(Terminé) Your crown and throne await you. Behold the Queen... Sabrina Morningstar || Sophie

Sabrina et Sophie étaient confortablement installées dans le lit de la sorcière. Le programme de la soirée était simple : des cochonneries à manger, du soda et un film d'horreur. Sophie n'aimait pas regarder la télé. Elle n'en possédait d'ailleurs aucune. Seule Sabrina, dans sa chambre, en avait une. Sophie ne la regardait presque jamais. Pour une fois, néanmoins, elle allait faire une exception. Sabrina lui avait tellement parlé de ces films d'horreurs qu'elle en avait désormais envie. Au moins, elle pourrait dire qu'elle en avait vu un et elle pourrait en discuter avec Sabrina. Puis, c'était aussi l'occasion d'oublier tout ce qui n'allait pas en passant un moment agréable avec son amie.

Plutôt qu'être effrayée, Sophie était amusée par ce qu'elle voyait. Elle sursautait, de temps à autre, évidemment, mais elle n'avait pas peur comme elle le pensait. Sabrina, qui s'attendait sans doute à entendre Sophie crier toutes les deux minutes, s'amusait donc à essayer de lui faire peur. Elle le pouvait, elle. Avec sa magie, rien de plus facile. Sophie, généralement, sursautait, poussait un petit cri et explosait de rire. Sabrina restait plus effrayante que ce film, mais au bout de deux ou trois fois, Sophie s'attendait aux plaisanteries de la sorcière et s'attendait, donc, à la voir essayer de l'effrayer. « Tu aurais pu choisir un film qui faisait vraiment peur. » Souffla Sophie. Ça lui aurait ainsi évité de devoir faire peur à Sophie elle-même.

Et, comme si son voeu devait être exaucé, elle s'était soudainement retrouvée dans un endroit différent. Un film d'horreur, mais version réalité. Ou rêve ? S'était-elle endormie ? Ou Sabrina lui jouait-elle, encore, un mauvais tour ? Sophie ne connaissait pas cet endroit, mais il dégageait quelque chose de désagréable. D'effrayant. Quelque chose qui faisait frissonner la jeune femme. Elle se sentait mal à l'aise. En danger. D'accord, elle n'avait plus aucune envie d'avoir peur, désormais.

Paniquée, les yeux de Sophie se posaient un peu partout tandis que son corps était totalement paralysé. Son coeur battait à toute vitesse et ses mains tremblaient. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle se retrouve dans les pires histoires, même lorsqu'elle ne faisait rien ? Heureusement pour elle, elle n'était pas seule. C'était avec soulagement que les yeux de Sophie s'étaient posés sur Sabrina. Elle s'était sentie aussitôt rassurée par sa présence. Sabrina était son amie et était une sorcière. Elle avait donc les moyens de la protéger. Enfin, elle l'espérait, du moins. Toujours sous le coup de la surprise, Sophie ne bougeait pas et cherchait à comprendre ce qui était en train de leur arriver.

Elle ignorait combien de temps s'était écoulé, mais Sabrina avait fini par s'approcher d'elle. Ses premiers mots n'étaient pas rassurants. Elle ne comprenait pas ce qui était en train de leur arriver - et la détresse dans sa voix, ainsi que son inquiétude, lui indiquaient qu'elle ne plaisantait pas. Sophie n'avait rien répondu. Ses yeux étaient posés sur ce... trône ? Puis, sur cette couronne que Sabrina portait. Tout paraissait sortir d'un rêve - ou d'un cauchemar, plutôt. C'était quoi, tout ça ? Toujours choquée, la jeune femme n'ajoutait rien. Elle en était bien incapable. Même si elle l'avait voulu, aucun mot ne serait sorti de sa bouche.

La sorcière avait repris la parole pour expliquer qu'il fallait trouver une sortie et une cachette. La rousse ne répondait rien. Une fois encore. Elle se laissait simplement entraîner, sans opposer la moindre résistance et sans poser la moindre question. Sabrina avait alors mené Sophie jusqu'à une sorte de chambre. La jeune femme s'était avancée, retrouvant enfin la possibilité de réagir, son esprit s'acclimatant peu à peu à cette nouveauté. Elle regardait partout autour d'elle. Du coin de l'oeil, l'humaine avait remarqué la hâte avec laquelle Sabrina avait retiré cette couronne qui trônait au sommet de son crâne, pour la cacher derrière son dos. « C'est... » Les mots ne sortaient pas comme elle le voulait. Elle s'était donc éclairci la gorge avant d'essayer de se concentrer et de recommencer. « C'est quoi, cet endroit ? » Ce n'était qu'un souffle. Un murmure. Comme si elle craignait que quelqu'un ne puisse les entendre. « Et pourquoi tu portes cette couronne ? » Inutile de la cacher, Sophie l'avait bien vue et attendait des explications puisque son amie ne semblait pas s'en être étonnée et que, pire encore, elle semblait vouloir la dissimuler.

S'il y avait bien une chose que Sophie ne s'était pas imaginée pour cette soirée, c'était se retrouver en Enfer, en compagnie de Sabrina. Évidemment, la jeune femme ne comprenait pas réellement où elle se trouvait. L'ambiance particulière et le décor lui donnaient pourtant une certaine idée. La réaction de Sabrina, quant à elle, lui indiquait que Sophie n'avait rien à faire là et qu'elles avaient plutôt intérêt à fuir. Vite. Après l'avoir conduite dans une sorte de chambre, Sabrina avait essayé de cacher à Sophie la couronne qu'elle avait sur la tête. C'était, évidemment, inutile. Sophie l'avait vue et comptait bien obtenir des explications. Après une minute ou deux de silence, le temps nécessaire pour se remettre et retrouver ses esprits, la jeune femme avait donc posé certaines questions parmi les centaines qui se bousculaient dans son esprit.

