« De toute façon, tu restes avec moi tout le temps, maintenant, c’est décidé. Tu crois que je peux encore me passer de toi, là ? »

Il le dit sur le ton de la plaisanterie, certes, ça ne l’empêche quand même pas de le penser, et de le penser très très fort, et pas juste parce que Mutt lui a prouvé en une journée seulement qu’il était le meilleur coup qu’il ait jamais eu, mais parce qu’il ne réussit pas à le concevoir d’une autre manière, c’est tout. A ses yeux, c’est absolument, totalement, définitivement impossible. Il ne peut s’empêcher de rire quand Mutt ajoute qu’ils ne savent vraiment pas se tenir. Il voudrait bien protester, mais à ce stade, ce serait franchement compliqué, ils en ont encore donné la preuve à l’instant. Et pour ce qui est de l’apocalypse… Ah oui, c’est vrai, l’apocalypse…

Il va répondre quelque chose, mais alors, ils attendent un véritable bordel derrière la porte, qui ne tarde pas à s’ouvrir à la volée, sur le paternel Jones, parfaitement vénère et pour de bonnes raisons (hey, il les a trouvés vite ! Chapeau à lui – « chapeau » : vanne de qualité –, comme quoi les indications laissées par Mutt étaient tout à fait satisfaisantes). Klaus veut suivre l’exemple de Mutt et se relever, sauf qu’il se rappelle, à ce moment-là, qu’il est toujours menotté au lit, et qu’il ne peut donc pas bouger. Il essaie de le signaler à Mutt, mais vous pensez bien qu’il est beaucoup trop occupé à s’engueuler avec son paternel pour faire attention au type à poil attaché au lit, là, tout de suite. Et voilà donc qu’Indiana se met à courir à poil après Mutt dans tout le miroir. Non mais… sérieusement ?

« EH OH ? Quelqu’un pour me détacher peut-être ? M’oubliez paaaas ! »

Mais ils ne l’écoutent pas, parce que de toute façon ils sont sûrement trop loin pour l’entendre. Heureusement, la pauvre fidèle traumatisée, elle, est toujours là, des larmes au coin des yeux.

« Tu te rends compte qu’ils me laissent seule à poil attaché à un lit au milieu d’une foule de gens qui donnerait leur vie pour me tâter un morceau de fesse ? » qu’il lui dit. Elle l’observe avec des yeux ronds et continue de pleurer à chaudes larmes. « Tu veux bien me détacher s’il te plaît ? »

Elle finit par s’exécuter. Ses mains tremblent tellement qu’elle doit s’y reprendre à dix fois pour réussir à le détacher, mais elle le libère finalement.

« Merci, ton geste ne sera pas oublié… », assure-t-il d’un ton très solennel avant de se redresser tout en massant ses poignets endoloris.

Il prend juste la peine d’enfiler un slip récupéré dans un tiroir (c’est déjà un bel effort), et il se précipite à la poursuite du père et du fils, incontrôlable. A le voir courir à tout le manoir, c’est tous ses fidèles qui se mettent à le poursuivre à son tour.

« Mutty ! Indy !! Déconnez paaaaas, vous êtes où ? » hurle-t-il dans tout le manoir, à leur recherche – et toujours à moitié à poil, évidemment.

Quand Klaus retrouve enfin Mutt et son père sont détrempés tous les deux. Ils sembleraient qu’ils aient fait un tour dans la piscine (et sans attendre la mousse, pas cool). Bon… Pas dit pour autant que ça leur ait refroidi les idées, cela étant dit, car Indiana semble toujours aussi en rogne, et il semble avoir réussi à calmer, au moins un petit peu, son fils (dans la mesure où son fils peut vraiment être calmé, mais ça c’est encore un autre détail). Klaus est planté là, devant eux, et pour tout dire, il ne sait pas trop ce qu’il doit faire. Et il a pas l’impression que ses fidèles le savent davantage. Ils s’interrompent en même temps que lui et fixent la scène sans prononcer le moindre mot.

Quand Indiana se poste face à Klaus, ce dernier est tenté de dire quelque chose, de se justifier avec de quelconques excuses vaseuses, mais c’est ce moment qu’il choisit pour le tirer par les oreilles sous le regard éberlué des fidèles qui n’avaient clairement jamais vu leur prophète se faire à ce point malmener. Quand l’un d’eux se hasarde à lui demander s’il a besoin de quelque chose, il est bien tenté de répondre, songeant que ça peut être son échappatoire, mais Indiana est beaucoup plus rapide, et quand il se met à gueuler, il les calme tous autant qu’ils sont.

« Mais c’était sympa de demander », se hasarde-t-il tout de même à dire d’une petite voix. « Et vous êtes des licornes très intelligentes », qu’il ajoute devant une masse toujours interdite.

Indiana a réussi ce que Klaus n’a jamais réussi de son côté. Il a réussi à calmer ses fidèles pour de bon et fait en sorte qu’ils ne bronchent pas et ne s’intéressent pas à lui. C’est presque un exploit, à ce stade. Ils restent plantés comme des piquets tandis que le duo chaotique se voit, pour sa part, conduit jusqu’à la chambre. Alors qu’Indiana claque la porte derrière eux, c’est Mutt qui le premier qui en prend pour son grade, mais ils savent tous les deux qu’ils ne vont pas être épargnés.

« Y a des fringues propres – enfin, des fringues sèches en tout cas – dans l’armoire, là », dit-il en l’ouvrant d’office pour y chercher de quoi s’habiller. Il enfile les premières tenues qui lui tombent sous la main. Et s’habille rapidement, assez amusé à l’idée de voir Mutt dans ses propres fringues. « Avant que vous disiez quoi que ce soit, on avait de très, très bonne raisons de venir ici », tente-t-il de les défendre tout en sachant que ce serait évidemment peine perdue, et que cela allait forcément leur causer plus de tort qu’autre chose. « Hum… Et si on en parlait autour d’une bonne barbapapa, hein ? Vous devez aimez la barbapapa, non ? Vous êtes un papa, vous avez de la barbe… enfin… non, mais un peu quoi. »

Sinon, il a aussi le droit de se taire, mais ça, il faut évidemment qu’il le reconnaisse quand il a d’ores et déjà trop parlé.

