En des années à officier en tant que pilote pour la Résistance, il a eu l'occasion de mettre ses vaisseaux dans des états impossibles, on ne va pas se mentir, et pourtant, miraculeusement, Mutt Jones avait commis l'exploit de faire presque la même chose avec un stupide Gulfstream American. Certes, ces tas de féraille sont forcément plus fragiles, mais dans tous les cas, ça ne change rien à la question. Il n'avait pas à pénétrer en douce dans son  aérodrome, il n'avait pas à voler son avion, il n'avait pas à le faire voler et encore moins à le lui rendre complètement défoncé en laissant un simple mot ridicule comme si la "gaffe" commise était parfaitement excusable.

Après sa découverte, Poe avait été d'une humeur massacrante, et le premier auprès de qui il s'en était plaint avait été, bien évidemment, Finn, le tout pour l'entendre lui apprendre qu'il avait participé à cette connerie mentale. Poe avait mis du temps à décolérer contre Finn, mais ce dernier savait le prendre par les sentiments. On ne pouvait pas dire que c'était le cas de Mutt, qui allait définitivement entendre parler de lui.

Pourtant, ce n'est pas pour le voir qu'il s'est rendu au garage Bridges ce jour-là, et pour cause, il ne sait pas que le jeune homme y travaille. Certes, Rey lui a déjà parlé de son collègue, mais sans jamais le nommer par son prénom, et pourquoi s'imaginer que ce putain de monde qui vous faisait trimer plus de deux ans pour retrouver vos proches pouvait avoir la facétie de vous mettre si facilement sur le chemin de ceux qui vous irritent le plus.

Bref, alors qu'il ouvre la porte du garage, BB-8 sur ses talons, c'est son amie qu'il espère trouver, même si sa visite à l'improviste suggère qu'elle pourrait tout à fait être absente. Sauf que ce n'est pas son regard qu'il croise, mais bien celui de Jones, et son sang se met à bouillir presque immédiatement. Tant pis pour le moment de franche cordialité qu'il était venu quérir, l'heure est donc au règlement de comptes. Tant mieux, quelque part. Il est grand temps que ce sale gosse accuse les conséquences de ses actes.

Les poings serrés, il se rapproche, BB-8 toujours sur les talons, prêt à en découdre, et ce n'est certainement pas les explications de Mutt, qui ne ressemblent en rien à des explications - et encore moins à des excuses - qui vont le convaincre d'agir autrement. Bon ben au moins ça c'est fait, Poe n'aura pas franchement de scrupule à lui en mettre une.

"OK, tu pourras pas te plaindre de pas l'avoir mérité", décrète-t-il certes très posément, mais d'un ton qui contraste très vite avec la vivacité de son geste quand il attrape le jeune homme par le col avant d'envoyer son poing voler au beau milieu de son visage. Faut admettre... ça fait du bien. "Tu me dois un Gulfstream neuf, petit con, et je te garantis q..."

En plein dans son discours, il est interrompu par un cri aigu, celui d'une mouette venu s'inflitrer par la porte laissée ouverte, et qui maintenant bat des ailes comme une forcenée partout dans le garage.

"Bordel mais tu les attires ou quoi ?"

Bien sûr que si Mutt Jones demandait à Poe de ne surtout pas toucher à son précieux minois, le pilote allait fait absolument tout l'inverse. A l'évidence, il n'avait aucune forme d'intérêt à se montrer conciliant à l'adresse de son interlocuteur. Pour tout la frustration et toute la colère accumulées, il n'allait clairement pas se priver de refaire le portrait de cette satanée tête à claque. Et bon sang ce que ça lui avait fait du bien que de lui envoyer son poing en pleine figure.

