu’il puisse échapper à l’infinité d’images mentales qu’elles viennent invoquer dans un esprit trop fragile.

Will le sait, c’est pour cette raison que Jack veut lui arranger un rendez-vous avec ce psychiatre dont il ne sait rien, et dont il ne veut au demeurant rien savoir. Peu importe qui est cet Hannibal Lecter, quelles sont ses références et ce que sont ses compétences, il refuse catégoriquement de le rencontrer. Il ne laissera personne se frayer un chemin, si insidieux soit-il, dans ses pensées… Encore moins si cela ne doit servir qu’à soulager la conscience de Jack, qui estimera ainsi pouvoir exploiter son « pouvoir d’imagination » sans aucune forme de scrupule. Où le bât blesse en revanche, c’est que cet Hannibal Lecter, s’il n’est qu’un étranger pour Will (et le demeurera), n’en est pas un pour une autre personne de sa connaissance.

Les raisons invoquées par Alana pour refuser à Jack de veiller à son équilibre psychologique (ce qui revient à courir après une chimère dont lui-même a conscience de l’inexistence), Will est capable de les entendre plus qu’il n’est à même de les accepter. Toujours les mêmes, en fin de compte, celle qui justifie la distance qu’elle impose entre eux, pour préserver une amitié dans tous les cas biaisée par la complexité de leurs sentiments respectifs, qui ne sont dans tous les cas pas amicaux.

Comme à son habitude, Will a donné son cours avec ce détachement qui lui est coutumiers, il se focalise sur son discours plutôt que sur son insistance, avec laquelle il limite ses interactions autant que possible. Au moment de voir les élèves quitter un à un l’amphithéâtre, une silhouette féminine, elle, se rapproche.

« Laisse-moi deviner », fait-il avec un esquisse de sourire, son regard fuyant le sien comme il fuit tous les autres. « C’est Jack qui t’envoie ? » Il marque un temps de pause. « Je lui répondrai la même chose qu’à toi, Alana. Je ne rencontrerai pas le docteur Lecter, ni aucun autre docteur au passage. »

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Will ne peut s’empêcher de lever légèrement les yeux au ciel quand Alana lui dit ce qu’il sait déjà, à savoir que pour la tranquillité d’esprit de Jack, il faudrait définitivement qu’il passe ce bilan psychologique concernant lequel il ne cesse d’insister. Apaiser la conscience de Jack est le cadet de ses soucis à l’heure actuelle. Il ne veut pas se laisser observer telle la curiosité psychiatrique qu’il a pourtant conscience d’être, il ne veut pas que l’on passe son esprit dérangé au crible, il ne veut pas se soumettre à ces sortes de tests qui toujours lui donnent le sentiment d’être coincé. Il ne veut pas apporter à certaines questions des réponses si catégoriques qu’elles le catalogueraient définitivement comme fou. Il était déjà passé par là. C’était son instabilité psychologique qui l’avait privé en premier lieu d’agir sur le terrain et l’avait relégué au statut de professeur qu’il occupe à présent. Il n’a besoin de personne, pas plus d’Alana que de ce docteur Lecter pour savoir qu’il est… pour ainsi dire… défaillant.

Will reporte son attention sur Alana, en s’épargnant cependant de la regarder dans les yeux, alors que cette dernière lui assure que personne ne l’obligera à se soumettre à ce bilan psychologique s’il ne le veut pas. Peut-être bien, mais l’insistance de Jack à ce titre fait tout de même raisonner un autre son de cloche dans son esprit. Will a surtout le sentiment que Jack insistera encore et encore jusqu’à ce qu’il se sente acculé et accepte de céder… Tout cela pour, qui sait, obtenir précisément l’information à son sujet qu’il veut négliger afin de pouvoir emprunter son « imagination » à loisir.

« Donc personne ne m’y obligera, mais je serais obligé tout de même », résume Will avec un léger sourire cynique quand Alana lui fait clairement comprendre que Jack en passera par des voies détournées si il doit ne pas avoir d’autres choix, en s’épargnant les formalités usuelles. Il n’est pas vraiment surpris d’entendre cela. Du peu qu’il sait de Jack, il ne peut qu’admettre que ces méthodes lui ressembleraient assez.

