Comme tombé du ciel. Littéralement. Un sosie directement débarqué sous son nez. Ce type qui vient littéralement de fondre sur lui à la sortie du magasin où il s’apprêtait à rentrer lui ressemble comme deux gouttes d’eau, vraiment… enfin non, plutôt, il ressemblerait comme deux gouttes d’eau à lui quand il était encore dans sa fraîche vingtaine. Mais quand même… C’est troublant. Et comme de par hasard, c’est sur lui qu’il tombe. Tout comme, comme de par hasard, quelques semaines plus tôt, c’est le sosie de Mutt qui est venu frapper à sa porte pour lui vendre… il a oublié ce qu’il cherchait à lui vendre (il était légèrement occupé par autre chose, faut dire). Y a un truc, un genre de délire cosmique, c’est pas explicable autrement. Et Klaus reste là, comme un con, à observer ce lui « miniature » qui le fixe avec autant d’incompréhension que lui-même.

Quand il pense enfin retrouver l’usage de la parole, il a finalement rien le temps de dire, parce qu’un vigile visiblement à bout de nerf débarque pour venir copieusement insulter Minimoi (tant qu’il ne connaîtra pas son identité, ce sera son nom – et sans doute encore après, déso pas déso). Apparemment, il a fichu un sacré grabuge dans le magasin. A le voir ainsi, se faire attraper par le col, Klaus se sent directement sur la défensive vis-à-vis du vigile. S’en prendre à Minimoi, c’est s’en prendre à lui, quelque part. Bon, vu le langage fleuri de Minimoi, il a peut-être mérité de se retrouver dans cette situation, mais quand même, un peu de respect, bordel. C’est juste un gamin paumé. Klaus sait ce que c’est d’être un gamin paumé, il comprend, il comprend très bien.

Quand il le prend à parti en suggérant qu’il est son frère, Klaus décide immédiatement d’entrer dans son jeu, comme il aurait aimé que quelqu’un prenne sa défense si on l’avait chopé à chaparder dans un magasin au même âge. Minimoi, c’est exactement lui à son âge. Enfin presque. Enfin pas loin. Suffisamment en tout cas pour que Klaus s’identifie à mort et soit incapable de ne pas venir à son secours.

« Faut excuser mon frangin, il souffre d’hyperactivité, plus un syndrome de Tourette vachement gênant. Papa et maman savent plus quoi faire, avec lui, mais il est pas méchant, juste paumé. Ça c’est parce que nos parents boivent, vous savez… »
« Il nous a dit qu’il était orphelin. »
« Bah oui, forcément, avec des parents pareils, vaudrait mieux. » Klaus leur adresse son regard le plus larmoyant. « Allez, appelez pas les flics, sinon papa va encore sortir la ceinture, il plaisante pas, papa. »

Il en fait des caisses, mais ça a l’air de marcher. A peu près. Quand Klaus ajoute qu’il va payer pour les dégâts (avec l’argent qu’il n’a qu’à moitié, parce que Mutt lui en avait passé pour faire les courses), ils finissent par lâcher l’affaire et passer l’éponge, et les deux sont sommés de quitter le magasin. Bon, va falloir que Klaus fasse ses courses ailleurs, par contre, parce que Minimoi est interdit d’y remettre les pieds.

« Tu m’en dois une, Minimoi. »

Minimoi en ferait-il trop ? Oh que oui, et pas qu’un peu, et en ce sens, il lui fait d’autant plus penser à lui, ce qui ne l’invite que davantage à le tirer d’affaires. C’est peut-être une vraie connerie, et il est très probable que ce sale gosse mériterait une bonne leçon, tout comme lui en aurait mérité parfois (quoique de la part de Reginald, il en recevait déjà, et elles étaient des plus corsées), et en mérite peut-être toujours. Possible qu’il ne lui rende pas service en agissant comme il le fait, mais il serait juste incapable de laisser Minimoi dans la galère… et puis quoi encore ? Klaus ne sait pas trop si le vigile les libère parce qu’il les a fatigués ou parce qu’il a su les convaincre, dans tous les cas, ils sont libres comme l’air, et c’est ce qui importe, pas vrai. Une fois tranquilles, ils prennent le temps de se dévisager mutuellement : forcément, c’est trop tentant. Et bon sang, c’est dingue, quand même, cette ressemblance, c’est presque trop, et Klaus se demanderait presque si on ne lui ferait pas une sale blague.

Une version de lui en mode trop cool du futur, d’accord, d’accord, Klaus retient le « trop cool », du coup il apprécie. Il ne prend pas Nathan au sérieux quand il lui parle comme s’il était son futur lui, quoique Klaus aurait en partie pu se dire que son interlocuteur était son lui du passé, si certains détails ne lui faisaient pas dire le contraire. Et il a à peine le temps d’en placer une tant les questions s’accumulent. Bon ben dans le genre bavard, y a quelque chose aussi, manifestement.

« Ouais, t’as tout compris, un dieu du sexe fauché comme les blés », se marre Klaus tandis que le jeune glisse une main dans son pantalon… mais qu’est-ce qu’il f… Ah d’accord. Klaus comprend mieux en découvrant les Kit Kat Balls qu’il semble littéralement avoir sorti de son fondement. Klaus le prend en main sans réfléchir – quoi ? Il a fait largement pire. Il en profite pour éventrer un paquet de Kit Kats et d’en dévorer le contenu (bah quoi ?).

« Merci », dit-il la bouche à moitié pleine avec un sourire ultra-bright alors que Minimoi poursuit de son côté.