Sabrina n'eut le temps de répondre à rien qu'une autre voix féminine vint à expliquer qu'elle était en Enfer. Après avoir sursauté, Sophie s'était donc retournée vers cette voix. Elle ne connaissait pas cette personne. C'était bien la seule certitude qu'elle avait à cet instant tant tout lui paraissait invraisemblable. « En quoi ? » Souffla-t-elle, réussissant à peine à parler. « Lilith ? Qui est Lilith ? » Répéta Sophie lorsque Sabrina s'adressa à elle. La réaction de Sabrina ne s'était pas fait attendre. Elle connaissait cette femme et était surprise de la voir. Sophie observait les deux femmes tour à tour, sans comprendre ce qui était en train de se passer. Ce n'était pas possible, elle était en train de rêver. Cette Lilith s'adressait à Sabrina, en lui expliquant que son père l'attendait parce qu'elle avait défié les hordes infernales. Une place sur le trône. L'Enfer. Un père en colère. Sophie avait besoin de s'asseoir un instant pour assimiler tout ça, alors elle prit place sur un siège qui se trouvait à côté d'elle.

Sophie tentait alors de se réveiller de ce cauchemar, qui, malheureusement pour elle, n'en était pas un. Alors que la jeune femme tentait de comprendre la situation, Sabrina lui avait demandé d'attendre ici. Aussitôt, paniquée, la rousse s'était remise sur ses deux jambes pour tenter d'arrêter son amie. « Non. Ne me laisse pas toute seule ici. » Parce qu'elle avait peur, pour être tout à fait franche. Et elle ne se sentait pas en sécurité dans cet endroit inconnu. Pourtant, Sabrina souhaitait qu'elle reste seule ici, dans cet endroit étrange. Et, malgré la prière de Sophie, la sorcière avait quitté la pièce avec cette autre femme.

Dès que Sophie s'était retrouvée seule, elle n'avait pas hésité un seul instant. Elle avait quitté cette pièce et avait fait le chemin inverse, pour retourner là où elle avait littéralement atterri. Cachée dans un recoin, après s'être approchée lentement, Sophie tentait d'observer la scène. Sa discrétion légendaire avait fait qu'elle avait été repérée en un rien de temps. Puisqu'elle semblait espionner une scène à laquelle elle n'aurait pas dû assister - ce qui était totalement vrai - le type l'avait attrapée par le bras. Avant de lui laisser l'occasion de parler, Sophie s'était mise à crier : « Lâchez-moi ! Je ne suis pas... Lâchez-moi, je vous dis ! » Criait Sophie, tout en se débattant avec force. Elle se moquait éperdument de tous les regards assassins qui se posaient sur elle, elle voulait simplement retourner chez elle. « Je suis une amie de... Sabrina. De votre... » Votre majesté, c'était bien ainsi que cette Lilith avait nommé Sabrina, alors Sophie tentait, peu convaincue, un : « Reine. » Elle était en plein cauchemar. Tout ceci n'avait pas le moindre sens, mais elle n'allait pas rester à ne rien faire. Il fallait bien qu'elle se fasse entendre, quitte à raconter une bêtise, pour attirer l'attention de Sabrina qui la sortirait de cette histoire. « Sabrina ! » Avait-elle crié plus fort encore, tandis qu'elle se débattait en vain. L'homme ne desserrant pas sa prise, elle ne pouvait pas s’échapper pour retourner se cacher, il lui fallait donc attendre l'intervention de la sorcière.

Sophie avait l'habitude assez agaçante de se mettre dans les pires situations, en permanence. Dès qu'il y avait une bêtise à faire, elle était pour elle. Dès qu'il y avait un problème à affronter, il était pour elle. Cette fois-ci, si elle n'était pas responsable de leur venue dans cet endroit étrange, mais elle aurait pu, malgré tout, éviter les ennuis en restant enfermée dans la chambre comme le lui avait recommandé Sabrina. Comme toujours, et parce qu'elle était effrayée par l'endroit et la situation aussi, Sophie avait désobéi. Elle était sortie. Elle avait tenté de retrouver Sabrina. Et, bien sûr, elle s'était fait prendre. Alors qu'on la tenait fermement par le bras, la jeune femme se débattait et criait dans l'espoir d'attirer l'attention de la sorcière. Si Sophie pouvait se montrer stupide et naïve, elle avait bien compris que dans cette situation, sans Sabrina, elle ne s'en tirerait pas.

Heureusement, après un certain temps, la jeune femme avait réussi à attirer l'attention de son amie, avant que ces choses ne lui brisent le cou, agacées de l'entendre crier. Libérée sur l'ordre de Sabrina, Sophie ne s'était pas faite désirée en se rapprochant de la sorcière aussitôt qu'elle l'avait demandé. Les yeux baissés, perdue parce qu'elle ne comprenait rien, la jeune femme s'était positionnée juste à côté de Sabrina, priant pour que ce cauchemar prenne fin le plus vite possible. Deux personnes, un homme et une femme, s'impatientaient et réclamaient l'attention de Sabrina, ignorant royalement Sophie. « Je sais... » Avait soufflé Sophie lorsque la sorcière lui rappela qu'elle lui avait demandé de rester dans la chambre. Cette fois-ci, elle n'ajoutait rien, alors qu'elle avait pourtant de bonnes raisons d'en être sortie. Sabrina ne semblait pas du tout contente du comportement de Sophie et elle semblait accaparée par quelque chose d'important, alors, pour une fois, la jeune femme comprenait qu'elle devait se mettre en retrait et écouter. Se tenir correctement et rester silencieuse. Sophie avait l'impression d'être une enfant que l'on grondait et à qui l'on ordonnait quelque chose, mais elle ne se plaignait pas, pour une fois. Elle aurait tout le temps de se plaindre, plus tard, de la façon dont Sabrina s'était adressée à elle.