« Est-ce que tu n’essaierais pas de m psychanalyser, Alana ? » suggère-t-il mais sans agressivité en l’occurrence, quand Alana lui demande pour quelle raison il tient tant à se tenir à l’écart de tous ceux qui pourraient éventuellement sonder son esprit et juger de son aptitude… plus probablement de son aptitude. « Je préfère éviter que qui que ce soit le fasse. Je pense que tu n’apprécierais pas ma réaction. Ni toi ni personne d’autre d’ailleurs. »

Il préfère laisser son inconscient et même sa conscience hors de portée de ceux qui pourraient avoir les outils suffisants pour les décortiquer.

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La remarque d’Alana fait naître un léger sourire sur le visage de Will. Voilà bien assez longtemps que Will côtoie le FBI et ses méthodes pour savoir comment cela fonctionne au sein de cette institution, de même qu’il n’a pas eu besoin de bien longtemps, en vérité, pour comprendre de quelle manière Jack fonctionne. C’est bien pour cette raison qu’il se sait obligé quand on prétend pourtant vouloir lui laisser le choix.

« Tu es trop curieuse pour empêcher ce genre de déformation professionnelle, je sais bien », répond simplement Will, qui ne fait pas vraiment de reproches à Alana, en réalité, même s’il a également conscience que cette même curiosité est précisément ce qui a toujours restreint leurs relations à un cadre qui n’a pas dépassé celui de la stricte amitié quand Will, pourtant, aurait certainement voulu davantage.

Il le comprend néanmoins. Il serait injuste de reprocher à la jeune femme sa propre instabilité. Son honnêteté vis-à-vis de lui a toujours été totale, et il ne peut pas en dire autant de tout le monde. C’est une des choses qu’il apprécie le plus chez elle, d’ailleurs, une transparence bienvenue qui ne l’oblige pas à lire en elle de manière détournée comme il a tendance à le faire avec d’autres.

« Nous ferions mieux d’y aller au plus vite, alors », remarque Will d’un ton complice quand elle suggère que Jack arrivera sans doute d’un instant à l’autre pour venir « l’enlever ». C’est en effet très probable.

Jack Crawford, dernièrement, agit vis-à-vis de lui à la manière d’une ombre impatiente. Il ne cesse de s’inviter sur son chemin, comme une manière de le faire céder à des exigences qu’il n’a guère envie d’écouter. S’il est naturellement intéressée par la mission que le chef du département des sciences comportementales du FBI cherche à lui confier, il n’a pas l’intention de se soumettre à ses conditions. C’est même hors de question.

« Et je peux manger », reprend-t-il en enfilant son propre manteau avant de donner le départ.

C’est côte à côte qu’ils quittent la salle de classe et le bâtiment, sans croiser, fort heureusement, la route de Jack.

« Si tu devais me donner un avis forcément subjectif… Est-ce que tu penses que je devrais me rendre sur le terrain, même exceptionnellement ? Tu as le droit d’être honnête. – Je préfère que tu le sois, d’ailleurs », lui demande-t-il tandis qu’ils se dirigent vers le parking.

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L’opinion d’Alana est peut-être celle à laquelle il accorde le plus d’importance parmi tous ceux de son entourage. Certes, il faut aussi reconnaître que son entourage est des plus restreints, mais il n’est clairement pas capable de tant de confiance à l’adresse de beaucoup d’autres dont il ne saurait que remettre en question les motivations : à commencer par Jack, bien évidemment. Il ne le pense pas malfaisant ou malintentionné, mais il le pense en revanche capable de fermer les yeux sur certaines évidences au profit de ce qu’il estime être le plus important : sauver des vies. Peut-il l’en blâmer ? Il n'envisage pas de le faire. Lui-même admet sans mal que cette priorité importe sans doute bien plus que son fragile état mental.

Il l’écoute donc attentivement tandis qu’elle exprime avec sincérité son avis sur la question, sur la possibilité qu’il revienne sur le terrain ou non. Un réel danger pour lui. C’est la meilleure manière de le résumer en effet. Chacune de ses interactions, quoi qu’imaginaire, avec les criminels dont il dissèque l’esprit et le mode de pensée pour mieux se les approprier est une concession de lui-même qui rend parfois difficile à Will la perception de qui il est réellement. Quand votre esprit et vos émotions se superposent à des dizaines d’autres, que reste-t-il de votre propre esprit ? Sonder l’esprit des criminels les plus dangereux n’est pas vraiment un exercice difficile pour Will, c’est plutôt un exercice naturel. En revanche, Alana a tout à fait raison sur ce point : ce détacher de leur psyché est une tâche bien plus complexe… En réalité impossible pour lui.