A voir Mutt batailler avec sa garde-robe, Klaus ne peut s’empêcher de se marrer une fois de plus. Clairement, ce n’est pas le moment, et il aurait plutôt intérêt à faire profil bas, d’autant plus qu’Indiana fulmine tellement que Klaus en vient à se demander si de la fumée ne va pas finir par lui sortir des oreilles à ce stade, mais c’est assez hilarant que de le voir se démener avec des tenues qui, à l’évidence, ne peuvent qu’être trop moulantes pour lui au regard de leurs physionomies bien différentes (sans oublier le fait que tout ce que Klaus porte est déjà bien trop moulant pour lui pour commencer).

Il remercie, ceci dit, ses tenues beaucoup trop moulantes soient louées, car elles mettent clairement en valeur les pectoraux de Mutt, et ce n’est définitivement pas Klaus qui va s’en plaindre alors que lui est donnée l’opportunité de se rincer un peu l’œil. D’ailleurs, Mutt l’a remarqué aussi, ce que Klaus prend comme une invitation à lorgner d’autant plus.

Pendant ce temps, Indiana arrive, sans surprise, à saturation. Il faut dire qu’ils ne le ménagent vraiment pas. Ils ne font définitivement aucun effort pour l’aider à se calmer tandis qu’ils se contentent de poursuivre à leur train impossible comme s’il n’y avait pas de situations plus urgentes à gérer.

« Un peu, mais c’est pas si désagréablement, le frottement, tu verras », répond Klaus qui aurait trop tendance à ignorer les propos du paternel pour se concentrer sur les commentaires de Mutt sur ses tenues alors qu’il lui demande s’il n’a pas les burnes qui chauffent, avec des pantalons pareils. « T’es canon dans mes fringues, tu le sais, ça ? »

Quoi ? Il le pense, c’est vrai ! Bon, d’accord, Mutt est quand même clairement à l’étroit dans ses tenues, mais ça n’empêche pas. Bon, bon, d’accord, est-ce qu’ils n’ont pas plus importants à gérer, là, tout de suite ? Si, si, bien sûr, et Indiana a bien raison de rappeler le duo chaotique à l’ordre, car il est définitivement plus que temps qu’ils arrêtent de jouer les têtes de mule et acceptent un tant soit peu d’écouter ce qu’il peut avoir à leur dire. Il y a toujours une fin du monde en jeu. Mais justement, comme il y a une fin du monde en jeu, ils auraient sans doute trop tendance à en faire d’autant plus à leur tête. L’apocalypse prochaine semble plus les exciter que les préoccuper. Et résultat des courses, les deux se révèlent proprement intenables, et ça n’a pas l’air parti pour s’améliorer, loin de là, même si le père de Mutt se démène pour les exhorter à plus de lucidité sur la situation.

Klaus se montre légèrement plus attentif quand même quand Indiana lui apprend avoir retrouver la ferme où se trouve Vanya. Il ne fait aucun commentaire, il attend de connaître la suite, un rien distrait il est vrai par les essayages de Mutt, qui essaie maintenant désespérément d’entrer dans un de ses pantalons…

« Il te moule le paquet juste ce qu’il faut », assure Klaus en levant le pouce en l’air à l’adresse de Mutt avant de reporter son attention sur le père de ce dernier, comme s’il était tout à fait normal – et pas du tout alarmant de pouvoir éluder le sujet « fin du monde » pour s’intéresser plus assidument aux bijoux de famille de Mutt – non, Klaus refusait d’imaginer que les deux puissent être incompatibles.

« Non, mais si, si, ça nous intéresse, l’apocalypse », répond Klaus en essayant d’afficher l’air le plus sérieux dont il est capable (autant dire que ce n’est pas forcément très concluant). « Mais ça se prépare pas le ventre vide, d’arrêter la fin du monde, puis le sucre, ça maintient éveillé », ajoute-t-il sans savoir lui-même ce qu’il raconte exactement. « Donc. La ferme de Vanya. Elle va bien ? Qu’est-ce qu’on fait ? On va là-bas ? »

Après s’être gavés de sucre, cela va sans dire. Cette partie-là n’est pas négociable.

Dans l’entrée, il y a bel et bien une machine à barbapapa. Par quel miracle ses fidèles sont-ils bel et bien parvenus à s’en procurer ? Il faut croire que le pouvoir du Prophète est bel et bien sans limites – décidément, va aller rompre avec sa secte quand ils t’offrent tout ce que tu leur demande en un claquement de doigts, ce serait limite criminel, à ce stade. Alors que Klaus observe la machine en question, il est de nouveau détourné de toute considération apocalyptique… quelques secondes, avant que Mutt ne commette une bourde et n’évoque son imminence auprès d’un de ses fidèles. Klaus affiche de grands yeux et veut rattraper le coup immédiatement, mais Mutt est plus rapide, et au final, son excuse a l’air de passer.

Mutt en roue libre, c’est vraiment quelque chose, et Klaus le regarde déblatérer à toute vitesse, sur les mojitos, sur les fringues de son père, sur les transats, sur… Il fallait certainement que le poing d’Indiana atterrisse au beau milieu du visage du jeune homme pour réussir à calmer le train fou de son débit de paroles que même Klaus avait du mal à suivre.

« Mutty ! »

Klaus se précipite en direction de Mutt alors que ce dernier se tient le nez en gémissant de douleur. Il passe une main dans son dos, faute de savoir quoi faire de mieux sur le moment. En voyant son nez saigner, il interpelle le premier fidèle qu’il trouve pour demander de quoi arranger son nez malmené pendant que le père et le fils se prennent la tête – ce qui est à l’évidence coutumier, pour ne pas dire rituel, à ce stade. Ils se rendent au niveau des transats, où le père se charge de vérifier l’étendue des dégâts, plus de peur que de mal, en réalité. Et Indiana a gagné, oui. Pour le coup, il a toute leur attention. Ils ne peuvent pas se rendre à la ferme tout de suite… Au fond, Klaus aurait préféré. Maintenant qu’il sait que Vanya est là, il voudrait aussi la savoir en sécurité, mais le père de Mutt n’a pas tort, ils empireront sans doute la chose plus qu’autre chose. Sans surprise. Klaus ouvre la bouche pour dire autre chose, mais alors, il est arrêté par une fidèle. Quelqu’un veut la voir ? Qui ça quelqu’un ? Klaus se redresse en reconnaissant la silhouette dans le dos de la jeune femme, et le cœur de Klaus manque un battement.

