This neverending war

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Non… Non, c’est impossible… Klaus se redresse un peu trop brusquement sur son inconfortable lit de camp et contemple ce qui ne saurait être qu’un spectacle tristement familier à ses yeux. Sous une vaste tente, une dizaine de lits tout aussi peu confortables sont accolés les uns les autres, en ligne droite et stricte. Klaus reconnaît cet endroit. Il connaît la moiteur de ces lieux, et il ne sait que trop bien ce qu’il signifie. Aux aurores, on les réveillera brutalement, et une nouvelle journée d’horreur pure commencera alors. Cyniquement, certains parieront sur qui survivra ou non… Généralement, ses frères d’armes ne donnent pas cher de sa peau…

Le cœur battant, Klaus se redresse sur ses deux pieds, jette un regard alarmé et circulaire autour de lui. Tout le monde dort à poing fermé, ou presque…. Le lit voisin est inoccupé. Klaus baisse les yeux sur les maigres affaires amassées au pied de ce dernier, et alors son cœur manque un battement, et la bile lui monte à la gorge. Il doit sortir d’ici, et le plus rapidement sera le mieux. Mais pour aller où ? Il n’en sait rien… Tout ce qu’il sait, c’est qu’il ne devrait pas être là. Il devrait être sur cette île qui lui a tout rendu après lui avoir tout pris, qui lui atout offert aussi. Il ne veut pas revivre ce cauchemar, il veut retrouver les bras de son mari et se persuader que tout ceci n’est jamais qu’un mauvais rêve…. Il le veut mais… une part de lui sait déjà que ce n’est pas un songe, chaque sensation est beaucoup trop réelle. Et alors, si ce n’est pas un songe, peut-être qu’il a peut-être une petite chance, même infime…

Au loin, il aperçoit une silhouette masculine, à quelques mètres seulement. Dans la pénombre, impossible de le reconnaître, mais s’il se fie à ce lit vide à côté du sien, alors… il estime que le doute n’est pas véritablement permis.

« Dave ! » il l’interpelle tout en se frayant un chemin de fortune à travers une végétation bien trop dense, et qui ne lui avait clairement pas manqué.

Oui, il s’agit forcément de lui. Il est de retour au Vietnam, et Dave est encore en vie. Ce qui veut dire… Oui ! Il y croit, dur comme fer, en cet instant. Si Dave est ici et qu’il vit toujours, alors ce doit être pour ça qu’il est ici ! Il a échoué, autrefois, à le sauver, même en remontant le temps, mais cette fois, ce sera différent. Cette fois, face à l’urgence et à l’atrocité de la situation, il saura faire le bon choix. Klaus se rapproche, et plus il se rapproche… plus il constate… qu’il s’est trompé, ce n’est pas Dave qui se trouve ici, avec lui mais…

« Mutt ! » Klaus n’attend pas pour le prendre dans ses bras. « Je suis désolé, je sais pas comment on a atterri ici, mais on va partir de là, je te le promets. »

A une condition, peut-être…

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« Je crois bien, ouais », il répond, la voix tremblante, quand Mutt lui demande si ce souvenir est bel et bien le sien…

Il n’a pas pris le temps d’observer le camp dans le détail, pris de panique, mais tout lui est beaucoup trop familier pour que ce ne soit pas le cas, et il ne voit absolument pas au nom de quoi ils se retrouveraient soudainement ici si ce n’était pas pleinement lié à ses souvenirs… Il essaie de ne pas céder à une panique totalement irrationnelle et d’observer la situation avec un certain détachement et pas trop d’angoisse… Mais c’est presque impossible… Cette guerre impitoyable lui a volé tellement… Ce qu’elle lui a arraché, il ne le retrouvera jamais. Il ne parle pas seulement de Dave, il parle de ses rêves, de ses illusions… Il a vu des choses, là-bas, des choses qui ne quitteront jamais son esprit… Des choses qui continueront de troubler ses cauchemars… Il ne peut pas imposer cela à Mutt… Il ne peut pas prendre le risque de le perdre lui aussi.

« Je sais, Mutty, je sais… Mais ce camp-là, c’est encore l’endroit le plus sûr à des kilomètres à la ronde. »

Autour, il n’y a que la jungle vietnamienne, et quelque part, pas loin, des soldats guettent, prêts à tirer à vue sur tous ceux qui ne se seront pas mis en sécurité… La vérité, c’est que pour le moment, ils n’ont nulle part où aller, et les souvenirs de Klaus sont beaucoup trop flous, ils l’empêchent d’avoir les idées claires.