Sa réponse n’a donc rien de surprenant. Elle estime qu’il n’est pas apte à revenir sur le terrain. Quiconque d’un tant soit peu sensé ou du moins soucieux de son état mental dirait la même chose, et pourtant, une part de lui a envie d’écouter Jack, et de négliger l’évidence.
Sa réponse n’a donc rien de surprenant. Elle estime qu’il n’est pas apte à revenir sur le terrain. Quiconque d’un tant soit peu sensé ou du moins soucieux de son état mental dirait la même chose, et pourtant, une part de lui a envie d’écouter Jack, et de négliger l’évidence. Jack l’utilise en effet à la manière d’un outil bien pratique… Il exploite son « imagination » à sa guise. C’est un fait. Vouloir l’avis d’un psychiatre avant de l’envoyer sur le terrain est une manière pour lui de se dédouaner, mais ses intentions, elles, sont évidentes.

« Ta voiture, si ça ne te dérange pas », propose Will, encore un peu perdu dans ses réflexions quand Alana le renvoie à des considération bien plus prosaïques. « Jack a raison sur un point », se permet-il de reprendre. « En refusant d’aller sur le terrain, les vies que je n’aide pas à sauver, je les porte sur ma conscience, et c’est peut-être encore pire. »

Dans un cas comme dans l’autre, il aura le sentiment que ces victimes seront les siennes.

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Will reste silencieux à la réflexion plus que juste d’Alana. Bien sûr, et d’un point de vue très rationnel, il est évident que les seuls responsables des crimes sur lesquels le FBI se voit dans l’obligation d’enquêter sont les assassins eux-mêmes, mais il est également convaincu – sans grande humilité –, tout comme l’est Jack, de sa capacité à appréhender certains de ses criminels bien plus aisément que ne sauraient le faire d’autres de ses collègues pour leur part aptes au terrain… En intervenant plus rapidement, en intervenant à temps, il pourrait sauver des vies qu’il laisse à présent entre les mains de ces criminels. Oui, il est évident que Jack cherche à le faire culpabiliser, et sa démarche n’est pas exactement la plus subtile qu’on puisse imaginer, mais même en connaissance de cause, Will n’arrive pas à lui donner tort, ou pas complètement. Manipuler autrui à bon escient est au fond quelque chose que tout le monde fait… consciemment ou pas, c’est un mécanisme imputable à bon nombre d’êtres humains, lui compris. On pourra reconnaître que dans la manière un rien frontale qu’a Jack de procéder, il a au moins le mérite d’une manipulation presque « sincère ».

« Ses méthodes fonctionnent, on peut difficilement lui reprocher de se reposer dessus », constate simplement Will.

Et donc, il n’est toujours pas convaincu de ce qu’il doit faire en même temps qu’il a déjà au moins un peu conscience de ce qu’il finira tout naturellement par faire. Parce qu’il ne parviendra probablement pas à s’en empêcher, même avec la meilleure volonté du monde. Oui, mettre en péril sa santé mentale au profit des vies qu’il pourrait éventuellement sauver est un pari hasardeux. Mais que Jack décide d’exploiter ou non son « imagination » hors du commun, Will n’a pas la conviction, quoi qu’il en soit, que son état mental tendra un jour à s’améliorer – et son obstination à refuser la moindre psychanalyse n’arrange évidemment rien. Au fond, il se peut aussi qu’il soit simplement curieux… curieux de savoir ce qui se passerait si Jack faisait le choix de tirer sur la corde jusqu’à voir cette dernière se briser.

Est-ce de cela qu’il a envie ? Préfère-t-il rester à l’écart ? Il connaît déjà la réponse à cette question. Bataillent en lui le rationnel et l’irrationnel, ce qu’il pense être bon pour lui et ce qu’il pense souhaiter… Les deux ne sont pas toujours les mêmes en fonction des moments.

