Welcome back to the sixties

feat. Mutt

« On pourra bien se taper une sieste avant d’entrer dans le vif du sujet. On a toute la vie devant nous maintenant, de toute façon, pas vrai ? » suggère Klaus avec un large sourire.

Quel étrange sentiment que celui qu’il éprouve en cet instant. Il ne réalise pas tout à fait que ce qu’ils viennent de faire est réel. Il faut dire que tout est allé si vite jusqu’ici qu’il a un peu le sentiment d’avoir vécu une sorte de trip extatique en continu, trop bon pour y mettre un terme. Dans le fond, il se fiche même un peu de savoir si tout ça, c’est bien vrai ou s’il est en train de se faire des films, parce que de son côté, il est surtout heureux de vivre tout ça, ce torrent continu d’émotion, au côté de ce type si exceptionnel qu’il est parvenu à changer sa vie en profondeur en moins de temps qu’il n'en faut pour le dire. Et puis, ça fait du bien de se le dire, peu importe que ce soit vrai ou non : il est marié, ils sont mariés ! Il ne connaît pas sentiment plus exceptionnel et plus exaltant au monde, et surtout, il n’aurait aucune envie d’en connaître aucun autre, surtout pas. Oui, lui aussi est crevé, au fond – et vu les circonstances, il y a de quoi, pioncer un peu avant d’entrer dans le feu de l’action, ça lui va très bien, surtout qu’ils pourront bien partager toutes les parties de jambes en l’air qu’ils voudront par la suite, après tout. Oui, ils ont toute la vie devant eux… Sauf que toute la vie, ça peut être un temps vraiment très, très court.

Car ce qu’ils entendent aux informations est à l’image d’un cataclysme qu’ils auraient peut-être pu éviter s’ils avaient été moins inconséquents… Envoi de missiles nucléaires, tentative d’assassinat avortée de Kennedy (ça c’est un coup de Diego le fanboy, c’est obligé). Klaus se fige, il n’a que trop conscience de ce que ça signifie, de ce qu’il faut en conclure. Mutt éteint l’autoradio, et Klaus, lui, reste figé sur place, mal à l’aise, aussi coupable que Mutt, coupable d’avoir abandonné sa fratrie, convaincu qu’il était qu’ils n’auraient pas besoin de lui de toute façon. Et maintenant, ils en sont là, et quoi qu’ils décident, ce serait trop tard. C’est en voyant Mutt dans tous ses états que Klaus décide d’oublier ses propres angoisses pour tenter d’apaiser cles siennes.

« Mutty… on… en fait on en sait rien si on pouvait l’éviter ou pas… C’est pas forcément à cause de nous… » Il n’y croit pas une seule seconde… L’instant d’après, Mutt quitte la voiture, le cœur au bord des lèvres… Il n’est pas seul à avoir envie de vomir… Klaus lui caresse maladroitement le dos, pris d’une sensation vertigineuse, comme si le sol était en train de se dérober sous ses pieds… « Mutty, mon mari, mon amour, tu sais quoi ? On est cuit… On va crever. Peut-être que c’est notre faute, ou peut-être que pas du tout mais… On va faire quoi ? Passer les quoi… heures… minutes ? qui nous restent à paniquer et à se morfondre, ou bien… ? »

Welcome back to the sixties

feat. Mutt

Quand Mutt le lui demande, Klaus le serre contre lui aussi fort qu’il le peut, comme si sa vie en dépendait, même si sa vie n’en dépend pas vraiment, sa vie ne dépend plus de rien, à présent : ils sont condamnés… Dans quoi… quelques heures s’ils ont de la chance ? Ou bien quelques minutes ? Ils cesseront d’exister une bonne fois pour toutes. Chasser cette pensée est impossible, mais cela ne l’empêche pas de se réconforter tout contre Mutt et de tenter d’oublier l’horreur dans la tendresse, dans cet amour infini qu’il éprouve pour son mari avec qui il aura à peine eu le temps de convoler en justes noces. Il s’imprègne de son odeur, du contact de sa peau, de tout ce qui fait qu’il est lui et qu’il se soit senti si rapidement proche de lui, au point de sacrifier l’avenir de l’humanité contre quelques instants passés de plus entre ses bras. Au fond, si sa connerie est la pire qu’il ait jamais faite, il sait tout de même qu’elle lui aura valu de vivre les moments parmi les plus beaux et les plus intenses de toute son existence… destinée à s’achever brutalement. Au moins ne laisseront-il personne derrière eux pour les pleurer. Ou les haïr.

Alors même si chasser les pires pensées est peut-être impossible, oui, ils vont profiter d’être ensemble. Mutt prend une grande inspiration et serre sa main dans la siennes. Leurs affaires en mains, ils se rendent jusqu’au motel, peu importe le prix de la chambre, peu importe le regard courroucé que leur adresse le type de l’accueil. Plus rien ne doit exister en dehors d’eux. Il n’est plus temps de songer à qui ils ont perdu, il n’est plus temps de penser à ceux à qui ils ne diront jamais au revoir : ce qui importe, c’est de se perdre l’un et l’autre, l’un en l’autre. Ainsi parviendront-ils à supporter l’horreur de ce qui se trame.

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feat. Mutt