« Dave… »

Son regard se détourne un instant de Dave pour se poser sur Mutt, et il a un instant le sentiment que le tourbillon d’émotions dans lequel il est entrainé tout à coup va le faire tomber dans les vapes. Il articule vaguement quelques mots pour demander au père et au fils de l’attendre ici, mais il n’est pas convaincu que ses paroles aient été, en quoi que ce soit, intelligibles.

Il invite Dave à le suivre un peu à l’écart. Il est là, égaré, adorable, un flyer de la secte entre les mains, c’est comme ça qu’il l’a trouvé. Klaus le regarde avec le sentiment qu’il n’est pas vraiment là, qu’il ne peut pas être là. Quelque chose ne colle pas. Il est là, il lui donne une deuxième chance de l’aider, de le sauver, de l’aimer, et à quelques mètres, il y a Mutt, qu’il ne connaissait pas la veille mais qu’il est conscient d’aimer malgré tout, sans que ça ait pourtant le moindre sens, et il se sent sans doute aussi perdu que Dave peut l’être lui-même. Dave s’excuse pour l’incident du diner, Klaus minimise la situation, Dave insiste, ce n’est pas son genre d’agir ainsi, il n’est pas comme ça. Klaus le sait, évidemment qu’il le sait. Alors il l’interroge, lui demande comment il peut avoir été au courant, pour la guerre, pour son oncle. Il répond qu’il est un prophète, mais avec Dave, évidemment, ça ne prend pas, mais Klaus veut le convaincre quand même. S’il n’est pas un prophète, comment sait-il toutes ces choses sur lui : son plat préféré, sa chanson préférée, son livre de prédilection…

« Quoi d’autre ? »
Il a son attention à présent.
« Je sais que, parfois, tu te sens étranger à ta propre famille. Tu espères que le fait de devenir un soldat leur prouvera quelque chose à eux et à toi-même, sauf que, Dave, ça ne fonctionnera pas, et tu vas le regretter. »
« Tu n’en sais rien. »
« Si, je le sais. »

Il insiste encore, mais Dave se ferme, se braque. « Je ne sais même pas pourquoi je suis venu… » Klaus en a une petite idée, lui… Il faut qu’il insiste, il le sait, c’est sa dernière chance, alors il lui dit tout, dans le détail, lui explique de quelle manière, précisément, il va mourir, lui tend son collier en guise de preuve. Cette fois, le trouble de Dave est total, mais sa réponse tombe comme un couperet. Même si ce doit être vrai, ce sera un honneur pour lui de mourir pour son pays.

« Tu n’es pas obligé. »
« Si… Je me suis déjà engagé. »

La réponse de Dave a le tranchant d’un couperet. Ça n’était pas supposé arriver aussi tôt. Il devait avoir du temps, le temps de le convaincre. En voulant le sauver, il a précipité sa chute. Juste après leur altercation, l’oncle de Dave lui a fait signer. Il part la semaine prochaine. Il part la semaine prochaine… Klaus a le sentiment que le sol se dérobe sous ses pieds. Il cherche à dire quelque chose, il veut à tout prix le retenir. Mais Dave est déjà sur le départ.

« Dave ! Reviens ! »

Mais il ne se retourne pas, et le cœur de Klaus se fend en deux tandis qu’il sent les larmes lui monter aux yeux… Un de ses fidèles se rapproche, il a quelque chose pour lui, Klaus attrape l’enveloppe d’une main tremblante mais ne l’ouvre pas, il suit Dave du regard et s’adresse à son fidèle sans le regarder.

« Je crois que je vais prendre un mojito, en fait. »

Les larmes lui embuent le regard, il n’a pas la moindre idée d’où se trouvent Mutt et son père ni même de s’ils ont assisté à la scène. Il a trop mal, en cet instant, pour pouvoir ou savoir penser à quoi que ce soit.

Klaus, décomposé, dépité, malheureux comme les pierres, a peine à comprendre la scène qui succède au départ de Dave. Dans son esprit, tout est flou, et tout est douloureux. Il a l’impression d’avoir signé l’arrêt de mort de Dave, et il se sent au trente-sixième dessous. Il a envie de retrouver Mutt, de le prendre dans ses bras pour essayer d’oublier dans une étreinte la conversation qu’il vient d’avoir, mais il se dit que ce ne serait pas sain… D’un autre côté, qui se fiche de ce qui est sain ou non ? En cet instant, il n’en a rien à foutre de cette enveloppe qu’il n’ouvre toujours pas et glisse en boule dans sa poche, il s’en fiche de l’apocalypse, il se fiche de tout. Il veut se noyer dans des litres d’alcool, s’abrutir jusqu’à ne plus rien ressentir du tout. C’est en entendant des échos de voix plus loin que Klaus comprend qu’il se passe quelque chose.

D’un pas rapide, il se dirige vers l’allée pour découvrir Mutt et Dave en pleine altercation. Dave plaqué au sol par Mutt, qui le roue de coups, en proie à une colère sourde. Klaus, d’abord interdit, un poids au cœur plus lourd encore que précédemment, envisage d’intervenir, mais Indiana le devance. Tant mieux, au fond, il serait sans doute resté sans voix face à cette scène et n’aurait pas été capable d’intervenir. Ceci dit, il faut du temps aussi au père de Mutt pour lui faire entendre raison et le retenir de nouveaux accès de rage. Ses fidèles, ameutés autour de là scène, observent, choqués, cette démonstration de violence. Klaus ne cherche pas à justifier cette situation ou à rassurer les siens, il est sonné, il se sent épuisé… et pour tout dire, déçu du comportement de Mutt, qui n’a rien trouvé de mieux que d’aller casser la figure de Dave plutôt que de venir le voir, de le rassurer… mais au fond, à quoi est-ce qu’il s’attendait ? Il allait vraiment falloir qu’il se mette cette implacable vérité dans la tête une bonne fois pour toutes : ils ne se connaissent pas. Fin de l’histoire.