« Ce dont on a envie n’est pas toujours ce qu’il nous faut, n’est-ce pas ? » fait-il, comme une manière de répondre sans répondre véritablement.

Tout en prononçant ces mots, son regard s’attarde volontairement sur elle, qui est l’illustration exacte de ce qu’il est en train d’affirmer… Leur relation ne serait, aux dires d’Alana, pas viable, ni saine, compromise pas la trop grande curiosité de la jeune femme concernant son fragile état psychologique. Et cela n’empêche pas pour autant Will de vouloir être avec elle.

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Une esquisse de sourire, entre l’amertume et l’ironie, étire les lèvres de Will tandis qu’Alana confirme son propos. Oui, ce qu’on désire est très rarement ce qu’il nous faut. Et en effet, les tentations sont nombreuses. La plus grande tentation que Will est capable d’entrevoir, il l’a sous les yeux. Il ne peut s’en empêcher, il ne peut souligner, d’une façon ou d’une autre, l’attirance qu’il y a entre eux. Parce qu’une part de lui estime qu’ils devraient se ficher de son instabilité, et une autre a plutôt envie de pousser Alana à le fuir le plus rapidement possible. Quelle importance, néanmoins. Alana Bloom est une jeune femme raisonnable, et elle a d’ores et déjà fait son choix. Alana ne changera probablement pas de ligne de conduite, et dans l’attente, discuter de leurs options dans un cadre strictement professionnel est naturellement plus simple que de s’aventurer sur un sujet autrement plus dangereux.

Au fond, il apprécie tout de même que la jeune femme lui laisse sous-entendre que l’envie ne lui manque pas vraiment de dépasser avec lui ce seuil qu’ils ne franchissent pas. C’est probablement pour le mieux, c’est probablement ainsi qu’ils sauront préserver leur relation telle qu’elle est, et dont ils doivent se satisfaire car, après tout, elle leur plaît malgré tout, à l’un comme à l’autre. Alors oui, retour à Jack et à son offre ô combien dangereux.

Will détourne le regard, le tourne vers la vitre, évitant plus que jamais tout contact visuel avec Alana, même à travers le rétroviseur. Il sait déjà ce qu’elle est en train de lui dire. Il n’y arrivera pas sans soutien. S’il prend la décision d’accepter l’offre de Jack, il est important qu’il bénéficie de ce soutien psychologique qu’il refuse obstinément, si bien qu’il a refusé de ne serait-ce que rencontré cet Hannibal Lecter aux références excellentes, et qui avait à la fois la confiance de Jack et celle d’Alana. Il ne veut pas mettre ses pensées, sopn esprit à nu. Il a peur de ce que l’on pourra découvrir en grattant un peu sous la surface. En vérité, Will Graham a peur de lui-même, et s’il peut vaguement donner le change, parfois, il sait qu’Alana n’est pas dupe de cela. Elle le sait pertinemment.

« Mais tu n’accepteras pas d’être ma thérapeute, n’est-ce pas ? »

Si elle l’acceptait, peut-être qu’il consentirait à changer d’avis, même s’il n’est pas sûr que ce soit une bonne chose. Si elle l’acceptait, il serait peut-être capable, de manière imparfaite, de concilier des aspirations qui le rendent particulièrement nerveux.

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L’esquisse de sourire qu’affiche Will, empreinte d’un soupçon d’amertume, en dit long de ce qu’il pense de toute cette situation, tandis qu’Alana évoque son implication émotionnelle vis-à-vis de lui, celle qui ferait qu’une thérapie de sa part à son adresse pourrait signer la fin de leur amitié. Il n’est pas surpris de cette réponse, puisqu’il avait été convaincu du fait que ce serait bel et bien celle qu’elle lui adresserait, mais cela met en revanche en exergue tout ce qui fait l’objet de ses plus grandes frustrations.

Il peut être proche d’Alana sans l’être, toujours pour les mêmes raisons. Trop instable. Creuser sa psyché, c’est renoncer à toute possibilité d’amitié, et ne parlons même pas de ces autres sentiments qu’il n’est pas question d’explorer, car cela ne ferait présumément du bien ni à l’un ni à l’autre. Peut-être… Peut-être aussi que la présence et le soutien d’Alana est la seule chose au monde qui soit véritablement susceptible de l’aider et de lui apporter le soutien psychologique et émotionnel dont il aurait besoin.

