Klaus n’a pas que des défauts, loin s’en faut (je vous assure), mais on ne peut pas dire de lui qu’il soit quelqu’un de vraiment très fiable, car s’il a été le premier, pas longtemps après ses retrouvailles avec Five, Diego et Alison, à suggérer qu’ils devraient se retrouver en grandes pompes – et pourquoi pas pour leur anniv, dis donc ? –, il est à un milliard d’années-lumière de songer à ça, là, tout de suite. Ou à songer à son anniversaire, en fait. Croyez-le ou non, mais il n’a pas la moindre idée qu’on est le premier octobre, et que donc aujourd’hui, il souffle sa trente-deuxième bougie. En soi, gagner une année supplémentaire ne le dérange pas franchement, il est clairement pas de ces types qui ont terriblement peur de vieillir (peut-être parce que voir des morts constamment a le don de vous faire relativiser au sujet de l’existence et de sa durée, peut-être, va savoir), mais juste… vraiment, il a zappé… Tout comme il a zappé de recharger son portable, ce qui aurait éventuellement pu lui permettre de lire les quelques messages d’anniversaire qui auraient – éventuellement – su lui mettre la puce à l’oreille.

Pour sa défense, il a tendance à perdre la notion du temps, ces derniers temps. Le fait qu’il ne s’impose aucune forme de rythme et s’obstine à ne pas travailler n’aide sans doute pas, il faut bien le dire. Et puis, toute houleuse puisse être sa relation avec Mutt, quand ça se passe bien, eh bien, ça se passe putain de bien, et ça a clairement tendance à tout lui faire oublier tout ce qui peut exister autour de lui. C’est dingue, lui-même s’y fait pas complètement encore, mais c’est le cas. Il est juste… amoureux comme jamais. La facilité déconcertante avec laquelle Mutt est parvenu, non pas à lui faire oublier, mais du moins à supplanter Dave dans son cœur serait presque angoissante, à certains moments, parce que leur relation est si inexplicablement profonde et fusionnelle qu’elle est souvent folle et irrationnelle, mais bordel, qu’est-ce qu’il se sent vivant auprès de lui. Donc oui, oui, en un mot comme en cent, son anniversaire, là, ça lui est complètement passé au-dessus de la tête.

Qu’a-t-il donc prévu en cette grande journée totalement zappée, donc ? Je vous le donne en mille, franchement pas grand-chose. Glander sur le canapé, boire quelques bières, regarder des conneries à la télé, s’en rouler un ou deux… Envisager de s’habiller ou de faire quoi que ce soit de constructif lui paraît d’une inutilité crasse en cet instant. Il est donc très investi dans son programme au moment d’entendre la porte de l’appartement s’ouvrir, une odeur de cannabis a empli l’espace du salon, et il plane gentiment en fixant le plafond. Bousculé par la présence de Mutt, Klaus l’observe un instant sans comprendre exactement de quoi il veut parler, là, tout de suite. En tout cas, il a l’air de putain de bonne humeur, là, tout de suite, et quand il sourit comme il le fait, quand son regard brille comme celui-là, bah ça le rend heureux aussi. Et franchement craquant.

« Si par surprise, tu parles de ton paquet, je te ferais remarquer que j’ai déjà eu tout un tas d’occasions de le voir, et encore ce matin… », dit-il déphasé, mais avec un sourire en coin. « Ça va, j’ai compris, on sort, je vais m’habiller, je voudrais pas offenser la ménagère », ajoute-t-il, encore un peu à l’ouest, si bien qu’il ne sait toujours pas exactement ce qui se trame. Mais Mutt a l’air motivé, et Klaus adore le naturel avec lequel il l’embrasse et s’adresse à lui.

Pendant qu’il se change histoire d’enfiler une tenue plus décente (enfin, étant donné les habitudes vestimentaires de Klaus, on va dire que ça reste tout relatif et sujet au jugement des uns et des autres), ses neurones en activité se connectent. Oh putain ! Son anniversaire ! C’est vrai ! D’un coup, l’attention de Mutt lui apparaît d’autant plus adorable.

« Comment est-ce que je pourrais l’oublier ? » répond Klaus sans pouvoir s’empêcher d’afficher une pointe d’ironie quand Mutt lui rappelle des conditions qu’il aurait bien du mal à oublier, oui. Pas de contact, dehors.