A son tour, il pourrait aller trouver Dave, ou Mutt, pour vérifier l’étendue des dégâts, il ne fait ni l’un ni l’autre. A la place, il n’attend pas de savoir comment la scène se conclut et prend la décision de tourner les talons, purement et simplement. Il aurait envie de foncer la tête la première dans la piscine, tout habillé, et de s’y faire oublier, là, tout de suite, mais il choisit une autre option et se précipite à l’intérieur du manoir, ignorant le discours de ses quelques fidèles qui venaient s’enquérir de son état d’esprit pour se précipiter dans la cuisine, dont il ouvre bruyamment les placards, un à un.

« Tu ne devrais vraiment pas faire ça… »
Klaus ne se retourne pas, lève les yeux au ciel.
« Ben voyons, qui est-ce qui fait sournoisement son retour dans mon dos, t’étais où tout à l’heure, hein ? »
Il n’attend pas la réponde de Ben, ses doigts se referment sur une bouteille au contenu transparent. A l’évidence, ce n’est pas de l’eau. Sourd aux protestations de Ben, il en dévisse prestement le bouchon pour en boire le contenu au goulot. Une longue gorgée, la première depuis des mois, des années en fait. Très bien. Parfait.
Il entend du bruit à proximité, mais il n’y prête pas garde, il se laisse tomber sur le sol de la cuisine, luttant contre l’envie d’aller trouver Mutt malgré tout, cette envie instinctive, qui semble plus forte que lui. Dans le mouvement, l’enveloppe a glissé de sa poche, et il prend enfin le temps d’en lire le contenu.

Reginald Hargreeves sollicite le plaisir de votre compagnie à l’occasion d’un dîner léger, le 20 novembre 1963, à sept heures et demie.

« Qu’est-ce que c’est que ces conneries... ? »

Le regard de Klaus évite celui de Mutt quand il vient le rejoindre et prend son visage entre ces mains, il voudrait être absent à lui-même, et il se sent pris d’une émotion étrange, contradictoire. Il a envie de le rejeter, de l’envoyer balader, et en même temps… Il a envie qu’il le prenne dans ses bras sans poser de questions, parce qu’il sait, instinctivement, que cette étreinte serait la seule chose capable de lui apporter tout le réconfort dont il a besoin. Comment ce qui est capable de vous faire autant de mal peut, dans le même temps, vous faire autant de bien ? Mais Mutt ne le serre pas dans ses bras, et dans le fond, c’est pas plus mal, parce que Klaus est en colère contre lui, et ses paroles tout autant. Du mieux qu’il le peut, toujours accroché à sa bouteille comme si c’était son trésor le plu précieux, il se redresse, légèrement chancelant.

« Mais tu m’as laissé », réplique Klaus avant de venir reprendre une longue gorgée de sa bouteille.

Il n’a sans doute pas le droit de lui faire ce genre de reproches… Faut-il le rappeler ? Ils ne se connaissent pas, ou du moins il ne le connaît pas, ils ne se doivent rien. Mais en même temps, ils se connaissent par cœur, et Klaus a cet étrange sentiment d’avoir déjà éprouvé ça, le sentiment que cette relation si précieuse le poussait au fond du gouffre. Mais Mutt, le connaît, lui, est-ce qu’il n’aurait pas dû, par conséquent, savoir que la dernière chose qu’il voulait, c’était de le voir casser la figure de l’homme qu’il… aime ? Il n’a plus aucune idée de qui il aime ou non, c’est comme si son cœur était arraché. Et au fond, peut-être que ni Dave, ni Mutt, ne méritent vraiment cette affection si violente, et qui fait tant souffrir.

Klaus ne veut pas se laisser émouvoir par les blessures de Mutt, ou encore par son discours. Il lui a fait du mal parce que Dave lui a fait du mal, donc quelque part, c’est encore lui qui a fait du mal à Dave. Oui, il aurait dû venir le voir, oui, il aurait dû réfléchir, mais Klaus ne va pas lui répéter des choses que Mutt sait d’ores et déjà, pas vrai ? À quoi bon… Il se sent vide de tout, et il n’a pas encore suffisamment bu pour encaisser tout ça. Voilà, c’est sa conclusion à cette situation merdique, et il estime qu’il n’y a rien de plus à en dire.

« Il a déjà signé. C’est trop tard », dit-il sans trop savoir s’il s’adressait à Mutt ou à lui-même. « Il devait pas signer aussi tôt, si j’étais pas venu le voir, s’il s’était pas passé tout ça… » Il daigne enfin poser son regard sur Mutt. « Si tu t’en étais pas mêlé, j’aurais pu le convaincre, j’aurais pu le persuader de pas faire ça… »

D’accord, le reproche est injuste, mais sur le moment, il le pense : plutôt que de tout faire pour sauver Dave, il a laissé la situation s’envenimer, il a fricoté avec Mutt, il a fait… que des conneries… Et maintenant, rien n’a d’importance, absolument rien.

Oui, injuste, Klaus l’est clairement, et il l’est parce qu’il a mal, parce qu’il a peur de perdre à la fois Dave et Mutt, et parce qu’il a le sentiment que les deux sont inévitable. Il n’est pas capable d’entendre qu’il n’aurait rien pu changer. La nouvelle annoncée par Dave est encore trop fraîche dans son esprit. C’est difficile d’admettre qu’il ne réussira pas à le sauver alors qu’il est là, encore bien vivant, pas si loin de lui, et que poser les yeux sur lui lui rappelle sans cesse ce moment où la vie l’a quitté entre ses bras. Pour le reste… Entendre Mutt affirmer qu’il n’est pas son Klaus, même s’il est tenté de penser la même chose, ben ça lui fait mal. Il tourne son regard vers lui, envisage de le retenir, mais il ne fait rien et préfère, à la place, boire une nouvelle gorgée de sa bouteille. L’alcool est finalement le compagnon le plus rassurant qu’il puisse avoir dans ces circonstances. Dave, Mutt, il doit se résigner à les laisser tranquille. En fait, il devrait laisser tout le monde tranquille.

Quand le père de Mutt rentre dans la pièce, Klaus ne le regarde même pas, il préfère se concentrer sur un point invisible devant lui, et faire abstraction de tout ce qui l’entoure. Le départ de Dave, Mutt, qui doit le détester, maintenant, l’apocalypse imminente, le courrier de son père, la secte de dégénérés… c’est trop pour lui. Il arrive pas à gérer ça. Et il se serait sans doute évertué à ignorer Indiana quand ce dernier prend la parole.