« Je ne sais pas vraiment si j’y tiens vraiment », observe Will, comme à son habitude, fuyant.

Il sait qu’elle est sincère quand elle affirme ne pas vouloir le laisser seul, il sait que ses intentions à son adresse sont honnête, mais cela n’ajoute que davantage, en vérité, à sa propre confusion. Il ne sait pas s’il veut vraiment d’Alana pour thérapeute. Pour cause, il ne veut pas d’une thérapie. Mais s’il doit en passer par là, il lui semble évident qu’il fera confiance à Alana plus que n’importe qui d’autre. Il se sent en conflit…

« Je ne tiens pas vraiment à perdre ton amitié… en tout cas pas sous ce prétexte », reprend-il sincèrement. « Mais Jack Crawford ou pas, tu penses que j’ai besoin de voir quelqu’un, n’est-ce pas ? »

Et ce ne sera personne si ce n’est elle. Il ne pense pas vraiment avoir besoin de quiconque pour établir un diagnostic voilé de pessimisme sur sa condition, mais il ne peut plus piétiner comme il le fait et se contenter de faire du surplace faute de ne pas prendre en main un problème identifié mais jamais résolu, puisque sa résolution impliquerait de contempler cette part de lui qu’il peut ignorer et balayer tant qu’elle n’est pas labellisée pour ce qu’elle est : une monstruosité sous-jacente qui prend le nom d’empathie exacerbé ou de pouvoir d’imagination hors du commun, si l’on ne veut pas nommer l’innommable. Affronter une thérapie, c’est faire face à lui-même, et Will n’est définitivement pas convaincu de véritablement vouloir une chose pareille.

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Will s’obstine à ne pas croiser le regard d’Alana tandis que tous les deux quittent la voiture, profitant de détacher sa ceinture pour se donner un prétexte à échapper à son regard scrutateur de la jeune femme. Will apprécie en partie l’attention toute particulière qu’elle lui porte, une attention qu’il veut croire intéressée, une attention qu’il veut penser similaire à celle que lui-même lui porte. Mais il a beau voir les choses ainsi, il n’oublie pas pour autant qu’Alana reste Alana, et que dans ce regard, et plus particulièrement celui qu’elle lui adresse, ici et maintenant, il y a une grande, une très grande part de curiosité, de celle qui justifie à elle seule qu’il se tienne autant que possible à l’écart d’elle.

« Tu ne le peux pas », répond-t-il d’une voix qui ressemble à un souffle, le regard toujours détourné, quand Alana lui fait remarquer qu’il est impossible pour elle de le connaître et de lui faire confiance si il refuse de faire face.

La caresse de ses doigts sur sa joue le fait frissonner, ou bien est-ce les mots qu’il prononce, ou plutôt, ce que Will est tout à fait capable de lire entre les lignes. Il sait ce qu’Alana redoute. Il partage ses craintes autant qu’il s’en irrite. Il sait qu’elle voit plus clair en lui qu’il ne le voudrait, et en lui laissant véritablement accès à sa personne, il l’autorise également à côtoyer ses angoisses et ses démons, ceux contre lesquels il lutte au quotidien, ceux contre lesquels il ne pense définitivement pas être de taille.

Il lui rend tout de même son sourire, acceptant de tourner son regard dans sa direction, et leurs regards se croisent une fraction de seconde… Le trouble qui en résulte est, il veut le croire, partagé. Alana consent à admettre penser bel et bien qu’il a besoin d’un suivi psychiatrique. Au fond, qui serait dupe de cela ? Personne, et encore moins lui-même. Il sait pertinemment, oui, que ces séances pourraient lui être nécessaires, mais il n’aime pas pour autant que l’on creuse sa psyché torturée. Si Alana a au moins sa confiance et son affection (son admiration, même), ce constat est à double tranchant. Quand elle aura vu ce qu’il estime y avoir véritablement au fond de lui, n’aura-t-elle pas le réflexe de fuir ? C’est ce qu’il ferait très certainement à sa place, et sans la moindre hésitation. Mais on ne peut pas se fuir soi-même. Quoique… n’est-ce pas ce qu’il n’a eu de cesse de faire depuis… beaucoup trop longtemps, en réalité ?