Il doit bien le reconnaître, même en voyant son visage en sang, il a du mal à avoir de la compassion pour lui, il est encore beaucoup trop remonté contre lui. Il lui a cassé le nez ? Eh bien lui, en attendant, a bousillé son putain de Gulfstream, alors vraiment, un nez cassé, en comparaison, c'est vraiment pas la mer à boire. Bon, il se serait peut-être calmé si après s'être mangé cette correction dans les règles, Mutt s'était excusé dans les règles, il aurait même pris le temps de vérifier l'étendue des dégâts... Mais disons qu'après ça, la situation a fini par échapper, absolument, à tout contrôle.

Déjà - bien évidemment -, il a fallu qu'une putain de mouette s'en mêle, à croire qu'elles guettaient chacune de leurs rencontres pour mieux intervenir au moment qui leur semblerait opportun. Poe a juste le temps de voir voler la clé à mollette et rater lamentablement sa cible pour traverser littéralement le pare-brise de la voiture qu'il était en train de réparer. Face à ce spectacle, que Poe qualifierait très clairement de retour de karma, le pilote ne peut s'empêcher de rire méchamment.

Franchement, aucune compassion. Et quand on voit l'état dans lequel a fini son avion par rapport à l'état dans lequel est la bagnole, c'est honnêtement là une bien maigre consolation. Quand en geste et en paroles, Mutt suggère qu'ils en décousent, il ne faut pas le lui suggérer deux fois, définitivement pas, lui aussi a très envie d'en découdre. Oui, il a pris plaisir à lui péter le nez et à le voir péter sa caisse lui-même, mais ce n'est pas pour autant qu'ils doivent s'arrêter en si bon chemin.

Sauf qu'il a à peine le temps de se retrousser les manches et de s'avancer vers lui pour agrémenter son nez cassé d'un charmant cocard, mais Mutt est plus rapide et le fait tomber à la renverse. Poe tombe lourdement au sol, et son dos le fait terriblement souffrir.

"Espèce de sale petit..."

Il n'a pas le temps de déballer le chapelet d'insultes qui ne demande qu'à franchir le seuil de ses lèvres. Tandis qu'il tente de saisir ses poignets pour empêcher que les poings de Mutt ne lui refassent le portrait, BB-8, qui était resté bien trop passif jusqu'ici, choisit d'intervenir et fonce droit sur Mutt en lui adressant des coups répétés avant d'enclencher sa fonction briquet, directement orientée sur son postérieur.

Trop occupé qu'il est, dos au sol, à essayer de retenir Mutt par les poignets afin d'empêcher ce dernier de le rouer de coups, le pilote remarque à peine l'intervention de BB-8 quand ce dernier s'efforce pourtant du mieux qu'il le peut de lui sauver la mise - toujours là pour veiller à ses arrières (et détruire des derrières, manifestement).

Il ne comprend qu'il se passe quelque chose qu'au moment de sentir comme une vague odeur de brûlé. Il n'a aucune idée de ce qui se passe, et il ne comprend finalement qu'en voyant Mutt se redresser tout en hurlant. Poe en profite pour se relever lui-même et constater que Mutt Jones a le feu aux fesses. Littéralement. Quand son regard tombe sur robot astromécano, il comprend et ne peut s'empêcher de sourire. D'accord, d'accord, c'est sans doute pas si drôle que ça, n'empêche que oui, Poe se marre sacrément.

"Bien joué, buddy", ne peut-il s'empêcher de glisser à l'adresse de BB-8.

Bon, ceci dit, le but de la manœuvre n'est pas non plus de brûler Mutt vif - il lui en veut atrocement, mais quand même pas à ce point-là. BB-8 a une option briquet, mais pas d'option arrosoir. Poe, en même temps que Mutt, recherche une source d'eau, n'importe laquelle, ou encore une simili-couverture dans l'espoir d'étouffer les flammes. Finalement, Mutt trouve une solution le premier et se précipite fesses les premières dans le baril de récupération d'eau de pluie, mettant fin au carnage, même si une odeur persistante de brûlé avait envahi les lieux, entre ça et les cris insistants de la mouette qui continue de s'agiter dans tous les sens dans le garage, il devient presque difficile de s'entendre penser rationnellement, mais qu'importe.