Il l’accepte, pour de vrai, dans le cas contraire, il l’aurait dit à Mutty directement. Il a bien compris qu’il avait besoin de temps, et il était prêt à accepter ça… dans une certaine mesure… Mais c’était quand même frustrant de ne pas pouvoir afficher au grand jour une relation qui comptait tant pour lui. Le caractère confidentiel de leur histoire n’était pas déplaisant par certains aspects, ça pouvait la rendre trépidante… Mais quand même un rien frustrante. Surtout quand Klaus ne pouvait ignorer ce que ça implique. Que Mutt ne s’assume pas. Et que donc, il ne l’assume pas. Enfin, il n’a pas envie de se prendre la tête, là, tout de suite. C’est son anniversaire, il veut en profiter à cent pour cent, curieux de ce que Mutt lui réserve.

« J’espère pour toi que t’as mis le paquet », fait Klaus une fois à l’extérieur avant d’enfiler son casque. « Et moi non plus je parle pas de ton paquet », ajoute-t-il, beaucoup trop fier de sa vanne à la con, avant de s’installer sur la moto de Mutt. « Surprends-moi. »

Klaus affiche un sourire qui en dit long, même si Mutt ne peut pas le voir à travers son casque, quand Mutt lui demande si son paquet lui fait tant d’effet que ça. La question n’appelle évidemment pas de réponse, dans tous les cas. Il se contente d’un haussement d’épaules sans équivoque quand il suggère de ne pas le tripoter pendant tout le trajet. Comme s’il allait se gêner. Il ne peut quand même pas lui demander, décemment, qu’il colle son corps au sien toute la durée du trajet et que ses mains oublient d’être baladeuses, c’est humain, c’est tout.

Sans aucune idée de leur destination, Klaus s’accroche donc à Mutt – et oui, il a tendance à laisser traîner ses mains un peu partout à certains moments –, l’esprit léger mais aussi intrigué. Il n’a définitivement pas la moindre idée de l’endroit où Mutt a décidé de le conduire. Peut-être pourrait-il s’en faire une petite idée, c’est vrai, mais avec lui, il s’attend à tout… c’est-à-dire, vraiment à tout, au meilleur comme au pire, certainement parce que Mutt Jones possède cette capacité on ne peut plus remarquable d’être capable autant de l’un que de l’autre.

Il leur fait traverser la ville et s’éloigner de la civilisation, ça c’était plutôt attendu. Quand la moto s’arrête enfin, ils se trouvent au bord de la plage. Klaus retire son casque, l’instant d’après, les lèvres de Mutt se posent sur les siennes. La facilité avec laquelle il lui adresse ce genre de gestes d’affection lui plaisent terriblement. Il regrette seulement que ces marques d’affection, qui paraissent si naturelles dans des circonstances comme celles-ci, soient d’office oubliés sitôt qu’ils sont susceptible d’être vus. Il sait pourquoi, certes, mais…

Avec un sourire amusé, Klaus se prend au jeu et ferme les yeux quand Mutt le lui demande. Oui, c’est kitsch, mais Klaus aime bien ce qui est kitsch, lui. Surtout si ça doit être fait avec l’intention la plus sincère du monde. Alors il résiste à la tentation de tricher, et il se laisse guider, et ouvre les yeux à sa demande. Il ne savait pas à quoi il s’attendait, il avait trop été pris de court pour s’attendre à quoi que ce soit. Mais pas à ça. C’était… beaucoup. Il a loué cet endroit juste pour eux, et c’est magnifique, calme, reposant, romantique.

Mutt a pris le temps de tout mettre en place pour lui, pour eux, pour qu’ils puissent en profiter tous les deux. Il a fait tout ça pour lui… Personne n’a jamais rien fait de tel pour lui, jamais. Ses relations sentimentales réduites à peau de chagrin, ou plutôt à une histoire dramatique qui n’avait pas vraiment laissé de place à ce genre d’attentions romantiques, il est totalement pris de court. Qu’on puisse prendre le temps de faire ce genre de choses pour lui, que Mutt ait pris le temps de faire ça pour lui.

