∫ Jürgen Voller est né à Berlin. Il est le deuxième des trois fils d’une famille de l’aristocratie allemande portant le titre de Freiherr (baron). Les parents de Jürgen n’étaient pas n’importe qui. Son père, Magnus Voller, était un haut fonctionnaire qui a fait partie du cabinet du ministère de l’Agriculture sous la république de Weimar, puis en 1912, du ministère de l’Intérieur. Sa mère, Emmy, est issue d’une longue lignée aristocratique. C’est elle qui offre à Jürgen son premier télescope.

∫ Musicien accompli, Voller maîtrise parfaitement le piano et le violoncelle. Il est capable de jouer, de tête, les œuvres de Bach et de Beethoven avec une aisance remarquable. Notamment les Variations de Goldberg, qui sont une musique qui lui plait beaucoup.

∫ A l’âge de 12 ans, Jürgen s’est retrouvé au poste de police pour avoir troublé l’ordre public… Il avait réalisé une expérience avec une voiture jouet à laquelle il avait attaché un certain nombre de feux d’artifice pour propulser le jouet avec force et puissance… Malheureusement, il y eut un enfant blessé, même si le petit Hans n’en tint jamais rigueur à son ami, puisqu’il était, lui aussi, féru des records de vitesse de Valier et von Opel.

∫ S’il a fréquenté les nazis dans les années 1940, c’était aussi bien par conviction que par pragmatisme : les gens au pouvoir, il vaut toujours mieux les avoir avec soi que contre soi. C'est quelque chose que son père a très vite enseigné à Jürgen et c'est une leçon qu'il a bien retenue et appliquée.

∫ Jürgen a eu une enfance assez banale et plutôt heureuse, puisqu’il a grandi dans les beaux quartiers de Berlin. C’est tout jeune qu’il a découvert la beauté des mathématiques et qu’il a commencé à s’y intéresser de très près. Capable de résoudre ses premières équations à l’âge de 8 ans, il a surpris plus d’un enseignant. On l’a évidemment encouragé dans cette voie, comme pour contrer un génie mathématique juif du nom d’Einstein, car, naturellement, un esprit brillant élevé en milieu aisé dans l’Allemagne du début du XXe siècle est une perle rare.

∫ En grandissant, les diverses applications des mathématiques dans les domaines de la mécanique d’abord, puis de la physique et de l’astrophysique ensuite sont venues d’elles-mêmes. Jürgen a toujours eu de grands rêves que, selon lui, les mathématiques allaient pouvoir réaliser. Bien sûr, s’il était né à une autre époque, dans un autre pays et dans une autre famille, les rêves de Jürgen auraient été bien différents et peut-être plus humanistes.

∫ Sa première rencontre avec Indiana Jones a eu lieu dans un train, en France. La lance de Longinus que transportaient les soldats nazis s’étant avérée être une pâle copie, c’est vers le cadran d’Archimède que Jürgen a porté toute son attention. L’Antikythera. Mais Indiana Jones n’était pas prêt à laisser l’objet antique aux mains d’hommes, il ne cessait de dire que sa place était dans un musée.
Il y a eu un combat entre Indy et le général, puis Jürgen est tombé du toit du train. Tout le monde l’a dès lors cru mort.

∫ Cette chute, en 1944, fut l’occasion de débuter une nouvelle vie. Avec la fin de la guerre, l’occasion était parfaite pour quitter la région et changer d’identité. Jürgen s’est fait appeler « Schmidt », avec le titre de professeur en astrophysique. Il a alors participé aux travaux de recherche de la NASA pour envoyer les premiers hommes sur la lune. C’est à la date mémorable du 21 juillet 1969 que Jürgen est reconnu comme un cerveau plus que brillant par les Etats-Unis. Il est même désormais un protège du gouvernement Nixon. Mais Jürgen ne joue pas les frotte-manches pour autant et il ne se présentera jamais au rendez-vous qu’on lui a fixé avec le Président Nixon.

∫ Jürgen a grandi dans un milieu assez austère. L’humour était loin d’être au rendez-vous. Il aime rire, pourtant, mais quand il essaie de faire rire, bien souvent, c’est un flop. D’ailleurs, comme le professeur Jones lui a dit un jour : « N’essayez pas de faire de l’humour, vous êtes allemand. »
(On passera volontairement sur l’utilisation d’un tel stéréotype dans la bouche d’un type qui se dit pour l’égalité et la tolérance. Les Américains sont les meilleurs au petit jeu du « Faites ce que je dis et pas ce que je fais. »)

∫ Il a été l'un des ingénieurs clés pendant la Seconde Guerre mondiale, responsable de la conception des fusées allemandes de type V2, qui ont marqué le début des missiles balistiques. Au sein du gouvernement du Troisième Reich, il a gravi les échelons jusqu'au grade de SS-Sturmbannführer (commandant). Après la fin de la guerre, il a été transféré aux États-Unis où il a obtenu la citoyenneté américaine en 1955. Son rôle a été crucial dans le développement des fusées, notamment celles qui ont ouvert la voie à l'exploration spatiale américaine.