Sans un mot, Sophie s'exécutait. Silencieuse, elle ne pouvait s'empêcher de tendre l'oreille pour écouter ce qui était en train de se dire. Il était question d'une place sur le trône. Une place en danger. Des hordes infernales. Et d'Enfer. De démons. Et de reine des Enfers. Sophie ne comprenait pas un mot de ce qui était en train de se dire. Ou, plutôt, elle comprenait les mots, mais était incapable d'en déduire un sens logique. Sabrina, faire plier des hordes démoniaques parce qu'elle était la reine des Enfers ? Dans quel monde étrange Sophie était tombée ? Comment pouvait-elle faire ce genre de rêves ? Parce que, bien sûr, ce ne pouvait être que ça - même si tout au fond d'elle, elle savait très bien qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. Sophie était étonnée aussi par l'air et la voix de Sabrina. Elle ne la connaissait pas comme ça. Elle semblait sévère, dure et terriblement à sa place dans ce décor démoniaque, ce qui était d'autant plus effrayant.

Sophie s'était promis de rester silencieuse et calme, dans son coin, mais la conversation durait depuis trop longtemps sans qu'on ne lui prête la moindre attention - en réalité, il ne s'était rien passé du tout comme temps, mais Sophie restait impatiente, sur terre ou en enfer. « Sabrina ? » Demanda-t-elle alors pour lui rappeler sa présence, en s'éclaircissant la voix. « Excusez-moi, je n'ai pas la moindre idée de où je suis ou de ce qui est en train de se passer et j'ai bien compris que tout ça avait l'air très important... » Commençait Sophie en s'approchant d'un pas, s'adressant à Lucifer et Lilith, sans savoir qui ils étaient. « mais j'aimerais rentrer chez moi. Alors, je comprends bien que vous ayez besoin de Sabrina, mais serait-il possible qu'on s'occupe de mon cas d'abord ? Je n'ai rien à faire ici. » Non parce qu'elle n'avait pas spécialement envie de voir débarquer ce qu'ils appelaient les hordes démoniaques. Peut-être que Sabrina pouvait la reconduire chez elle, lui raconter ce qui était en train de se passer et revenir jouer à son petit jeu, que Sophie ne comprenait pas, ensuite. Parce que, bien sûr, il ne pouvait s'agir que d'un petit jeu. Son amie n'était pas la reine des Enfers. Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait ignorer, après tout. « Ou, on pourrait peut-être m'expliquer, au moins, ce qui est en train de se passer ? » A quel jeu jouaient-ils tous ? Qu'était-ce cet endroit ? Une sorte de repaire de sorciers ? Des sorciers, aux yeux de Sophie - et c'était déjà beaucoup - ça ne pouvait être que ça, bien sûr. Pas l'Enfer. Certainement pas l'Enfer.

L’impatience de Sophie l’avait fait se retrouver dans une mauvaise situation. Heureusement pour elle, Sabrina était intervenue et était venue à son secours. Un peu trop autoritaire, la jeune femme lui avait demandé de rester silencieuse et d’attendre sagement dans un coin, encore une fois. Sabrina semblait particulièrement occupée à des choses importantes, mais Sophie n’aimait pas attendre et n’aimait pas ce qui était en train de se passer autour d’elle parce qu’elle n’y comprenait rien. Elle ne savait pas où elle était, comment elle était arrivée ici, ce qu’elle faisait là. Sophie était laissée de côté, abandonnée avec toutes ses incompréhensions et ses questions. Finalement, impatiente et agacée d’attendre, la jeune femme avait interrompu la discussion entre son amie et les deux autres personnes. S’ils étaient tous si occupés, puisque la place de Sophie n’était clairement pas dans cet endroit, ils pouvaient peut-être la renvoyer chez elle ou lui donner des explications plus claires.

Sabrina avait fini par céder et avait attrapé le bras de Sophie pour l’éloigner et lui parler en toute discrétion. La sorcière lui expliquait comme elle était désolée que Sophie ne se soit retrouvée ici parce que ce n’était pas sa place – non, vraiment ? Elle ne l’aurait pas deviné – elle précisait également ne plus être à sa place. Elle plaçait des noms comme Lilith ou Lucifer. Si elle ne connaissait pas la première, son regard dévia vers l’homme qui s’appelait Lucifer. Cet homme portait le même nom que son père, mais n’était pas son père ? Ou Sophie ne comprenait-elle rien à ce qui était en train de se passer ? La question allait devoir attendre puisque Sabrina poursuivait en parlant à nouveau des hordes infernales – des mots qui faisaient toujours frissonner Sophie – et qu’elle ne devait pas perdre sa place sur le trône parce que régner sur les Enfers, c’était conserver intact le monde des mortels et lui éviter de devenir un nouveau cercle infernal. Sophie hochait la tête comme si tout était parfaitement clair et normal, mais ses yeux écarquillés de surprise suffisaient à faire comprendre qu’elle était simplement effrayée par tout ce qu’elle entendait. Sabrina était reine des Enfers ? Cette information lui disait étrangement quelque chose, mais elle n’arrivait plus à savoir pourquoi, trop perturbée et décontenancée par ce qu’elle venait d’apprendre. Le pire, pour Sophie, fut d’apprendre qu’elle allait devoir assister à tout ça puisque personne n’avait quelques minutes à lui accorder pour la ramener chez elle. « Tu ne peux pas faire ton truc ? » Demanda-t-elle un peu trop fort, paniquée. Cette formule qu’elle répétait pour les déplacer d’un endroit à un autre, parfois, ne pouvait-elle pas s’en servir maintenant ? « Pourquoi cet homme porte le même nom que ton père ? » Comme si la question avait un quelconque intérêt à côté de tout ce que Sabrina venait de lui dire. « Et je fais quoi, moi ? Dois-je te rappeler que je n’ai aucun moyen de me défendre Sabrina ? Et si ces hordes infernales attaquaient, que pourrais-je faire ? » Sophie secouait la tête, la panique la gagnant de plus en plus. « Je ne comprends pas ce qui se passe et j’ai peur, Sabrina ! » S’agaçait-elle face à tant d’émotions qui la submergeaient. « Puis, ces histoires de reine des Enfers, ça veut dire quoi ? » Sophie en venait à supplier son amie désormais, complètement perdue : « S’il te plaît, Sabrina, laisse-les se débrouiller avec tout ça et rentrons chez nous. S’il te plaît ! »