« Personne n’a jamais fait ce genre de choses pour moi… », remarque-t-il, presque plus pour lui-même qu’autre chose alors qu’il observe les lieux, sublimes. Après un moment de réalisation, alors que Mutt ajoute que ce soir, il peut absolument tout lui demander, Klaus le serre dans ses bras, sans doute un peu trop fort, avant de l’embrasser à pleine bouche. « C’est parfait, merci. »

Comme un gamin, il se précipite vers le bungalow d’un pas pressé et l’examine dans les moindres recoins, aussi excité qu’un gamin au pied du sapin un matin de Noël. Mutt essayait très certainement de se vendre en disant ça, mais il avait parfaitement raison. En tout cas, ce n’est pas Klaus qui va le contredire, certainement pas. C’est vrai que ça ressemble au paradis. Tout en traînant Mutt par le poignet, il visite les lieux, et il commence déjà à se dire que ça va forcément passer beaucoup trop vite.

« On fait quoi, d’abord ? On mange ? On trinque ? On teste le jacuzzi ? Oh je sais ! Qu’est-ce que t’as commandé ? Tu crois qu’on peut manger dans le jacuzzi ? »

Mutt voulait lui montrer à quel point il était important pour lui, et bien c’est réussi. Klaus ne s’est jamais senti à ce point important et valorisé, aux yeux de qui que ce soit, et ça lui fait un bien terrible, plus qu’il ne se le serait imaginé, tout comme lui fait du bien le fait de sentir que Mutt tient à ce point à lui. Il trouve bien des manières de le lui montrer, c’est un fait, mais son insistance à vouloir cacher leur relation fait qu’en effet, parfois, il peut en venir à s’interroger quant à l’importance qu’il a pour son petit ami. Enfin, clairement pas ici et maintenant. Mutt a fait des pieds et des mains pour lui, et Klaus se sent heureux, léger et sans doute beaucoup trop enthousiaste. Ils n’ont rien fait encore qu’il a déjà envie de décréter que c’est le meilleur anniversaire de toute sa vie, et il le pense très sincèrement. Klaus voit bien que son attitude fait doucement marrer Mutty, mais il s’en fiche. Il est heureux, alors il le montre.

Ceci dit, il faut sans doute qu’il se calme un petit peu, s’il en est capable. C’est sûr, ils vont pas pouvoir faire tout à la fois, mais déjà, trinquer, c’est un bon début. Il rejoignent la terrasse et Mutt débouche le champagne pour leur servir deux coupes. Alors, Mutt se risque à un toast un peu tordu, quand il lui fait remarquer que même s’il est le plus vieux des deux, vu son année de naissance, il pourrait techniquement être son grand-père. Ouais, c’est le genre de subtilités sur lesquelles il faut pas s’attarder. C’est comme réfléchir au vrai âge de Five, à faire ça trop longtemps, ça vous file des nœuds aux cerveaux. Avec tous les voyages spatio-temporels que Klaus a pu faire, et avant même de débarquer sur cette île bizarre, Klaus a appris à donner aux notions de temps et d’espace une valeur un chouias différente, on va dire. Donc ouais, il est d’accord, ils vont éviter ce genre de discussion, c’est sans doute pour le mieux.

« On s’en fout de qui est le plus vieux, dans tous les cas c’est moi le plus sage », assure Klaus d’un ton qui ne peut absolument pas être pris au sérieux tout en passant une main dans les cheveux de Mutt, l’autre faisant tinter son verre contre celui de son petit ami.

Verre qu’il ne tarde pas à vider, quasi d’un trait avant de lui faire remarquer qu’ils peuvent pas investir le jacuzzi tout habillés et que – oups – il a pas embarqué de maillots. Comme s’ils en auraient porté même s’ils en avaient toute une cargaison. Faut pas déconner. Puis, ça se prend vraiment autrement qu’à poil, un jacuzzi. Non, parce qu’il est pas au courant. Pas qu’il ait été dans beaucoup de jacuzzis dans sa vie, certes, mais les maillots ont été aux abonnés absents à chaque fois. Il s’affale sur une chaise, sans lâcher Mutt du regard une seule seconde.

