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« Entrez », invite simplement Albus tandis qu’il néglige un instant sa pile de copies à corriger et sa tasse de thé (au citron, bien évidemment) pour porter son attention sur la porte de son bureau, à laquelle on vient de frapper quelques coups qui trahissent une nervosité qui en soi n’a rien de surprenant. Nombre d’étudiants sont nerveux au moment de passer le pas de la porte, et c’est compréhensible. Ceux qui viennent le voir ont souvent été convoqués – ce qui n’est jamais rassurant pour eux –, et ceux qui ne l’ont pas été craignent sans doute, parfois, quelque reproche venant de la part de celui qui, nécessairement, à une forme d’autorité sur lui.

C’est Henry Jones qui se trouve devant ses yeux, et le jeune homme paraît dans ses petits lieux, comme s’il s’excusait presque de se trouver là, quand bien même, quelles que soient ses raisons, elles sont forcément très bonnes, car il a frappé à sa porte, qui sera toujours la bonne porte. Ce n’est pas à la légère qu’Albus a laissé entendre à son jeune interlocuteur qu’il pourrait venir le trouver chaque fois qu’il en ressentirait le besoin. Il avait su, au moment de leur première conversation houleuse, que son interlocuteur ne serait pas prêt à se confier et à s’expliquer, mais il avait directement cerné, malgré tout, le fait que tôt ou tard, Henry se sentirait prêt à lui parler, à lui parler vraiment, et à ce moment-là, sa porte lui serait grande ouvert. Le moment est bel et bien arrivé.

« Vous ne me dérangez pas le moindre instant, je viens justement de préparer du thé, et figurez-vous qu’il y en a suffisamment pour deux », fait Albus d’un ton aimable, faisant mine d’ignorer l’anxiété de son jeune interlocuteur afin de ne pas aggraver cette dernier. Son œil perçant observe le geste inconscient de Mutt, qui fait tourner une bague autour de son doigt, il note mentalement l’information, mais fait mine – pour commencer – de ne rien avoir remarqué. « Installez-vous, je vous en prie », ajoute-t-il en lui désignant d’un geste la chaise vide face à son bureau.

Dans le même temps, d’un geste de sa baguette, il fait léviter une tasse devant Mutt, qu’il remplit d’un thé encore chaud (il a depuis un moment décidé de ne pas faire un secret de sa magie dans un monde où cela ne semble pas particulièrement stratégique – et Mutt est parfaitement au courant au vu de ses intrusions répétées dans son esprit).

« Je vous écoute », fait-il une fois son interlocuteur installé. « De quoi souhaitez-vous me parler ? »

En vérité, il en a déjà une relativement bonne idée, mais c’est à son interlocuteur, bien sûr, de décider de ce qu’il se sent de lui confier ou non. En fonction de l’angle qu’il choisira d’aborder, Albus pourra lui-même ajuster ses propres réflexions et ses propres conseils à ce que Mutt voudra bien lui confier (quand bien même il est très probable qu’il ne résiste pas – une fois de plus – à dénicher davantage d’informations au creux de ses pensées).

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Albus écoute son jeune interlocuteur sans l’interrompre, attend de prendre la pleine mesure de la situation afin de savoir plus spécifiquement de quelle façon intervenir, et surtout interférer en la faveur de son jeune élève. Si son intention de l’aider est sincère, il ne veut pas pour autant laisser son opinion être biaisée par la sympathie que Mutt Jones lui inspire – ce serait évidemment trop simple. Il a un conseil de discipline le dix avril, donc. Ce genre de sanction n’est jamais décidée à la légère. Quand bien même le jeune homme affirme n’avoir rien fait pour mériter une chose pareille, et quand bien même il est évident qu’il le pense bel et bien (car à ce stade, nous aurons compris que les pensées du jeune homme non aucun secret pour le professeur), cela ne signifie pas que cette vérité, qui est sa vérité, ne soit pas au moins en partie tronquée par des éléments dont lui-même n’aurait pas tout à fait conscience.

