En arrivant vers dix heures et demie pour le premier cours de sa matinée, Nolan Sorrento est d’une humeur massacrante. Ses yeux sont comme des lasers, scrutant les ballons en forme de cœur qui l’entourent dans les couloirs et sur le parking. Une furieuse envie d’en attraper un pour en taper sur l’autre brûle en lui comme un feu de forêt. L’expression sur visage est grave et livide. Quelques cernes de fatigue entourent ses yeux bleu océan, signe d’un lendemain de fête particulièrement éprouvant, autant sur le plan physique que moral. Les étudiants circulent librement autour de lui, groggy de leurs nuits d’amour ou de leurs désillusions. Ils hurlent et braillent comme des enfants en maternelle, apparemment excités comme des puces en s’échangeant leurs derniers chocolats. Ce brouhaha infernal lui donne des migraines et des nausées. Il soupçonne toutefois que ce soit dû aux verres d’alcool qu’il a ingurgité en se réveillant ce matin. Cette histoire va finir par le faire sombrer dans l’alcoolisme. Maudite Saint Valentin. Il repense à cette journée avec sa petite Valentine, Qi’ra Duskstar. Duskstar… Un autre nom est maintenant en mesure d’être accolé au sien. Sorrento. La matinée a été longue, très longue et surtout faite de cris et non-dits, ainsi que d’une bonne dose de gêne. Nolan est profondément troublé par les évènements de la veille. Ses aveux l’ont cloué, tout comme le fait de s’être agenouillé avec une bague dans le creux de sa main. Nolan n’en revient toujours pas. Il ne s’est jamais retrouvé dans une position de complète soumission devant une femme. Pourquoi faut-il que ce soit celle-là ? Il pense à récupérer une corde pour se pendre ou un couteau pour se taillader les veines, afin de ne plus entendre parler de prêtre, d’alliances et encore moins de mariage. Il repense à toutes ces choses, alors qu’il se trouve en amphithéâtre Condorcet, un micro en main et un livre d’histoire de droit dans l’autre. Il a eu la flemme de préparer un cours en ce lendemain de Saint Valentin. Nolan a simplement choisi le chemin de la facilité en récupérant un manuel de cours pour leur faire la lecture. En réalité, ce cours est une obligation pour lui. Nolan n'en a absolument rien à foutre. Il dicte les paragraphes d'une voix monotone en laissant ses pensées vagabonder vers les récents évènements. Il repense fortement à son mariage express dans le casino de l’Asgard. Ses mots sont nonchalants, vides de sens et ennuyants à mourir. Tous les étudiants semblent à deux doigts de plonger dans les bras de Morphée. Lui-même a l’air d’être au bord du suicide ou de la crise d’hystérie. Ses tempes le font souffrir, son cœur glacé joue aux montagnes russes depuis le début de la matinée et sa gorge est désespérément sèche. Sorrento est perturbé comme il ne l’a jamais été de toute son existence. C'est à cause d'elle. Il se sent retourné comme une pauvre crêpe un jour de Chandeleur. Est-il condamné à une vie… normale ? Plus de crimes, de chantages, de coucheries sans conséquences, de liberté absolue et totale ? Nolan grimace derrière son micro, face à ses étudiants, alors que ses pensées se bousculent sur une hypothétique vie commune avec Qi’ra. Il imagine des scènes de ménage, des disputes incessantes au sujet de la télécommande ou des tâches ménagères. Des questions importantes s’imposent à lui, alors qu’il aborde la thématique de la torture et de la place des juridictions civiles laïques au cours du Moyen-Âge à ses étudiants. Est-ce qu’elle cuisine au moins le risotto à la truffe noire du Périgord ? C’est quand même son plat préféré. Qu’importe, Nolan ne compte pas délaisser ses cours de cuisine, c’est une activité qui calme ses nerfs en fin de journée. Il se dévouera volontiers. Il estime même que personne d'autre que lui n’est capable de dresser un menu aussi exceptionnel. Est-ce qu’elle saura respecter ses méthodes particulières de rangement, notamment l’ordre chronologique des variétés de vins rouges composant sa cave personnelle ? Nolan est relativement maniaque. De plus, est-ce qu’elle prendra le soin de ne pas déboucher n’importe quelle bouteille à son insu ? Il a mis des décennies à se faire une collection de vins rares et exceptionnels. Cela risque bien de tourner à la scène de crime passionnelle. Quelle idée saugrenue de s’être marié le jour de la Saint Valentin ? Conneries. Il est tiraillé entre l'envie de lancer une procédure de divorce sur-le-champ et de laisser les choses... telles qu'elles sont entre eux.

Nolan est conservateur en raison de son éducation, et c’est principalement pour cette raison qu’il a toujours refusé de convoler avec qui que ce soit. Il est bien conscient de la force d’un engagement de ce calibre. Seul le mariage est capable de renverser ses bonnes vieilles habitudes. C’est l’une des rares institutions qui trouve une certaine grâce à ses yeux, elle doit même être respectée à la virgule près. Nolan refuse obstinément que quelqu’un vienne bouleverser ses habitudes. Nolan est un bon juriste. Il songe à un contrat pour eux afin que chacun n’empiète pas sur l’espace de l’autre, et que tous les deux puissent vivre pleinement cette expérience, en apprenant à se comprendre afin de vivre dans l’harmonie et la paix des ménages… Afin de rien du tout, ce sont des conneries que de penser qu’on peut vivre comme un couple marié, grogne-t-il dans sa tête en refermant brutalement son manuel d’histoire du droit. Décidément, Qi’ra a tapé un peu trop fort avec son satané philtre. Nolan ne s’est toujours pas remis de ses émotions. Est-il vraiment en train d’envisager la vie d’un homme marié sous l’impulsion d’une tentative réussie d’empoisonnement ? Ce qu’il doit faire, c’est de porter plainte contre Qi’ra pour empoisonnement et extorsion de fonds. Oui, c’est bien mieux. C’est une idée à envisager, pense-t-il ensuite en gigotant doucement sa tête en approbation avec lui-même. Qi’ra Duskstar a beau nier de toutes ses forces, Nolan est persuadé qu’elle est responsable de cette abominable mascarade. Après tout, Nolan est fortuné, socialement admiré et carrément beau gosse. Comment ne pas vouloir être sa femme ? Elle me veut, elles me veulent toutes. (LES CHEVILLES !) Elle a sans doute jeté quelque chose dans son verre afin de développer chez lui un état de confusion intense au point de lui faire mettre un genou au sol. Qi’ra en veut à son argent, comme elles le font toutes. Elle est exactement comme toutes les femmes, pense-t-il rageusement, c’est qu’il a vaguement espéré qu’elle puisse être différente de toutes celles qui désirent lui mettre le grappin dessus pour son portefeuille d’actions. Très bien. C’est vraiment ce qu’elle veut ? Puisqu’elle insiste tant pour être sa femme, c’est ce qu’elle sera. Nolan a beau retourner son mariage dans tous les sens, il refuse de perdre le moindre million de dollars dans cette affaire. Il refuse de se ruiner dans une procédure longue et coûteuse au vu de leurs nombreux désaccords, d’autant plus qu’en divorçant, faute de contrat prénuptial, elle hérite de la moitié de son patrimoine et de ses actions. Il ne peut concevoir un véritable braquage de son compte en banque et de ses comptes offshores. Il ne compte pas même dépenser un centime pour requérir le conseil d’un avocat spécialisé. Autant rester mariés, c’est très bien comme cela. Le fait d’être marié à une beauté fatale comme Qi’ra Duskstar lui convient parfaitement. Son égo est flatté, même boosté à un point inimaginable. Il est celui qui possède l’inaccessible, ce qu’est la fougueuse Qi’ra Duskstar, ou plutôt, Qi’ra Sorrento. Cela sonne incroyablement juste. Elle est comme née pour porter son nom.

Sorrento ponctue son cours magistral par des explications et des soupirs agacés. Il est physiquement présent auprès de ses étudiants, mais son esprit est loin, même très loin. Qi’ra Sorrento. Qi’ra est sa femme, sa première femme. Un sourire furtif se dessine sur ses lèvres pendant un court instant, chaque fois qu’il repense à cette dernière phrase, avant de se dissiper dans un brusque retour à la réalité. Depuis quand ses déboires l’amusent au point de laisser échapper un sourire ? Niais, de surcroît. Qu’est-ce qui ne va pas dans son cerveau, ses neurones se sont-ils une seconde fois court-circuités ensemble ? Ses étudiants l’accommodent, ils l’empêchent de rêvasser paisiblement au fait d’être fraîchement marié. Dire qu’il a manqué sa lune de miel pour se retrouver à moisir dans un amphithéâtre obscur et mal éclairé, entouré de gamins qui le dévisagent avec des yeux gros comme des soucoupes. Quels demeurés, marmonne-t-il pour lui-même. Nolan Sorrento est de très, très mauvaise humeur ce matin, et ce sont ses étudiants qui subiront ses foudres. On l’a empoisonné et une tête doit tomber pour cette offense. On a mis une drogue hallucinogène dans son verre. Certainement une drogue dure, compte tenu les nœuds au cerveau qui l’assiègent encore depuis son réveil. Sa vie conjugale se fera selon ses propres règles. Ce qui le chiffonne, en revanche, c’est le fait qu’elle soit extrêmement volatile, tout comme lui, mais il s’autorise cette excentricité parce qu’il est l’homme de la situation. Elle, en revanche, elle est la femme du doyen. La femme d’un doyen est une femme qui ne crapahute pas dans les bois avec n’importe quel demeuré. Il ignore encore comment se positionner sur la fidélité au sein de leur mariage, mais c’est en tout cas quelque chose qui est loin de lui plaire. Elle ne lui sera pas fidèle, Nolan en a bien conscience, et c’est justement ce qui le met dans une colère noire. Il a l’impression qu’on se fout tout simplement de sa gueule. En plus de profiter de son temps et de son argent, elle compte détruire sa réputation parfaite. Que vont penser ses étudiants en apprenant que sa femme s’envoie en l’air tous les quatre matins avec n’importe qui ? Elle est sa femme et elle porte son nom. Il faut dire que le fait de s’être marié le jour de la Saint Valentin a bien amusé la galerie, alors autant ne pas en rajouter une nouvelle couche en termes d’humiliation. Nolan sent bien que toutes ces têtes ahuries le dévisagent moqueusement, pendant qu’il leur fait la lecture. Il lit sur leurs visages qu’ils sont loin d’ignorer les derniers scandales du campus universitaire. Ils s’échangent même des messages sur son triste sort, Nolan en a par ailleurs lu quelques-uns au passage, après avoir intercepté ces échanges en s’emparant de leurs téléphones portables. Est-il condamné à jouer au méchant flic pendant toute l’année universitaire qui s’annonce ? S’il y a bien une chose que Sorrento déteste plus que les gosses, ce sont les membres des forces de l’ordre. Ces putains de flics et de fédéraux.