« S’il faut vraiment se nourrir comme des gens civilisés, d’accord, je peux éventuellement un effort, mais t’es prévenu que j’attends pas le dessert pour te voir à poil, par contre. T’as prévu un dessert, pas vrai ? » Klaus reremplit sa coupe de champagne, qu’il a d’ores et déjà pris le soin de vider. « D’ailleurs, qu’est-ce qu’on mange, du coup ? »

Bon, en vrai, quand Klaus affirme qu’il est le plus sage des deux, il le pense pas spécialement… Il pense pas non plus qu’il soit le moins sage, cela dit… Il dirait plus tôt que s’ils se sont bien trouvés, c’est qu’en matière de connerie, y en a pas un pour rattraper l’autre… ce qui est pas forcément une bonne chose, cela dit, mais clairement, non, il le pense pas… Tout comme il n’aura sans doute jamais été sage de toute sa vie qu’aux yeux de ses fidèles, qui voyaient en lui un maître absolu pour des raisons qui continuent de lui échapper. Il pourrait peut-être débattre de la question mais ce serait un peu con, ou plutôt le meilleur moyen de mettre rapidement le feu aux poudres. C’est que maintenant, l’air de rien, ils se connaissent, et même s’ils sont capable de franchir très souvent les limtes, c’est moins qu’avant parce qu’ils ne connaissent pas ces limites. Davantage parce qu’ils décident orgueilleusement de les franchir – ce qui n’est pas franchement mieux on est bien d’accord.

Klaus la met quand même en veilleuse, il a envie de tout faire en même temps, mais il sait bien que c’est pas la bonne solution, que ce serait même la pire des solutions, en vérité. Parce qu’à force de vouloir se jeter sur tout en même temps, il va profiter de rien, et c’est sûr que ce serait dommage. Surtout qu’il voit bien que Mutt a mis du cœur à l’ouvrage, et même s’il lui a dit d’office qu’il voulait qu’il soit le roi de cette soirée, il comprend aussi que s’il ne se calme un peu, il va se retrouver avec un Mutty qui avait voulu bien faire et au final frustré. Il a envie que Mutt profite de cette soirée autant que lui… sans ça, son cadeau d’anniversaire n’aura finalement pas tant de sens que ça. Klaus se laisse donc servir, alléché par le repas que Mutt a commandé rien que pour eux.

« T’as super bien choisi, j’adore ça. Et ça a l’air super bon. » Pour illustrer son propos, il plante sa fourchette dans son assiette et s’en sert une première bouchée. « C’est super bon », dit-il en adressant un grand sourire à Mutt, pas juste pour lui faire plaisir, non, mais parce qu’il a su taper juste dans tous les domaines. Tout est absolument parfait, là, tout de suite, et il se sent particulièrement bien… Ce sentiment d’euphorie qui l’avait envahi au moment de découvrir l’endroit ne l’a pas encore déserté, mais il arrive quand même un peu plus à se canaliser… dans la mesure du possible. Son esprit fourmille déjà d’idées quant à toutes les possibilités qui s’offrent à eux. « Mais ça a dû te coûter une blinde, tout ça, non ? »

Un sujet qu’il serait sans doute préférable de passer sous silence, mais il ne peut pas s’empêcher de le mettre quand même sur le tapis. Tous les deux, ils ne parlent pas d’argent, ou rarement. Et pour toutes les raisons qu’ils ont déjà eu de se prendre le bec, le fait que Klaus soit littéralement un assisté et ne travaille pas n’en a – pour le moment – jamais fait partie. Mais c’est pas comme s’il pouvait faire mine de ne pas remarquer tout le mal qu’il se donne pour lui non plus. Klaus se marre de bon cœur quand le sujet des voisins est abordé, c’est sûr qu’il ne fait pas bon de vivre à côté d’eux, déjà de base mais encore plus ces derniers temps.

« Très bien alors, j’ai l’intention de faire encore plus de bruit que d’habitude. Et de t’en faire faire encore plus, aussi », ajoute-t-il dans un clin d’œil avant de porter sa coupe de champagne à ses lèvres.

Exit la petite remarque pour lui demander s’il avait quand même bien vérifié à combien de kilomètres étaient les voisins les plus proches histoire de soulager sa parano à l’idée qu’on les voie ensemble… Il se retient, vraiment d’aborder le sujet qui fâche mais qui lui tourne régulièrement dans la tête quand même.

« Va pour le cocktail made in Mutt, tu as titillé ma curiosité. »

Klaus ne quitte pas Mutt des yeux tandis que ce dernier retire tranquillement son T-shirt, comme si c’était la condition sine qua non à la préparation d’un bon cocktail. Alors, ça n’a jamais été prouvé nulle part, certes, mais ce n’est certainement pas Klaus qui ira l’empêcher, bien au contraire, même si, au final, Mutt doit s’éclipser à l’intérieur pour préparer sa peut-être décoction. Klaus hésite à le suivre à l’intérieur histoire de savourer le spectacle, mais au final, il préfère rester assis à sa place et se laisser servir. Les bras croisés dans son dos, il prend une grande inspiration et contemple la mer, si proche qu’il a l’impression de pouvoir la toucher. Le ciel prend cette couleur annonciatrice du coucher de soleil, et Klaus se surprend à se demander s’il a déjà vécu un moment aussi parfait que celui-là.