Albus pince légèrement les lèvres, réaction certes infime, mais qui en dit long sur le peu de considération qu’il possède à l’égard du doyen de l’université, Nolan Sorrento, avec qui il a déjà eu plus d’un désaccord et échangé plus d’une conversation houleuse par le passé. Faut-il croire que cet homme veuille vraiment tout faire pour encourager l’expulsion du jeune homme, ce serait là une vision bien manichéenne des choses, mais Albus est capable d’y souscrire, ou du moins en partie, car il sait bel et bien à qui ils ont à faire exactement, de même qu’il devine que les paroles de Mutt ne sont certainement pas dénuées de vérité. Albus ne commente pas quand le jeune homme suggère qu’il explore ses pensées pour considérer sa bonne foi, il ne voit pas l’intérêt de lui confirmer qu’il ne l’a pas attendu le moins du monde pour le faire, en réalité. Alors il le laisse poursuivre, conscient du fait que pensée et vérité ne s’accordent pas toujours, mais convaincu malgré tout du fait que le jeune homme se retrouve, en cet instant, victime de ce qui ne peut qu’être assimilable à une évidente forme d’injustice.

De même, quand il affirme sincèrement vouloir achever ses études, Albus sait qu’il est complètement honnête, mais il ressent tout autant qu’il cerne le chaos de ses pensées combien l’angoisse le prend au ventre, combien le simple fait de se trouver ici exige de sa part un effort inégalable. La peur qu’il ose exprimer pour ce qu’elle est en sa présence – ce qui est déjà une admirable démonstration de courage –, c’est une peur bien réelle, et même, pourrait-on dire, rationnelle. Albus ne fait aucune remarque particulière quand le jeune homme en vient à trop se livrer, au point même d’admettre sa relation, celle-là même qu’il n’aurait certainement jamais assumé lors de leur dernière conversation.

« J’irai parler à M. Sorrento », répond posément Albus à la fin de la tirade de son interlocuteur. « Mais pour cela, je vais avoir besoin de connaître tous les griefs qu’il vous a imputés afin de justifier ce conseil de discipline. » Il marque une légère pause. « Ne vous reprochez pas de vouloir compter sur ceux qui vous apportent du bonheur. Même dans les moments difficile, ils savent que vous le leur rendrez tôt ou tard. » Puis il reprend d’un ton plus léger, regard baissé sur la bague au doigt de Mutt. « Au fait, des félicitations sont-elles de mise ? »

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Albus se garde bien de connaître les raisons qui ont poussé Mutt à passer une nuit blanche la veille au soir. En effet, il se passera des détails. Si le legilimens intrusif a très souvent tendance à pénétrer des esprits sans demander la permission, il sait quelles limites il est également capable de respecter les pensées les plus intimes de ses interlocuteurs pour peu qu’elles ne lui soient d’aucune utilité. Ce qu’il raconte pour le moment n’a pas vocation à lui donner le beau rôle. Saint-Valentin ou non, rien ne justifie véritablement de s’endormir en cours, quand bien même ce n’est jamais qu’un moindre délit, par lequel seront sans doute passés bien des élèves de son âge, qui n’ont guère besoin de folâtrer avec leur fiancé pour se rendre en cours un lendemain de soirée, passablement épuisés, et inattentifs… le vendredi matin est toujours l’occasion pour Albus d’observer les ravages des soirées estudiantines, mais bien loin d’en blâmer ses élèves, il aura plutôt tendance à s’en amuser. Ce n’est rien de grave ou de franchement répréhensible en l’occurrence.

« Les détails, Henry », fait doucement Albus quand Mutt parle de moquerie de réplique sans spécifier ni la nature de ces moquerie, ni celle de ces répliques, or Albus a besoin de la vue d’ensemble la plus précise possible de la situation afin de savoir sous quel angle aborder sa conversation avec Sorrento. « C’est là que le diable se dissimule, mais c’est également par leur intermédiaire que l’on obtient le plus facilement justice. »

Il ne peut se contenter d’aller trouver le doyen de l’université armé des intuitions d’un élève malmener. Qu’il considère que Sorrento pousse les autres à l’emmerder ne signifie pas que ce soit vraiment le cas… Et si, contrairement à ce que ses questions pourraient laisser penser, Albus croit dans le discours de Mutt, d’autant plus qu’il connaît Sorrento et ne le porte pas particulièrement dans son cœur… Malgré tout, la prudence reste de mise.

« Il vous a agressé physiquement… ? » répète Albus, alarmé par cette information. Nulle forme d’agression n’est acceptable, bien évidemment, mais ce qu’il entend l’inquiète tout particulièrement. Aucune insulte verbale ne justifie la moindre menace physique, mais là encore, les explications de Mutt demeurent flous, et tant qu’il ne se montrera pas plus concret, plus explicite, Albus ne sera pas capable de lui apporter une défense convenable. « Je ferais en sorte qu’il vous écoute. Les menaces qu’il a proférées à votre encontre sont inacceptables et n’ont rien de conformes à notre déontologie, je tâcherai de le lui rappeler dans les règles de l’art. »

Quant aux fiançailles du jeune homme, Albus ne peut que le féliciter, même s’il comprend que la chose n’est pas encore officielle. A l’évidence, Mutt a fait beaucoup de chemin en très peu de temps. Assumer sa sexualité et dans la foulée se marier avec un individu du même sexe, très peu en seraient capables en si peu de temps (même si d’aucuns affirmeraient que c’est là un signe de remarquable immaturité. Ce n’est sans doute pas entièrement faux.