« J’ai pas plus envie que toi de rester ici, mais partir, c’est pas régler le problème, c’est juste reculer. Faut qu’on comprenne comment on est arrivés là ? »

Il n’évoque pas le cas de Dave et le fait qu’il ne veut pas le laisser en arrière. Chaque chose en son temps… Pour le moment, ce qu’il dit reste rationnel, et ils arrivent encore à rester calme malgré l’horreur de la situation. Il sait pertinemment que tout calme aura disparu, en revanche, s’ils doivent se mettre à raisonner avec leur affect.

« Si c’est comme la dernière fois… on va bien finir par repartir, pas vrai ? » Il frissonne. « Je sais pas comment interpréter ce délire. Si ça se trouve on a même pas remonté le temps. Si ça se trouve, on est plongés dans un de mes cauchemars, un délire à la Inception ou je sais pas quoi », il ajoute en s’efforçant de réfléchir à voix haute, ce qui est loin d’être une mince affaire non plus.

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Ouais, il a sûrement raison. Mais lui-même n’en sait fichtrement rien, parce que rien de tout ceci n’a le moindre sens. Il devrait y avoir quelque chose, un signe avant-coureur, un moyen de véritablement comprendre la situation… Mais non. Et pour la peine, eh bien… Klaus se sent au fond du gouffre, parce que non seulement il ne veut surtout pas se replonger dans ces souvenirs traumatiques, mais aussi et surtout, il ne veut pas devoir endurer d’y retrouver Mutt, et que quoi que ce soit lui arrive sur place. Il ne supporterait pas de voir Mutt mourir dans ses bras comme… Non, hors de question de ne serait-ce qu’y songer. Ça n’arrivera pas, un point c’est tout.

« Ouais, juste un rêve… », répond Klaus sans conviction parce que ça ne peut pas être le cas, ça ne peut pas être le cas. « Evidemment que t’as un mauvais pressentiment, on est au beau milieu d’une putain de guerre et si on fait rien je vais peut-être…. » Il prend une grande inspiration. « Pardon, c’est pas contre toi que je suis énervé, c’est contre cette situation. »

Parce que si Mutt, sans le savoir, est en train de revivre un vieux cauchemar, un ancien traumatisme, il n’est absolument pas le seul dans ce cas. Mutt non plus ne veut pas ni ne peut pas rester ici… Mais il ne sait pas quoi dire, il ne sait pas comment faire. Il n’a pas de baguette magique, il ne peut pas juste claquer des doigts et se retrouver plongé dans une situation moins catastrophique.

« Je veux te protéger, je te promets, je veux te protéger mais… »

Il passe ses doigts dans ses cheveux, qu’il découvre rasés de près, il n’avait pas fait gaffe jusqu’ici. Il ne peut pas être le plus rationnel des deux en cet instant. Il ne le peut pas peu importe les circonstances… mais là… Là, comment est-ce qu’il pourrait ne pas paniquer en retour ? Comment est-ce qu’il pourrait être d’un quelconque secours pour lui…

« On peut tenter de lever le camp, prendre la fuite, mais j’ai peur que ce soit encore pire. Je sais pas quoi te dire, Mutty…. C’est le pire moment de mon existence, crois-moi, j’avais pas envie de revenir là », confesse-t-il d’une voix tremblante, complètement désorienté.

Il s’en veut d’avoir si peur, il s’en veut d’être aussi inutile… mais il ne sait tout simplement pas quoi faire ni quoi dire. Cette situation le plonge dans des abymes irréelles d’angoisse… Et il ne sait tout simplement pas quoi faire.

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Un endroit où se planquer… Si seulement il y en avait, Klaus le premier s’y serait précipité. Ce n’est pas comme s’il avait participé à cette guerre de gaité de cœur, bien au contraire, même… Il aurait bien aimé, mais il n’avait pas eu le choix… Il avait tenté de s’échapper, il avait cherché mille manières de partir avant de finalement se trouver une raison de rester. Alors oui, même si se cacher serait parfait… Non, ce n’était pas possible. Quant à se tirer une balle dans le pi… Pardon ?