Puis à mesure qu’il parle, Klaus réalise qu’il doit vraiment penser qu’il est son lui du futur… et ça a pas l’air de perturber plus que ça. Alors ouais, lui le premier veut bien admettre qu’avec tout ce qu’il a pu voir, ce serait pas le truc le plus incroyable qu’il ait jamais vécu, mais quand même. Quand il parle de s’autotailler une pipe… Ouais, d’accord, pendant quelques secondes, Klaus a hésité, on va pas se mentir, mais il se ressaisit.

« Alors c’est tentant, mais je suis maqué, figure-toi, et je suis pas sûr que mon mec apprécie. Encore que… Ouais non, je te le présenterai pas. » Il marque une pause, il peut pas s’empêcher de le dévisager. C’est plus fort que lui, à ce stade. « J’pense que t’es à côté de la plaque, je peux pas être toi dans le futur, ça colle pas… » Y a un truc, malgré tout. Ça va au-delà de la simple ressemblance, à ce stade, et c’est carrément perturbant. « Mais… Non, j’avoue, c’est perturbant. Comment tu t’appelles ? Tu viens d’où ? »

Autant commencer par là avant d’en avoir le cœur net.

Non, non, non, Klaus ne présenterait pas Nathan à Mutt. Pas que l’idée d’un plan à trois ne lui ait pas traversé l’esprit genre, une fraction de seconde (comme quand il a rencontré Sam, au moment de comprendre qu’il n’était pas Mutt, disons) – voir un plan à quatre avec Sam ? Non, on arrêter là –, mais il n’est pas si partageur au bout du compte, et puis, l’air de rien, Nathan est quand même trop jeune pour lui et… Non mais il réfléchit beaucoup trop à la question, en fait. Donc bref, il préfère occulter le sujet Mutt, laissant à Nathan le soin de sauter à ses propres conclusions, ce qu’il ne met pas longtemps à faire, au demeurant. Déjà, il pense qu’il faut mette une chose au clair, et c’est le fait que non, il n’est pas son futur lui, ce dont Minimoi a l’air convaincu (et qu’il comprend, parce que lui aussi serait certainement convaincu de la même chose dans le cas contraire – même là, il a des doutes, mais pas suffisamment pour y croire).

Il lui dit que c’est logique, le coup des voyages temporels, ça a pas l’air de le perturber plus que ça (comme Klaus, qui y connaît un rayon, pour le coup), mais ça veut rien dire du tout. Preuve en est, il le connaît pas, son Curtis aux yeux chelou, là… Même si quand même, le fait que Minimoi soit familier avec des personnes qui ont des pouvoirs, ça aussi ça fait un putain de point commun franchement bizarre. Pas de commentaire sur le fait de profiter d’un tel pouvoir pour avoir des orgasmes à l’infini… cela dit, ça a quand même l’air vachement cool, on va pas se mentir. Mais donc, ce qui l’intéresse, c’est bel et bien de savoir qui est ce garçon qui est persuadé qu’il est lui, mais qui en fait ne peut pas être lui quand même.

Il se présente sous le nom de Nathan, donc déjà, pas possible, et il a vécu à Londres, donc c’est mort… Ce qui empêche pas le cerveau de Klaus de carburer à toute allure malgré tout. Y a un truc, il arrive pas à dire quoi, mais y a forcément un truc. Il songe à ce qui ce serait passé si Reginald Hargreeves n’avait pas décidé de l’acheter à sa mère (on remarquera que Nathan ne parle pas de son père ? Coïncidence… ? Oui, d’accord, coïncidence, en fait). Il ne se serait pas appelé Klaus, puisque ce nom a été choisi bien après sa naissance, et pour le reste. Il n’a aucun mal à imaginer un minilui prendre la porte de chez lui, filer à Vegas, et… donc lui aussi a des pouvoirs… Et ça se vend, des pouvoirs ? Peut-être si quelqu’un a le pouvoir d’absorber vos pouvoirs ? Bordel, c’était quand même vraiment trop bizarre. Quand il ajoute qu’ils ont fini par tuer Jesus, Klaus va admettre que ça doit pas être celui auquel il pense… Il a du mal à suivre, pour tout dire, Nathan est une vraie pile électrique. Et bavard, bavard… Mais ça aussi, l’air de rien, ça lui dit quelque chose. Il attend qu’il ait fini de déblatérer pour prendre la parole.

9]]« Et moi je m’appelle Klaus, je te l’ai dit, je suis pas ton toi du futur, enfin j’crois pas vu que t’es pas mon moi du passé, mais… putain c’est trop bizarre. Faut… Viens, on peut pas avoir cette conversation en étant sobres. »[/b] Parce qu’il est vraiment sobre, là ? Oui, non, peut-être pas, même dans ses moments les plus lucides, Klaus Hargreeves n’est jamais complètement clean, ceci dit, quelques verres en plus dans le sang ne leur fera pas de mal. « C’est ma tournée, ou notre tournée, si tu veux. » De toute façon, il devine que Nathan réussit ce miracle d’être encore plus fauché que lui, et ça, Klaus pensait pas que ça pouvait être possible. Tout en se mettant en chemin, en attrapant Nathan par le bras, il poursuit. « T’es complètement moi mais tu peux pas être moi, tu comprends ? J’ai pas grandi à Londres, moi, j’ai pas connu ma mère non plus… » Dans son cerveau de camé, ça carbure à toute allure, et finalement, il se dit qu’il y a un moyen très simple d’en avoir le cœur net. « C’est quoi ton pouvoir ? »

Lui non plus ne comprends rien, ou pas grand-chose. Est-ce que Nathan peut être lui alors que, par pleins d’aspects, il n’a pas l’air de pouvoir être lui ? Difficile à dire, mais est-ce que ce serait le truc le plus bizarre qu’ils auraient expérimenté, l’un comme l’autre ? Sans doute pas, au final. Il sont… vraiment pareils, Nathan ne le souligne pas sans raison, alors ce n’est pas forcément improbable qu’ils soient… un genre de version alternative l’un de l’autre, pas vrai ?