Poe veut lui demander s'il va bien, quand même, mais l'attitude de Mutt répond à sa place alors qu'il cherche à se débarrasser du baril, dans lequel il est désormais coincé. Il lui faut s'y reprendre à plusieurs reprises avant de retrouver une position convenable certes, mais tout sauf digne au vu de son apparence, présentement. Détrempé, désapé, le spectacle est comique et efface presque d'office la rage que le pilote éprouvait à son adresse. Pour le coup, il estime bel et bien que Mutt a récolté la monnaie de sa pièce, même s'il est tout à fait prêt à repartir à l'assaut si nécessaire.

"Est-ce qu'on arrête l'humiliation ici ou on continue ?" demande Poe en croisant les bras. "Non, parce que je peux toujours demander à BB-8 de détruire ta précieuse voiture plus qu'elle ne l'est déjà. T'as l'air d'y tenir, non ?"

Tout autant que Poe tient à son Gulfstream, Gulfstream qui est bon pour la casse et qu'il ne pourra absolument jamais réparer. Poe est presque prêt à admettre qu'ils sont quittes. Presque.

Poe peut être sacrément rancunier quand il le décide (ce n’est pas Ben qui dira le contraire), mais il sait aussi lâcher du lest selon les circonstances. En l’occurrence, il ne se voit pas poursuivre cette gueguerre avec Mutt Jones plus longtemps que nécessaire. Oui, clairement, il risque de lui rappeler encore régulièrement le sort qu’il a réservé à son Gulfstream, et il ne se privera pas si nécessaire de répéter l’anecdote des fesses cramées si le gamin devait une fois de plus dépasser les bornes, mais ça suffit comme ça.

Car après tout, oui, c’est bien ça : Mutt n’est jamais qu’un gamin désespéré, et vu la situation dans laquelle ils se retrouvent, Poe peut difficilement lui reprocher de l’être. Oui, ils sont quittes. Puisque Mutt range enfin son orgueil dans les poches détrempées de son pantalon tout aussi cramé, Poe peut bien, de son côté, ranger son propre orgueil. Oui, la blague a assez duré, et tant que Mutt Jones se tiendra à carreau – dans la mesure où il en est réellement capable –, Poe accepte de passer l’éponge.

« Le machin de l’enfer a un nom », répond Poe avec aux lèvres un fin sourire qui laisse deviner que pour le coup, sa colère s’est bel et bien estompé. « Si tu veux éviter qu’il crame ce qu’il te reste de derrière, je te recommanderai de l’appeler BB-8, et d’être poli et courtois avec lui, ça mange pas de pain », reprend-il, incapable malgré tout de ne pas moquer un peu gentiment son interlocuteur.

Ceci dit, il jette tout de même à son droïde un regard qui se veut le plus éloquent possible, et dans quelques « bip » presque déçus, BB-8 accepte de lâcher l’affaire et de laisser Mutt rejoindre les vestiaires. Il apprécie l’aide qu’il lui a apportée, clairement, mais même si BB-8 a son petit caractère (tel maître tel droïde, on pourrait dire), il ne sert à rien d’en rajouter, et le petit astromécano semble bel et bien accepter son sort.

C’est un Mutt finalement plus sec et changé qui revient vers eux et reprend ainsi le fil interrompu de leur conversation, qui jusqu’ici n’avait pas exactement eu le temps d’en être une. Mutt se justifie, accepte même de lui présenter ses excuses, et au final, Poe sent bien qu’il est quand même vraiment embarrassé pour l’état dans lequel il lui a rendu son Gulfstream. Il avait pas voulu que la situation prenne ce genre de proportions, Poe non plus d’ailleurs. Ils ont juste eu un peu tendance à se laisser dépasser par les événements.