« Se tirer une balle dans le pied ? » il répète, constatant, sidéré, l’état de panique extrême où se trouve Mutt. D’accord, cette situation est flippante et a de quoi rendre n’importe qui irrationnel. Lui-même est évidemment au bord de la crise de panique… Mais il a déjà vu Mutt affronter des situations de crises pour ainsi dire équivalentes, et à aucun moment, définitivement aucun moment, il n’aurait suggéré quelque chose d’aussi aberrant que de se coller une balle dans le pied… Surtout que pour le moment, tout est calme sur le campement. Peut-être même qu’ils seront de retour chez eux avant de rejoindre le champ de bataille. « Mutt, qu’est-ce qui se passe ? »

Quand il ajoute que lui s’en fout parce qu’il ne peut pas mourir, il a vraiment envie de hurler… Comment est-ce qu’il peut seulement dire une chose pareille ? Il sait pertinemment ce qu’il a vécu, il sait à quel point il a souffert, combien la mort de Dave l’a affecté… Klaus estime ne pas mériter une réflexion de la sorte, comme s’il ne chercherait pas à protéger la vie de Mutt par-dessus tout, comme s’il ne serait pas capable de sacrifier son immortalité si celle-ci ne lui permettait pas de garder son époux en vie. Heureusement, ce dernier se rattrape aussitôt. Mais c’est trop tard… Parce que Klaus le prend comme une gifle en plein visage.

« On est deux à vouloir rentrer, mais on arrivera rien en paniquant, alors faut… Faut qu’on essaie de réfléchir. C’est con, t’es plus doué que moi pour ça, d’habitude. » Il serre sa main dans la sienne. « T’es sous tension, et puis… peut-être que t’as pas pris tes médocs depuis un moment ? » Il essaie de rationnaliser. « En attendant, je pense qu’on sera plus en sécurité sous la tente qu’où que ce soit ailleurs. Si ça se trouve, il va rien se passer. Si ça se trouve, on va juste attendre, et on sera de retour chez nous, hmm ? » Il entrelace plus fermement ses doigts à ceux de l’homme qu’il aime. « Allez viens, on va se mettre à l’abri… Et tout va bien se passer. Je te protégerai. Je prendrai les balles pour toi, s’il faut, tu l’as dit, je peux pas mourir. Je laisserai rien t’arriver tu comprends ? Je peux pas revivre ça, j’y survivrai pas. »

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Être angoissé est un réflexe des plus sains dans de telles circonstances. Bien sûr qu’ils doivent avoir peur, parce que leurs vies sont bel et bien menacées…. Mais il y a autre chose, et Klaus finit par le comprendre. Ce quelque chose va bien au-delà de la panique pure et quelque part rationnelle… là… ça a l’air de prendre Mutt à la gorge, et Klaus connaît son mari, il sait qu’il faut y aller fort pour mettre Mutt dans un tel état. Il l’a vu affronter des situations dangereuses, graves et chaotiques, et en ressortir la tête haute. Impossible pour lui de ne pas penser que quelque chose lui échappe largement en cet instant. Et ce quelque chose, il n’est pas encore capable de le comprendre.

Alors oui, en cherchant une explication des plus rationnelles, il pense au médicament, mais Mutt l’envoie sur les roses presque aussitôt… Klaus ne se sent définitivement pas bien… S’il se retrouve confronté au pire épisode de son existence et que Mutt ne peut pas être en état de lui sortir la tête de l’eau, alors… ils sont fichus, clairement fichus. Klaus ne voit que ça. Ils sont sérieusement mal barrés. Mutt n’aime pas être comme ça, Klaus n’aime pas non plus le voir comme ça, parce qu’il sait que quand il est dans cet état-là, il ne peut rien dire ou faire… Rien n’aura d’effet sur son interlocuteur qui sera bien incapable de faire la part des choses, loin de là.

« Hey… », il adresse à Mutt un regard tendre et vient déposer une douce caresse sur sa joue. « Bien sûr que je te lâche pas, bien sûr qu’on se sépare pas… C’est hors de question. Je te laisse pas tomber, et je t’interdis de croire que je pourrais en être capable, parce que c’est faux. » Il dépose ses lèvres sur les siennes, longuement. « Je t’aime, je te laisse pas tomber… »

Il ne peut pas le perdre, il ne veut pas le perdre… c’est même hors de question. C’est lui-même qu’il perdra s’il doit perdre Mutt. Il l’aime plus fort que tout, il ne supportera pas de le voir lui échapper. Il a besoin de lui, oui, de sa tendresse, de sa présence. C’est même primordial. Il ne survivra à aucun scénario contraire, sous aucun prétexte.