Soit Sophie était en train de rêver, soit elle était devenue complètement folle. Comment pouvait-elle se retrouver en Enfer, en compagnie de Sabrina - autrement appelée la reine des Enfers, ici bas ? Qu'était-il en train de se passer ? Partout autour d'elle, elle sentait une certaine agitation et une certaine nervosité. On parlait des hordes infernales, de trône et d'autres joyeusetés du même genre sans que Sophie n'y comprenne quoi que ce soit. La seule chose dont elle était certaine était qu'elle n'était pas en sécurité ici parce qu'elle n'était pas à sa place et qu'elle n'avait aucun pouvoir pour se défendre, contrairement à Sabrina et, elle le supposait, à tous ceux qui se trouvaient ici actuellement.

Sophie désobéissait - parce qu'elle jugeait ne pas avoir à obéir, quand bien même la situation paraissait sérieuse - et exigeait des explications de la part de son amie. Les questions étaient nombreuses et elle attendait des réponses pour chacune d'elles. Sabrina, sans grand étonnement, restait évasive. Elle comprenait Sophie, mais ne l'aidait pas vraiment. A propos de Lucifer, le père de Sabrina, Sophie devait attendre les explications qui viendraient plus tard. Pour le danger qu'elle était en train de courir, elle ne devait pas s'en faire parce que Sabrina la protégerait. Alors pourquoi ne la mettait-elle pas en sécurité tout de suite ? En rien, elle ne lui expliquait comment elle comptait la protéger et cette réponse était censée suffire à Sophie. Pour Sabrina que l'on désignait comme la reine des Enfers, Sophie devait attendre également les explications. Comme c'était étonnant. Mieux encore, elle ne pouvait pas les renvoyer chez elles parce qu'elle était à sa place, ici. Donc, parce qu'elle était à sa place ici - d'ailleurs, pourquoi était-elle à sa place, ici ? - elle laissait Sophie, ici, seule, à devoir se débrouiller face aux manques d'explications et aux dangers ?

Non, Sophie se moquait bien de ses promesses de vite en finir et de vite les ramener chez elle. Elle se moquait bien de ce geste rassurant de Sabrina qui lui tenait la main ou de la confiance qu'elle lui demandait de lui accorder. Brutalement, Sophie avait retiré sa main de celle de Sabrina et avait fait un pas en arrière. « Non, tu refuses de répondre à mes questions ou de me mettre en sécurité, comment voudrais-tu que je te fasse confiance ? » Sophie se montrait rarement aussi froide et sérieuse, mais la peur la faisait réagir ainsi, cette fois-ci. « Retourne à tes occupations si importantes et laisse-moi dans l'ignorance. » Elle n'imaginait pas à quel point ce moment était incroyablement difficile pour Sophie qui n'y était pas habituée ? « Mais si je me fais tuer, tu seras responsable, Sabrina. » Cracha-t-elle en se reculant pour retourner dans son coin, comme le lui avait ordonné sa majesté, la reine des Enfers. «  

Plutôt que de lui répondre, Sabrina avait préféré l'ignorer royalement. Sophie se sentait en danger, elle avait peur. Sophie était dans un monde inconnu, terrifiant. Son amie, certainement la plus précieuse sur cette fichue île, préférait son pouvoir, sa magie, à sa protection, à des explications qu'elle méritait pourtant amplement. Sophie n'avait jamais demandé à se retrouver ici. Elle se retrouvait dans le monde de Sabrina. C'était, sans doute, la pire facette de Sabrina que Sophie découvrait en cet instant. Ne ressentait-elle rien à la laisser ainsi dans l'ignorance, à lui mentir ? Ne ressentait-elle rien face à la détresse de Sophie ? Il ne s'agissait ni de caprice, ni de comédie, mais Sabrina refusait de se mettre à sa place pour la comprendre. C'était une sensation terrible, une impression difficile à supporter pour Sophie, mais que pouvait-elle y faire si même ses mots n'avaient eu aucun effet sur elle ?

Sabrina se détournait de Sophie pour retourner à ses occupations si importantes. La femme qui les avait trouvées dans la chambre de Sabrina lui mit une couronne sur la tête et la reine des Enfers s'installa à la même table que cette dernière et que son père. Et ce que Sophie supposait être ces fameuses hordes infernales entrèrent dans la pièce. Sophie frissonnait, tentait de se faire discrète, de rester dans son coin. Elle n'avait nulle part où se réfugier, où courir se cacher. Sabrina n'était même pas à ses côtés. En cas d'attaque, Sophie ne pourrait rien faire.