Alors qu’il se lance dans une comparaison sordide entre les moyens de torture de l’époque et d’aujourd’hui autour de la notion de justice privée, un détail vient interrompre la chute de son anecdote. Un bruit sourd, celui d’un visage qui s’effondre sur le dessus de sa table. Vers les dernières rangées de l’amphithéâtre, Sorrento remarque le visage bien familier du fils de l’un de ses collègues. Lui, encore lui. Toujours le même. Encore ce satané Jones. Encore à faire le pitre au lieu d’éduquer son cerveau en restant parfaitement calme. Nolan souffle bruyamment un cours magistral d’une heure sur l’histoire du droit. Ce n’est pas surprenant, Nolan a remarqué discrètement l’inattention de Jones depuis le début du cours. Chose surprenante, il a préféré faire abstraction de ces enfantillages. Quelle idée de l’avoir inscrit de force à cette option. Nolan a cru au machiavélisme de son idée. Mais finalement, cela l’agace plus que cela ne l’amuse. Une fois, deux fois, trois fois… non. Il n’y aura pas de troisième fois. Nolan préfère interrompre son débit de parole. Ses lèvres se retroussent en une moue boudeuse. Il donne un violent coup de micro contre le bois de son bureau, ce qui déclenche un tonnerre de grésillements et de protestations de la part de ses étudiants. Nolan n’en a cure. Il semble obsédé par les provocations de Mutt Jones. Un bien étrange fantasme occupe son esprit encore embrouillé par les évènements de la veille, c’est de voir ses détracteurs se mettre à trembler comme des feuilles mortes devant lui. Mutt Jones est un étudiant rebelle qui aime sortir du cadre des règles de l’université ou simplement de la société. Il incarne les pires stéréotypes des étudiants rock’n’roll avec leur chewing-gum en bouche et leurs lunettes de soleil en plein amphithéâtre. Tout ce que Nolan Sorrento déteste voir dans les couloirs de son université.

« Restez avec nous, monsieur Jones. » raille-t-il alors que ses lèvres minces se courbent en un sourire narquois. « Je sais bien que vous avez certainement dû faire la tournée des bars en quête d’un quelconque Valentin… mais la fête est terminée et vous avez manqué le coche. Vous vous rattraperez l’an prochain. » Fier de sa petite plaisanterie, Nolan est incapable de contenir un ricanement. D’autres étudiants, ses plus fidèles admirateurs soi-dit en passant, se mettent à glousser en réponse aux propos du doyen. Les têtes qui se trouvent au premier rang se retournent spontanément sur Mutt Jones. « Où en étais-je… » murmure-t-il en déambulant sur l’estrade, une main dans la poche et l’autre bien accrochée à son micro. « Vous en étiez aux conflits intrafamiliaux monsieur le Doyen. » renchérit sa fanatique située au premier rang. Nolan acquiesce d’un signe de tête, en poussant un long soupir de soulagement. Monsieur le Doyen… Nolan adore qu’on l’appelle par son titre universitaire, encore plus que l’habituel et commun Monsieur Sorrento. Il lui offre en réponse un clin d’œil bien appuyé, ce qui ne manque pas de la faire glousser. Ah, les premiers émois des jeunes adultes. Tant d’innocence et d’étoiles qui brillent dans leurs grands yeux expressifs. Terriblement excitant. Nolan reprend donc son histoire, avant qu’une voix détestablement familière ne fasse écho à ses explications. Nolan cesse presque instantanément de faire les cent pas en bas de l’amphithéâtre. Encore lui, pense-t-il. Ces petits actes de rébellion lui font grimper la tension. Heureusement que ses derniers examens cardiaques se sont avérés positifs. Nolan semble excédé d’être une seconde fois interrompu au beau milieu de la fin de son histoire, lui qui recherche désespérément l’attention de ses étudiants autour de sa personne. Mutt Jones aime le pousser dans ses derniers retranchements. Mutt Jones. Non, mais franchement, c’est quoi ce prénom ? Ses parents étaient complètement bourrés le jour de sa naissance ? pense-t-il rageusement en tournant les pages de son manuel de cours jusqu’au chapitre qui l’intéresse. Mutt Jones représente tout ce que Nolan Sorrento méprise par-dessus tout chez les adolescents et les jeunes adultes. Ce n’est qu’un foutu gosse en manque d’attention et éduqué de manière douteuse. Si Mutt Jones avait été son propre enfant, Nolan se serait personnellement occupé de redresser son comportement en l’envoyant dans un pensionnat en Suisse ou dans une académie militaire quelque part en Allemagne. Malheureusement ou heureusement pour lui, Mutt Jones n’est pas son fils. Dieu merci. La vie lui a épargné l’amère déception d’être père d’un enfant. Sans doute qu’en avoir un aurait été un véritable calvaire et qu’il aurait été une source de déception immense et de regrets. Il serait même devenu alcoolique en voulant noyer son désespoir dans le vin. Nolan n’envisage pas d’avoir un gamin de sitôt, un malheur à la fois.

Cette fois-ci, ce satané Jones l’a poussé un peu trop loin. Il lui vient soudainement une brillante idée, celle de mettre toute sa promotion sur son dos. « Le cours est terminé. Je le considère comme acquis de votre part à tous et à toutes. Vous remercierez votre camarade, monsieur Mutt Jones, pour cela. Je vous retrouve au partiel. » déclare-t-il d’une voix traînante et suffisamment forte pour se faire entendre jusqu’au fond de l’amphithéâtre. « Je ne veux entendre aucune protestation. » Aussitôt après, l’amphithéâtre se mua en un brouhaha ambiant. Sorrento soupira longuement, à deux doigts de péter un plomb. « Mais… Monsieur Sorrent— » proteste l’un des étudiants du premier rang, un cliché des premiers de la classe avec lunettes rondes et des cheveux impeccablement coiffés. « Je ne veux entendre ni pleurnicherie ni protestation. » Nolan coupe sans plus attendre l’étudiant dans la formation de sa phrase. Il lève sa main dans sa direction, et brasse rapidement l’air comme pour lui dire non.

« J’en connais un qui a passé une bonne Saint Valentin… » murmure un autre étudiant au deuxième rang. « Tu parles, mal baisé oui… » renchérit son voisin, visiblement maussade. « Tu ne connais pas la nouvelle ? Le doyen s’est marié hier ! C’est un putain de canon ! » s’exclame une étudiante, surexcitée. « Il la paie en espèces ou par virement bancaire ? » se moque celui qui se trouve au-dessus d’eux, au niveau du troisième rang. « Espèce de con ! C’est pas une pute ! » proteste l’étudiante en fronçant les sourcils. Sorrento les observent silencieusement pendant qu’ils s’excitent entre eux, avec une expression presque indéchiffrable sur le visage. Il se sent vraiment las de devoir supporter ces satanés gamins. Un murmure suffisamment audible venant du premier rang achève ses derniers scrupules. Ses yeux s’assombrissent en direction des étudiants apparemment suicidaires. Sous le coup de ce regard brûlant, ils se mettent tous à s’enfoncer dans leurs chaises, pendant que leurs joues prennent une jolie couleur rouge cramoisi.

« Je ne veux entendre aucun commentaire de votre part et encore moins lire quoi que ce soit sur mon compte Twitter ! » prévient-il en refermant sa veste précipitamment. Son Twitter a fait le tour de l’université ces derniers mois, Nolan en a plus qu’assez de leur répondre et de pister leurs adresses IP afin de les retrouver. Il éprouve le tic compulsif de toucher ses boutons. Un moyen comme un autre de dissiper cette nervosité grandissante. Trop de choses polluent son esprit. Il déteste devoir penser à une femme. « Déguerpissez tous. » Il balance ensuite les trois téléphones portables confisqués au début du cours dans les mains des étudiants concernés. Non loin d’eux, une main levée attire son attention. Il dévisage longuement l’étudiante qui essaie d’obtenir son droit à la parole. Qu’est-ce qu’elle me veut encore celle-là ? Son visage affiche une moue sidérée. Non, mais… C’est pas vrai. En plus d’être entouré de débiles mentaux, voilà que j’enseigne maintenant à des sourds… Sorrento reste silencieux quelques secondes. Il marmonne entre ses dents un « Oui ? » forcé et traînant. « Moi aussi monsieur Sorrento ? » Nolan s’impatiente. « J’ai dit tout le monde ! » aboie-t-il en agitant la main qui tient le micro. D’où est-ce qu’elle sort cette conne ?