Pour commencer, il n’envisage pas de lâcher sa bouteille, il la serre même un peu plus fort entre ses doigts, comme s’il redoutait qu’on la lui prenne des mains. Il serre les dents quand il lui dit qu’il a des choses à gérer. Sans déconner, Sherlock ? Il ne veut rien entendre non plus quand il lui parle de la personne qu’il a perdue, il est pas capable d’entendre ça, là tout de suite, il est pas capable de faire face… Et accepter que « les choses sont faites ainsi », que certaines choses ne peuvent tout simplement pas être changées, c’est trop dur à accepter pour lui.

C’est quand Indiana ajoute que Mutt a toujours été pour lui, même quand il était au fond du trou… même quand tout le monde lui disait de ne pas revenir vers lui, qu’il lève le regard. Donc, au final, il va gâcher la vie de Mutt aussi, c’est bon à savoir… Il zyeute sa bouteille avec l’envie de s’y noyer. Est-ce qu’il n’est bon qu’à ça ? A briser les gens qu’il aime ? Est-ce qu’il ne peut pas changer ça ? Pour Dave, il est trop tard, mais Mutt est là, lui. Il l’a accompagné, il l’a défendu, il est resté à ses côtés. Klaus hésite quand même, mais au moment de demander de suggérer un échange, Klaus se résigne, se rappelant la lettre qu’Indiana entre dans sa main. Chancelant, il se redresse, son organisme, plus franchement habitué aux alcools, aussi fort d’autant plus, lui fait doucement payer son « écart ». Alors il tend la bouteille à Indiana récupère la lettre.

« Je vais… »

Il finit pas sa phrase, mais c’est plutôt clair, il va retrouver Mutt, ce qu’il fait dès lors qu’il a quitté la pièce. Sans attendre l’approbation de Mutt, il le serre contre lui, aussi fort qu’il le peut.

« Je suis désolé… je suis désolé pour ce que j’ai dit, je suis désolé de pas être ton Klaus, je suis désolé pour tout le mal que je vais te faire, je suis désolé pour tout. »

Il garde Mutt contre lui sans le lâcher, le plus longtemps possible, puis après un moment, il daigne s’écarter. Glisse la lettre, la fameuse lettre, entre les mains de Mutt.

« J’ai reçu ça tout à l’heure. »

Sentir Mutt resserrer son étreinte lui fait un bien fou, un bien immense, même. C’est comme s’il parvenait à respirer mieux, à respirer de nouveau, et comme si sentir qu’il s’éloignait de Mutt lui coupait en partie l’oxygène. C’est une des choses inexplicables de sa relation à ses yeux si fraîche avec lui… Ce qu’ils partagent est malgré tout si fort, si puissant… C’en est étourdissant, effrayant parfois. Mais aussi agréable, quand ils parviennent à dépasser leurs émotions les plus négatives pour passer à quelque chose de plus doux, de plus direct, de plus sincère aussi. Mutt lui demande d’arrêter de s’excuser, mais Klaus en serait bien incapable. Il ne sait pas si c’est vraiment comme ça que le grand amour doit se vivre, il voudrait croire que le grand amour n’implique pas de faire souffrir la personne que l’on aime.

Mais peut-être que ce qu’ils vivent est finalement trop fort, justement, pour qu’ils puissent faire autrement que d’en passer par ce genre de choses. Alors il vaut mieux se focaliser sur cette lettre, sur ce rendez-vous surgi de nulle part, mais qui lui permettra peut-être d’être enfin réuni avec l’ensemble de sa fratrie. Il hoche la tête quand Mutt lui demande si le courrier vient de son père. Pour ce qui est de savoir si ses frères et sœurs seront là, difficile à dire, mais Klaus ne pense pas qu’il serait le seul que Reginald aurait invité.

« Tu m’accompagnes ? » demande Klaus, mais Mutt a déjà répondu à sa question. « J’ai rencontré ton père, il est temps que tu rencontres le mien », remarque-t-il avec un sourire amusé. « Tu verras, il est vraiment char-mant. »

Et en vérité, Klaus ne sait pas trop quoi penser, étant donné que leur père ne devrait même pas savoir qui ils sont, pas vrai ? Quant au fait que Mutt n’avait pas la moindre raison de se joindre à cette petite sauterie : aucune importance. Déjà, s’il doit s’infliger la présence du paternel, il peut bien se permettre de ramener un plus un, pas vrai ? En tout cas, pour sa part, il considère bel et bien que oui.

Klaus envisage d’ajouter une remarque quelconque quand Mutt revient sur le sujet de Dave. A entendre son nom, le cœur de Klaus se serre, il pourrait répondre que ce n’est rien, mais ce serait mentir, alors il se contente de se taire et d’écouter. Il n’est pas sûr que l’impulsivité matinée d’agressivité soit ce que Klaus préfère chez Mutt, mais il comprend ses motivations, et même, elles le touchent. Et puis, il s’excuse, et Klaus peut se mettre à sa place… Il a été à la même avec Dave… Avec dans l’esprit le souvenir d’une grande et belle histoire d’amour qu’il est pourtant le seul à connaître, à avoir vécue. Et c’est frustrant, pour Klaus, de ne pas connaître le millième de ce qu’ils ont vécu, ou vivront, ou peut-être ni l’un ni l’autre, tout compte fait.

Quelque part, il a envie de demander à Mutt tout le détail de cette relation qu’il n’a pas vécu, d’un autre, il se dit que ça ne ferait peut-être aucun bien à Mutt. Autant se contenter, plutôt, de ce qu’ils construisent ici et maintenant, pas vrai. Et ça peut marcher, ça doit marcher. Il veut que ça marche, il le veut un peu plus à chaque minute qui passent, même quand ils se prennent la tête à n’en plus finir. Mais surtout, bien sûr, quand ses lèvres se posent sur les siennes, et qu’il ne veut plus des lors embrasser aucunes autres lèvres. Et tandis que leurs corps se collent l’un à l’autre et qu’il compte le temps qu’il leur reste avant le fameux dîner en nombre d’orgasmes, Klaus en vient de nouveau à vouloir oublier son père, l’apocalypse et tout le reste pour ne plus se concentrer que sur lui. Cette fameuse aura magnétique, ce n’est pas son aura à lui, c’est leur aura à eux.