« Allez, viens… »

Il attrape la main de Mutt dans la sienne et invite ce dernier à rentrer sous la tente où, l’espère-t-il, ils pourront patienter et se protéger. Mais alors qu’ils avancent à pas lent dans l’obscurité, les doigts entrelacées, une voix s’élève dans l’obscurité. Une voix familière, trop familière. Dave s’est réveillé et, redressé sur sa couchette, il les toise tous les deux.

« Klaus… ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est qui ? »

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Leur amour est leur plus grande force dans des circonstances à ce point désespérées. Leur amour est ce qu’il y a de plus fort, de plus puissant, de plus nécessaire… Et ici et maintenant, c’est peut-être ce qui leur permettra de se tirer d’affaire. Klaus comprend cette peur, viscérale, violente, de celles qui vous prennent au ventre… Klaus comprend sans difficulté le fait que Mutt angoisse à l’idée de le perdre, et pour cause, de son côté, il ressent précisément la même chose. Cet endroit, ces circonstances… Tout ça lui laisse imaginer tout et son contraire, et le pire, surtout. Il a perdu son premier amour dans ce climat violent et guerrier, il  est hors de question qu’il perde l’homme de sa vie dans des circonstances similaires.

Et en parlant du loup… bien sûr qu’il fallait que Dave soit ici. Bien sûr qu’il serait forcément là. Comment est-ce qu’il aurait pu en être autrement ? Et maintenant, alors qu’il a Mutt à ses côtés, et Dave face à lui, Klaus a le sentiment que le sol se dérobe sous ses pieds. C’est Mutt qu’il veut protéger à tout prix, c’est Mutt qu’il veut aimer par-dessus tout… mais il est hors de question qu’il envoie Dave au casse-pipe alors qu’il a peut-être l’occasion de lui sauver la vie. Ou non. Il a déjà essayé, il a échoué. Et au point où ils en sont, ce n’est pas comme si Klaus pouvait encore prévenir Dave de sa mort imminente sans que ce dernier en ait vraiment conscience.

Le regard de Klaus passe de Dave à Mutt, de Mutt à Dave, et une foule de questions se bousculent dans son esprit. Est-ce que, dans l’esprit de Dave, ils sont ensemble, et tous les moments qu’ils ont partagé ont bel et bien existé ? Est-ce que tout ceci est réel, est-ce que c’est, en fait, un mensonge éhonté ? Est-ce que c’est un simple jeu de torture ? Il n’y comprend absolument plus rien.

« Ecoute, on reparle tout à l’heure, d’accord ? C’est… J’t’expliquerai mais là… faut qu’on aille à l’infirmerie de toute urgence, alors… »

C’était bête, comme mensonge, c’était idiot, comme excuse, mais voilà, Klaus n’avait rien trouvé de mieux, et il allait falloir s’en contenter. Il sent bien que Dave n’a pas envie d’en rester là, mais il compte sur le fait qu’il ne fera pas d’esclandre dans leur dortoir de fortune au beau milieu de la nuit… Et pour le reste… avec un peu de chance, la nuit effacera ce fichu souvenir, et tout ira mieux. Ou pas.

L’infirmerie n’est pas une mauvaise idée, qui plus est. A cette heure-ci, elle sera vide. Dans tous les cas, et ils pourront s’isoler un peu. Qualifier cet espace séparé par un simple rideau d’infirmerie est vite dit, d’ailleurs. Il y a le minimum syndical, quelques lits de camp et une étagère à pharmacie bien garnie.

« Assieds-toi un peu, prends une grande inspiration, ça devrait t’aider », propose-t-il sans trop savoir s’il est à côté de la plaque ou non.

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« Oui, exactement, te calmer et pas lui fracasser la gueule. Il a absolument rien fait de mal », réplique Klaus d’un ton plus grave, car même s’il peut comprendre la jalousie de Mutt, il n’aime pas ce que cette dernière sous-tend.