« Je suis pas sûr qu’il soit réparable… Mais si tu veux tenter le coup, ce sera toujours un début », répond Poe d’un ton plus arrangeant. « Rey m’a déjà proposé son aide. C’était elle que j’étais venue voir, à la base. On est des amis de longue date, elle et moi. » Amis de longue date ici veut tout dire, c’est la nouvelle façon de spécifier que l’on vient du même univers que quelqu’un d’autre, au final. « Mais je suppose qu’elle ne travaille pas aujourd’hui ? » Il hausse les épaules. Au fond, ce n’est pas bien grave. Et même, il vaut mieux que son amie n’ait pas été témoin d’une telle scène tant qu’à faire. « C’est bon, on passe l’éponge, je pense que t’en as suffisamment bavé comme ça. Tu connais un bar sympa dans le coin ? »

« Au point où elle en est, c’est pas comme si elle risquait encore grand-chose », observe – à juste titre – Poe quand Mutt lui demande s’il a pas peur pour le reste de sa carlingue après ce qu’elle a déjà subi.

La vérité, c’est qu’à ce stade, il n’y a définitivement plus grand-chose à redouter. Si vraiment, son Gulfstream peut être réparé, ça tiendra plus du miracle que de quoi que ce soit d’autre à ses yeux. Non, il a plus ou moins fait le deuil de son avion, raison pour laquelle il lui est plus facile d’en discuter avec Mutt sans immédiatement lui en foutre une. C’est bon, ça y est, Mutt a payé la monnaie de sa pièce, pas la peine d’en reparler pendant des années. C’est encore mieux de tourner la page, même si ça doit exiger de supporter l’humour déplorable de Mutt… Qui est presque aussi déplorable que le sien, si ce n’est autant. En vérité, leurs personnalités sont bien plus similaires qu’ils ne pourraient l’admettre au départ, et à tête reposée, il faudra sûrement qu’ils s’en rendent compte.

En commun, ils ont aussi une amie (encore que Poe ne sait pas si Rey et Mutt se considèreraient vraiment comme des amis). Il sourit quand le mécanicien lui apprend que Rey s’est montré relativement bavarde quant à l’endroit d’où elle vient, ce qui ne le surprend pas. Il hoche la tête quand il suggère que lui non plus, à l’évidence, ne vient pas de la Terre. Il peine à imaginer quel sentiment cela procure que de considérer l’immensité de galaxies quand on avait réduit son existence à une seule planète – et encore. Il sait que c’est le cas de beaucoup de personnes ici, et parce qu’il est prisonnier de cet endroit, ça devient son cas également, mais ça ne le rend pas plus acceptable.

« On s’est connus dans une autre galaxie, oui », répond simplement le pilote sans entrer dans les détails, même s’il n’est pas fermé au fait de répondre aux questions de son interlocuteur si celui-ci devait lui en poser, comme il l’a sans doute beaucoup fait avec Rey, déjà, si bien qu’il ne lui en reste peut-être plus tant que ça. « Va pour le bar, on va dire que je te fais confiance, et ne t’habitue pas trop à ce que je dise des choses pareilles », dit-il avec un sourire.

Faire confiance à Mutt pour le choix du bar, c’est à peu près la seule concession qu’il est capable de faire. Pour que le jeune homme gagne sa pleine et entière confiance – si c’est seulement possible, il faudra qu’il en fasse beaucoup, beaucoup plus. Enfin… L’idée n’est pas forcément qu’ils deviennent les meilleurs amis du monde non plus.