« T’as pas besoin de me le prouver », affirme Klaus avec un fin sourire. « Je le sais déjà. » Ses lèvres récupèrent les siennes presque aussitôt. « On a bien le temps pour trois ou quatre orgasmes, si tu veux mon avis. »

Mais ça, c’est sans compter sur la voix du paternel Jones, ses hurlements serait plus juste. Klaus hausse les épaules avant d’entraîner Mutt par le bras pour qu’ils aillent retrouver Indiana dans le manoir.

« Disons deux orgasmes finalement. »

La suggestion de Mutt fait doucement marrer Klaus. Non, il ne pense pas que le père d’Indy serait capable de littéralement s’en prendre à un de ses fidèles, en revanche, il l’imagine sans difficulté taper un scandale auprès de ces derniers et une part de lui a vraiment envie d’assister au spectacle en se gavant de popcorn… ou de barbe-à-papa faute d’avoir du pop-corn sous la main. Il espère que ce n’est rien de plus grave, en tout cas… ce qui est difficile à prédire, à l’heure actuelle, tant leur situation a l’air de partir dans tous les sens depuis… depuis que leurs chemins se sont croisés, en fait.

Klaus ne savait pas exactement à quoi il s’attendait, mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’attendait pas assez… c’est… un bordel sans nom. La musique leur explose les tympans, il y a de la mousse absolument partout, et c’est un enfer de bulles qu’ils doivent traverser pour rejoindre le bar, où il s’avère que se trouver Indiana, torse-poil, en train de préparer des cocktails. Le spectacle serait absolument risible (bon d’accord, il l’est carrément) s’il n’était pas tout de même un peu alarmant. Ils se sont absentés quoi, deux minutes ? Et s’ils s’interrogent encore sur l’imminence de l’apocalypse, on dirait bien qu’ils en ont les prémices sous les yeux. Là encore, Klaus se sent partagé entre l’hilarité et l’inquiétude, quand même. Il a bien envie de faire un commentaire sur les abdos du paternel Jones, mais il s’abstient, et à la place, il accompagne Mutt jusqu’au bar.

Dès qu’il les voit, Indiana arrête ce qu’il fait pour venir serrer son fils dans ses bras et lui dire qu’il l’aime. Bon, c’est adorable, certes, mais ça a quand même l’air de confirmer qu’il est complètement jeté. Est-ce qu’il a confisqué sa bouteille pour s’amuser à la vider d’un seul coup ? Si c’est le cas, honnêtement, c’est vraiment, vraiment pas cool. Mais non, Klaus doute fort que l’alcool soit à l’origine de son état. Klaus peut se poser en connaisseur de la chose, et là, on dirait surtout que le père de Mutt est complètement stone. Il a forcément consommé un truc. En voyant le plateau couvert de space cake sur le bureau, Klaus comprend immédiatement… Bon, bon, bon, si en plus Indiana n’est pas trop habitué, ça risque d’être particulièrement compliqué de le faire redescendre. Oui, Mutt a raison, le plus simple, là, tout de suite, c’est qu’ils retournent au motel. Même si Klaus regrette un peu de ne pas profiter de la mousse et de la barbe-à-papa, au bout d’un moment, faut savoir être… quoi ? Raisonnable ? Ouais, on va dire ça, vite fait en tout cas. Encore faut-il pour cela, réussir à tenir Indiana, et ça c’est une autre paire de manches. Ils n’ont pas le temps de le retenir et de le raisonner qu’Indiana a déjà disparu dans un océan de mousse, de barbe-à-papa et d’alcool.

« Baaaah… elle s’appelle Marie Jeanne », répond simplement Klaus en haussant les épaules après avoir renifler le gâteau incriminant, comme si c’était une justification imparable à la nature psychotrope de la pâtisserie en question.

En même temps, oui, Marie Jeanne, c’est pas son vrai nom mais le nom dont elle a écopé grâce à… ses talents culinaires.

« Faut quand même reconnaître que ton père est bien foutu pour son âge », observe Klaus d’un ton songeur, plus pour détendre l’atmosphère qu’autre chose, même s’il le pense. « Bon. » Il soupire. Il faut bien qu’il réussisse à faire quelque chose. Il trouve une chaise plus loin, sur laquelle il monte pour être un peu surélevez. « Ecoutez-moi tous, votre prophète vous ordonne d’arrêter la musique. » Zéro réaction, tout le monde danse et se marre. Tout le monde a l’air défoncé, surtout. « OH VOUS ALLEZ FAIRE CE QUE JE VOUS DEMANDE OU BIEN ? ON ARRÊTE LA MUSIQUE ! »

Klaus et l'autorité, ça fait vraiment dix.

Klaus reste interdit face aux remarques de Mutt, auxquelles il ne semble pas prêt d’apporter le moindre éclaircissement. D’accord, il aurait pu s’épargner de commenter le physique d’Indiana, même pour la blague, mais… comment ça, ses deux mères ? Qu’est-ce qu’il…. Et est-ce qu’il s’apprêtait à parler de son père, là ? A l’évidence, de ce qu’ils ont vécu ensemble, Mutt est loin de lui avoir tout dit, et Klaus brûle d’entendre davantage d’explications…. Sauf que pour ça, il faudrait déjà qu’ils réussissent à gérer un peu le bordel ambiant… Et pour le coup, peut-être parce qu’ils sont tous trop défoncés pour ça ou parce que l’autorité naturelle de Klaus Hargreeves, tout gourou de secte soit-il, a d’évidentes limites. Déjà qu’il peine à se faire entendre par-dessus la musique beaucoup, beaucoup trop forte. Mutt prend les devant et éteint la musique. A la désapprobation générale, cela va sans dire.

Alors, Mutt tente de réussir où Klaus a échoué. Ce dernier l’observe à distance tandis qu’il improvise l’excuse la plus capillotractée qui puisse être… mais après tout, hein, sur un malentendu, ça peut toujours fonctionner. De toute façon, ses fidèles, et plus encore s’ils sont défoncés, sont sans doute parfaitement capables de gober n’importe quoi. Plusieurs fidèles se rapprochent de Klaus pour l’interroger sur cette fameuse source divine, mais Klaus ne les écoute pas, il est davantage accaparé par le petit manège qui se déroule à quelques mètres de lui, alors qu’une jolie blonde vient le plaquer contre le mur le plus proche pour lui rouler une pelle monumentale. Klaus sent aussitôt ses poings se serrer, presque malgré lui, alors qu’il tente de se frayer un chemin parmi la foule pour aller dire à cette blonde de seconde zone d’aller se faire cuire un œuf, voire trois douzaines. Et pendant ce temps, quelqu’un a rebranché la sono, et Klaus n’a pas la moindre idée d’où le père de Mutt peut bien se trouver au beau milieu de ce joyeux bordel.