« Non, en fait, j’ai jamais connu ma mère », explique Klaus qui tente de donner sur lui autant d’informations que Nathan peut en donner lui-même (en évitant éventuellement certaines digressions quand même), afin qu’ils sachent l’un et l’autre à quoi s’en tenir et où se situer l’un vis-à-vis de l’autre, aussi et surtout. « Quand je suis né, y a un vieux riche complètement taré qui m’a acheté, avec d’autres super-bébés nés en même temps un peu partout dans le monde, pour créer un genre d’équipe de justicier. Je connais même pas le nom de ma mère, et je sais pas, peut-être que si mon père m’avait pas acheté, je me serais appelé Nathan, j’en sais rien », qu’il dit avec le ton le plus sérieux de l’univers.

Est-ce qu’ils ne devraient pas se focaliser sur des explications plus simples pour commencer ? Peut-être bien, mais Klaus est focalisé sur son délire, qu’il trouve de plus en plus crédible, un délire encore entretenu par les délires de Nathan de son côté, qui poursuit de lui en dire plus de son côté, en continuant de lui causer de son Curtis, là, que Klaus n’est pas capable de situer. Puis il lui parle de ses pouvoirs. L’immortalité. Donc pas le même pouvoir que lui… enfin… Pour être sûr qu’on est immortel, faut mourir, non ? Et Klaus en a jamais eu l’occasion, de ce qu’il sait. Ceci dit, c’est peut-être pour ça qu’il a survécu à ses (quelques) overdoses – ou au Vietnam. Parce qu’il est immortel ? Ouais, il va pas y mettre sa main à couper non plus, et il pourrait plutôt se dire que c’est le signe qu’il se fait des films depuis tout à l’heure, mais ça, c’était avant qu’il lui apprenne qu’il voyait les morts. Non, là, on va pas commencer à dire que c’est une coïncidence, c’est pas possible. Il est tellement focalisé là-dessus qu’il oublierait presque d’entendre que Nathan a fait sortir un putain de lapin de son cul.

« Mec… T’as le même pouvoir que moi. Je déconne pas. C’est ce que je fais, je vois les morts. J’y arrivais plus non plus mais c’est revenu. Immortel, ça c’est un autre délire, je crois pas que je le sois, enfin je suis jamais mort en même temps – enfin il me semble, mais ça ouais. » Klaus dépose sur l’épaule de Nathan une tape sans doute trop enthousiaste. « Putain Nathan ! C’est sûr, c’est sûr de sûr. On est les mêmes ! » Il a envie de rire, sans savoir si c’est de joie ou d’autre chose tant cette situation est folle et hallucinante. Ils pénètrent dans le premier bar venu alors que Klaus poursuit. « Tu sais, mon vieux m’enfermait régulièrement dans un mausolée pour aller faire coucou aux cadavres, alors la claustrophobie, j’connais. C’est horrible, ce qui t’est arrivé, je suis vraiment désolé pour toi. » On vient prendre leur commande, Klaus attend que le serveur ce soit éloigné avant de reprendre. « Ce que je pige pas, c’est cette histoire de troc de pouvoirs, comment t’as fait ça ? Je pensais même pas que c’était possible… ? »

Il y a quand même entre eux des différences évidentes qui devraient dissuader Klaus de se mettre dans la tête des théories beaucoup trop alambiquées, mais c’est trop tard, la théorie la plus absurde mais aussi la plus construite s’est déjà fait un chemin beaucoup trop avancé dans son cerveau pour qu’il ait envie de faire marche arrière. Et puis, même si les différences sont là, certes, en attendant, les ressemblances sont quand même beaucoup trop importantes pour qu’on puisse parler de hasard. Non, parce que des coïncidences chelou dans cette ville, on en trouve en veux-tu en voilà, mais il y a quand même des limites, au bout d’un moment.

« En fait je t’explique, on était quarante-trois en tout à naître en même temps, un peu partout dans le monde. Et le truc de dingue, c’est que nos mères sont genre tombées enceinte d’un coup, pouf, en une journée, elles étaient grosses comme des ballons et accouchaient dans la foulée, genre l’immaculée conception 2.0. Pour ça, je peux pas vraiment en vouloir à ma mère, t’sais. Tu te retrouves maman du jour au lendemain, t’as pas les moyens et y a un vieux milliardaire qui vient t’acheter le gamin que t’as pas demandé en lui promettant une vie que tu pourrais peut-être pas lui offrir. Moi aussi je me serais vendu, à sa place. » Il marque une pause. « Ta mère, ça peut être comme toi et moi, une version bis de Louise Young, le genre qui abandonne pas sa progéniture, tu vois le genre. » Il réfléchit. « Je sais pas trop… C’est quoi ces histoires de foudre ? »

Oui, tout ça, le fait qu’ils aient pas obtenu leurs pouvoirs de la même manière, ça doit leur mettre la puce à l’oreille, mais en même temps, ils ont quand même exactement les mêmes pouvoirs, et ça, vraiment, mais vraiment, c’est beaucoup trop spécifique pour qu’ils se disent que c’est juste un putain de hasard. Faut arrêter les conneries : son minisosie qui lui ressemble autant de faciès que de caractère se tape aussi la causette avec des machabées, évidemment que ça peut pas être une coïncidence.

« En fait, ils sont revenus un peu tout seuls, et ça a été pareil pour mes frères et sœurs. Enfin, moi je faisais une séance de spiritisme à la con et ça a fait débarquer le grand-père de mon mec, un type très cool d’ailleurs, mais je crois que ça a juste été une question de timing. Donc je pense que ouais, tes pouvoirs vont revenir, ouais. »

Et pour l’immortalité, donc… ils vont éviter l’un comme l’autre de se mettre dans des situations où ils pourront ou non constater l’existence de tels pouvoirs, ce ne serait clairement pas une bonne idée, là-dessus ils ne peuvent que logiquement tomber d’accord.