« Je te parie tout ce que tu veux que tu ne serais ja-mais parvenu à soudoyer Rey, même si je n’ai pas la moindre idée de ce qui est passé par la tête de Finn quand il a accepté de t’aider. Il t’as pris en pitié, je suppose – c’est bon, je plaisante, moi aussi », reprend-il tandis qu’ils se dérangent vers le bar en question. « Si tu veux me poser des questions personnelles, tu peux. J’ai rien à cacher. »

Bon, Poe l’a cherché, il ne peut pas dire le contraire. En offrant à Mutt de lui poser toutes les questions qu’il voulait, il l’autorisait par la même à s’engouffrer dans une brèche dangereuse, et de subir un assaut interminable d’interrogatives. Il le savait, c’était couru d’avance, mais bon… Il peut bien prendre sur lui et satisfaire, au moins un peu, sa curiosité. Et l’arrêter s’il doit finir par le trouver trop bavard, ce qui pourrait ne pas mettre si longtemps à arriver. Pas que Poe soit du genre mutique de son côté, loin de là, mais à côté de Mutt Jones, il faut tout de même reconnaître qu’il ferait certainement pâle figure. Donc il va se plier à l’exercice des questions-réponses : en s’arrogeant tout de même le droit d’y mettre un terme s’il doit estimer qu’il a suffisamment assouvi la curiosité de son interlocuteur.

« Jakku, c’est ça le nom de sa planète, et elle est aussi laide qu’elle en a l’air, je te le confirme », répond Poe d’un ton amusé. Jakroute… il le redirait à Rey, tiens. De son côté, clairement, il ne tient pas cette planète en haute estime, et pour cause, outre le fait que Jakku se réduit à un désert immense et sans intérêt, il a bien failli clamser sur cette satanée planète, alors bon… pour les bons souvenirs, on repasserait. « Yavin IV, c’est le nom de ma planète… mais j’ai pas passé tant de temps que ça là-bas, j’étais pilote aussi, d’où je viens, donc je passais plus de temps à aller d’une planète à l’autre qu’autre chose, j’avais pas vraiment de planète fixe. »

Poe aime bien en rajouter, sans doute parce qu’il devine que même si son interlocuteur a intégré l’idée que lui et Rey viennent d’une autre planète, ce n’est pas pour autant qu’il est simple ou évident pour lui de l’intégrer non plus. Il ne dit rien au sujet de Rey, du fait qu’il n’imaginait pas qu’une fille puisse être mécano. Rey lui avait en effet parlé de son échange houleux avec ce collègue aux idées un rien sexiste, mais Poe n’avait pas deviné que le collègue en question n’était autre que Mutt Jones. Quant à Finn… Oui, évidemment, qu’il est cool, Finn est même la personne la plus cool que Poe connaisse. Finn, de toute manière, est la personne la plus cool qui soit, fin de l’histoire. Et évidemment, le pilote est d’une objectivité sans borne quand il dit ce genre de choses, cela va sans dire.

« Je pilotais des vaisseaux interstellaires, je comprends pas du tout ce que t’entend par soucoupe volante… Une soucoupe qui vole ? Mais grand format ? Je te donnerais bien le nom des modèles que je pilotais mais je devine que ça te dirait pas grand-chose, pas vrai ? » dit-il alors pour se montrer plus précis, tout en essayant de s’approprier le vocabulaire de Mutt, qu’il trouve décidément assez étrange, il faut bien le dire. « Et Han aussi pilotait, avant… j’ai eu l’occasion de le connaître avant, oui… » Il n’entre pas dans les détails, de toute façon, il n’en a pas spécialement le temps non plus, car Mutt est inarrêtable. Bon sang mais qu’est-ce qu’il cause ! Poe essaie vraiment de faire des efforts avec lui, hein… Mais quand même, faut admettre que le gars ne l’aide pas du tout, là. Et quand il lui parle des p’tits gris, il le largue complètement. « Pourquoi qui que ce soit s’amuserait à enlever des humains juste pour leur mettre une puce dans le cerveau ? Surtout pour vous espionner ? C’est pas franchement comme si y avait grand-chose à en retirer », remarque-t-il avec un sourire en coin. « Une bière pour moi aussi », ajoute-t-il à l’adresse d’un serveur qui opine du chef avant de s’en aller, visiblement ravi de ne pas avoir à se mêler à la conversation, au vu de la nature de celle-ci. « Pourquoi tu fais une telle fixette sur les aliens ? »

Oh, Poe, tu vas tellement regretter cette question.