Ce n’est pas comme si Klaus allait soudainement se précipiter dans les bras de Dave. L’idée que Mutt puisse seulement l’envisager lui brise déjà le cœur. Et comme si ce n’était pas suffisant… il en veut un peu à Mutt, c’est vrai, de se focaliser sur ses propres émotions et de ne pas comprendre à quel point cette situation est également dure pour lui. Ce n’est pas parce que ses sentiments amoureux pour Dave ont disparu qu’il ne se soucie pas de lui ou qu’il peut supporter l’idée de le voir mourir sous ses yeux de nouveau, et dans ces circonstances, que Mutt sous tension ne pense qu’à péter la gueule de Dave l’incommode très franchement.

« Il va pas nous suivre, on est trop exposés, il va pas vouloir », répond seulement Klaus sans rien spécifier de plus. Il sait quelles limites Dave n’acceptait pas de franchir à trop grande proximité de ceux qui auraient pu pointer leur relation du doigt.

Il prend une grande inspiration. Il essaie de faire de son mieux, il essaie de faire en sorte de garder son calme et de calmer Mutt mais il ne sait pas quoi faire… Oui, Klaus a peut-être raison, le Dave qui est ici n’est qu’une vision de son esprit et n’existe pas vraiment. Mais peut-être que non, peut-être qu’ils ont remonté le temps, comme Klaus l’a fait par le passé. Peut-être que c’est une affirmation hasardeuse. Peut-être… il ne sait plus quoi penser, en réalité. Il se sent particulièrement perdu, il se sent totalement désoeuvré, prisonnier d’une situation qu’il ne contrôle absolument pas, qu’il ne contrôle pas le moins du monde. Klaus parvient à sourire tout de même quand il lui dit qu’il espère ne pas avoir une telle coupe à leur retour. Tenter d’oublier, de s’oublier… oui, il a totalement raison. Parce que paniquer et tourner et retourner la situation en long, en large et en travers n’y changera évidemment rien.

« Tes si beaux cheveux… », commente Klaus avec un léger sourire en passant une main au sommet de son crâne. « Tu restes le plus sexy malgré tout. » Il marque une pause. « Oui, on va partir. Je ne sais juste pas où aller… Je veux pas… je veux pas qu’on se précipite dans un piège, ou que tu te prennes une balle perdue, ou… » Sa voix tremble de plus en plus.

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L'esprit de Klaus carbure à cent à l'heure. Il ne sait pas comment faire pour supporter cette situation qui le met dans un état de pression absolument terrible, proche d'insoutenable. Il déteste se retrouver mis au pied du mur, comme cela. Il voudrait rentrer chez lui, il voudrait aider Mutt à se sentir mieux, il voudrait sauver Dave. Il voudrait tout et son contraire... Mais il se trouve au pied du mur, et il se rend bien compte qu'il n'a pas le choix, et qu'il ne peut que se laisser porter par les circonstances... Même si ce sera difficile, il sait pertinemment qu'il n'a pas le choix. Il ne se considérera jamais comme le plus fort entre tous... il sait pertinemment qu'il n'est pas fort, loin de là, même. Mais il doit faire au mieux, néanmoins. Parce qu'il veut que Mutt s'extirpe de cet état de détresse profond. Il veut sauver l'homme qu'il aime à tout prix, il le veut bien au-delà de sa propre vie. En cet instant, s'il pouvait échanger son pouvoir contre celui de n'importe qui d'autre, il le ferait sans la moindre hésitation... mais les choses ne sont jamais si simples.

"C'est ça, le truc... notre abri, c'est ici."

Il connaît cet endroit, c'est pour ça qu'il sait que ce qui les attend à l'extérieur, c'est la jungle tout autour, et les lignes ennemies. S'ils veulent survivre, il n'y a pas d'autre endroit où ils seront plus en sécurité. C'est vrai que cette situation n'est définitivement pas heureuse... S'il avait une solution de repli à l'esprit, n'importe laquelle, il n'hésiterait pas le moins du monde... Mais il est à court d'idée, il est à bout de force... il ne sait tout simplement pas quoi proposer, suggérer d'autre.

"Faudrait qu'on trouve la date exacte... Si jamais au réveil, on nous demande de partir au front, on désobéira, tant pis... qu'est-ce qui pourrait nous arriver de pire après tout, hein ?" Il tente d'afficher son sourire le plus confiant, mais c'est loin d'être simple. "Mais demain matin on sera repartis, je te le promets. Ce cauchemar est comme tous les cauchemars, ça ne va pas durer ?" Il sourit. "On survit à tout. On survivra à tout."