Nathan lui parle ensuite de son père à lui, qui apparemment était un crevard fini. Klaus estime qu’il a pas eu une enfance facile, mais quand Nathan lui parle de ces histoires de prêtres pédophiles et autres conneries, il comprend qu’il a peut-être eu une enfance cent fois plus saine que le pauvre Nathan, et ça le chagrine pour lui, dans le fond. Quant au gars qui échangeait les pouvoirs, c’est sûrement que c’était bel et bien son pouvoir, d’en échanger, et Klaus autant que Nathan aurait pas hésité une seule seconde à échanger son pouvoir contre un autre, parce que la médiumnité, c’est vraiment de la merde.

« Putain, comme j’adorerais pouvoir échanger mes pouvoirs… »

Les différences entre leurs histoires devraient quand même leur mettre la puce à l’oreille… Rien que l’histoire de leur naissance est trop différente, mais non, les deux ne peuvent pas s’ôter de la tête qu’ils sont les mêmes, pas alors que l’idée s’est fait une place beaucoup trop confortable dans leurs esprits. Après tout, rien ne prouve à Nathan que ses parents ont vraiment fait la bête à deux dos… enfin, peut-être qu’ils l’ont fait, même très probablement, mais ça veut pas dire que c’est comme ça que la mère de Nathan, leur mère, est tombée enceinte, surtout si le père de Nathan doit être un type moche et con. Eux, avoir un père qui soit un type moche et con ? Mais non mais non, ça n’a aucun sens.

« Bah si y a une histoire de foudre, j’ai complètement zappé ça… ou bien je m’en suis juste pas rendu compte ? »

Klaus gratte sa chevelure bouclée à la recherche d’une explication convaincante, et au final, il se dit que bon, si c’est lié à la météo, c’est juste possible qu’il regardait pas par la fenêtre à ce moment-là (quand on décide d’être aveugle, ça peut aller loin. Ce qui compte, de toute façon, c’est même pas tant comment ils ont eu ses pouvoirs, mais qu’ils les ont, et bordel, c’est exactement les mêmes. Klaus hausse les épaules quand il lui dit que ça devait être génial d’avoir des frères et sœurs. Pas que ce soit pas génial d’avoir des frères et sœurs mais bon, on va pas dire que ça a été une partie de plaisir à tous les coups. Même si maintenant, il se sent paumé et fait encore plus n’importe quoi quand il ne sont pas dans les parages. Il envisage de lui parler de sa famille plus en détail, mais Nathan, qui a ce talent d’être encore plus bavard que lui, lui parle d’abord de son propre frère, et là encore, l’écho que ça suscite chez Klaus est juste… bah, c’est pas le genre de chose à côté desquelles il peut passer.

« Un de mes frangins, Ben, est mort lui aussi. Bon, j’ai su qu’il était mort dès le début, mais j’ai gardé son fantôme avec moi pendant des années. Je pense que si on m’avait rien dit, j’aurais fait comme toi tu vois. Une éternité qu’il m’a collé aux pattes, puis… » Il se secoue la tête. « Bref, il est plus là maintenant. Mais tout ça pour dire que je suis vraiment désolé pour ton frère, ça a dû être dur. »

Klaus a envie d’ajouter qu’au moins il a pu lui dire au revoir comme il se doit, mais il se dit que c’est pas la peine d’en rajouter une couche, alors à la place, il décide de boire une très longue gorgée de son verre, ouais, c’est mieux. Il manque de recracher la moitié de sa gorgée quand Nathan lui apprend qu’un des gars qu’il avait rencontrés avait le don de manipuler le lait. Putain mais quel pouvoir de merde ! Genre, qu’est-ce que tu fait avec un pouvoir pareil ?

« Après c’était peut-être un bon plan pour emballer des meufs enceintes. T’sais tu fais pointer leurs seins dans ta direction et hop… »

D’accord, elle est sale, celle-là, n’empêche que Klaus, ça le fait franchement bien marrer, même s’il est bien obligé de reprendre son sérieux quand Nathan lui cause de son immortalité, de ce que ça peut impliquer, du fait qu’il va peut-être voir tout le monde mourir autour de lui. Il sait même pas quoi répondre à ça, il a surtout pas envie de déprimer son minilui avec des pensées à la con.

« Non mais arrête, être immortel, ça défonce. Et dans le pire des cas, on pourra regarder tout le monde crever autour de nous en bouffant du pop-corn, ça me plaît. »

S’ils restent ensemble, ils ne seront plus jamais seuls, qu’il lui sort, et Klaus aime bien cette vision, même si ça devrait peut-être le faire flipper. Bon le coup de l’immortalité, il y réfléchit quand même pas trop, parce que s’il doit trop y penser, forcément il pense à Mutt… et il a pas envie de penser à une temporalité de laquelle Mutt sera exclu parce qu’il l’aurait perdu.