« D’accord », consent-il à répondre après un moment de réflexion. Cinq séances, ça ne lui semble pas particulièrement juste, ça lui paraît être, bien au contraire, définitivement beaucoup trop. Quelques heures par semaine, c’est déjà immense de sa part. « Je suppose que durant ce temps, nous voir en dehors de ces séances serait considéré comme un manquement à ta rigueur professionnelle, n’est-ce pas ? »

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feat. Alana

Ce n’est certainement pas Will qui va tenter de dissuader Alana de passer du temps avec elle, alors qu’il recherche toute proximité avec elle avidement, tout en sachant qu’elle n’est probablement pas convenable. Le fait qu’il devienne son patient, même temporairement, n’arrangera rien, mais qu’importe. Il faut bien admettre, à y regarder de près, que leur relation n’a jamais rien eu de conventionnelle pour commencer, bien au contraire, même. Will sait pertinemment que le regard que la jeune femme porte sur lui peut aussi bien être intéressé que professionnel, et que son incapacité à faire la part des choses rend complexe toute possibilité de relation entre eux… Une relation qui serait probablement vouée à l’échec, mais que Will continue de vouloir voir miroiter en dépit des circonstances.

Il affiche un léger sourire quand Alana admet le fait que, en sa présence, sa rigueur professionnelle aurait tendance à s’effacer. Peut-être devrait-il l’entendre comme un reproche déguisé, mais il décide de le comprendre comme un compliment, qu’il pourrait tout autant lui retourner car lui aussi voit aussi certaines de ses barrières s’abaisser en sa présence, à commencer par le principal. Lui qui n’est certainement pas avide de contact humain recherche pourtant sincèrement le contact avec Alana, veut ressentir une connexion qu’il ne sait éprouver avec aucun être humain (si ce n’est avec ceux qui ne devraient pas mériter sa profonde empathie).

« Je ne te vois pas comme une adversaire », affirme-t-il doucement. Mais ce n’est pas forcément l’impression qu’il donne de lui-même, il le sait bien. Et pour cause, les circonstances font qu’il aura toujours tendance à se braquer, en toutes circonstances, y compris auprès des personnes qui auront la prétention de vouloir l’aider. Peut-être encore davantage auprès de ces dernières, d’ailleurs. C’est un mécanisme de défense dont il n’est certainement pas fier, mais duquel il aura bien des difficultés à se départir, et Alana en fait très clairement les frais.

« Je suis heureux… »

Toute proportion gardée. Le bonheur est un sentiment chimérique aux yeux de Will, une illusion à laquelle on s’accroche, que beaucoup s’inventent et que d’autres se perdent à obtenir… Il est plus simple d’admettre qu’il ne peut exister, en tout cas jamais complètement, en tout cas jamais suffisamment. Mais sans être au comble du bonheur, Will ne s’estime pas si mal loti, bien au contraire, quand il se trouve en présence d’Alana. Elle sait lui faire voir les choses sous une perspective qu’elle n’aurait pas forcément été capable d’atteindre dans d’autres circonstances.

« Je suis heureux quand tu es avec moi. »

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La réaction première d’Alana n’a rien de très détendue, ce que Will comprend… Il a conscience de la pousser dans des retranchements où il a tendance à se retrouver lui-même en sa compagnie, presque malgré lui. Ni l’un ni l’autre ne peuvent faire abstraction de la tension qui se joue entre eux, une tension autant physique que sentimentale, rendue plus palpable à chaque conversation. Les barrières naturelles de l’un se heurtent aux barrières obligées de l’autre et le terrain de conciliation le plus évident est de ceux où ils semblent ne jamais s’aventurer… et ce n’est pourtant pas faute de la vouloir.

C’est Alana, finalement, qui détruit la première ces obstacles invisibles. Invisibles mais bien réelles, qui s’effondrent pourtant si facilement au contacte de ses mains sur ses joues, et de ses lèvres tout contre les siennes. Depuis combien de temps espère-t-il l’embrasser ? Très longtemps. Il l’a désirée tout d’abord parce qu’Alana est objectivement une femme magnifique. Il l’a voulu encore davantage ensuite parce qu’il devait découvrir qu’Alana était une femme exceptionnelle : brillante, fascinante, intelligente… Une femme remarquable et attirante, qui en cet instant cède pour eux deux à une envie depuis longtemps partagée, et à aucun moment accomplie.