Pendant que tous les étudiants de l’amphithéâtre se précipitent vers la sortie, sans résistance, Sorrento les esquivent jusqu’à se positionner au centre de la pièce. Il se tient debout, droit comme un I, au milieu de l’amphithéâtre. Nolan observe le jeune Mutt Jones au loin, et décide de faire acte d’autorité pour le ramener sur le droit chemin (faut bien espérer dans la vie). « Jones, descendez. Dans mon bureau. Maintenant. » ordonne-t-il en claquant des doigts pour lui signifier de descendre sur-le-champ. Un geste lourd en signification, puisqu’il en profite pour marquer son territoire. Autant lui pisser dessus, cela revient finalement à quelque chose de similaire. Nolan le dévisage, menton fièrement levé, sans sourciller. Cette fois, s’en est terminé de ces petits jeux du chat et de la souris. Le gros chat va dévorer la petite souris, il va n’en faire qu’une seule bouchée. Nolan arbore une mine grave, ceux qui le connaissent suffisamment bien en déduiront qu’il fait sa tête des mauvais jours. Lorsque l’on repense aux évènements de la veille, il y a de quoi tirer une tête de dix pieds de long. Sa Saint Valentin… Quelle ironie, quand on y pense. Nolan grimace intérieurement au simple fait de commencer sa phrase par le mot ‘Saint Valentin…’. Fête absurde. Concept dépassé. Passons. Sa Saint Valentin s’est déroulée et s’est achevée dans un capharnaüm de choix incohérents. Nolan balaie une fois encore ces pensées qui polluent son esprit et l’empêchent de se concentrer sur sa tête de turc préférée. Mutt Jones. Il doit rester parfaitement concentré et serein dans les minutes qui vont suivre, aucun faux-pas ne lui sera épargné. Nolan ne peut paraître… absent ou tracassé. Il ne se laisse tracasser par rien au monde. Et encore moins un semblant de vie sentimentale qui n’en est pas une.

« Allons. Vous connaissez bien le chemin, depuis le temps, Jones. » renchérit-il en croisant les bras contre sa poitrine. Il en profite pour caresser le tissu luxueux de sa veste de costume. Ce matin, Nolan a opté pour un costume bleu marine. Une couleur mettant en valeur la teinte bleu océan de ses yeux. Inutile qu’on le complimente sur ce point. Sorrento est bien conscient d’être un homme de goût. Il tapote nerveusement ses avant-bras du bout de ses doigts en attendant que son étudiant se décide à franchir les derniers centimètres qui les séparent. Il le fait exprès, c’est obligé. Nolan n’envisage pas que cela puisse être autre chose qu’une tentative de provocation. Mutt Jones a toujours eu le talent pour le faire sortir de ses gonds. Mutt fréquente assidument les murs de son bureau depuis des années, il est sans cesse réprimandé, sanctionné et renvoyé. Nolan fait brutalement volte-face, lorsque le jeune étudiant est au même niveau que lui. Il le jauge durement de haut en bas, avant de décroiser les bras et de se diriger vers les portes de l’amphithéâtre d’un pas conquérant et rapide. Mutt et Nolan se dirigent ensuite dans les couloirs de l’université jusqu’au troisième étage, lieu sacro-saint de l’établissement et connu par tous les étudiants comme le "couloir de la mort" ou simplement le couloir de l’administration et du personnel enseignant.

Une fois dans son bureau, Sorrento se précipite jusqu’à la chaise installée face à son imposant bureau. Il tapote énergiquement le dossier pour encourager Jones à s’installer. Pendant ce temps, Nolan contourne son bureau en chêne massif, élégamment vernis et sculpté. Il prend place dans son fauteuil en cuir en poussant un soupir d’exaspération. On lit enfin les véritables sentiments qui le traversent : l’énervement, l’impatience et la sensation de déjà-vu. « Monsieur Jones. Vous êtes un étudiant avec de bonnes notes, dites-moi donc ce qui vous octroie le privilège de vous endormir pendant mon cours magistral ? » Voilà ce qui le met actuellement hors de lui. Nolan insiste lourdement sur le pronom possessif afin d’apporter une touche dramatique à sa phrase. « J’attends de vous une explication qui sorte de l’ordinaire, et elle doit être susceptible d’appeler ma clémence. » Il plonge ensuite son regard dans le sien, en s’enfonçant dans le cuir moelleux de son fauteuil de doyen. C’est vraiment le pied. Nolan est bien trop familier au luxe pour prendre le risque de diviser son patrimoine dans une procédure de divorce. Ses pensées dérivent inévitablement vers sa situation personnelle critique, alors qu’il fait tout pour éluder cette partie de sa vie au moins jusqu’à la fin de la journée. Peine perdue, les images du mariage, et notamment le visage de Qi’ra s’imposent dans son esprit tourmenté. Nolan pèse longuement le pour et le contre, mais sa décision est déjà prise. Ce n'est vraiment pas la bonne journée pour traiter d’affaires aussi… complexes que celle de Mutt Jones. Pour l’une des rares fois de sa vie, Nolan perd le contrôle du flux de ses pensées et de ses priorités. Il ne pense qu’à son mariage et à cette foutue lune de miel avortée. Il ne pense qu’au fait que leur discussion est restée en suspens. Nolan profite de ces courtes secondes de silence pour s’emparer de l’un de ses stylos plumes, qu’il débouchonne et rebouchonne dans une répétition agaçante. Un besoin compulsif. Il lui faut triturer un objet quelconque pour se calmer les nerfs. Il reporte ensuite son attention sur le meilleur étudiant de sa promotion, qui s’avère également le plus incontrôlable. Que va-t-il donc lui inventer encore pour se tirer de cette situation ? « Je vous écoute avec attention. » Son timbre de voix est grave, l'expression de son visage est fermée avec ses sourcils froncés. La colère gronde. Mutt Jones a bien intérêt à se tenir à carreaux, cette fois-ci.

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Henry Jones est loin d’être heureux de se trouver dans le bureau spacieux du doyen. Sorrento s’en doute, au vu du tempérament du jeune étudiant. Il ne réagit toutefois pas en entendant Jones soupirer bruyamment en prenant place face à lui. Nolan reste confortablement installé dans son fauteuil en cuir. Il renforce son appui en posant ses avant-bras sur les accoudoirs, en joignant ses mains l’une contre l’autre, tandis que ses doigts comblent les espaces qui se trouvent entre eux. Nolan se sent encore une fois dans l’obligation de serrer les vis avec le fils Jones. Ce n’est pas comme si sermonner de jeunes étudiants récalcitrants lui pose une réelle difficulté. Ce ne sont que des rats des champs qui errent dans les couloirs de sa prestigieuse université, qui pompent son précieux temps et son air dans le but de le rendre complètement dingue. Comme s’ils espèrent le voir débarquer au service psychiatrie de l’hôpital le plus proche. Ils ne gagneront toutefois contre lui, sa détermination est sans faille. Nolan compte faire de cette université le théâtre de sa propre doctrine de vie. Nolan a souvent l’impression de gravir une montagne imprenable. Bien que les obstacles s’accumulent au fil des années, autant du côté des étudiants, des investisseurs que de ses collègues, le doyen Sorrento ne désespère pas.

Nolan Sorrento est tellement absorbé par les explications de l’étudiant qu’il en perd momentanément le fil de ses pensées. Elles sont difficilement convaincantes et tout ce que Nolan retient d’elles, c’est que Jones s’enlise profondément dans les ennuis avec ses provocations. Encore et toujours les mêmes. Il en arrive presque à oublier son mariage avec Qi’ra Duskstar, pour un court laps de temps. Presque. Nolan s’est pourtant montré particulièrement indulgent avec le fils Jones en se retenant de le sermonner dans son cours magistral au sujet du port de ses lunettes en plein amphithéâtre ou de ses soupirs bruyants. Nolan est un vieux lion. Il est attaché au prestige que lui octroie sa fonction et principalement au respect que ses pairs ou que les plus jeunes lui doivent. Mutt Jones semble se moque complètement des règles de bienséance. Nolan traque à la manière d’un chasseur expérimenté le fils Jones en espérant tomber sur l’erreur qui lui permettra de mettre un point définitif à ses études universitaires. Nolan aime chasser. Mutt n’est pas qu’un étudiant lambda pour lui, il revêt toutes les caractéristiques d’un sanglier farouche et rare. Sorrento se jure d’avoir sa peau, un jour ou l’autre, et cette fois-ci, Jones aura beau se confondre en excuses, cela ne changera rien à sa décision finale. Personne ne sera en mesure de l’empêcher de renvoyer Henry Jones de son université. Aucun thérapeute, aucun membre du conseil d’administration. Personne. Nolan sera le seul et unique maître décisionnaire. On est loin d’être en monarchie, mais Sorrento est attaché à sa toute-puissance infantile. Mutt vient tout simplement de se jeter dans la fosse aux lions.