« Je sais que vos intentions sont sincères. Ne commettez pas l’erreur de justifier vos actes par votre tempérament, c’est une excuse que personne n’accepte jamais d’entendre, en revanche, je constate votre bonne volonté, et nous ferons tout pour qu’elle ne soit pas sapée injustement. »

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Albus ne saurait prétendre observer cette situation d’un point de vue tout à fait objectif, ce serait un mensonge, et un mensonge qu’il ne trouve pas nécessité à répandre. Non, il est bel et bien de parti pris dans ces circonstances, autant motivé par la sympathie que lui inspire le jeune Mutt Jones que par son animosité envers Nolan Sorrento. Cependant, si le premier a su gagner son affection et que le second y a échoué, c’est au nom de raisons que, par contre, Albus estime objectives. Par conséquent, oui, il veut défendre les intérêts de son interlocuteur, mais il ne saura y parvenir qu’en connaissant tous les détails de la situation, même ceux qui ne doivent pas mettre Mutt en valeur, car s’il doit les apprendre sur le tard, au moment de se confronter à Sorrento, il lui sera plus difficile de le défendre et d’avancer des arguments qui pourraient être sapés par les actions pas si flatteuses de son élève.

Ainsi donc, il écoute Mutt étoffer son récit. Ce qu’il retient, c’est la passivité de Sorrento quant aux remarques de ses camarades qui devraient être recadrés au même titre que Mutt s’il faut qu’ils le soient. Les remarques dégradantes, insultantes et en l’occurrence ostracisantes ne peuvent être tolérées sous aucune forme de prétexte. Il se doute que les paroles du jeune homme ont dû être de trop et que quelques formulations ont été malencontreuses, mais ce n’est certainement pas un argument suffisant aux problèmes subis par son interlocuteur. Il recueille au creux de ses pensées ce que ses paroles ne disent pas, et s’il est une chose dont il est certain, c’est que Mutt n’atténue rien. Il n’exagère rien non plus. Il est de plus en plus offusqué de ce qu’il entend et de ce qu’a été le comportement du doyen à l’encontre de son interlocuteur, pour autant, il n’en montre rien et demeure en apparence ce qu’il y a de plus calme. Il est indigne de n’importe quel enseignant, de quiconque est supposé représenter une certaine forme d’autorité, et donc de sagesse, de se comporter de la sorte.

« Donc, vos camarades, ceux qui ont fait preuve d’une intolérance violente vis-à-vis de votre orientation sexuelle, n’ont accusé pour leur part aucun blâme. » Il marque une pause. C’est inacceptable. Il ne le dit pas, mais la fermeté de son timbre en cet instant ne laisse certainement pas imaginer autre chose.

Il est à présent évident que Sorrento a bel et bien cherché à pousser Mutt à bout, et ce n’est, bien évidemment, pas acceptable. Encore moins quand l’on sait qu’il abuse de fait de la fragilité mentale d’un jeune homme déjà affecté moralement. Partagé entre colère, rage, culpabilité et anxiété.

« Vos émotions sont légitimes, mais il va vous falloir trouver une façon plus efficace de les appréhender et de les canaliser. Je peux vous recommander à d’excellents spécialistes. » Il marque une pause. « Vous portez un lourd fardeau d’injustice que votre entourage porte malgré lui, et plus encore que vous ne le soupçonnez quand vous refusez de leur en déléguer. Être venu me parler est un premier pas, si je peux me permettre. » Il affiche un léger sourire. « Je parlerai au doyen, en revanche, j’estime que vous laisser retourner en cours dans ces conditions reviendrait à mettre votre santé mentale en péril. Nous proposons des cursus à distance tout à fait efficaces », reprend-il. « Poursuivre ne serait-ce que temporairement vos études à distance ne serait pas un aveu d’échec mais un premier pas vers une certaine forme d’apaisement, j’aimerais que vous le preniez en considération. Je peux vous aider à toutes les démarches nécessaires afin d’assurer au mieux la transition. »

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« Rien de ce qui vous arrive n’est de votre faute. Le sentiment de culpabilité que vous éprouvez n’a rien de légitime, ni de sain, et si vous redoutez que quoi que ce soit puisse nuire à votre entourage, croyez bien qu’un tel sentiment pourrait en être le premier responsable », fait Albus avec conviction quand son jeune interlocuteur lui apprend redouter de faire souffrir ses proches.