Il arrive enfin au niveau de Mutt quand ce dernier se met à faire l’inventaire de ses MST imaginaires comme si sa vie en dépendait, ce qui ferait sans doute franchement marrer Klaus s’il n’était pas à ce point en rogne contre la blonde qui semble si empressée de soigner ses troubles génitaux.

« Ma belle, tu continues de te frotter à mon favori une seconde de plus et je te bannis de notre communauté pour toujours. » La blonde s’interrompt d’un geste et se tourne vers lui, manifestement stone et affamée, prête à se ruer sur lui, voire à suggérer un plan à trois. « Je vois ton avenir, tu sais, et si tu continues dans cette direction… » Il lui adresse une grimace qui est l’inverse d’encourageante. « Maintenant, tu veux bien nous laisser tranquilles ? »

La blonde, à mi-chemin entre l’incompréhension et la panique, finit par s’en aller, laissant à Klaus le loisir de reporter son attention sur Mutt.

« Je vois que tu ne mets pas longtemps à me remplacer… » Il esquisse un sourire. Il n’est pas vraiment sérieux, d’autant qu’il voit bien que Mutt a été totalement pris au dépourvu par les circonstances. Klaus se rapproche de lui, dépose brièvement ses lèvres où étaient posées celles de la blonde un peu plus tôt, ses mains glissant entre ses jambes pour constater la grosseur que trahissait de toute façon son pantalon trop moulant. « Va falloir qu’on remédie à ce problème… », observe-t-il d’un ton qui en dit long. « Mais on devrait trouver ton vieux d’abord, non ? J’ai pas la moindre idée d’où il a bien pu se fourrer. »

De qui il pourrait bien fourrer, a-t-il envie d’ajouter mais, potentiellement, Mutt pourrait mal le prendre.

Klaus ne pense pas être quelqu’un de jaloux, mais il réalise que quand il est question de Mutt, c’est une autre affaire. Alors bon, il n’allait pas lui faire la misère alors qu’il était évident que c’était cette fille qui lui avait littéralement sauté dessus, n’empêche que le spectacle d’une autre personne qui s’amuserait un peu trop à lui tourner autour et à l’aguicher, bah ça le fait fulminer… Évidemment qu’il ne veut pas que Mutt ait l’œil qui traîne sur qui que ce soit d’autre. Hypocrite, donc, compte tenu du fait que lui-même n’a pas complètement fait le deuil de sa relation avec Dave, mais ça c’est autre chose. Et d’ailleurs, Klaus peut difficilement reprocher à Mutt de s’être emporté un peu plus tôt… C’est comme ça, c’est ce qu’ils sont. Et ce qu’ils sont aussi, c’est deux types fous l’un de l’autre, et qui ont peine à se tenir correctement quand ils se retrouvent ensemble tous les deux. S’il s’écoutait, il s’empresserait immédiatement de soulager cette tension qu’il sent entre les jambes de Mutt… Mais bon, leurs hormones en feu ne doivent tout de même pas leur faire oublier leurs priorités.

« Excellent plan, y a zéro raison pour que ça déconne », observe Klaus sans y croire une seule seconde quand Mutt suggère de ligoter son paternel histoire qu’il se tienne tranquille tandis qu’eux-mêmes s’enverraient en l’air en attendant le dîner de l’enfer avec ce vieux Reginald.

Évidemment que ça a toutes les raisons de déconner. En plus, ils ont pas la moindre idée d’où se trouve Indiana ni de l’état dans lequel ils vont le retrouver. Mutt plaisante, mais Klaus sent bien qu’au fond, il est quand même inquiet pour son paternel, ce qu’il comprend sans mal. Pour des raisons très différentes, lui aussi s’inquiéterait si son père était totalement stone et en pleine nature. Dans son cas parce que Reginald serait capable de se montrer encore plus toxique. Dans le cas d’Indiana c’est autre chose. C’est Mutt qui décide d’un plan d’action, et Klaus approuve d’un hochement de tête. Sur le principe, ça lui semble effectivement devoir être efficace. Ils vont se séparer, et le premier qui le trouvera cherchera à le raisonner et à le… Non, rien de tout ça. Finalement, ils n’ont pas besoin de faire tout le tour du manoir pour le retrouver. Du grabuge du côté de la piscine leur fait découvrir un Indiana complètement à poil, prêt à plonger dans la piscine. Klaus suit Mutt à l’extérieur, manque de se casser deux-trois fois la figure au passage.

Mutt tente de raisonner son père, mais autant parler à un mur, évidemment. Aucun argument ne fonctionne sur lui, pas même la menace de voir débarquer la mère de Mutt. Forcément, il est totalement stone.

« Vois le bon côté des choses », répond Klaus en s’installant à côté de Mutt. « Tant qu’il est dans l’eau, il prend rien d’autre, et au bout d’un moment, il va finir par redescendre. » Il jette un regard en direction de la piscine. « On va s’en manger plein la tronche quand il va reprendre ses esprits. » Il penche la tête en arrière. « Après, on est pas obligé d’aller au dîner avec lui. Il peut bien faire sa vie en attendant, et on aura le temps de régler ça à notre retour. Enfin ça c’est si on rentre en un morceau. Mais si j’ai bien compris, t’as déjà survécu à une rencontre avec mon vieux, pas vrai ? »

Klaus peut comprendre que Mutt ne soit pas franchement rassuré à l’idée de laisser son père dans un tel état. Allez savoir ce qui pourrait se passer durant leur absence, compte tenu du bordel que c’est déjà alors qu’ils ont détourné le regard pendant cinq minutes à peine. Laisser Indiana au manoir, c’est pas le scénario de rêve… d’un autre côté, l’embarquer au dîner, c’est pas non plus le meilleur scénario qui soit, faut quand même le dire. Klaus soupire, il sait pas franchement quoi suggérer d’autre. Un fin sourire se dépose sur ses lèvres quand Mutt dépose sa tête sur son épaule, avant qu’il lui parle de sa rencontre avec son père.