En fait, la réponse est d’une simplicité enfantine. Pas besoin d’y réfléchir, c’est juste un fait. Non, il a jamais vécu de moment plus parfait que celui-là. Il se sent parfaitement bien, il se sent à sa place, et il a l’impression que rien au monde ne pourra jamais le faire se sentir mieux qu’il ne l’est en cet instant. Mutt a juste réuni les conditions idéales. Mais… au-delà de ça, alors qu’il ferme les yeux une fraction de seconde, il se dit que juste ça, entendre Mutt siffloter gaiement dans la pièce d’à côté, sentir qu’il est heureux, c’est suffisant. Et il est bien, juste bien.

Klaus se marre doucement quand Mutt lui dépose son verre sous le nez en lui assurant que son cocktail déchire, et qu’il était déchiré au moment de le créer. On sous-estime trop, selon lui, les vertus de la biture. Pas que ça ait toujours que de bons aspects, n’empêche que lui aussi est d’avis que ses élans créatifs les plus aboutis et les plus remarquables, il les a eus en étant complètement déchiré et / ou défoncé. Pas difficile, assurera-t-on si l’on estime que Klaus est probablement plus souvent défoncé que l’inverse, mais passons, hein. Avant de goûter à son cocktail, il goûte aux lèvres de Mutt, et il en profite plus que largement. Voilà. Là c’est vraiment parfait.

« Attends », dit-il avant de tremper les lèvres dans son cocktail. Avant d’ajouter quoi que ce soit, il retire à son tour son T-shirt et l’envoie valdinguer au sol sans aucun souci d’où il pourra bien avoir atterri. « Je me sentais trop habillé par rapport à toi », assure-t-il avant de se concentrer sur la boisson en question. « Mais c’est une tuerie ! » déclare-t-il sans avoir l’impression d’exagérer sur le moment. « Si t’en as marre de réparer des moteurs, reconvertis-toi barman, tu ferais des ravages. Tu ferais ton petit numéro à la Tom Hanks dans Cocktail, hyper-sexy… Non laisse tomber, t’as jamais dû voir ce film, toi, non ? Va falloir qu’on remédie à ça, d’ailleurs. »

Il dit ça souvent de films que Klaus considère comme cultes et que Mutty n’a jamais pu regarder, mais tous les moments qu’ils passent devant la télé, ils ont rarement l’œil rivé sur l’écran, il faut quand même le dire. Il boit une nouvelle gorgée de son verre avant que ses lèvres ne retrouvent celles de Mutt. A ce stade, on pourrait se demander si elles n’étaient pas aimantées tant ils avaient du mal à se décoller l’un de l’autre.

« Enfin, si tu te décides à ne préparer tes cocktails que pour moi, ça me va aussi. »

N’allez pas vous imaginer que Klaus et Mutt soient incapables de tenir une vraie conversation sans se sauter dessus, c’est complètement faux, de même qu’ils sont tout à fait capables de finir leur repas avant de céder à leurs hormones. Il a bien fallu, dans le temps qu’a duré leur coloc avant qu’ils ne s’avouent leur attirance mutuelle (bon, dans le cas de Klaus, il l’a plus ou moins avouée d’entrée de jeu, mais on se comprend), qu’ils aient des choses à se dire. Seulement, bah… Il faut quand même admettre que le cadre est plutôt propice au laisser-aller, et que dans certaines circonstances, eh bien, c’est juste agréables de céder à son instinct. Puis, pourquoi se justifier, hein ? Ils sont beaux, ils sont jeunes, et ils sont pas là pour enfiler des perles non plus (en tout cas pas des perles).

« Tu sais pas qui est Tom Hanks… », répète Klaus d’un ton faussement sidéré en hochant la tête de gauche à droite comme si c’était bien là la pire chose qu’il pourrait jamais lui dire. « Toute une éducation à refaire », ajoute-t-il, continuant de jouer la carte de la fausse indignation.