Albus n’en doute pas un seul instant. S’il devine à son interlocuteur une certaine maladresse dans la gestion de ses émotions, il est convaincu, en revanche, qu’il ne fait jamais preuve de malveillance, et certainement pas sciemment, envers ceux qu’il aime. Seulement, plus il se braque, plus il se renferme en lui-même, plus il fait du mal à ceux qui l’entourent presque malgré lui. Rien de ce qui lui arrive n’est de sa faute. En avoir tout à fait conscience serait un remarquable premier pas vers une tranquillité d’esprit que le jeune homme devrait rechercher ardemment, pour son propre bien. Évidemment, Albus sait que la grande majorité de ses conseils et de ses remarques ne seront pas entendus sur le moment, mais il sait Mutt suffisamment intelligent et volontaire pour savoir se remettre en question le moment venu.

Qu’il considère le fait de mettre un pas de côté comme un signe de lâcheté ne le surprend pas particulièrement. Qu’il estime que ce serait une manière de les laisser gagner, comme si tout ceci n’était qu’un simple jeu, ou un bête combat dont l’issue importerait davantage que sa propre santé mentale, cela aussi ne le surprend pas… ils ont déjà eu cette conversation, en d’autres termes certes, mais avec un fond similaire. A l’évidence, Mutt n’a pas voulu l’écouter à l’époque. S’il semble davantage disposé aujourd’hui à lui prêter une oreille attentive, ce n’est pas pour autant qu’Albus parierait sur le fait qu’il soit véritablement prêt à entendre ce qu’il peut bien avoir à dire.

« Il n’est question ici ni de victoire, ni de défaite, je te souhaite de le réaliser tôt ou tard », se contente-t-il d’observer doucement sans chercher pour autant à le convaincre. Pas parce qu’il estime que c’est impossible mais parce que certains mots doivent être dits en leur heure bien précise, c’est ainsi.

Quoi qu’il en soit, Mutt consent à l’essentiel, et c’est ce qu’Albus voulait. Prendre des cours à distance sera une excellente manière pour lui de se déconnecter des influences négatives qui le perturbent, et surtout de se recentrer sur l’essentiel. Albus n’a aucun doute à ce sujet.

« Vous n’avez pas à me convaincre de vos intentions et de vos aspirations, je les connais déjà. Et je vous demanderai de ne plus vous soucier de M. Sorrento. Si je vous affirme en faire mon affaire, c’est que c’est le cas, et vous auriez grand tort de remettre en question mes compétences en la matière. » Il laisse passer un temps de pause. « Si je ne dois vous donner qu’un conseil – mais croyez bien qu’il y en aura d’autres – : écoutez-vous avant d’écouter les autres. C’est l’essentiel. » Il marque une pause. « Je resterai à votre disposition pour toutes les questions que vous pourriez vous poser afin de faciliter la transition vers un enseignement complètement distancié de cet établissement. » Il marque une pause. « Vous reviendrez quand vous y serez prêt. Et quand vous y serez prêt, toutes vos craintes actuelles se seront dissipées. »

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Albus sait bien, oui, que ce qu’il demande à Mutt n’a rien d’évident, mais s’il y avait quoi que ce soit de simple dans cette situation, et si cette dernière pouvait vraiment trouver une résolution simple, alors ils n’en seraient pas là, et Mutt n’aurait pas besoin de son aide et de son soutien en premier lieu. C’est parce que sa situation est si complexe qu’il se tourne tout naturellement vers lui, et Albus s’efforcera d’être à la hauteur de ses attentes. Certes, il ne peut pas en avoir l’assurance, mais il s’y efforcera, dans la mesure de ses moyens – qui au demeurant ne sont pas si  humbles, loin, très loin de là. La culpabilité ne se contrôle pas, et Albus le sait mieux que personne, lui qui a fait de la culpabilité son compagnon le plus loyal depuis de nombreuses années (et le retour d’Ariana dans sa vie, qui semble lui avoir trop facilement pardonné, n’y a définitivement rien changé). Alors oui, il sait que c’est un sentiment dont on ne se débarrasse pas si facilement, mais il sait aussi, pour la même raison, que c’est un sentiment avec lequel il ne peut être viable de vivre toute son existence durant.