Alors Sophie se contentait d'observer, d'essayer d'écouter. Ce n'était pas bien difficile puisque le ton montait très vite. Chacun essayait de prendre le dessus sur l'autre en criant plus fort que lui. Alors que finalement Sophie n'en pouvait plus d'attendre, quelqu'un vint la chercher. Elle n'opposa pas la moindre résistance, consciente que ce n'était pas le moment de faire des vagues, et elle se retrouva, debout, à côté de Sabrina. Ses yeux se posèrent instinctivement sur chaque personne assise à table - certains n'avaient pas un visage humain, ce qui fit frissonner la jeune femme et l'intrigua, en même temps. Ils la dévisageaient tous. « Je n'ai rien fait. » Souffla-t-elle à Sabrina, craignant que quelqu'un n'ait raconté n'importe quoi à son sujet. « Je ne veux pas vous déranger. » Affirma-t-elle dans un murmure en observant le père de Sabrina, totalement morte de peur. « Je... Peut-être que je pourrais retourner dans ta chambre, le temps que tu finisses ici ? » Non, parce qu'elle n'allait pas du tout supporter de rester ici avec toutes ses paires d'yeux qui l'observaient. « Ne t'embête pas pour moi, je retrouverai le chemin toute seule. » Affirma-t-elle, en tentant de sourire, malgré la peur et sans jamais laisser Sabrina parler. « Prends le temps qu'il te faut. Je... Je peux attendre. » Étrangement, toute colère s'était évaporée. Il ne restait que l'angoisse et la terreur. « Je t'en prie, Sabrina, j'aimerai vraiment... partir. » Souffla-t-elle dans un murmure en se baissant vers son amie pour lui parler à l'oreille. « Tu as vu comment ils me regardent ? » Ils devaient sans doute tous rêver de l'étriper. Lilith et Lucifer parce que Sophie avait retardé la préparation de Sabrina en lui parlant, ces hordes infernales parce qu'elle n'était qu'une faible petite humaine qui n'avait rien à faire là - et elle était parfaitement d'accord avec eux.

Si Sophie ne savait pas ce qui l'attendait, elle avait un mauvais pressentiment - une habitude, désormais, lorsqu'elle se retrouvait en compagnie de Sabrina. Alors, à l'instant où elle s'était retrouvée à côté de Sabrina, tous les yeux rivés sur elle comme s'ils attendaient quelque chose, Sophie s'était adoucie et avait presque supplié Sabrina pour retourner dans sa chambre. Elle lui laissait le temps de finir sa discussion. Sophie promettait, en d'autres termes, de se faire toute petite et discrète et de ne plus l'ennuyer. Elle avait peur. La sorcière tentait pourtant de la rassurer en lui disant qu'ils ne lui feraient rien tant qu'elle était là. Étrangement, Sophie n'y croyait pas vraiment. Elle avait l'impression qu'au moindre mot de travers, ils lui sauteraient à la gorge. Mais ce n'était pas le pire, non. Loin de là, même. Sabrina lui annonçait qu'elle ne pouvait pas partir. Sophie lui fit les gros yeux, tout en l'interrogeant du regard. Elle ne pouvait pas partir ? Pourquoi ? Elle n'avait rien fait et n'avait rien à faire ici, donc pourquoi ne pouvait-elle pas s'abriter ? Sabrina poursuivait son explication pour lui donner davantage de détails. Les hordes infernales voulaient s'entretenir avec un mortel. Sophie voyait où Sabrina voulait en venir et ça ne lui plaisait pas le moins du monde. Bien sûr, qu'elle était la seule mortelle ici. Elle était en enfer et, par définition, les mortels n'y avaient pas leur place, à moins d'avoir été mauvais et d'être mort. Sophie n'était ni l'un ni l'autre - enfin, l'un plus que l'autre, c'était certain et l'autre arriverait certainement très vite, au vu de la situation problématique dans laquelle elle se trouvait.

Les faux compliments de son amie, pour une fois, Sophie s'en moquait bien. Elle se fichait d'être rusée, intelligente ou forte. Elle n'était aucun des trois. Elle n'était qu'un petit être insignifiant, capricieux, insupportable et maladroit. Elle ne voulait être que ça, à cet instant. « Non, non, non... » Souffla Sophie, en ouvrant grand les yeux, tandis que Sabrina commençait à la présenter aux hordes infernales. Intérieurement, Sophie maudissait de tout son coeur son amie. Elle la détestait. Et, par quelques mots qu'elle lui adressa en pensée, son regard planté dans le sien, elle lui lança un : « Je te déteste et tu me le paieras très cher. » A ces mots, elle avait fait un pas en avant - ce qui ne servait à rien, mais elle ne comptait pas s'approcher davantage. « Bonjour ! » souffla-t-elle, un sourire forcé sur les lèvres et un geste de la main pour les saluer - ce qui devait être particulièrement ridicule, elle le savait. « J'ignore ce que vous voulez entendre, mais je ne pense vraiment pas être la meilleure personne pour discuter avec vous. Peut-être pourriez-vous remettre votre rendez-vous à plus tard ? Vous savez, afin de laisser à votre reine le temps de trouver un bien meilleur humain que moi. » Comme s'ils allaient bien sagement reprendre un rendez-vous pour laisser le temps à Sabrina de trouver un autre mortel, mais qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? « Ce n'est pas que je ne suis pas quelqu'un de bien - d'ailleurs, je n'ai absolument rien à faire en enfer, je peux vous l'assurer - mais j'ai tendance à être un peu maladroite et à ne pas faire attention à ce que je dis. Puis, je parle trop pour ne rien dire. Et, surtout, je ne sais pas du tout ce que je suis censée faire, ni comment je suis censée vous convaincre de ne pas envahir la terre. Parce que je suppose que vous le demander gentiment ne suffira pas, n'est-ce pas ? » Elle sourit, gênée. Ce n'était vraiment pas le moment de tenter de plaisanter, mais elle sentait qu'elle était en train de faire de pire en pire et elle ne savait pas comment se rattraper. « Je vous dirai bien que chacun doit rester à sa place et que la vôtre est en enfer, mais je suppose que vous ne le prendriez pas bien. Donc, je ne vous le dis pas. » Nouveau sourire gêné, nouveau geste de la main, Sophie avait fini par lancer un regard à chacune des personnes présentes autour de cette table - qui, pour la plupart, paraissait désespérée, Sabrina la première.