« C’est peut-être ton truc de magie que tu vas récupérer, du coup. » Il finit son verre d'une traite. « Un deuxième ? »

Quand Nathan lui parle de son frère, Klaus sait exactement ce qu’il ressent. Peut-être qu’il se projette beaucoup trop en lui, mais il a vraiment le sentiment de pouvoir déterminer très précisément ses émotions comme si elles étaient les siennes. Ben aussi, au final, est parti en étant en paix avec lui-même, parce qu’il était finalement prêt à rejoindre cette fichue lumière, conscient de faire ce qu’il fallait, et sans inquiétude. La seule frustration de Klaus dans l’affaire, c’est que c’est Vanya qui avait eu droit aux adieux émouvants et pas lui. Est-ce qu’il ne les aurait pas mérité bien davantage, pourtant ? Bien évidemment, Klaus pense que oui. Enfin bref… il a envie d’insister et de suggérer à Nathan d’aller au bout de sa pensée quand il dit que parfois, il se disait qu’il était bien mieux que… mais en même temps, il préfère qu’il lui dise les choses quand il le sentirait, et ça finirait par venir. Forcément que ça viendrait, regardez-les ! ça fait quoi ? Cinq minutes (bon un peu plus mais on se comprend) qu’ils se connaissent, et ils sont déjà à se confier les pans les plus secrets de leurs existences respectives. En même temps, ce serait con de pas le faire. C’est pas comme s’ils devaient se cacher des choses à eux-mêmes.

Et Nathan a raison, Klaus a aucune envie de déprimer pour leurs pseudo-retrouvailles (faute d’un meilleur terme), il préfère largement envisager les choses sous l’angle le plus fun du monde. Et quoi de mieux pour ça que de boire encore davantage. Alors il lève son verre, au nom de ce toast parfaitement approprié. Bien sûr qu’ils sont les plus beaux gosses du quartier. Et des bêtes de sexe. Et tout le reste. Ils pourraient aussi trinquer à leurs vannes foireuses, parce que sa blague de merde, Nathan est certainement la personne au monde qui était capable d’en rire. Si ça c’est pas la preuve qu’ils sont les mêmes ! Deux génies incompris, ni plus ni moins.

Klaus le fixe avec attention quand il essaie de faire son petit tour de magie, sans aucun succès évidemment. Est-ce que l’alcool allait aider. Dans le cas de Klaus, ça avait plutôt eu le don inverse de calmer l’ampleur de ses pouvoirs, et clairement, il en avait abusé, d’abord pour cette raison précise, puis pour plein d’autres raisons. N’empêche qu’il dit pas non à des shooters. C’est pas raisonnable, OK, mais on s’en fout, pas vrai ? Bien sûr qu’on s’en fout, on s’en fout royal, même. Et puis c’est… Mutt qui rince.

« Techniquement, c’est mon homme qui paye, je suis totalement en train de taxer son fric pour les courses. » Est-ce que ça lui pose plus souci que ça cela dit ? Bah, c’est que de l’argent, pas de quoi en faire tout un plat non plus, faut pas exagérer. « Mais il comprendra, s’il rencontrait son lui du passé, il ferait la même. Même si lui, j’ai croisé son sosie, aussi. J’ai même failli me le taper, t’imagines. »

Klaus se marre franchement en racontant cette anecdote avant de commander ce qu’il faut de shooters. C’est que ça va pas se boire tout seul, tout ça. Nathan dépose ses lunettes sur son nez, et Klaus est convaincu qu’il les porte forcément à la perfection. Il se rapproche de son minimoi pour prendre la photo de la gloire, en adressant une grimace inélégante à la caméra, ça va sans dire.

« Non mais ça devrait pas être permis d’être aussi beaux. Par contre oublie, je te taille pas une pipe pour autant. » Les shooters sont posés sur la table. « T’sais quoi, on devrait faire un jeu à boire. Pour chaque verre, on doit répondre à une question sur soi. »

Ce qui leur donnera surtout l’occasion d’en apprendre encore plus l’un sur l’autre, en se montrant le plus indiscret possible évidemment.

« Mutt, il s’appelle Mutt – ouais, je sais, j’aimerais te dire que c’est pas lui qui a choisi son prénom, sauf que si –, et évidemment qu’il est beau et bien gaulé, qu’est-ce que t’imagines ? » répond Klaus avec le sourire, « mais non, y aura pas de plan à trois, ni avec toi, ni avec son double. Enfin, j’aurais pas dit non, mais je crois que je l’ai un chouia traumatisé », ajoute-t-il en haussant simplement les épaules, toujours bien décidé à ne pas donner plus que matière à imagination à son minilui – ce qui est déjà pas mal : Klaus ne peut pas spécialement prétendre qu’il se soit calmé avec l’âge (il suffit de voir la propension qu’ont Mutt et Klaus à se sauter dessus à la moindre occasion), mais clairement, Nathan réussit à avoir encore plus que lui les hormones en feu, ce qui est (relativement) admirable, quand on y pense.

Non, plutôt que d’envisager des plans à trois (voire à quatre, hein, autant que Sam se joigne à la partie, à ce stade), il préfère profiter de ce moment avec Nathan non pas pour se faire plaisir grâce à un sacrosaint bug dimensionnel, mais pour en apprendre plus sur… lui-même ? Sur ce qu’il aurait pu être. Et ça peut passer par un tas de choses, au final. La boisson est qu’un prétexte, au final. Shot ou pas shot, ça les empêchera sans doute pas de se dévoiler l’un à l’autre (parce que ça a l’air tellement simple, en même temps… c’est comme se parler tout seul mais en ayant l’air un peu moins con, pour le coup), l’alcool, c’est juste un bonus, parce qu’il fallait quand même ça pour accompagner un tel événement, vous imaginez bien.

Finalement c’est Nathan qui commence. Il avale le contenu d’un premier verre cul sec puis, sans attendre que Klaus lui pose la moindre question, il lui apprend une première information personnelle à son sujet (qui concerne le cul, pour changer, mais en même temps, Klaus admettra que c’est un sujet particulièrement important). Donc il avait été dépucelé par une pote à sa mère… Ah bah il espère bien que sa mère est plus pote avec. Pour le coup, il se permet de juger la daronne, mais clairement pas Nathan, qu’il gratifie d’un sourire empreint de fierté. Ça, c’est bien son minilui.