« Oh, pensez bien que j’ai l’intention de lui en parler », répond Albus avec un fin sourire sibyllin quand son jeune interlocuteur lui fait remarquer (à raison peut-être ?) qu’un discours tel que le sien n’aurait aucune forme d’impact sur Nolan Sorrento… Mais Albus est loin d’estimer que Norrento soit de ceux à qui il soit impossible de faire entendre raison même si cela doit demander beaucoup de temps – autant dire qu’il en a vu d’autres.

Il hoche simplement la tête, d’une manière qui signifie « de rien » quand Mutt le remercie finalement. Et en effet, ce n’est rien, ou du moins pas grand-chose, mais un geste exigeant peu d’effort peut changer radicalement la vie de quelqu’un d’autre du tout au tout en fonction du destinataire de ce même geste… c’est une affaire subtile de dosage, en fin de compte.

« Vous ne serez pas livré à vous-mêmes. J’informerais vos professeurs afin qu’ils se tiennent à votre disposition autant que nécessaire. Ces programmes n’ont pas attendu des cas comme le vôtre pour exister, même si je me doute que tout comme moi, l’ère de l’informatique vous dépasse encore beaucoup. Vous serez bien encadré, vous n’avez pas à vous inquiéter de cela. Et votre diplôme – que vous obtiendrez haut la main, je n’ai aucun doute là-dessus – n’aura pas moins de valeur pour autant. Il marque une pause. « Quant à votre père, je vous le souhaite également. D’autant que je suis plutôt curieux de le rencontrer, je dois dire. »

Il n’en sait que trop peu sur Indiana Jones, mais le peu qu’il a entendu a suffi à le convaincre de la valeur de ce grand homme… qui vaut sans doute autant le détour. Albus, en dépit de tous les pouvoirs qu’il a récupéré, ne saurait garantir au fils que son père se réveillera un jour, mais bien sûr, il le lui souhaite, et de tout cœur.

« Il n’est pas très réglementaire de choisir son directeur de recherche si tard dans l’année », observe Albus avec  un fin sourire. « Néanmoins je nierais avoir entendu cette requête aujourd’hui seulement si vous le niez également. » Il marque une pause. « Je serais tout à fait honoré d’être votre directeur de recherche. Et je serais ravi de jeter un œil à votre travail quand vous voudrez », ajoute-t-il alors simplement.

En réalité, ses obligations diverses ne devraient pas réellement le pousser dans cette direction, mais c’est une chose qu’il accepte de bon cœur.

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« Pensez bien que c’est le cas de la grande majorité de vos camarades », observe Albus avec une légère lueur de malice dans le regard quand Mutt, peu confiant en lui-même (mais cela, le professeur a bien compris que cela faisait définitivement partie de son caractère), fait remarquer qu’il a pris pas mal de retard, visiblement peu certain de sa capacité à y remédier comme il le voudrait. « Eux n’ont seulement pas d’aussi bonnes excuses que vous », ajoute-t-il sur le ton de la confidence.

Et c’est en effet la vérité. La plupart des étudiants surestiment le travail de leurs camarades, car quand on sent submergé, on a aussi tendance à se sentir seul, mais Mutt finira par comprendre, et c’est une chose particulièrement importante, qu’il n’est absolument pas seul, loin s’en faut même. Oui, aux yeux du professeur, il ne sera pas bien difficile pour son interlocuteur de parvenir à rattraper un retard qui en soi n’a absolument rien de catastrophique. Certes, Albus ne se repose que sur une intuition pour l’affirmer, mais il voit combien le jeune homme est volontaire et soucieux de mieux faire, alors oui, il est convaincu du fait que cela portera effectivement ses fruits.

Sa détermination et sa bonne volonté sont, à l’heure actuelle, sa meilleure arme, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en a à revendre, c’est l’évidence même. Ils feront, ensemble, en sorte que cette énergie violente et déterminée soit exploitée à bon escient. Et oui, Albus s’engage à suivre le parcours de son interlocuteur de très près. Pour cette raison, il ne pouvait qu’accepter, bien sûr, de devenir son directeur de recherches… ça allait de soi, même.

Il ne fait aucun commentaire quand le jeune homme affirme que personne d’autre n’aurait voulu s’occuper de son dossier. Albus en doute fort, ou si cela avait dû être le cas, il l’imputerait à un souci d’agenda plutôt qu’à une volonté ferme de saper le travail de Mutt. Tous les enseignants de l’université n’étaient pas des Nolan Sorrento en puissance… et fort heureusement, d’ailleurs.