Il le dit et il l'affirme, parce qu'ils se le sont d'ores et déjà prouvé. Oui, ils sont capables de survivre à tout, un point c'est tout.

"Je sais que t'es à cran... Je t'ai jamais vu comme ça. Et ça me tue de te voir comme ça. Je sais pas quoi faire pour t'aider, c'est en train de me rendre dingue." Il soupire. "Si tu veux qu'on parte et qu'on essaie de trouver un refuge je sais pas où, ou même qu'on déserte au beau milieu de la jungle, je le ferai... dis-moi seulement ce que je dois faire."

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Klaus grimace au moment où Mutt suggère qu’il obtiendra sans doute plus d’explications, au moins des infos sur la date du jour, en demandant à Dave… Il reconnaît, à contrecoeur, que c’est probablement le mieux à faire, mais fait être honnête, Klaus n’a certainement pas envie de retourner vers Dave en lui gâchant ses potentiels derniers instants de vie avec une conversation houleuse dont le résultat serait en fin de compte de lui briser le cœur – s’il ne l’est pas déjà, brisé. Non, Klaus n’a aucun droit de lui faire une chose pareille, mais en même temps… C’est pas comme s’ils avaient beaucoup d’autres solutions.

« J’aimerais mieux ne plus avoir à lui parler, pour être honnête », admet Klaus très sincèrement. Cette situation fait trop mal, et Klaus n’a aucune envie – définitivement pas la moindre – de devoir l’affronter. « Ça peut attendre un peu », suggère-t-il alors, ce qui n’est probablement que moyennement vrai, vu les circonstances.

C’est vrai qu’ils ont déjà vécu ça, ou quelque chose d’à la fois très similaire et très différent, quand ils se sont retrouvés coincés dans ce fichu temple ancien, en compagnie de son père – le père de Mutt, pas le sien, fort heureusement. Cela laissait à suggérer qu’il devrait normalement y avoir une issue favorable à leur situation mais…dans le doute et dans l’incapacité de savoir ce qui leur arrive exactement, aucun des deux n’est franchement rassuré.

« Je m’inquiète… Vraiment… » Sa voix est douce, c’est dur pour lui de garder son calme, mais il comprend assez rapidement que son propre stress, ses propres angoisses, sa propre terreur à l’idée de se retrouver à cet endroit qui a hanté tant de ses cauchemars, doivent passer à un plan secondaire. C’est Mutt et sa tétanie qu’il doit gérer avant tout… Comme s’il était véritablement capable de gérer quoi que ce soit. Il prend doucement ses  mains dans les siennes et s’efforce de réfléchir… ouais, pas toujours si simple. « Il doit y avoir un truc, un truc lié directement à cet endroit, suggère-t-il en réfléchissant à voix haute. Peut-être que ça réveille autre chose en toi genre… j’sais pas… une peur viscérale de lits de camp. » Il affiche un sourire, soucieux de faire sourire Mutt en retour. « J’déconne, j’déconne, mais qu’est-ce que c’est inconfortable, ces merdes. Déjà qu’on part en guerre, on pourrait au moins nous récompenser avec des matelas moelleux. »

Il n’est pas sûr que la blague fera ne serait-ce que sourire Mutt, mais au moins, il l’a arrêtée à temps. Pas dit que Mutt aurait apprécié sa réflexion sur le fait que c’était quand même beaucoup moins simple de faire des galipettes dans ces conditions.

« Notre psy cinglée est jamais là quand on a besoin d’elle. »

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Le sourire de Mutt le détend presque immédiatement. Certes, ce n’est finalement pas grand-chose, mais aux yeux de Klaus, c’est déjà beaucoup, surtout après avoir vu l’homme qu’il aime dans tous ses états. Il se raccroche le plus fort possible à toutes les branches qu’il peut… Ses tentatives un peu pathétiques d’humour ne fonctionnent qu’à moitié, mais au moins, elles fonctionnent un peu, et Klaus a le sentiment de récupérer un peu de leur complicité, en même temps que le sentiment que tout ira bien, et c’est beaucoup trop important à ses yeux pour qu’il sache se passer de cela.