Les baisers d’Alana sont agréables. A la fois tendres et exigeants. Il y a une sorte d’urgence dans la manière dont ses lèvres s’écrasent sur les siennes, et que Will comprend pertinemment, car c’est une urgence qu’il affiche également. Une impatience qui tient d’une envie muselée depuis trop longtemps, et qu’il peut enfin se permettre d’afficher comme il se devra. Une main logée au creux de sa nuque, une autre au creux de son dos, Will la garde contre lui et l’embrasse avec passion. Et ce temps durant, son esprit qui ne se tait jamais semble avoir enfin le bon ton de le laisser tranquille. C’est une véritable libération pour Will, qui ne veut certainement pas s’entendre penser dans ce moment dont il ne veut que profiter, quand bien même ce dernier suggère un « après » qu’il ne sera vraisemblablement pas en mesure d’assumer.

« Que fais-tu de ta curiosité et de ta rigueur professionnelle ? »

Cette question, il la pose avec l’un de ses rares sourire aux lèvres, tout contre celles d’Alana, qu’il ne veut certainement pas dissuader de l’embrasser encore… Il sait qu’il est instable, il sait que non seulement son instabilité serait susceptible d’entacher n’importe quelle relation sentimentale, mais que les préceptes d’Alana pourrait faire barrage à l’expression de leurs sentiments, mais en cet instant, il veut s’en moquer. Éperdument.

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feat. Alana

Une fine esquisse de sourire, rare et aussi vite disparue qu’elle n’était apparue, étire les lèvres de Will quand Alana lui fait remarquer sur le ton de la plaisanterie qu’elle n’a jamais été très douée pour suivre ses propres conseils… dans des circonstances telles que celle-ci, ce n’est certainement pas Will qui envisagera de le lui reprocher. Will n’a rien contre le fait qu’Alana mette sa curiosité et sa rigueur professionnelle en sourdine. Il est même d’avis qu’il serait préférable qu’elle les garde sous silence le plus longtemps possible. Tôt ou tard, cela représentera peut-être une difficulté pour eux, mais pour le moment… pour le moment, Will n’est que trop heureux de profiter de ce moment en compagnie d’Alana.

Tous les deux sont intelligents, tous les deux réfléchissent beaucoup trop pour leur propre bien. Tous les deux savent, au fond, que s’ils se sont abstenus jusqu’alors de dépasser certaines limites, ce n’est pas sans raison. Will est toujours aussi instable mentalement, et Alana… est toujours la même, elle aussi. Mais ce baiser n’avait pas seulement été agréable, il avait aussi eu quelque chose… quelque chose d’étrangement évident. De si évident que Will n’avait pas pu faire abstraction du sentiment que ce dernier lui procurait très surement. Oui, les conditions ne sont peut-être pas idéales, mais leur attirance est bien réelle, et leur capacité de compréhension mutuelle également.

« Non. »

La réponse de Will est directe, catégorique, quand il lui répond. Peut-être que c’est une erreur, mais non, il ne lui en veut pas, et il n’aurait définitivement pas voulu qu’il s’abstienne. Il n’aurait définitivement pas voulu qu’elle s’arrête. Oui, il a quelques réserves, mais qui ne concernent en rien ses envies… Non, il est question de tout autre chose, en réalité. Will, quoi qu’il en soit, n’est probablement pas capable, émotionnellement parlant, d’assumer une relation sentimentale avec qui que ce soit, mais il a envie de penser que c’est effectivement le cas… Il a envie de penser que s’il n'est peut-être pas fait pour s’engager avec quiconque, Alana pourrait être différente. Parce qu’elle le connaît. Parce qu’elle connaît également ses failles et ses faiblesses… Elle est capable de le comprendre, et au moment de poser ses lèvres sur les siennes, elle sait à quoi s’engager. Si elle le veut autant que lui, alors il n’a pas l’intention de faire marche arrière…

« Ne t’abstiens surtout pas », ajoute-t-il.

Et avant lui donner le temps de dire quoi que ce soit, il écrase ses lèvres contre les siennes, longuement, passionnément.