« Je pourrais difficilement vous donner un avis immédiat, je préfère prendre le temps de tout lire posément plutôt qu’en diagonale », fait Albus en prenant tout de même la peine de feuilleter le dossier que Mutt a emporté avec lui pour y accorder toute l’attention qu’il considère être nécessaire. « Si je puis vous donner néanmoins un conseil – pour le dossier, bien sûr, mais elle pourrait vous servir en d’autres circonstances, qui sait – : évitez de vous éparpiller… Concentrez-vous sur un objet précis plutôt que de tous vouloir les traiter en même temps, focalisez-vous sur un seul, et approfondissez la question, vous y gagnerez en méthode et en précision. »

Il parle et dans le même temps, il continuer d’examiner le travail de Mutt. La vérité, c’est qu’il est agréablement impressionné par tout ce que son élève a déjà déployé de travail et fait de recherchés, confirmant par conséquent son opinion première : beaucoup de ses thésards n’étaient pas si avancés dans leurs propres recherches et dans leur propre rédaction.

« Vous avez fait un excellent travail, et avant que vous ne le suggériez, je ne le dis pas pour vous flatter. De ce que je peux observer pour le moment, c’est réellement très impressionnant. »

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Si Albus ne pourrait prétendre avoir tout cerné de la personnalité de son interlocuteur au cours des quelques conversations qu’ils ont échangées, il pense du moins s’en être fait une idée suffisante pour avoir su déterminer que sa confiance n’était que de façade, et qu’elle pouvait se laisser ébranler à la moindre réflexion, qu’elle soit positive ou négative. Ses compliments n’avaient pas été, par conséquent, formulés à la légère, mais l’avaient été au regard de ce que le professeur d’histoire avait pu observer dans le dossier de son jeune – et brillant – interlocuteur. Oui, il est sûr de ce qu’il avance. Bien sûr, son procédé n’est finalement pas différent de celui de la plupart de ses camarades, qui eux aussi récoltent les informations dans divers ouvrages pour en retirer une réflexion neuve, mais ce n’est pas tout que d’accumuler les lectures plus ou moins édifiantes, encore faut-il avoir l’esprit d’analyse et les compétences pour véritablement savoir en retirer quelque chose de pertinent, et c’est là que Mutt semble être en mesure de se distinguer d’un grand nombre de ses camarades.

Albus affiche un fin sourire quand Mutt précise sans que cela soit nécessaire – car la chose se voit sans équivoque – qu’il est vraiment intéressé par ce qu’il fait. Et il ne compte certainement pas au nombre de ceux qui considéreraient que l’archéologie ne sert à rien. C’est même tout l’inverse. Albus porte justement un grand intérêt à l’archéologie. Il estime que le rôle inestimable de ceux qui s’y intéressent ne saurait être minimisé, et encore moins dans un monde dont l’histoire est incertaine et dont, par conséquent, l’aspect révélateur de l’archéologie se révèle plus que jamais nécessaire. Il y en aura toujours pour estimer sans intérêt ce à quoi ils ne s’intéressent pas sans même constater combien ce sont justement ces sources diverses qui ajoutent de l’intérêt à ce qui pourrait ne pas en avoir. Il ne compte pas défendre auprès de son interlocuteur ce qui est déjà son domaine de prédilection, ce serait prêcher un converti, mais c’est une réflexion qu’il ne manquera pas d’adresser à Nolan Sorrento lors de leur entrevue si ce dernier doit continuer de se montrer à ce point borné.

« Vous savez, il n’est de recherches sans apprentissages. On ne peut pas découvrir de nouvelles choses sans étudier au préalable ce que d’autres ont compris avant nous, ce serait courir le risque de ne rien découvrir du tout. Chaque découverte en entraîne conséquamment une autre et ainsi de suite. C’est la beauté de la recherche, quelque part. » Il marque une légère pause. Il voit bien que Mutt a enfin pris goût à ce qu’il fait, et peut-être même trouvé sa voie, et c’est une chose qu’il veut encourager. « D’autres consacrent leur vie entière à la poursuite d’une vocation qui n’advient jamais. Vous pouvez vous estimez heureux, et fier, même, d’avoir trouvé votre vocation si rapidement. » Il marque une légère pause, pèse ses mots quand il reprend la parole, conscient de leur portée. « Votre père sera fier de vous. »