∫ C'est bien sûr via l'opération "Paperclip" (Overcast) que Jürgen a pu facilement rejoindre les USA. A l'époque, en effet, les Etats-Unis ont recruté plus de 1500 scientifiques allemands pour lutter contre l'URSS. Ces chercheurs ont alors travaillé pour le gouvernement américain, dans différents domaines, notamment sur les armes chimiques (Zyklon B), sur l'usage des psychotropes, sur la conquête spatiale, sur les missiles balistiques et sur les armes à longue portée (bombes volantes V1 et V2). Au départ, le but des USA était surtout de tenter de récupérer les armes secrètes du IIIe Reich. Ces scientifiques et chercheurs allemands se sont vu confier des postes à hautes responsabilités, comme la direction de programmes de recherches. C’est en grande partie grâce à eux que les USA ont pu avancer si considérablement au niveau technologique durant la guerre froide. Affecté à la NASA, Jürgen a travaillé avec l’agence spatiale sur le développement des fusées Saturn, il a ainsi joué un rôle majeur dans la conception du lanceur Saturn V qui a permis le lancement des missions Apollo.

∫ Légèrement mégalomane, Jürgen est d'avis que ce ne sont pas les nazis qui ont perdu la guerre, mais bien Hitler. En effet, à ses yeux, le Fürher a commis de bien trop nombreuses erreurs. Et Voller rêve de pouvoir voyager dans le temps pour aller tuer Hitler avant qu'il ne commence les bombardements intensifs à coups de V1. Cependant, il ne faut pas voir là un acte de charité, car si Voller rêve de changer le cours de l'Histoire, c'est bien pour aller vers un monde meilleur, qui correspondrait à ses idées à lui.

∫ Après l'espace, c'est le temps qui a donc retenu toute l'attention de Jürgen. C'est pour pouvoir maîtriser le temps qu'il s'est autant intéressé au cadran d'Archimède. Si le temps pouvait être expliqué, analysé, disséqué... seules les mathématiques pouvaient le faire.
Un petit passage en -213 pour le siège de Syracuse (où il a bien failli y rester, comme ses hommes) et puis plus rien. Le néant total. Jürgen ne peut pas expliquer ce qui s'est passé... Les hommes de l'Antiquité canardaient les avions avec des armes d'époque, pensant attaquer des dragons, et il semblait bien que l'avion où se trouvait le Commandant Voller, vêtu de son uniforme SS, a été grièvement touché. Il y eut une chute, il y eut un choc, et puis plus rien.

∫ Quand il reprit conscience, Jürgen ne portait pas son unifrome qui était bien rangé dans une housse de protection, dans la garde-robe de sa chambre d'hôtel, comme si rien ne s'était passé. Il n'arriva pas à remettre la main sur l'Antikythera mais après ce qu'il prenait comme un mauvais rêve et un mauvais présange, comme si son inconscient le mettait en garde, ce n'était plus vraiment sa priorité. Falliat-il essayer de changer le passé ? Voller n'était plus si sûr de ses calculs (et pas uniquement parce qu'Archimède, lors de la conception de son cadran, n'avait aucune idée des mouvements des continents).

∫ Attablé devant la fenêtre, Jürgen leva les yeux un soir étrange, un soir où le ciel lui sembla différent. Lui qui l'observait depuis si longtemps, lui qui y avait envoyé des hommes... jamais la lune ne lui avait paru si différente. De sa teinte diaprée, elle s'était parée de rouge, un rouge qui rappelait le sang ou, selon la lumière, le bandeau que les SS portaient sur le bras et qui était orné d'une croix gammée.
La réalité sembla soudainement se fondre dans cette vision rougeoyante et l'homme ne fut bientôt plus que sommeil.
Le réveil fut brutal, puisque Jürgen reprit connaissance alors qu'il était couché sur des pierres, comme s'il avait chu de l'avion à Syracuse. Mais un rapide examen lui permit de s'assurer qu'il était entier, qu'il avait avec lui sa sacoche contenant ses précieuses recherches (bien que sa mémoire en détienne toujours une copie).

∫ Les lieux étaient inconnus... Il n'était pas à Syracuse. Ni à New York. Ni à Berlin. Aucun des lieux visités récemment pour retrouver le graphikos ou la deuxième partie de l'Antikythera. Non, cet endroit insulaire ne lui disait rien. Il s'attendait presque à se faire agresser par des autochtones, mais ce ne fut pas le cas.
Un endroit en paix, où l'idéologie nazie sortait vraiment du ton. Jürgen eut l'occasion, d'ailleurs, de constater que le cosmopolitisme n'était pas une si mauvaise chose que cela... La pluralité des origines restait quelque chose qui était parfois un peu difficile à gérer pour lui, mais c'était comme cela, le monde actuel n’avait pas grand-chose à voir avec le IIIe Reich.

∫ Étudier cette lune rouge, son alignement avec la Terre et les autres planètes du système solaire… chercher à comprendre… établir des calculs savants, résoudre des mystères par les chiffres… finalement, tout ceci n’est pas très différent de ce que Voller a pu faire comme recherches jusqu’à présent.