« Je vous demande pardon ? » rétorque-t-il gravement au bout de la première tirade du fils Jones. Il manque à sa promesse de laisser son étudiant aller au bout de ses explications sans l’interrompre. Nolan est incapable d’attendre la suite pour commencer à rouler les yeux au ciel et à sentir son rythme cardiaque s’accélérer. C’est une blague. Non mais… C’est encore le fruit d’un produit hallucinogène ? Oui, c’est cela, c’est une putain de blague. Il est en train de se foutre de ma putain de gueule. Quelques secondes plus tard, Jones libère le diable en lui. Cette plaisanterie sur l’étudiante lui faisant les yeux doux en plein cours magistral vient de passer littéralement à la trappe, bien que Nolan se soit senti à deux doigts de le reprendre sur le caractère vulgaire de ses propos. « Mon cours est inutile, vraiment ? » répète-t-il en serrant fortement les dents. J’hallucine. Ses lèvres sont closes et courbées en une moue boudeuse. Inutile, a-t-il dit. Mon cours est inutile. Il répète inlassablement cette phrase dans sa tête, incapable de réaliser ce qu’il vient tout juste d’entendre avant de bonnes minutes. Ses yeux semblent inexpressifs, mais en y regardant de plus près, on distingue des éclairs dans ses prunelles bleu océan. Ses yeux sont comme des rayons laser, butant sur la même cible depuis le début de la confrontation. Espèce de petit con. Ce gosse est en train de le faire planer, il essaie de le faire sortir de ses gonds. Tu vas voir ce que je vais te faire. Jones ne gagnera pas. Nolan ne lui fera pas le plaisir d’un AVC cérébral ou cardiaque. Il est persuadé d’être encore sous l’emprise d’une quelconque drogue. Si ce n’est pas le cas, c’est que Mutt Jones a décidé de lui faire une blague. Tu vas le sentir passer. Pendant une seconde, Nolan lève les yeux vers le plafond en espérant découvrir une caméra cachée quelque part. Malheureusement, l’architecture de son bureau ne laisse pas de place à ce genre de fantaisie. On est en plein délire, là. C’est la cinquième dimension. Ce que lui balance le fils Jones est loin d’être sans conséquences. Si pendant un instant, Nolan a pensé être capable d’une certaine forme de clémence… cette possibilité vient de s’évaporer comme par magie. Cette arrogance qui s’échappe de sa personne, sa façon désinvolte de se tenir dans le bureau du doyen, la vulgarité qui ressort à chacune de ses phrases… « Vous vous trouvez sur un sentier bien dangereux, et je vous laisse imaginer où celui-ci va nous conduire… » murmure-t-il entre deux phrases de l’étudiant. Nolan compte intérieurement le nombre de points qui le dérangent profondément chez Mutt. Les doigts de la main ne suffisent clairement pas, il convient mieux de rédiger une liste aussi longue que le bras.

Nolan fronce ensuite les sourcils, tandis qu’une aura dangereuse commence à émaner de lui. Est-ce qu’il se vient littéralement de mettre deux pieds dans la tombe ? « Toutes mes félicitations. » dit-il sur un ton expéditif, ce qui marque une certaine désinvolture. Nolan balaie cette information du revers de la main en se refusant de donner de l’importance aux vies amoureuses de ses étudiants. Il ne désire pas s’investir émotionnellement dans leurs petites romances de jeunesse. Nolan est déjà suffisamment préoccupé par les siennes. Il est encore sous le choc des aveux de Jones. Il peine à se remettre de l’idée que son étudiant s’imagine que l’épanouissement de sa vie sexuelle lui confère tous les droits. Non mais… On est tombé sur la tête ? Jones ne semble même pas avoir honte de ses paroles. A-t-il bien conscience de la personne qui se trouve juste sous ses yeux ? Est-ce qu’il pense sérieusement que Nolan a quelque chose à foutre de sa vie sentimentale ? Sérieusement ? Nolan crie et hurle intérieurement, mais il demeure aussi stoïque qu’une statue de cire. On aperçoit toutefois certains rictus entre deux rides, au niveau du coin de ses yeux ou de sa bouche. Nolan dégaine des trésors de résistance psychique pour ne pas exploser comme une putain de bombe à retardement. L’expression de son visage est presque glaciale. Nolan ne semble absolument pas trouver les paroles du fils Jones aussi horripilantes que lui. Sorrento reste silencieux pendant quelques secondes afin de digérer l’impertinence du jeune Henry Jones. Il fronce ensuite les sourcils, en cherchant par où débuter ses sermons moralisateurs. Jones cumule les bourdes et les incivilités depuis son entrée au sein de l’université. Ce n’est pas un euphémisme que de dire que Nolan Sorrento méprise profondément ce gosse. Il a essayé de renvoyer Jones un nombre incalculable de fois, mais à la manière d’une véritable sangsue, ce gamin est encore et toujours sur son chemin. A défaut de ne pouvoir mater les excès de son tempérament, Nolan espère se débarrasser pour de bon du fils Jones.

« Je conçois fort bien les difficultés de votre vie personnelle, monsieur Jones. » Nolan s’exprime avec un cynisme déconcertant, laissant croire à une forme de sincérité, alors qu’il n’en est rien. Il répond de sa voix traînante, étonnamment calme au vu de sa frustration qui menace d’atteindre son paroxysme. Ses veines bouillonnent dangereusement de colère, l’une de ses mains se crispe contre le bord du bureau en chêne massif, ses phalanges blanchissent au fur et à mesure que ses doigts se resserrent contre le capuchon de son stylo. Il fantasme longuement sur la possibilité que ce capuchon soit le visage d’Henry Jones. Une fraction de seconde plus tard, Sorrento donne un coup brusque sur le stylo à l’aide de son pouce, ce qui projette l’objet sur un coin de la table. Nolan semble être curieusement indifférent au sort de ses biens personnels. L’énervement est tel, qu’une tension flotte dans l’air progressivement entre eux. Sorrento a du mal à dissimuler son envie de tout bazarder d’un mouvement de bras. Il regrette qu’il n’existe pas de gigantesque bouton rouge pouvant mettre un terme à tous ses problèmes. Menton en l’air en signe de supériorité, les lèvres closes et fendues en un sourire inversé, Nolan observe son interlocuteur avec un air méprisant sur le visage. Il dévoile toute l’arrogance dont lui-même est capable en réponse à celle du jeune Jones. Il se sent prêt à tout, notamment à promouvoir certains aspects de la violence. Il faut savoir que Nolan n’aime pas être violent, il dispose pour cela de personnes tâchées de s’occuper de ce genre de besognes. Mais pour le fils Jones, Nolan compte faire les choses lui-même. Qu’importe s’il lui faut retourner dans la cellule miteuse d’un pénitencier quelconque.

« Vous avez terminé ? » se risque-t-il, feignant la courtoisie. Nolan garde le menton levé, révulsé par une odeur imaginaire, comme du fromage, qui se trouve juste sous son nez. « Bien. » Nolan reprend avec une certaine ironie dans le son de sa voix. Il jauge son interlocuteur de haut en bas quelques secondes, avant de reprendre la parole, en considérant que son tour de parole est enfin arrivé. Il prend un air ennuyé en réponse aux justifications de l’étudiant. « Je vous trouve bien audacieux de jouer à ces petits jeux avec moi, monsieur Jones. » souffle-t-il d’une voix aussi froide qu’un courant d’air. « Contrairement à ce que vous croyez, vos camarades montrent un intérêt intense et profond pour la matière que j’enseigne, et non pas pour un quelconque batifolage. » Nolan refuse de l’admettre, mais Jones ne se trompe pas sur le cas de certaines étudiantes, notamment celle de son séminaire d’histoire du droit. La fille du premier rang mentionnée par Jones est tristement connu. Loin d’être un modèle d’être aussi pure qu’elle le prétend aux yeux des autres. Une fanatique, sexuellement dépravée. Toutes ces étudiantes sont déchaînées, prêtes à tout pour arriver en tête des classements. Elles sont beaucoup trop jeunes pour lui. Jusqu’à preuve du contraire, le doyen Sorrento n’est pas encore devenu pédophile. « Ne vous étonnez pas que vos camarades vous briment, si vous en faites de même. Ne savez-vous pas que la surenchère est contre-productive ? Soyez simplement au-dessus d’eux. » Nolan le regarde d’un air sévère, il est partagé entre l’inquiétude et l’agacement. « Comme vous le faites justement remarquer, vous n’êtes pas mon genre. » claque-t-il en se réinstallant quelque peu dans son fauteuil en cuir. Nolan préfère les poitrines opulentes. Nolan n’est plus d’humeur à s’amuser avec lui. Jones en a suffisamment balancé pour abattre les derniers scrupules du doyen. « Quant à ma vie maritale… Eh bien, monsieur Jones, elle ne vous concerne en aucune façon. » grogne-t-il. « Sachez simplement que… nos nuits ont certainement été similaires, mais nous avons tous les deux pris des décisions différentes. La mienne s’est avérée la meilleure d’entre toutes. Regardez-moi, prêt à répondre à mes obligations professionnelles. Vous n’avez aucune excuse pour qu’il n’en soit pas autrement. Je suis la preuve que les deux choix sont possibles. » Alors là, c’est simplement un sketch. Nolan se sent obligé de répondre sur quelque chose d’extrêmement intime. S’en est trop pour lui. Ce sujet est vraiment le sujet de trop. Qu’est-ce qui le pousse tant que cela à lui répondre, d’ailleurs ? Pourquoi ne pas éluder comme à son habitude les provocations d’Henry Jones ? Sans doute parce que c’est une question de fierté masculine. Il doit avoir la meilleure virilité des deux. Entre le vieux et le jeune lion, c’est l’expérimenté qui doit avoir raison, et le plus jeune doit tout simplement s’effacer. Sans doute aussi que c’est un sujet qui le touche trop personnellement pour qu’il fasse semblant de l’ignorer. Son mariage est la risée des bancs de l’université et c’est quelque chose qui le blesse. Il prétend que rien n’est capable de le blesser, lui Nolan Sorrento, mais ce n’est qu’un foutu mensonge. Nolan est dans une situation de déni absolu. Il a envie de répondre et de le clouer sur place, il désire remporter cette manche, il veut avoir la meilleure putain de nuit torride. Il veut être celui qui est le plus chanceux. Il se trouve même à deux doigts de vanter les mérites de coucher avec une femme plus jeune. Cette histoire entre eux dépasse le cadre enseignant et étudiant, elle est devenue personnelle. Nolan n’en prend conscience que maintenant. « Comme toujours depuis votre entrée dans mon université, monsieur Jones, vous prenez encore et toujours la mauvaise décision. » Sa voix est grave et rauque. Elle ne laisse place à aucune compassion. Elle tranche comme la lame d’acier d’un couteau. « A croire que vous adorez vous trouver dans mon bureau. » Nolan est excédé de répéter les mêmes choses sans qu’elles ne soient suivies d’une amélioration significative. « Que vais-je donc faire de vous ? » Une question laissée sans réponse, Nolan ignore comment résoudre cette périlleuse équation. Jones possède quelques alliés au sein de l’université, au grand damne de Nolan Sorrento. Il ne peut le renvoyer d’un claquement de doigt, alors que c’est précisément ce pourquoi son cœur s’emballe excessivement depuis dix minutes.