Mais pas trop longtemps, parce que plutôt que de songer à leur futur visionnage d'un quelconque film concerné (dont ils verraient à tout casser les quinze premières minutes dans tous les cas), il préfère largement se focaliser sur la saveur des lèvres de Mutt contre les siennes. Et quoi ? C’est pas sa faute, quand même, si leurs lèvres ont l’air de s’aimanter, et ont tant de mal à se décoller l’une de l’autre. OK, le saumon, c’est excellent, et oui, le cocktail made in Mutt est délicieux, mais certainement pas autant que ces lèvres-là, pas autant que toutes les sensations qui l’envahissent chaque fois qu’il le sent tout contre lui. Et s’il devait envisager de rester sage, la tâche lui serait rendue presque impossible par la fougue que Mutt emploie à l’embrasser. Quand ils sont comme ça, c’est tout le reste qui se dissipe autour d’eux et devient presque flou, au point que le décor de rêve, si incroyable soit-il, s’estompe tout de même, et il n’y a plus que Mutt, et lui. Et c’est tellement bien.

Puis leurs lèvres se détachent l’une de l’autre un bref instant. Le jacuzzi. Mais oui, c’est vrai, le jacuzzi. Il ne faut pas longtemps à Klaus pour se débarrasser de ses vêtements et rejoindre Mutt dans l’eau. Il se retient de faire un plat monumental dans le jacuzzi uniquement parce qu’il a son cocktail à la main et qu’il ne veut pas gâcher celui de Mutt, qu’il a laissé sur le rebord. Alors c’est finalement tranquillement qu’il vient s’installer à côté de Mutt, le regard fixé sur le soleil couchant alors que le jeune homme lui fait remarquer qu’il n’a toujours pas dit ce qu’il voulait faire pour la soirée. Alors qu’il regarde le spectacle en face d’eux, qu’il se colle à Mutt pour le simple plaisir de sentir sa peau contre la sienne, il se dit qu’au final, il n’a pas vraiment besoin de plus. Il est heureux, là, tout de suite, et touché, aussi, de voir Mutt faire des pieds et des mains pour lui, comme si c’était nécessaire.

« Eh bien, je pensais qu’on pourrait finir tranquillement la soirée en faisant une partie de scrabble, si ça te dit ? Et après ça, si on a encore de l’énergie à revendre, on enchaîne avec un bridge », dit-il en détournant son regard du soleil couchant pour se positionner face à Mutt, déposer ses lèvres contre les siennes (oui, encore), puis au creux de son cou. « Sinon, je suis pas certain de me souvenir de tous les détails, et je suis à peu près sûr que tu t’en souviens encore moins que moi, mais on avait pas parlé de t’attacher au lit ? » Nouveau baiser avant de reprendre. « Tu plaisantes quand tu dis que t’as encore d’autres surprises, pas vrai ? Tu sais que t’en fais déjà beaucoup trop. Pas que je me plaigne. En plus je suis curieux, maintenant. »

En vérité, et même si ses paroles, ses actes, sa fébrilité naturelle peuvent certainement laisser penser le contraire, Klaus est du même avis que Mutt, il pourrait figer cet instant tout simple, où ils sont juste blottis l’un contre l’autre, dans l’eau du jacuzzi et face au soleil couchant, et il se sentirait pleinement satisfait. Il se sent bien, vraiment, et c’est dans un moment comme celui-ci qu’il réalise que ces instants de pur apaisement, où rien n’existe en dehors du plaisir simple d’être avec la personne qu’il aime, sont finalement rares.

Tous les aléas extérieurs parasitent naturellement, constamment une scène qui pourrait être autrement idyllique. Mais la soirée ne fait que commencer, et même s’ils sont experts en la matière quand il s’agit de faire virer un moment autrement exceptionnel au désastre, Klaus a envie de croire sincèrement que ce qui les attend sera encore plus agréable que ce qu’ils ont déjà amorcé – et pas parce qu’ils se seront engagés dans une partie de Monopoly enflammée.

Pour le reste, il suffit qu’ils fassent travailler leur imagination, et cette dernière s’enflamme particulièrement rapidement quand ils sont tous les deux, à plus forte raison quand ils se retrouvent tous les deux nus dans un bain à remous, littéralement collés l’un à l’autre, et plus encore s’ils doivent évoquer leurs éventuels ébats à venir.