« Tu me rassures, si tu m’avais dit que vous étiez les meilleurs amis du monde et qu’il était le type le plus extraordinaire que t’aies jamais rencontré, je me serais posé de sérieuses questions », répond Klaus, pas prêt de reprocher à Mutt de pas avoir franchement apprécié son père. Évidemment que Reginald Hargreeves est un connard, ce n’est plus franchement à prouver, à ce stade… Et ça n’étonne pas une seule seconde Klaus que le père Hargreeves ait eu Mutt dans le nez… Bah tant pis pour sa gueule, hein ?

Pour ce qui est de sa mère (de ses mères ?), c’est clairement une autre histoire… Qu’est-ce qui se passait vraiment sur cette île bizarre ? ça lui fait bizarre de t’imaginer que Grace ait de nouveau pu faire partie de sa vie, mais en même temps, l’idée lui déplaît pas non plus. Pour tout dire, il serait déjà pas contre le fait de pouvoir la voir, là, tout de suite. Elle lui manque, tout robot pouvait-elle être (et bien sûr, il ne se doute pas que c’est à une Grace de chair et de sang et non de circuits imprimés que lui parle Five). Quant à cette Louise… franchement, il y comprend rien, et il aimerait bien qu’il la lui raconte tout de suite. Mais d’accord, il accepte de prendre son mal en patience. C’est bien parce que Mutt lui propose une alternative autrement plus intéressante qu’il se dit que ça peut bien attendre et qu’il est capable de mettre sa curiosité en veilleuse (en même temps, de sa part, c’est jamais bien compliqué).

Sa main glisse entre ses cuisses, et y a définitivement pas besoin de grand-chose pour que ça lui fasse un effet monstre. Allongés l’un contre l’autre sur le transat, ses lèvres ne quittent pas une seule seconde celles de Klaus tandis que ses mains se font terriblement baladeuses. Pour le coup, il a envie de bien bien plus que ce que à quoi leur contexte leur permet de prétendre (il y a de vagues limites à son exhibitionnismes (mais quand même particulièrement vagues parce que sa main a clairement glissé dans le pantalon de Mutt). Indifférent à ce qui se passe autour, il ne voit pas exactement de quoi il retourne. Juste, à un moment, il y a un grand « splatch » et il se retrouvent arrosés d’eau chlorée… Quelqu’un vient de faire un plongeon magistral dans la piscine, arrosant le couple au passage et atterrissant pile sur le visage d’Indiana.

Plus le temps passe, plus le nombre d’orgasmes qu’ils pouvaient espérer avant leurs retrouvailles avec le paternel se réduit à peau de chagrin. Même s’ils s’y entendent comme personne pour compenser, il est évident que ça ne pouvait pas durer, preuve en est de ce nouveau grabuge, qui provient directement de la piscine. Klaus se redresse d’un coup et regarde dans cette direction. Il ne bouge pas du transat tandis que Mutt fait un plongeon direct pour voler (nager) au secours de son frère. Klaus est rassuré de constater qu’Indiana a l’air d’aller bien. Bon, il s’est pris un sacré coup sur la tête, et il a avalé pas mal d’eau, mais au moins, ça a l’air de lui avoir remis les idées en place.

À distance, Klaus assiste à la conversation qui se joue entre le père et le fils. Il n’entend pas toujours tout, mais il a l’impression d’en saisir les grandes lignes. Au moins le fait qu’Indiana a vraiment repris ses esprits et réalise une bonne fois pour toutes ce qui vient de se passer et le spectacle qu’il a donné de lui-même. C’est au moment où Mutt lui demande de récupérer les fringues du paternel que Klaus finit par reprendre une part active à la situation. Il hoche la tête, et l’instant d’après, les dits vêtements rendent au père de Mutt un semblant de dignité grâce au soutien de Mutt. Le pauvre Indy s’est bloqué le dos. Bon, au moins ça devrait lui passer l’envie de les accompagner, et même si Klaus apprécie beaucoup le père de Mutt, et qu’il aurait pu éventuellement être la voix de la raison dans cette histoire de dingue, il préfère quand même largement qu’ils prennent la tangente à deux et qu’ils règlent cette histoire de leur côté.

Klaus ne peut s’empêcher d’afficher un sourire éloquent quand Mutt affirme qu’une fois qu’il sera changé, ils auront une petite entrevue. D’accord, les pensées de Mutt étaient (peut-être, c’est franchement pas sûr) beaucoup plus innocentes que les siennes, mais malheureusement, et même s’il se l’épargnerait bien, il doit donner raison à Indiana, ils ont plus le temps.

« Tu veux pas que je t’aide à te changer… ? » suggère-t-il quand même, parce que c’était évidemment beaucoup trop tentant.

Apparemment, Mutt a un plan. Tant mieux, parce que de son côté, Klaus n’en a aucun. Bon, vu son refus d’en parler à son père, ce sera pas forcément le plan du siècle, d’un autre côté, un plan reste un plan, c’est toujours mieux que de venir avec rien à l’esprit. Il se laisse entraîner jusqu’à une nouvelle pièce, où Mutt lui apprend le détail de son plan. Pas vraiment un plan, plus une idée, une farce, mais qui fait sourire Klaus d’une oreille à l’autre.

« Mutt Jones, t’es un putain de génie ! »

Qu’est-ce que Klaus ne donnerait pas pour voir le vieil Hargreeves défoncé ! Et c’est le reste de la fratrie qui le remercierait, pour le coup. Non, vraiment, ça ne pouvait que marcher. Ou pas.

« Change-toi, je ne charge d’emballer les gâteaux », dit-il, enthousiasmé.

L’instant d’après, les gâteaux trônaient dans un grand saladier couvert d’alu et Mutt était fin prêt et habillé. En partant maintenant, ils arriveraient pile à temps pour les festivités. A l’extérieur, ils n’ont évidemment pas d’autre choix que d’emprunter la merveilleuse voiture de location d’Indy. Klaus s’installe côté passagers.

« Allez en route ! Et oublie pas que tu m’as promis de m’expliquer des trucs sur le trajet, toi ! »