Sophie racontait n'importe quoi et n'importe comment. Il fallait dire, pour sa défense, qu'elle ne pensait pas devoir faire un plaidoyer pour défendre les humains devant des rois de l'enfer aujourd'hui. Il fallait un minimum de préparation pour cela, non ? Alors, elle avait fait au mieux - donc le pire de ce qui pouvait être fait, très certainement. Mal à l'aise, Sophie faisait au mieux. Les différents regards qui se posaient sur elle n'aidaient en rien. Ils la déconcentraient et l'effrayaient. Comment ne pas être impressionnée dans ce genre de situation ?

Sophie faisait pire que mieux et elle en avait conscience, mais que devait-elle faire puisqu'on ne lui avait pas laissé le choix ? Sabrina était évidemment déçue. Elle avait fini par se lever pour se mettre à côté d'elle, la remerciant pour ce discours qu'elle qualifiait de constructif - pour être polie et gentille, même Sophie le savait. Sophie n'avait désormais plus qu'une envie : se réfugier dans un petit coin et se faire oublier. Sauf qu'elle ne bougeait pas. Elle écoutait Sabrina interroger les rois des enfers à propos d'un potentiel accord. Il y avait bien peu de chances pour que Sophie les ait convaincus, malheureusement - et elle espérait qu'ils n'aient pas davantage de questions. L'un des rois riait et insultait l'espèce humaine. S'il ne s'agissait pas d'un démon, Sophie aurait sans doute riposté, mais puisqu'il s'agissait d'un être démoniaque, elle allait contenter de se laisser faire et de se taire pour éviter de se faire tuer. A sa façon, Sabrina prenait sa défense. Sophie ne représentait pas l'espèce humaine - et, sincèrement, heureusement pour l'espèce humaine - mais est-ce que cela suffisait à ces démons pour comprendre qu'il fallait en voir d'autres spécimens avant de prendre une décision ?

Sophie était très loin de représenter qui que ce soit, d'ailleurs, mais le roi semblait trouver amusant de poursuivre en l'interrogeant de nouveau et en lui demandant de poursuivre. Mais poursuivre quoi ? Elle n'avait rien commencé, à part raconter n'importe quoi. N'allaient-ils jamais la laisser tranquille ? « Rien de ce que je dirai ne vous fera changer d'avis. » Il avait beau s'agir de créatures démoniaques, elle en avait marre qu'on se fiche d'elle ainsi. Elle n'était pas un jouet avec lequel on se divertissait et elle voulait qu'on lui fiche la paix, aussi. « Elle est votre reine, non ? Elle veut trouver un accord avec vous et je trouve qu'elle se montre déjà suffisamment clémente. Elle pourrait tout aussi bien vous détruire et s'imposer. Elle cherche à faire un effort, vous devriez en faire un si vous ne souhaitez pas qu'elle vous règle votre compte ! » D'accord, peut-être accordait-elle un peu trop de confiance à Sabrina, mais elle n'allait pas se laisser humilier éternellement. Sabrina était leur reine, ils devaient lui obéir, non ? « Vous ignorez de quoi elle est capable. » Ou pas. Et surtout, Sophie ignorait de quoi Sabrina était capable - elle ignorait bien qu'elle était la reine des enfers et elle ignorait tout, ou presque, de la magie - mais aussi de quoi ces démons étaient capables, alors impossible de déterminer qui serait le gagnant, en cas de lutte.

S'il y avait une bêtise à faire, Sophie était là pour la faire. Incapable de tenir sa langue - et, en même temps, on lui avait demandé de s'exprimer, n'est-ce pas ? - elle s'agaçait de la façon dont elle était traitée. Elle n'était qu'une vulgaire mortelle, c'était vrai, mais était-ce une raison pour se moquer ainsi d'elle ? Ces démons avaient beau être les rois des Enfers, Sabrina était leur reine à tous et ils lui devaient obéissance. Comment osaient-ils désobéir et, pire encore, la menacer ? Sabrina avait la gentillesse de leur laisser la chance de s'exprimer, ne pouvaient-ils pas se montrer prêts à négocier ? Evidemment, Sophie ignorait que Sabrina n'avait pas la magie suffisante pour s'attaquer à eux et les défaire, mais elle avait tendance à croire que Sabrina était capable de tout - la magie était un monde nouveau pour elle, et un monde qui se limitait à Sabrina, ce qui rendait difficile toute comparaison.

Le discours de Sophie ne plaisait pas à ces démons, ni au père de Sabrina ou à la femme qui l'accompagnait. La jeune femme restait en retrait, tandis que ces créatures lui rappelaient son rang de mortelle et à quel point il était déplacé pour elle d'oser parler ainsi. Si elle n'avait pas été morte de peur, sans doute aurait-elle levé les yeux au ciel en soupirant à l'idée que ces monstres s'imaginent supérieurs à elle, mais puisqu'elle était terrifiée, elle se contentait de contenir sa colère et d'attendre. Sabrina, quant à elle, tentait de faire redescendre la tension en assurant qu'il n'était pas question de se battre puisqu'ils étaient là pour trouver un accord et rien d'autre.