Défi week-end:

MADE BY @ICE AND FIRE.

Dire que Mutt Jones tape violemment sur les nerfs de Nolan Sorrento est un doux euphémisme. Mutt Jones donne des envies de massacre à la tronçonneuse à Nolan Sorrento. Depuis que les premières insultes se sont échappées des lèvres fines de son étudiant, Sorrento meurt d’envie de lui enfoncer son stylo plume dans le fond de sa trachée et de contempler sa lente agonie avec un sourire carnassier et un verre de bon Merlot. Comment ose-t-il, ne puisse que durant une fraction de seconde, critiquer son domaine de spécialisation ? Pour Nolan, c’est une infamie, un outrage qui mérite sanction, un affront qui ne demeurera pas impuni. Nolan peine à conserver son sang-froid. Il est incapable de reculer, rien ne l’effraie réellement. Toute une palette de punitions toutes plus sordides les unes que les autres s’impose à son esprit machiavélique. Il compte aller dans la surenchère jusqu’à ce que l’un finisse par craquer et courber enfin l’échine à la supériorité du vainqueur. Au fur et à mesure de leurs échanges, le doyen Sorrento manque de soupirer au moins dix fois. Dix soupirs de désespoir immense. Il lui reproche de n’aspirer qu’à faire de sa vie une gigantesque fête. Il ne pense qu’à parcourir le monde en quête d’aventures fantasques. Le fils Jones est un jeune adulte, mais il se comporte toutefois en adolescent pré-pubère jouant à faire du tourisme dans son amphithéâtre. « Je comprends tout à fait. » répond le doyen Sorrento sur un ton courroucé, étonnamment mielleux, malgré les circonstances. Jones se fout complètement de sa gueule, mais Nolan est beaucoup plus malin qu’il ne le croit. Il a bien conscience d’être pris pour un imbécile, mais Sorrento est loin d’être un con. « Je comprends tout à fait, monsieur Jones, que les subtilités de la matière juridique échappent complètement à votre forme rare d’intelligence. » Par ‘forme rare d’intelligence’, comprenez bien évidemment qu’il ne s’agit pas d’un compliment de sa part. Son timbre de voix est glacial, une pointe d’ironie à la fin de sa phrase marque clairement une volonté de se moquer de l’intelligence du fils Jones. Sorrento dodeline doucement de la tête en attrapant un nouveau stylo entre ses doigts. Il est prêt à tous leur arracher le capuchon afin d’extérioriser ses frustrations. Ce satané gosse a probablement raison. Nolan a définitivement besoin d’un massage, ses tensions méritent d’être soulagées. « Vous savez, ce n’est pas donné à tous les étudiants d’être capables de comprendre ma matière. Je vous confesse que le droit est une matière qui requiert une certaine rigueur et une vivacité d’esprit que malheureusement peu d’élus sont capables de produire. » Puisque le fils Jones désire jouer avec lui, comme en maternelle, le doyen ne compte pas le décevoir. Nolan n’apprécie pas vraiment d’être pris pour un abruti fini, même d’une manière indirecte. Ils peuvent être deux à jouer à ces petits jeux enfantins. « C’est pourquoi peu d’étudiants survivent à leur première année en faculté de droit. Ils préfèrent généralement s’orienter en sciences politiques ou dans une filière plus abordable, comme l’histoire ou les langues. N’est-ce-pas ce que vous faites d’ailleurs ? Loin de moi l’envie de sous-estimer votre spécialité, l’histoire ou l’archéologie sont des matières passionnantes lorsqu’on ignore comment exploiter le potentiel infini de notre intellect. » En fait…si. Nolan sous-estime complètement le domaine de spécialisation du fils Jones. Aucune matière n’a autant d’importance ou de mérite que les sciences juridiques à son humble avis. Nolan insiste lourdement sur certains mots, afin d’apporter une touche dramatique à sa tirade particulièrement cynique.

Nolan claque un peu bruyamment sa langue contre son palet pour signifier son agacement. Plus Mutt Jones s’enfonce dans sa vulgarité et plus Nolan Sorrento sent la colère tambouriner dans les veines de ses tempes. Nolan semble faire des efforts surhumains pour contenir ce besoin brûlant de prendre la tête du fils Jones et de la cogner contre le coin de son bureau. Il déteste en règle générale toute forme de violence, mais pour les yeux du beau Mutt Jones, c’est une gêne qu’il éludera bien volontiers. « Monsieur Jones. » gronde-t-il. Son timbre de voix est calme pour le moment, légèrement aigüe sur la fin, mais Nolan parvient en tout cas à dissimuler l’ampleur de ses frustrations. Cela ne compte malheureusement pas durer, puisque la prochaine tirade du fils Jones achève ce qu’il lui reste de scrupules. Nolan manque de casser son précieux stylo hors de prix en deux. « Monsieur Jones. » répète-t-il avec davantage de fermeté. Nolan désespère ne pouvoir interrompre le débit de parole du jeune adulte. Nolan ne s’en rend pas encore compte, mais la gestion de ses tensions devient de plus en plus préoccupante. Malgré ses nombreux rappels à l’ordre, le fils Jones ne semble pas l’écouter. « Vous vous empêtrez dans vos absurdités. » s’exclame-t-il d’une voix forte et ferme. Il ne cherche pas ‘à foutre le bordel’ dans son université depuis des mois ? C’est une blague ? « J’ose espérer que vous êtes satisfait de votre plaisanterie, monsieur Jones, car nous n’avons décidément pas la même signification de l’expression ‘foutre le bordel’. » soupire-t-il en le jaugeant durement. Nolan fronce peu à peu les sourcils, en cherchant ses mots. « Dois-je comprendre que le fait que vous vous retrouviez cinq fois dans mon bureau en trois mois comme des coïncidences et non une volonté de votre part de faire de mon université un enfer sur l’île ? » Il insiste encore plus lourdement sur le pronom possessif qui précède l’établissement. Nolan est extrêmement possessif, que ce soit envers les choses ou les personnes. Il considère que l’université lui appartient, quoiqu’en dise Mutt Jones. Ses règles doivent être scrupuleusement respectées par tous les étudiants ou membres du corps professoral de l’université. Mutt Jones est l’un des rares étudiants qui ne courbe pas l’échine devant lui. « Dois-je me sentir honoré de constater que pour une fois, vous n’avez pas essayé de saborder tous mes efforts pour faire de cet endroit un lieu d’excellence ? » renchérit Nolan avec cynisme. « Au fait. » Son regard bleu océan se heurte aux verres teintés des lunettes de son étudiant. Des lunettes de soleil en intérieur, dans son bureau de surcroît et en pleine convocation. Non mais… On marche bien sur la tête ? « Faites-moi le plaisir d’éloigner ces choses de ma vue. » ordonne-t-il, entre deux tirades, en montrant du doigt cette satanée paire de lunettes de soleil. Nolan meurt d’envie de lui faire bouffer ses putains de Rayban et de le regarder s’étrangler avec.