« Direct dans la cour des grands, je me reconnais bien là », affirme Klaus avant de gratifier Nathan d’un high five bien mérité. « Moi ma première fois, je m’en souviens pas, je me suis réveillé à poil dans le même lit que trois types, enfin je dis types, y avait une fille dans le lot si je dis pas de conneries. Bref, je sais plus les détails, j’étais déchiré, mais j’ai eu des courbatures pendant une semaine après ça. » Il marque une pause. « Bon allez, à mon tour », dit-il en réfléchissant à une info à donner à son frère, un truc important, un truc qui le définirait un peu, voire beaucoup. Histoire de se donner des idées, ou pas, il avale à son tour un shot cul-sec. « Une fois – enfin c’est pas arrivé qu’une fois mais bref –, j’ai voyagé dans le temps, genre vraiment à une époque de merde. Et j’ai fait la guerre du Vietnam. »

Il casse l’ambiance ? Possible, mais on fait difficilement plus personnel que cet épisode là.

« Henry Jones III, qu’il s’appelle, tu vois pourquoi il a voulu changer de nom », s’amuse Klaus quand Nathan demande plus de précisions sur le nom de son mec. Il devrait éventuellement se méfier et se dire que c’est une feinte pour l’approcher, mais dans le fond, il ne s’en inquiète pas trop. Dans tous les cas, ils vont rapidement se rencontrer, c’est pas possible autrement. « Je crois que quand il s’est présenté, j’ai dis que je trouvais ça joli et c’est tout », répond Klaus en se marrant à moitié. « Mais bon, pour ma défense, je voulais me le taper. » Ce qui lui offre une ouverture en or pour répondre aux questions de Nathan. Et oui il va lui répondre, bien sûr qu’il va y répondre. Il s’en fiche qu’il soit trop indiscret et que la plupart de ses réflexions courent en-dessous de la ceinture, à sa place et à son âge, il aurait sûrement posé la même. « C’est le meilleur coup de ma vie, et on le fait absolument tout le temps, genre faut nous retenir, limite c’est bien qu’il veuille pas qu’on s’affiche en public parce que sinon on serait capable de faire du sale absolument n’importe où. »

Il ne se rend même pas compte qu’il vient de parler du fait que Mutt ne veut pas qu’ils s’affichent en public. Avec Nathan, la conversation est franche, directe, immédiate, comme s’il le connaissait depuis toujours… peut-être parce qu’il le connaît depuis toujours ? Il y a de ça, c’est vrai, mais pas seulement… après, bon, il commence aussi à être un peu bourré, peut-être que ça joue, mais il n’a pas encore atteint l’état d’alcoolémie de se rendre justement compte qu’il est alcoolisé.

« Je te le fais pas dire », se marre-t-il quand il évoque sa première fois et le fait qu’il a dû être vraiment déchiré pour en arriver là.

Il va pas s’éterniser dessus malgré tout, déjà parce qu’il avait sans doute pas fait des prouesses alors, ensuite parce que, de toute manière, il ne s’en souvient vraiment pas. De toute manière, ils en viennent au shot suivant, et Klaus parle alors du Vietnam. Quand il a songé à ce qu’il pourrait lui apprendre de plus fort et de plus personnel à son sujet, c’est évidemment la première chose qui lui soit venue à l’esprit.

« J’sais toujours pas qui est Curtis », dit d’abord Klaus avant de répondre aux autres questions de Nathan. « Le Vietnam, c’est les années soixante. J’ai pas trop eu le choix en vrai, ça m’est un peu tombé dessus, et une fois que j’y étais, j’avais pas le choix, fallait que je suive le mouvement. » Il se saisit d’un nouveau shot, même si c’est pas son tour. « C’était horrible… J’veux dire, même pour moi qui voyait des macchabées non stop. » Il boit son shot cul-sec. « J’ai vu mon premier amour mourir, là-bas. Dans mes bras. »

Ils passent à l’information suivante, et Klaus affiche une grimace horrifiée en entendant la réponse de son frère. Avec ces histoires de psychopathe, rien que ça, ça aurait de quoi vous traumatiser à vie, et dans l’existence de Nathan, ce serait presque anecdotique.

« C’est arrivé comment ? Les trois fois ou t’es mort ? »

« Forcément que j’ai une photo ! Et même sans ça, il passe sa vie à prendre des selfies et à les poster sur Instagram alors crois-moi, il y a clairement de quoi faire », lui assure Klaus en fouillant dans son portable à la recherche des photos de Mutt que, pour sa part, il préfère afin de laisser à son autre lui le loisir de regarder en détail celui dont une version alternative était peut-être l’homme de sa vie, qu’est-ce qu’on en sait. « T’es bête », reprend Klaus avec un sourire amusé quand Nathan ajoute que lui, il a aucune difficulté à s’afficher avec lui, non sans lui administrer un gros smack au passage. C’est peut-être ce qu’on appelle la confiance en soi, dans le fond, mais Klaus a complètement confiance en Nathan, et même s’ils viennent de se rencontrer, il a l’impression que ça fait un bail qu’ils sont potes… mais c’est logique, non ? ça fait un bail qu’il se connaît lui-même, en théorie. « Non Nathan, tu me galocheras pas », dit-il amusé, mais quand même après quelques courtes secondes d’hésitation parce que quelque part, il se demande quand même ce que ça ferait. Mais non, il ne va pas céder à cette tentation.

Nathan lui parle ensuite de ce fameux Curtis, qu’il avait rencontré quand il faisait ses travaux d’intérêt général et qui lui aussi s’est retrouver avec des pouvoirs, dont celui de voyager dans le temps : faut admettre que quand on entend ça, on se dit qu’il y a peut-être quelque chose à creuser, effectivement.