Lucifer décréta alors qu'il était temps de faire une pause, sans doute pour que la tension redescende d'elle-même et pour trouver une solution à la situation catastrophique - que Sophie avait eu la magnifique idée d'empirer, sans même le vouloir. Dans le silence le plus complet, Sabrina était retournée dans sa chambre, suivie de Sophie. Une fois seules, à l'intérieur, la sorcière avait enfin pris la parole. Elle était étrangement calme, mais elle semblait dépassée et quelque peu désespérée. Tout aussi calmement, la sorcière tentait d'expliquer la situation à Sophie : elle ne pouvait pas défier les rois des Enfers, elle n'était pas toute puissance. Plus en détails, elle racontait à Sophie ce qui se passerait si jamais elle tentait de se mesurer à eux. D'abord, ils la détruiraient puis ils détruiraient son père avant de prendre les pleins pouvoirs pour annexer le royaume des mortels. Cette idée seule suffisait à faire frémir Sophie d'horreur. Elle rougissait, conscience d'avoir fait une énorme bêtise, et elle baissait les yeux, gênée. « Qu'allons-nous faire alors ? » Souffla Sophie, véritablement inquiète de voir cette situation leur échapper, mais aussi de ne jamais retourner chez elle, dans cette nouvelle ville, auprès des siens. « Si tu ne peux pas les combattre et s'ils ne veulent rien entendre... Tu crois que tout est perdu ? Nous sommes perdus ? » Elle avait peur, évidemment. Elle ne le cachait pas. « Je suis désolée... Je sais que j'ai fait pire que mieux avec mon discours, mais... mais je ne savais pas quoi faire ou quoi dire et j'ai paniqué et tu sais que lorsque je panique, je ne sais plus ce que je raconte. » Sabrina avait l'habitude après tout et il suffisait d'observer la situation actuelle pour le confirmer. Face à la panique, Sophie ne se contrôlait plus et devenait particulièrement bavarde, jusqu'à dire, parfois, des choses qu'il aurait été préférable de ne pas dire.

Sophie avait peur. Terriblement peur. Elle savait qu'elle avait fait pire que mieux en tentant de dialoguer avec les rois des Enfers - et en même temps, elle avait insisté pour ne pas le faire, donc elle n'était clairement pas la seule responsable de tout ce désastre. Maintenant qu'elle se retrouvait seule avec Sabrina dans sa chambre, après qu'une pause avait été demandée par le père de la sorcière, elle laissait la panique l'envahir. Elle était rouge de honte, ses mains tremblaient et ses yeux s'humidifiaient. Oui, elle avait vraiment peur d'avoir fait quelque chose qui ne serait pas réparable et de causer la fin de tout. Sabrina, comme à son habitude, tentait de rassurer Sophie en lui assurant que tout irait bien et que les choses allaient s'arranger. Comment, en revanche, Sophie n'en avait pas la moindre idée. Sabrina l'avait dit elle-même, elle n'était pas toute-puissante et elle ne pouvait pas tout, surtout contre les rois des Enfers - et bien sûr, c'étaient eux que Sophie avait mis en colère.

Jamais Sophie n'avait fait plus grosse erreur dans sa vie - et pourtant, elle avait un certain palmarès, il fallait l'avouer. Il fallait dire qu'elle ne pouvait pas se douter que son amie n'était pas aussi puissante qu'elle l'imaginait et que malgré son rang de reine des Enfers, elle n'était pas obéi de tous. Comment aurait-elle pu l'imaginer ? Le supposer ? Jusqu'à cet instant, Sophie ne savait même pas que son amie régnait sur les Enfers, alors connaître tous les détails sur comment ça se passait ici... Autant dire qu'il lui faudrait un certain temps pour digérer tous ces événements et toutes ces informations - à condition d'en ressortir en vie, évidemment, ce qui n'était pas gagné pour le moment. « Ton père doit me détester. » C'était le cadet de ses soucis, en réalité, mais il était plus simple de se concentrer sur ce genre de détails que sur les pires choses. Cela lui permettait de retrouver un peu de son calme. « Tu crois vraiment qu'il peut tout arranger ? » L'interrogeait-elle en priant pour que la réponse soit un oui sincère et assuré et surtout pas un mensonge destiné à la rassurer. « Je peux peut-être m'excuser ? » Il y avait fort à parier pour que les excuses d'une mortelle ne puisse pas satisfaire les démons des enfers, mais Sophie faisait avec ses moyens et ses connaissances limitées. « J'aimerais tellement qu'on rentre à la maison... » Souffla-t-elle, en baissant les yeux un instant, avant de les relever brutalement. « Si on doit rester ici, dans ce monde, que vais-je devenir ? » Parce que ce n'était pas chez elle et qu'elle refusait de se retrouver seule à nouveau - surtout qu'elle était persuadée qu'elle perdrait Sabrina, trop occupée à régner sur les enfers pour s'occuper de son amie mortelle.

« Je croyais que tu étais à moitié mortelle ? » Les histoires familiales de Sabrina étaient compliquées aux yeux de Sophie qui n'y comprenait absolument rien. Comment son père pouvait détester les mortels en ayant fait un enfant à l'une d'elles puisque Sabrina était à moitié mortelle ? Et les détester revenait à renier et détester une partie de sa fille, non ? « J'aurais pu être la première mortelle qu'il apprécie. » Ajouta-t-elle alors, en souriant, tentant de plaisanter pour détendre l'atmosphère - trop tendue pour espérer l'être.

Pour arranger les choses, Sophie proposait de retourner voir ces rois des enfers pour s'excuser. Il y avait peu de chances pour que cela fonctionne, mais elle pouvait essayer. Il n'était pas question que, par sa faute, le monde des mortels soit annexé au reste des Enfers. Sabrina refusait, persuadée que son père pouvait réussir - ou ne disait-elle cela que parce que Sophie lui avait demandé et qu'elle tentait, par conséquent, de la rassurer ? « Comme tu veux. » Se contenta de répondre la rousse, prête, pour une fois, à obéir et ne pas en faire qu'à sa tête - il fallait dire que les conséquences pouvaient être terribles, cette fois-ci.  