Lorsqu’il évoque ses prouesses sportives et sexuelles, c’est alors la cerise sur le cupcake de Nolan Sorrento. Quel sale petit enfoiré de merde, pense-t-il presque automatiquement. Comment ce gosse parle-t-il à son doyen ? Ce n’est rien d’autre qu’un affront aux yeux glacés de Nolan Sorrento. Il est persuadé que sa vie sexuelle se porte très bien sans lui. Putain ! Il n’a qu’une seule envie, c’est de le faire assassiner par l’un de ses informateurs. Nolan a clairement l’impression d’halluciner. Est-ce qu’on l’a encore drogué ? C’est qu’il est capable de faire grimper ma tension artérielle avec toutes ces conneries. L’expression de son visage ne laisse aucune place au doute, Nolan Sorrento est fou de rage. Il a bien envie de lui dire que ses séances au SPA et sa drogue pour booster ses compétences sexuelles… Mutt Jones peut bien se les mettre bien profondément dans un endroit insolite. Nolan est comme une bombe à retardement. Une putain de bombe à retardement prête à exploser dans un hurlement. Il se félicite intérieurement d’être capable de conserver son calme. Ce n’est pourtant pas chose aisée, Mutt Jones ne fait que nourrir de plus en plus sa haine. Le pire est que Jones semble bien se moquer des états d’âmes de son doyen. Le voilà qui projette ses envies de nourriture devant lui, en toute quiétude et sans honte. Nolan bouillonne littéralement. Son sang afflue dangereusement au niveau de ses temps, lesquelles cognent désespérément dans sa tête. Nolan sent que les muscles de son visage se contractent et que ses rictus trahissent son énervement. Une brève douleur au niveau de ses poings le ramène à la réalité. Nolan s’est enfoncé les ongles si fort que du sang perle le long de sa chair blafarde. « Je vous remercie de votre sollicitude, mais ma vie sexuelle est incroyablement riche et satisfaisante de ce côté-là. » rétorque-t-il le plus sérieusement du monde, sans même rougir et encore moins sourciller. Avoir besoin d'une quelconque drogue pour être en mesure de donner du plaisir à une femme... Quelle humiliation. Nolan prend cette remarque très personnellement. Il ressemble à l’une de ces statues de cire, inexpressive et froide comme le marbre. « Ma femme est loin de s’en plaindre. » précise-t-il, alors qu’un léger rictus se dessine à la commissure de ses lèvres en repensant aux soupirs de son épouse ou à la cambrure de ses reins. « C’est même l’une des raisons pour lesquelles elle m’a épousé. » Nolan ment, pardi. Qi’ra ne l’a pas épousé en pleine possession de ses esprits. Il manque cruellement d’honnêteté sur ce point, certes le sexe avec Qi’ra est exceptionnel, mais ce n’est pas pour cette raison qu’elle a répondu oui à sa demande en mariage. Ce mariage improvisé au casino est dû à l’emprise d’un infâme philtre d’amour, ce qui n’est pourtant pas si déplaisant que cela à ses yeux. Nolan est comme possédé par une furieuse envie de montrer qui est le patron dans ce satané bureau. Il bombe fièrement le torse, en réajustant sa cravate en soie pourpre sous les plis de sa veste de costume. « Contrairement à ce que vous pensez, l’âge importe peu sur les performances physiques, du moment que vous prenez soin de vous et de votre mental tout au long de votre vie. » se veut-il pédagogue et faussement compréhensif. « Par exemple, en pratiquant des exercices de musculation. Ce qui est mon cas, voyez-vous, les exercices de Kegel permettent d’amplifier les performances sexuelles masculines. Au lieu de vous préoccuper d’accessoires pour pimenter votre vie intime, vous devriez travailler sur la cause, prenez-en donc mon expérience, vous pourriez apprendre énormément. » Nolan n’est pas médecin, mais se comporte comme s’il vient d’acquérir un doctorat en médecine en cinq minutes. Nolan s’enfonce davantage dans son fauteuil en cuir. « Comme dirait ma femme, mon expertise du Kegel est exceptionnelle. Les hommes en pleine force de l’âge sont les seuls capables de satisfaire son appétit insatiable. » Un sourire décore ses lèvres fines, un sourire malaisant qui n’augure jamais rien de bon avec lui. « Enfin…elle vous dirait surtout que je suis surtout le seul qu’elle désire désespérément au point de convoler en justes noces au bout d’un mois et demi de relation. » (Nolan s’est pris pour Columbo avec le comme dirait ma femme /PAN/) Nolan est soudainement pris d’une légère quinte de toux à force de se vautrer dans le mensonge et l’auto-flatterie. Il espère que cela calmera les ardeurs du fils Jones. Nolan ignore comment rebondir devant tant d’allusions sexuelles et dépravantes. Il ne réalise toujours pas que la scène est réelle. Ce n'est pas un cauchemar…malheureusement. Nolan soupire bruyamment devant la demande incongrue du fils Jones. Il hallucine encore quelques secondes en se retournant la question dans tous les sens. Si Nolan préfère le genre viril ou les poitrines généreuses ? C’est déplacé et perturbant à la fois. Il refuse de répondre à cette question, pour lui, la réponse coule d'elle-même de source. « Ai-je l’air de quelqu’un à qui l’on peut poser ce genre de question ? » le coupe-t-il d’une manière cinglante. « Comptez-vous également me dire ce que vous projetez de prendre au déjeuner ? Un plat de macaroni au fromage ou une tourte végétarienne ? » se moque-t-il, en reposant son stylo sur le bord de la table, avant de se mettre à perforer l’un des orifices oculaires de son étudiant avec. « Vous tenez des propos incohérents. Je peine à comprendre où vous voulez en venir. » Nolan comprend surtout que le fils Jones a décidé de lui rendre la vie dure en se comportent de manière incohérente et provocatrice. C'est un sketch. Vraiment, il n'y a pas d'autre mot. Nolan dévisage son étudiant en s'efforçant de maintenir une expression faciale imperturbable, dure et blafarde. Pas de sourire, pas de rictus malicieux. Juste un grand vide, un air grave et un regard dénué d'émotions. Ses yeux lancent des éclairs tandis que ses muscles se trouvent à deux doigts d'être parcourus de spasmes nerveux.

« Attendez, attendez… Laissez-moi remettre de l’ordre dans mes pensées… » s’énerve-t-il en gesticulant les mains quelques secondes, comme pour se recaser les choses dans leur contexte. Nolan plisse ses lèvres pâles, en formant une moue boudeuse. « Si je comprends bien ce que vous voulez… Vous me proposez donc de montrer votre sublime personne quand bon vous semble, de participer à un ou deux enseignements selon vos humeurs et, qu’en plus, nous autres enseignants, vous laissons vivre votre vie en paix. » Même en formulant les demandes du fils Jones à voix haute, Sorrento n’arrive toujours pas à réaliser ce qu’il vient d’entendre. Mutt Jones compte hiberner ainsi pendant le reste de ses années universitaires sous les yeux horrifiés de son doyen ? Nolan ne peut concevoir un tel désintérêt pour son université, cela risque en outre de provoquer un effet de masse de la part des autres étudiants. Son autorité suprême ne peut décemment être ainsi mise en cause en public. « Vous êtes l’un de ces naïfs qui pensent qu’avoir un parent dans le corps enseignant vous octroie tous les droits, y compris celui de ruiner la vie de son respectable doyen ? » Nolan enrage intérieurement, ses poings sont serrés sous le meuble en chêne massif. Nolan sent ses phalanges blanchir à mesure qu’il enserre le bois vernis des coins du bureau. « Que les choses soient bien claires entre nous… Vous croyez que c’est la fête ici ? » s’énerve-t-il enfin. Sa voix craque, comme le bruissement d’une feuille ou le craquement d’une pauvre brindille. Jones est allé bien trop loin, et la fureur de Nolan Sorrento est sur le point de s’abattre sur lui comme un coup de tonnerre dans un cil gris. « Vous pensez que mon université est un moulin ou bien encore une maison close où l’on vient et l’on repart après sa petite affaire ? » Jamais de la vie. Nolan se lève brusquement, et reste droit comme un I, en dévisageant son étudiant avec un certain mépris. « J’attends de meilleures explications de votre part et un discours un tant soit plus cohérent, afin de m’ôter de l’esprit l’idée que vous êtes un consommateur régulier de substances illicites. » souffle-t-il en haussant les épaules pour détendre ses muscles endoloris.

Défi week-end:

MADE BY @ICE AND FIRE.

Et voilà que c’est reparti pour un tour de manège. Combat de coqs, round 2. Nolan demeure anormalement stoïque devant l’effervescence du jeune Mutt. Il écoute avec attention son étudiant se mettre à le fustiger de tous les quolibets qui lui passent par la tête. Nolan se mord la lèvre inférieure en comprenant bien vite que Mutt sous-entend non pas qu’il est casanier, mais chiant. Loin d’être idiot, le doyen Sorrento est bien conscient de ses défauts. Lui-même assume pleinement d’être un professeur barbant et un homme chiant. C’est vrai qu’il l’est, Nolan ne nie pas sa personnalité maniaque. C’est un toqué, tous ses collègues le disent. Nolan apprécie moyennement le fait qu’un étudiant se permette ce genre de jugement de valeur. « Il n’y a rien de mal à être casanier, monsieur Jones. » le coupe-t-il, en se tenant droit comme un I, face à son étudiant. Ses mains s’accrochent frénétiquement aux bords du bureau en chêne. « C’est une preuve d’intelligence rare que d’être capable d’étudier des journées entières plutôt que de sortir faire la fête chez votre voisin de chambre. » Nolan ne se prive pas d’une pique en passant. Mutt Jones possède une réputation de fêtard dans l’ensemble du campus, autant appuyer ses propos sur des vérités. Nolan pense avoir marqué un point, mais il est encore bien loin de la suite de leur discussion.

Ses nerfs commencent progressivement à s’échauffer, le voilà déjà debout devant son bureau et à deux doigts d’encastrer le fils Jones sur ce dernier. « Je vous demande pardon ? » Lorsqu’il entend certains mots d’une vulgarité innommable, Sorrento sent qu’il est sur le point de vriller. « Vous convoquer pour… Je vous demande pardon ? » répète-t-il entre ses dents en serrant les mâchoires si fort, qu’elles manquent de se décrocher sur le coup. Non, mais alors là, c’est un comble ! Nolan en tombe des nues, mais le pire reste encore à venir. « Voyons voir si je ne suis pas devenu sourd entre temps… Vous osez dire à votre doyen, les yeux dans les yeux, qu’il vous convoque sans arrêt... POUR DE LA MERDE ? » gronde-t-il en élevant la voix sur ses derniers mots. Je le convoque pour de la merde… Je le convoque pour de la merde… En plus, il vient de me la sortir par deux fois celle-là. Non mais, c’est la cinquième dimension. Pincez-moi. Nolan est au bord de l’implosion, il hésite même à prendre le coupe-papier et se taillader les veines de désespoir. Espèce de petit con de jeune adulte mal élevé. Vous allez tous me faire chier, même dans cette ville, c’est ça ? Non, vraiment, Sorrento est profondément choqué. Il dégage des trésors de résistance psychique pour ne pas perdre pied aussi rapidement. « Je m’interroge sur l’intérêt que vous portez à vos études, très sérieusement, Jones. Si vous n’y tenez pas tant que cela, laissez-moi vous libérer d’un poids immense en vous excluant définitivement de mon université. » Son ton est sans appel, quoique ironique. Nolan est fou de rage. Sans sourciller, le doyen profère ses premières menaces. « Vous vous croyez où, monsieur Jones, pour vous adresser à l’autorité naturelle de cette université avec si peu de respect ? M’avez-vous bien regardé ? Ai-je l’air d’être l’un de vos copains de chambrée ? Ai-je une tête à ce que l’on m’insulte sans sourciller ? » Nolan s’excite complètement. Son débit de parole est plus rapide qu’à la normale, le son de sa voix craque légèrement, ses mains s’appuie nerveusement contre le bureau. « Vous me donnez des migraines. » se plaint-il en relâchant son meuble pour venir caresser ses tempes douloureuses. En frottant énergiquement contre sa peau fine, Nolan se rend compte de la grosseur de ses veines, même elles n’en peuvent plus de cet étudiant. « Vous n’avez pas mis le feu à ma classe, certes, mais ce que vous avez fait est extrêmement grave. » Oui, enfin, la notion de gravité est tout de même largement discutable. Nolan ne crie pas autant au scandale lorsqu’il est question des insomnies ou des erreurs de Peter Parker, son élève préféré. « Vous dépassez encore une fois les bornes comme à votre habitude et vous vous illustrez par votre mauvaise foi comme toujours en n’admettant pas vos torts. Vous avez bien conscience que ce petit jeu ne va pas durer tout au long de votre scolarité ? » Ah non, pitié, tout mais pas ça. Jamais Nolan ne tiendra jusqu’au bout sans faire un AVC. « Au bout d’un moment, je vais me lasser de me répéter. Je sais me montrer patient, monsieur Jones, mais il y a des limites à ma patience et vous commencez sérieusement à me… » Il se coupe presque instantanément avant de proférer une vulgarité. Nolan Sorrento résiste à la tentation de tout envoyer balader. Pour ce faire, Nolan inspire une profonde bouffée d’air, avant d’expirer une autre, tout en gardant les yeux fermés. Nolan essaie de calmer ses nerfs avant de commettre quelque chose qu’il est susceptible de regretter par la suite. Il regrette amèrement de ne jamais s'être mis au yoga ou à la méditation.