« Pour le coup je suis sûr que t’as pas de photo de lui et c’est con parce que j’aimerais vraiment savoir à quoi il ressemble », remarque Klaus avec un fin sourire en coin quand Nathan a fini de lui parler du fameux Curtis.

Ensuite, c’est à son tour de se livrer aux confidences. Et forcément, il lui parle d’une des choses qu’il a vécues de plus fortes, de plus terribles, de plus personnelles, parce que s’ils ne rentrent pas dans ce genre de détails là, alors tout ça, ça sert pas à grand-chose, pas vrai. Et Nathan se montre totalement compréhensif, et quand il lui dit qu’il est vraiment désolé, Klaus sait que c’est entièrement vrai, qu’il le pense totalement.

« Les histoires les plus bizarres, c’est souvent les plus belles. Regarde-moi, il a fallu que je sois transporté en pleine guerre du Vietnam pour rencontrer mon premier amour et que je me retrouve sur une île chelou pleine de gens bizarre pour rencontrer l’homme de ma vie. Franchement, si tu me dis que c’est bizarre, ça doit être que cette nana en vaut la peine. » Il le fixe avec attention. « Alors raconte-moi : elle s’appelle comment ? Elle ressemble à quoi ? »

Avant d’en venir à un sujet beaucoup moins drôle, mais là, au point où ils en sont… Alors il écoute Nathan lui parler de toutes les fois où il est mort, sous le regard absolument horrifié de Klaus. Non seulement il est mort un paquet de fois, mais en plus il est mort de manière horrible. Empalé sur un grillage, empalé contre un tuyau (si Klaus n’était pas aussi angoissé par ce qu’il entend, il trouverait ça honnêtement très drôle de faire une blague salace sur la tendance de son Minilui à se faire empaler). Et enfin, un mec lui a fracassé le crâne.

« Ben putain… » Il ne peut s’empêcher de commenter, absolument horrifié. « Mec, c’est tellement horrible, je suis vraiment désolé, franchement. » Il boit un nouveau shot en oubliant complètement de parler de lui. « Je te promets, solennellement, que je laisserai plus jamais rien ni personne te tuer, d’accord, et si ça doit arriver, je te jure, je te venge avant même que t’aies le temps de rescusciter. »

S’il est vraiment capable de revenir à la vie, ici.

Forcément que le charme de Mutt ne rend pas Nathan insensible, c’est totalement logique. Déjà parce que – en toute objectivité bien sûr – Mutt est le mec le plus sexy de la terre, ensuite parce qu’en toute logique, ils ont les mêmes goûts, tous les deux. D’accord, les goûts d’une même personne peuvent évoluer en une dizaine d’années, mais y a quand même deux-trois choses qui changent pas. Et pour le coup, c’était couru d’avance que Nathan fasse de tels commentaires, et Klaus, il prend sans en prendre ombrage ou sans jalousie : s’ils sont deux à baver sur Mutt, ils restent la même personne à baver sur lui, et dans tous les cas, et même si Nathan lui garantit de pas essayer de se le faire, dans tous les cas, Klaus sait bien que Mutt serait pas d’accord.

« J’sais pas, pour son sosie, tu peux toujours tenter ta chance, de toute façon, personne peut te résister, regarde-toi », répond Klaus avec un sourire franchement amusé aux lèvres.

Mais plutôt que de discuter des conquêtes futures potentielles de Nathan, Klaus préfère s’intéresser à ceux que Nathan a connus et qui ont compté pour lui, ou bien l’ont attiré. Apparemment, Nathan a des photos. Eh bien parfait, dans ce cas. Le téléphone qu’il tire de sa poche est clairement pas récent, n’empêche qu’il y a bien des photos associées à sa vie passée dessus. Il découvre donc Nathan en situation, dans ce qui a été son quotidien, un fragment de son quotidien, à travers une vidéo qui, étonnamment, lui fait un pincement au cœur. C’est que tout ça, Nathan le retrouvera peut-être jamais. Et tout ça, ça aurait pu être sa vie à lui. C’est étrange, comme sensation.

« C’est des choses qui arrivent. Rarement dans notre cas, mais personne n’est parfait », répond Klaus avec humour quand Nathan déplore de ne pas avoir été celui qui aura dépucelé Barry.

Conversation relativement légère en soi, et sans doute nécessaire compte tenu du fait que le sujet Vietnam n’était pas spécialement heureux, par contre (sans déconner). Klaus espère que ce sera pas pareil pour Nathan et son histoire avec cette Ruth… Ruth dont il s’avère qu’il a une photo aussi. Il va faire un commentaire sur cette fille, qu’il trouve franchement mignonne, mais Nathan prend la parole en premier en lui demandant de ne pas se ficher de lui. C’était évidemment pas son intention mais d’accord, il n’en a clairement pas l’intention. Se foutre de Nathan, se serait se foutre de sa propre gueule, en même temps. Pourquoi il ferait une chose pareille, hein ?

La fille en question s’appelle donc Ruth, et son histoire avec elle a l’air de commencer franchement bien (enfin à part cette histoire chelou de beau-père à poil, mais il décide que c’est pas le moment de revenir là-dessus. Il le fera sans doute plus tard. Quand il en parle, ça se sent qu’il y est vraiment attaché, et forcément, ça ne laisse pas du tout Klaus insensible. Ça se sent qu’ils ont eu une vraie relation, une vraie de vraie, que c’était quelque chose de fort, de pas factice. Sauf que oui, à la place de Nathan, il aurait aussi flippé, à la place de Nathan, lui aussi aurait été ignoble. Logique. C’est les mêmes.