Sophie s'inquiétait également pour autre chose : comment rentrerait-elle chez elle ? Dans ce nouveau monde, qui était devenu le sien ? Elle ne pouvait pas rester ici, dans cet endroit. Elle avait retrouvé Jean, Paul et ses soeurs et elle n'avait aucune envie de devoir revivre sans eux. Elle avait besoin d'eux. Sabrina essayait de se montrer rassurante et de lui expliquer qu'elle ne serait jamais seule. Elle promettait de lui faire une place dans sa vie et dans ce monde, de ne jamais l'abandonner, qu'elle s'adapterait. Sophie ne se sentait pas bien, mais elle se sentait incapable de répondre quoi que ce soit au discours de Sabrina. Cette dernière poursuivait, de toute façon. Elle lui expliquait qu'elle lui présenterait à ses amis mortels et ses tantines et même à Nick. Elle ajoutait qu'elle viendrait vivre chez Sabrina, avec toute sa famille et qu'elle connaîtrait tous les lieux qui comptaient pour elle. C'en était trop. Plutôt que d'être rassurée, Sophie paniquait davantage face à toutes ces perspectives.

Sabrina semblait heureuse d'être ici et elle pensait y rester. Sophie comprenait, mais n'en avait aucune envie, pour sa part. « Sabrina, je... » Elle était perdue face à l'enthousiasme de Sabrina qui semblait avoir déjà tout prévu. « Je ne veux pas rester ici. » Quoi qu'en dise Sabrina, ce n'était pas sa place. Ce n'était pas chez elle. « Je ne veux pas. Je... Je veux revoir Jean, Paul et mes soeurs. Je ne veux pas devoir revivre sans eux Sabrina. » Tentait-elle de lui expliquer, à deux doigts de céder à la panique qui l'envahissait. « Ce sont tes amis, ta famille... Pas les miens. Notre monde, désormais, c'est celui dans lequel nous nous sommes rencontrées, nous devons rentrer là-bas. Rentrer chez nous. » Tentait-elle d'expliquer à son amie. « Merci de tenter de me rassurer, mais je veux rentrer. » Ajouta-t-elle, malgré tout, consciente des efforts que Sabrina faisait.

Lucifer détestait les humains, par conséquent, il détestait Sophie - discours désastreux ou non. Ce n'était pas rassurant parce que s'il détestait tant les humains, il ne devait pas leur accorder grande importance. Que valait leur vie ? Que valait la vie de Sophie ? Sabrina, même à demi mortelle, valait beaucoup plus aux yeux de son père puisque son sang coulait dans ses veines. Fille du diable rattrapait sans doute le côté mortel de sa condition. Il était effacé, en quelque sorte. Mais les autres humains ? « Tout ça est... compliqué. » A gérer, à comprendre, à accepter. Accepter d'être en compagnie du diable et de sa fille, en enfer. Gérer le conflit qui avait lieu pour protéger les humains. Comprendre - et espérer - que même s'il n'aimait pas les humains, il allait les protéger. « S'il n'aime pas les humains, tu es certaine qu'il se battra pour notre monde ? » S'inquiétait-elle alors, oubliant ses plaisanteries d'être la première humaine aimée du diable parce qu'il y avait bien plus important en jeu.  

Sabrina oubliait ces détails pour se concentrer sur ce qu'elle jugeait essentiel à cet instant : elle était rentrée chez elle. La sorcière était heureuse, évidemment. Elle s'emportait, oubliait toute retenue et toute logique, pour s'imaginer déjà la vie qu'elles allaient mener ici, toutes les deux. Sabrina l'incluait dans tout ça, elle lui avait déjà fait une place et avait déjà tout prévu dans son imagination. Mais Sophie ne voulait pas rester ici. Sophie voulait rentrer chez elle. Sophie voulait retrouver sa famille. Elle aimait Sabrina et elle savait que cette dernière ferait tout pour qu'elle se sente bien, mais elle ne pouvait pas abandonner son mari et ses soeurs une fois encore. Non, les perdre une nouvelle fois serait insupportable.

Sophie était obligée de détruire la joie et l'enthousiasme de Sabrina pour lui expliquer qu'elle voulait rentrer chez elle. Chez elles. Parce que c'était cet autre monde chez elles, désormais, non ? Sophie le croyait tout du moins. Sabrina la comprenait plutôt facilement. Elle l'acceptait et elle lui promettait même de tout faire pour l'aider. Elle comprenait ce besoin de retrouver les siens mieux que n'importe qui. Néanmoins, elle ne comptait pas rentrer avec elle. Elle évoquait les moyens, les gens, qui les aideraient à renvoyer Sophie, mais pas elle. Elle, elle voulait rester ici. Chez elle. Dans son monde. Avec les siens. « Non ! » S'emporta un peu violemment la jeune femme, sans réfléchir, impulsive et dépassée par ses émotions, comme à son habitude, en repoussant l'étreinte de la sorcière. « Ce n'est plus chez toi ici. Tu ne sais même pas si tes amis et ta famille sont là... Tu n'en sais rien. » Elle le verrait bien, en tentant de les retrouver, mais pour le moment, elle n'avait aucune certitude. « Tu fais partie de ma famille maintenant, si tu restes ici, je vais te perdre. » Et ça l'attristait terriblement. Trop pour l'accepter sans se battre et sans essayer de la convaincre. « Et je ne veux pas te perdre. » Et en même temps, comment lui en vouloir ? Si elle avait une chance de retrouver tous les siens, elle devait la saisir. Sophie ferait la même chose. « Si tu restes ici, on ne se reverra plus jamais. » Tentait-elle de la convaincre, même si elle n'y mettait pas beaucoup de volonté. Égoïstement, elle voulait que Sabrina reste avec elle. Réalistement, elle comprenait que ce n'était pas possible.