Voilà que l'inimaginable est en train de se passer, ici et maintenant. Mutt Jones s’enlise dans un discours provocateur et vulgaire qui fait hérisser les poils des bras de notre doyen. Sorrento cligne des yeux un nombre incalculable de fois, comme un robot qu’on a déconnecté. Il a l’impression que son cerveau s’en est allé loin, très loin de son bureau de doyen, afin de s’épargner toutes souffrances. Les reproches du fils Jones se répètent inlassablement dans son esprit, elles semblent même se croiser et se perdre dans un sentiment total d’incompréhension et de surprise. Se reconvertir dans des cours sexuels… Son coup de rein et de langue… Sa…femme… Il ne lui trouve pas de qualités depuis toute à l’heure… Son Kegel ne lui apprend pas à détendre les muscles de son sourire… « Me détendre la…QUOI ? » C’est reparti dans l’élévation de la voix. Sorrento s’est calmé pendant quelques minutes, mais Jones est allé beaucoup trop loin cette fois-ci. Nolan est en train d’halluciner, a-t-on mis un champignon ou une drogue quelconque dans son café ce matin, ou a-t-il bien entendu la fin de cette phrase ? Est-il vraiment en train de vivre cette scène, maintenant ? Mutt Jones vient-il de clairement lui dire de se détendre… la virilité ? Vient-il vraiment de parler de son pénis devant lui ? Oh mon dieu, pense-t-il. Dans quoi suis-je encore tombé en arrivant ce matin… C’est au-delà de tout ce qu’il est possible d’entendre. « C’est au-delà de toutes mes espérances… » marmonne-t-il, cynique, en s’efforçant de remettre ses esprits bien en place pour préparer sa contre-attaque. « Vous êtes hors compétition, vraiment… » Des compliments qui n’en sont pas vraiment. Mutt Jones est le pire élève qui lui soit donné de croiser. Nolan éclate de rire. Un rire nerveux qui n'augure absolument rien de bon. C'est comme le calme avant la tempête. Une lueur étrange brille dans le fond de ses prunelles, et en un battement de cil, Nolan vrille complètement.« Vous vous rendez compte de ce que vous êtes EN TRAIN DE ME DIRE ? » crie-t-il en rejetant son fauteuil d’un coup avec le bas de ses reins.  « Je vous interdis, Jones, je vous INTERDIS de mentionner ou ne serais-ce que de penser à ma virilité, me suis-je bien fait comprendre ? » s’énerve-t-il en pointant du doigt l’étudiant avec colère. Selon lui, sa virilité n’a pas à être exposée en place publique. « Encore heureux que vous ne m’imaginez pas dans des positions scabreuses ! » Ce serait un comble ! « Et ne me pointez pas non plus du doigt, moi j’ai le droit de le faire, mais vous, en revanche, vous avez le droit de vous asseoir et de vous taire en MA présence ! »

Des enfantillages, rien de plus. Nolan ne le reprend même pas lorsqu’il sous-entend vulgairement qu’il a besoin de s’envoyer un peu en l’air de temps en temps. Il entend Jones insulter son université, ce qu’il considère comme une extension de sa propre personne, de son rayonnement, et cela remet une pièce dans le jukebox. Une prestigieuse université de pecnos ? « Vous me ferez le plaisir de changer de ton immédiatement lorsque vous vous adressez au doyen prestigieux de cette excellente université ! » corrige-t-il en plaquant les paumes de ses mains sur ses dossiers. « Je vous rappelle les règles de politesse, puisque visiblement, vos parents ont soigneusement éludés de vous les inculquer, mais c'est monsieur le doyen et non seulement doyen. » La violence du coup est telle, que ses feuilles se mettent à se disperser ici et là dans les airs. Nolan ne les regarde même pas. Il ne cherche même pas à les rattraper. Il garde ses yeux rivés comme des lasers dans ceux du fils Jones avec une envie folle de commettre un meurtre. Un éclair de lucidité traverse son regard bleu océan, alors qu’il se rend peu à peu compte de son excès de colère. Il inspire alors une profonde bouffée d’air dans l’espoir de ralentir son rythme cardiaque effréné. Au bout de quelques secondes, Nolan se laisse retomber mollement dans son fauteuil. « Finalement… Je vais vous prendre l’adresse de ce SPA. » conclut-il comme si de rien n’était.

« Je m’interroge vraiment sur votre intérêt à poursuivre vos études dans une université de pecnos, selon vos propres dires. » Nolan voit de nouveau rouge quelques secondes plus tard. Mutt Jones est dans le vrai lorsqu’il souligne que Sorrento ne le supporte pas. Ce n’est guère étonnant, vu ses manières de faire. « Apprenez à respecter mon autorité et vous me verrez très certainement sous un nouveau jour, monsieur Jones. » ironise-t-il en tapotant la surface de son bureau du bout des doigts, comme avec les touches d’un piano. « Je n’apprécie pas les comportements rebelles, si vous désirez de la transparence de ma part. Vous cumulez, monsieur Jones, vous ne faites que cumuler les incivilités et les actes de rébellion à mon égard depuis des années. Et vous vous étonnez que je ne vous porte pas en haute estime ? » Nolan éclate de rire à la fin de sa phrase. Un rire forcé, nerveux et excédé. Il essaie par tous les moyens de calmer ses muscles meurtris en gigotant sa tête de droite à gauche, mais rien ne vaut un bon massage.

« Mon mobilier. » grogne-t-il en sentant la vibration du coup de pied que vient de donner Mutt contre son bureau pour manifester sa colère comme un enfant de six ans. Cela ne lui plaît absolument pas. Nolan claque furieusement la langue contre son palet afin de manifester son mécontentement. Mutt Jones semble se prendre pour Dieu seul sait je ne sais quoi pour oser brutaliser son mobilier. « Merci. » Nolan plisse ses beaux yeux bleus océan dans ceux de son interlocuteur. « Je vous déconseille fortement de recommencer quelque chose de ce genre. » Un avertissement, ni plus ni moins. Mutt Jones a intérêt à faire preuve de courtoisie et de respect envers les propriétés du doyen. Nolan ne sévira pas dans le vent. En revanche, si le fils Jones s’acharne à brutaliser son mobilier, l’ancien homme d’affaires ne répondra plus de rien. Nolan est particulièrement attaché à ce qu’il considéré comme ses propriétés ; qu’elles soient mobilières ou humaines. Par exemple, sa délicieuse épouse, Qi’ra, est sa propriété. Elle est sienne, elle est son monde à présent. Quitte à lui pisser dessus tous les jours, elle ne lui échappera plus. Plus le temps passe et plus il semble se complaire dans cette situation malsaine. Elle est à lui… Oui, la remarque de Jones le fait négligemment sourire. Il lui reproche d’être hermétique aux émotions humaines. Il est vrai que Sorrento est un homme… un peu coincé. Il n’exprime pas ses affects comme la plupart des gens. Non, avec lui, tout est toujours plus compliqué. Tout est toujours complètement déstructuré et conflictuel. Il préfère prendre cette affection de force, plutôt que de gentiment la demander. Nolan est toutefois capable de sourire dans de très rares circonstances. Il lui arrive même d’exploser de rire, souvent par cynisme ou ironie, rarement par sincérité. Il se met souvent à sourire lorsqu’il pense à sa femme, parce qu’elle est finalement plus qu’une simple erreur de jugement. Nolan n’assumera à personne qu’elle n’est pas qu’une erreur, tant qu’il en a conscience lui-même, cela est amplement suffisant. Nolan est comme un enfant apeuré lorsque vient la problématique des émotions et des sentiments.