« C’est la mamie de quatre-vingt-une piges la mieux roulée que j’aie jamais vue de ma vie », il lui dit d’un ton réconfortant avant de déposer une main dans son dos. « Tu l’aimais vraiment, hein ? » Il le regarde un instant. « Tu sais, un de mes frangins, quand tu le vois, il te donne pas l’impression d’avoir l’âge d’aller en boîte, et pourtant, lui aussi c’est un vieux. Tout ça pour dire que… » Pour dire quoi ? Il sait plus trop. Il s’est complètement perdu dans ses arguments, pour le coup. « Je sais pas ? On s’en fout de l’âge ? Genre, si Mutt devait avoir l’âge qui correspond à sa date de naissance, il serait aussi trop vieux pour moi, puis, non, je veux dire. C’qui compte, c’est ce qu’elle te fait ressentir, tu vois. » Il n'a toujours pas le sentiment d’être bien clair. « J’aurais bien aimé la rencontrer, ta Ruth. »

Il aurait sûrement été un peu plus cohérent s’il avait pas été à ce point bourré, mais tant pis. Les shots s’enchaînent, et ça les rend hyper-sentimentaux, les deux. Mais en même temps, c’est les circonstances qui l’exigent. Et promettre d’être là l’un pour l’autre, c’est normal, pas vrai ? Ben oui que c’est normal. Ils se sont trouvés, c’est normal qu’ils se lâchent plus. Klaus se marre et crache dans sa main aussi, c’est toujours mieux qu’il galoche, avant de serrer celle de Nathan. Dégueulasse. Mais il s’en fout. Sa salive, c’est sa salive, techniquement. Enfin vous voyez le truc.

« Nathan Young, je te promets que je serai toujours là pour toi, quoi qu’il arrive. » Il retire sa main de la sienne et essuie sa paume sur son pantalon. « Bon, faut pas qu’on s’arrête en si bon chemin, mais j’ai pas de quoi payer une nouvelle tournée. Ça te dit qu’on aille chez moi ? On a des bouteilles en rab ! »

Klaus affiche un sourire en coin. Il insiste pas, mais pour lui, il est clair qu’il en pince plus que largement pour cette petite vieille dans un corps de jeune. Sans ça, il en parlerait pas comme il le fait… Faut se faire une raison, les type comme eux, les types qui sont eux ne sont pas faits pour les amours conventionnelles. Ils s’emmerderaient sans doute royalement si on leur mettait dans les pattes l’une ou lr’autre personne bien sous tous rapports, de leur âge et de leur époque. Oh non, c’est pas le genre de la maison, c’est tout. Et quand il dit que la façon qu’ils avaient de se comprendre en était presque bizarre, Klaus se reconnait dans la façon qu’il aurait de parler de sa relation avec Mutt, quelque chose qui s’explique pas mais qu’on ressent au fond de ses tripes. L’amour, quoi. Le vrai.

« Ouais, c’est compliqué. J’sais plus, j’t’ai dit ou pas qu’il peut voyager dans l’espace temps ? Bref il sait faire ça, et quand on avant genre quinze piges, il s’est juste téléporté, et personne l’a vu revenir. En fait, il se retrouvé dans le futur, après l’apocalypse, et il y a passé une éternité à se taper un mannequin en plastique avant de réussir à revenir. Sauf que quand il est revenu, ce con, bah il avait l’apparence de quand il était parti, tu me suis ? »

Klaus n’aurait pas pu faire plus simplifié, et sa réponse manque clairement de tout un tas d’éléments qu’il lui expliquera plus tard, mais il va pas non plus tout de suite trop en rajouter.

« De toute façon faudra que tu les rencontres tous, c’est un peu tes frères et sœurs aussi, après tout, pas vrai ? Ma famille, c’est ta famille. Tu verras, c’est une vraie bande de bras cassés, mais je les aime. » Il dit avec un sourire. « Et Mutt bah, il est né en 38, t’imagines le délire ? Il a débarqué des sixties, comme ça. »

C’est pas le pire qu’on pouvait faire ici, cela dit, il en avait vu, depuis, venir du futur, de l’espace ou du Moyen Âge. C’est cet endroit qui est complètement perché, pour le coup. Faut pas s’étonner que cette situation rende les gens absolument dingues. Pour le coup, c’est franchement logique. Ça ressemble à rien, et ça gagne pas en logique avec le temps.

Après avoir conclu leur pacte et que Klaus l’ait invité à venir chez lui, Nathan se redresse et les effets de l’alcool se font direct sentir. Chez Klaus aussi, d’ailleurs, mais ça veut pas dire pour autant qu’il compte s’arrêter en si bon chemin.

« Mais ouiiii tu restes autant que tu veux enfin ! chez toi c’est chez moi ! » lui assure Klaus sans aucune forme d’hésitation quand Nathan demande s’il peut dormir chez lui. C’est clairement pas une chose à répondre, surtout que chez lui, c’est pas chez lui mais chez Mutt, mais passons, forcément qu’il peut rien refuser à son minilui.

Alors c’est avec beaucoup d’entrain qu’ils quittent le bar, Nathan agrippé à lui pour ne pas s’effondrer, ils sont à peine à l’extérieur que Nathan commence à théoriser sur les tests de paternité.

« T’es con, c’est des tests adn, faut juste notre salive », déclare-t-il dans un élan d’intelligence et de sagesse qui s’estompe très très vite quand il reprend la parole. « Tu crois que ça marche si on a bu ? L’alcool, ça retire peut-être l’adn de la salive ? » il demande avec tellement de sérieux… Avant de reprendre. « Bah ! On verra ! on a pleiiiin de cotons-tiges, on va pouvoir essayer tout ce qu’on veut. »

Et tandis qu’ils dissertent sur les cotons-tiges, ils atteignent finalement la porte de l’appartement, que Klaus ouvre donc sans ses courses, et passablement déchiré.

« Muuuuuttyyyy ! Faut que tu viennes de suite ! Il s’est passé un truc de fou, tu vas pas en revenir !! »