« On est d’accord hein ? Figure-toi que je lui avais dit exactement la même chose », répond Klaus avec enthousiasme quand Mutt fait remarquer que ce n’est pas en dormant dans des lits à ce point inconfortables que l’on peut espérer faire la guerre convenablement. « Et il m’a complètement envoyé chier », fait-il mine de s’offusquer, ensuite. « Alors que je sais pas, c’est du bon sens, non ? »

Parler de tout, parler de rien, tourner leur situation en ridicule en affirmant que ce n’est rien alors qu’ils ont tous les deux pertinemment conscience du fait que non, c’est tout l’inverse, ce n’est pas rien, bien au contraire… Et ils ne doivent s’inquiéter de rien… Quitte à se détendre… à leur manière… Chose que ne tarde pas à suggérer Mutt, sous le sourire amusé et séducteur de Klaus.

« Ça va seulement jaser si quelqu’un nous entend », répond Klaus avec un sourire malicieux.

En vérité, c’est très dangereux, et irresponsable, pour des dizaines de raisons, mais Klaus préfère se convaincre du fait que rien de tout ceci n’est grave, bien au contraire. Ce n’est qu’un rêve, un moment inexistant, un cauchemar… ils n’ont pas à prendre tout ceci à ce point au sérieux.

« C’est la meilleure idée du monde. De toute façon… Maintenant que tu l’as évoqué… je vais pas être capable de penser à autre chose alors… autant expédier le truc direct, pas vrai ? »

Bien sûr que c’est la pire idée du monde, mais Klaus s’en fout, il est prêt à tout, à tout pour rendre Mutt heureux, pour se sortir la tête de ce merdier, pour avoir le sentiment de contrôler une situation qu’il ne maîtrise absolument pas du tout. Alors ça ou autre chose… dans tous les cas, ils auraient fini par faire une connerie, pas vrai ?

Alors Klaus n’attend pas d’être ramené à la raison, il brise le peu d’espace entre leurs lèvres et l’embrasse longuement, passionnément, comme si sa vien en dépendait – c’est peut-être un peu le cas.

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Retrouver cette lueur de malice dans le regard de Mutt a le don de réconforter Klaus presque immédiatement. Il préfère largement le voir ainsi, il y puise du réconfort que sa panique a le don d’éteindre aussitôt, parce qu’il ne sait pas gérer des émotions aussi violentes, aussi viscérales. Elles le laissent sans voix. Oui, fuir la réalité et leurs responsabilités comme ils le font en cet instant ne saurait être en aucun cas qualifié de démarche saine, mais Klaus ne s’en alarme pas ni ne désire en faire une affaire d’état… S’ils doivent compter l’un sur l’autre pour chasser leur rage et leur peur, si c’est ça, si c’est leur amour qui leur permet de tout surmonter, alors qu’il en soit ainsi… Klaus ne compte s’en excuser auprès de personne.

« Raison de plus pour se mettre au défi », répond Klaus d’un ton mutin alors que Mutt lui fait remarquer qu’ils ne sont pas ni ne seront jamais les pros de la discrétion… ça ! Ils ont bien assez d’exemples à l’esprit pour que la chose soit nettement confirmée. Est-ce pour autant qu’ils doivent se priver de se faire du bien, de se retrouver de la seule manière qui semble faire sens dans une situation qui n’en a aucune… Ils ont peut-être le contrôle sur cette situation de merde, ils peuvent décider que ce n’est pas un cauchemar éveillé, rien d’autre qu’un fantasme érotique chelou qui ne sera après tout pas le plus chelou des fantasmes érotiques qu’ils auront partagés ensemble.

Leurs lèvres s’embrassent, et tout s’évapore autour. Ils sont à nouveau dans leur bulle, cette bulle confortable qui peut leur faire oublier à quel point cette idée est stupide, et à quel point cette situation est cruelle. Il sourit et étouffe un premier gémissement contre l’épaule de Mutt quand ce dernier vient glisser sa main entre ses jambes.

« Au pire on le fera à même le sol », suggère Klaus qui, de toute manière, a abandonné toute dignité depuis bien longtemps déjà.

Mais Mutt a autre chose en tête, en vérité, et il se montre bien assez explicite pour que le cœur de Klaus s’emballe à cette seule perspective.

« Fais-moi confiance, je serais muet comme une tombe. »

Ou pas, probablement que non… Il est même certain que ça a peu de chances d’être le cas, mais tant que les festivités n’ont pas commencé, il peut encore se convaincre de son self control.

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