C’est plus fort que lui, Nolan est incapable de contenir ce flot d’émotions qui le submerge à la manière d’un raz-de-marée. En contournant lentement son grand bureau en chêne massif, le doyen Sorrento se retrouva en un clin d’œil dans le dos de Mutt. Il posa une main sur l’épaule du jeune homme, afin de l’inciter à se lever d’un bond, puis de l’autre, le força à faire volte-face. Les deux hommes se toisèrent avec tout le mépris qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Nolan donne un coup contre l’un des pieds du fauteuil qui se trouve juste derrière Mutt, afin de faire suffisamment d’espace entre eux. Ses yeux s’assombrissent au fur et à mesure, une étrange aura émane de lui. Mutt Jones est allé beaucoup trop loin cette fois-ci et Nolan doit lui donner une première piqûre de rappel. On ne déconne pas avec le doyen, et encore moins lorsque celui-ci s’appelle Nolan Sorrento. « Vous arrivez au bout de ma patience, Jones. » murmure-t-il entre ses dents, avant de plaquer d’un simple mouvement de mains, le jeune homme contre son bureau. Il l’emprisonne ensuite de part et d’autre en posant respectivement ses mains contre la surface rigide du bureau. « Savez-vous ce que je fais aux étudiants qui me manquent de respect ? » dit-il dans un souffle, son visage se trouvant à quelques millimètres de celui du fils Jones. Rien de sexuel dans sa démarche, rassurez-vous. Nolan est bien trop attaché à sa réputation pour prendre le moindre risque qu’on lui prête des affaires avec ses étudiants. De plus, son corps ne vibre que pour les charmes des membres du sexe féminin. Il ne s’est jamais réellement posé cette question, il y a des choses qui s’imposent d’elles-mêmes. Nolan ne recherche pas à créer une quelconque intimité avec le jeune Mutt, mais ses pensées sont actuellement en ébullition. En revanche, le doyen espère susciter les ardeurs de son étudiant afin de le commettre à fauter. « Je sais que vous retenez votre véritable nature. » murmure-t-il, les yeux vides et le visage toujours aussi inexpressif. « Allez-y. Ne vous gênez pas d’exploser devant moi. Vous pensez sincèrement que vos moqueries m’affectent ? Je suis au-dessus de tout. Je suis au-dessus de vous tous. Je suis au-dessus de cette putain d’université. Cette université, c’est moi. » Sa voix perce l’air comme une brise glacée, elle transperce les âmes les plus sensibles. Elle est dangereuse, muée par des pulsions infantiles et autoritaires. Elle lui ordonne de lui donner une raison de le virer sur-le-champ de son université. Nolan pousse son étudiant jusque dans ses derniers retranchements. Il meurt d’envie de le voir exploser littéralement devant lui. L’idée de se prendre une baffe en plein visage n’est pas très réjouissante, il est même persuadé qu’il la sentira passer. Nolan plante ses deux orbes glacés menaçants dans ceux du fils Jones. En le fixant aussi intensément, il se sent capable de percer les moindres recoins de son âme. « Vous vous permettez de me critiquer, de me manquer de respect depuis toute à l’heure…Mais savez-vous au moins à qui vous vous adressez avec autant d’audace ? Je suis au-dessus de vous, Jones. Et vous, vous croyez toujours au-dessus de moi ? » Son souffle chaud se répand le long de la gorge du jeune homme à cette proximité, et se perd dans un dernier coup d’éclat despotique.

« Personne ne me parle comme vous venez de le faire. » Sa main se referme brutalement contre le bois de son bureau. Il l’enserre fortement entre ses doigts au point que ses ongles menacent de laisser des traces sur la surface vernie. Nolan n’en a cure. Pour une fois, ce n’est pas le bien-être de son mobilier qui importe, mais celui de sa santé mentale et notamment des battements frénétiques de son rythme cardiaque. Il sent que ses veines tambourinent dans ses tempes, ses muscles se tendent douloureusement au fur et à mesure que ses lèvres se mouvent en une grimace. Son être entier transpire un seul et même sentiment : la colère. « Personne, vous m’entendez ? » Nolan craque. « PERSONNE ! » s’insurge-t-il en donnant un coup de poing contre ce même bureau, tout juste à quelques centimètres de l’avant-bras du fils Jones, avec une hargne enfin dévoilée au grand jour. Nolan ne peut contenir davantage ses pulsions vengeresses. Il laisse son corps exprimer toute la frustration qui s’est accumulée depuis une heure, voire depuis des mois. Il imagine bien que la situation est fortement risible, un doyen qui s’emporte contre un étudiant rebelle, quoi de plus cliché ? Mais qu’il le piège contre son bureau, dans une position relativement tendancieuse, c’est encore un autre niveau.

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Vous êtes un grand malade. Oui, sans doute. Nolan Sorrento est même profondément dérangé. Cette phrase semble l’amuser fortement, puisqu’un rictus se niche à la commissure de ses lèvres fines. Il se passe rapidement la langue sur les lèvres pour les humidifier. Henry Jones ne fait plus autant le malin qu’en arrivant dans son bureau, il y a une demi-heure. Sorrento est fier de son petit effet, cela soulage même certaines de ses tensions nerveuses.

« Vous me croyez lorsque je vous dis que vous ne faites pas le poids face à moi ? » dit-il sur un ton menaçant, en toisant avec arrogance le fils Jones. « Oh pitié, ne me jouez pas les violons… Comme si vous aviez véritablement envie de faire des efforts de comportement. » Nolan ne cherche même pas à refouler son envie de rire. Elle est forte et dévastatrice, et le voilà qui ricane moqueusement au nez de son étudiant, encore traumatisé par la violence exprimée par le doyen. « Une mauvaise graine dans votre genre ne changera jamais. » Nolan insiste lourdement sur le mot ‘jamais’ au point de détacher ses syllabes avec soin.

Il recule de quelques centimètres, lorsque le fils Jones commence à s’emporter. Nolan observe ce poing qui se trouve près de son visage, il détaille longuement les phalanges de son étudiant, en se demandant ce qu’il ressentira lorsqu’il l’aura écrasé sur son visage. Il s’interroge même sur le degré de douleur, dans le cas où Jones lui fracture le nez ou la mâchoire sous le coup, ou bien encore, dans le meilleur des cas, ce que cela lui fera d’avoir un œil au beurre noir. Qi’ra aime-t-elle les mauvais garçons qui se battent entre eux ? Cela pourrait lui donner un petit côté cow-boy ou gangster, après tout, c’est toujours bon à prendre. Nolan Sorrento ne s’est pas pris suffisamment de coups dans sa vie pour savoir que ce n’est clairement pas un jeu. Il plonge ensuite ses deux orbes glacés dans ceux du fils Jones, afin de lire toute la tristesse et la colère qu’ils expriment ; Nolan s’aperçoit que son étudiant déploie des trésors de résistance pour ne pas craquer sous la pression. Vas-y, fais-le, pense-t-il avec force, tout en plantant son regard fixement dans le sien. Nolan Sorrento meurt d’envie que le fils Jones violente son corps, afin de se donner enfin une raison pour l’éjecter définitivement de son université. Frappe-moi. De toutes tes forces. Vas-y, petit gars. Frappe-moi. Prouve-moi que tu es incontrôlable, prouve-le aux membres du conseil d’administration.

« Qu’est ce que vous attendez pour me frapper, vous vous dégonflez en si bon chemin ? » raille-t-il en levant fièrement le menton, sans prendre la peine de ciller une seule seconde. « J’ignorais que vous étiez aussi lâche… » Une énième provocation qui flotte dans l’air parmi toutes les autres, sans apporter l’effet tant convoité par Sorrento. « Frappez-moi ! » ordonne-t-il d’une voix grave, avec un soupçon d’impatience. « Frappez-moi, allez-y, frappez-moi, si vous êtes un homme ! » Nolan désespère de voir que cela ne suffit pas à faire vriller le fils Jones, qui semble encore en proie à ses dilemmes. En regardant son interlocuteur dans le blanc des yeux, Nolan constate qu’ils se sont humidifiés sous le coup des efforts déployés pour ne pas donner satisfaction.

Lorsque la pression retombe entre les deux hommes, elle est momentanée, puisque Sorrento estime n’en avoir pas encore terminé avec lui. « Où croyez-vous aller ? » rétorque-t-il froidement. Une fuite en avant ? Hors de question pour le doyen Sorrento, qui se sent complètement groggy par le sentiment de toute-puissance que lui octroie sa fonction.

Nolan a presque envie d’éclater de rire en repensant aux émotions fortes qu’il a su entrevoir chez le fils Jones. C’était… incroyablement jouissif, au point qu’il en redemande encore et encore. Nolan est insatiable. Il a besoin de beaucoup plus d’émotions fortes pour asseoir sa présence et son autorité, selon lui, incontestable. « Vous fuyez donc, vous êtes vraiment fait de ce bois-là, mon cher Jones ? » raille-t-il sans que son commentaire ne fasse mouche, puisque l’étudiant vient d’embarquer son sac à dos sur son épaule avec la ferme intention de quitter ce bureau de malheur. Nolan hausse les épaules frénétiquement en essayant de réprimer ses pulsions. Il s’efforce tant bien que mal de retrouver un visage impassible et une expression dure, mais c’est peine perdue. Maintenant que Nolan a décelé une faiblesse chez le fils Jones, il est littéralement obsédé par l’envie d’enfoncer le couteau dans la plaie, jusqu’à ce que ce dernier finisse par crier grâce. Peut-être alors… qu’il aura pitié de son âme.

« Votre père ? Tiens donc… Vous voulez vous cachez sous les jupons de votre cher père ? » se moque-t-il en le prenant clairement de haut ; son arrogance est détestable, elle donne furieusement envie de l’encastrer contre le mur le plus proche, mais Jones ne compte apparemment pas aller aussi loin. Nolan Sorrento sait qu’en cas de dérapage, s’en est terminé de sa place au sein de l’université, alors il en profite comme un enfant capricieux à qui l’on vient de retirer son jouet préféré. « Puisque vous le demandez si gentiment, sachez que votre prochain rendez-vous en conseil de discipline est fixé au 10 avril. Notez-le bien dans votre agenda, et venez donc accompagné de votre cher père… Nous aurons certainement des choses à nous dire, lui et moi. » Une menace déguisée, à peine voilée, en réalité. Nolan croise les bras contre sa poitrine. Il n’attend que cela que le patriarche Jones vienne lui tenir tête, comme si un simple archéologue allait effrayer cet ancien et effroyable homme d’affaires. L’argent achète tout, comme le pouvoir, Nolan Sorrento ne craint rien et personne sur cette foutue île, pas même sa femme. Quoique cette dernière affirmation doit être nuancée, mais ce n’est pas quelque qu'il avouera aussi facilement.

« Vous supporterez mes railleries et mes caprices autant de fois que j’en aurais envie, monsieur Jones. Je suis le doyen de cette université et vous êtes comme un clou mal vissé dans les rouages huilés de ma philosophie d’enseignement. » souffle-t-il d’une voix grave et dangereuse, alors que le fils Jones lui tourne obstinément le dos. « Je saurais vous mettre au pas, croyez-moi. »

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