Pas de commentaire de la part de Poe quand il s’interroge sur le « IV » de Yavin IV, pas que sa remarque soit bête, mais d’une part, il n’est pas certain qu’il soit si intéressant de s’engager sur le sujet… et d’autre part, Poe a beau y avoir vécu, ce n’est pas pour autant qu’il y connaît grand-chose, loin s’en faut, même. On pourrait même arguer, plutôt, qu’il n’y connaît absolument rien en fin de compte. En même temps, pourquoi est-ce qu’il s’y intéresserait. Il y a tant de planète, dans cette galaxie qu’il a tant et tant eu l’occasion d’explorer. S’il devait s’intéresser à l’historique de chacune d’entre elles, il n’aurait clairement pas fini.

« Je suppose que oui », répond le pilote quand Mutt s’interroge sur la conquête du Cosmos et si la même chose sera possible sur Terre. Ici – s’ils sont vraiment sur Terre –, il sait qui manque des composantes qui sont essentiels à la bonne marche des vaisseaux qu’il a eu le loisir de piloter, mais ce n’est pas pour autant que la chose serait absolument impossible pour autant. « J’ai cru comprendre que les Terriens avaient réussi à aller sur la Lune, non ? Alors certes, y a encore du boulot, mais je dirais que c’est déjà un bon début… »

Mais un début qui laisse suggérer que ce n’est certainement pas la génération de Mutt qui assistera à la pleine maîtrise de la conquête spatiale. Rejoindre la Lune, ou plutôt la Lune de la Terre depuis la planète concernée, c’est un objectif risible à l’échelle de ce que Poe a été capable de voir autrefois, mais en soi…

Quand Mutt revient sur les soucoupes volantes, Poe renonce à y comprendre quoi que ce soit. Un disque qui tourne ? Si c’est vraiment à partir de ce genre de technologies que les Terriens s’imaginent qu’ils seront capables de partir à la conquête de l’espace, il ne faut pas franchement s’étonner du fait qu’ils n’aient jamais réussi à aller bien loin, c’est même plutôt logique. Tout en parlant, il manque renverser sa bière. Il est fébrile, et Poe n’est pas certain de vouloir avoir affaire à un Mutt fébrile. Mais bon… c’est lui qui l’a cherché, hein. Il n’avait qu’à pas accepter de boire un verre avec lui. Et surtout, s’il pose des questions « critiques », il doit s’attendre à des réponses tout aussi critiques. Il préfère siroter sa bière que de vraiment se hasarder à comprendre ce que son interlocuteur cherche à lui expliquer quand il parle voyages temporels et serviettes qui se plient. Là, clairement, il l’a largué. C’est plus simple de revenir à ce dont il parle quand il évoque le fait que Han ressemble à son père.

« Je crois pas en la réincarnation, et tu devrais éviter de te mettre des choses pareilles dans la tête », dit-il quand Mutt suggère que Han pourrait être son père dans une autre vie. Ouais, ou sinon, il pourrait juste arrêter de délirer, tout simplement, ça pourrait être pas mal non plus. Mais c’est très certainement trop lui demander. « J’ai une théorie pour toi. Des fois, dans la vie, y a des gens qui se ressemblent beaucoup, et Han ressemble beaucoup à son père. » Poe, d’un geste (non sans avoir reposé sa bière au passage), mime une explosion de cerveau (si ça se dit). « Incroyable, je sais. » Il pousse un soupir. « Écoute Jones, je sais pas comment ni pourquoi on a atterri ici, mais je doute fort que tes souris grises y soient pour quoi que ce soit alors détends-toi, d’accord ? »