Afterwork & Politics

feat. Alexander Hamilton

Ce n'était certainement pas la plus glorieuse des décisions que de décider de passer sa soirée au casino. Mais la gloire, en ce temps que Jaime peinait encore à comprendre, n'était pas une notion aussi importante qu'en son temps. Et, surtout, elle revêtait des allures bien moins attirantes qu'autrefois. La gloire, à l'époque de Jaime, revêtait des allures de batailles, de duels à l'épée... Et la gloire et l'honneur vous étaient ôtés dès lors que vous commettiez l'erreur de pourfendre un homme dans le dos, qu'importe s'il s'agissait d'un acte destiné à sauver votre famille et les habitants d'une capitale entière.

Et puis, la journée avait été longue. La décision prise par Jaime de devenir avocat avait été motivée, les premiers temps, par l'ambition de servir Cersei et de rester auprès d'elle autant que par l'ambition d'être aux premières loges pour l'agacer. Certaines choses ne changeaient pas. Et Cersei n'était jamais si désirable que lorsqu'elle était furieuse.

Jaime envoyait donc au diable la réputation, ce soir-là, et s'était installé au comptoir du bar du casino. Cravate défaite, veste de costume négligemment posée sur le tabouret à côté de lui, il venait de commander un verre de whisky. Il jouait avec le verre, faisant tourner le liquide, plongé dans ses réflexions. En vérité, il attendait.

Car, contre toute attente, Jaime avait réussi à nouer des liens, dans cette nouvelle vie, qui n'étaient pas uniquement teintés de mépris ou de méfiance réciproque. En cela, il savourait pleinement la chance qu'il avait eue de se réveiller aux côtés de Cersei dans ce nouveau monde. Ici, tout était à refaire, certes. Mais la réputation des Lannister pouvait redevenir glorieuse et intimidante sans que ces sentiments s'accompagnent d'animosité. Ici, personne ne connaissait la nature incestueuse de son mariage avec Cersei. Ici, personne ne cherchait, par principe, à leur nuire. Et donc Jaime pouvait être l'homme qu'il avait toujours désiré être.

Il attendait donc l'un des seuls hommes qui aient su s'attirer son respect : Alexander Hamilton, rencontré quelques mois plus tôt, et compagnon de soirées telles que celle-ci. Les deux hommes s'entendaient de par les multiples points communs qu'ils se découvraient. Et, si leurs ambitions respectives ne manquaient pas de leur faire hausser le ton de temps en temps, ils savaient s'entendre sur les points qui importaient le plus.

Jaime adressa un regard en biais à Alexander alors que ce dernier venait tout juste de le rejoindre. Il lui libéra la place à ses côtés en ôtant sa veste du tabouret, avant de lui tendre la main pour le saluer.

- Alexander. Tu me pardonneras, je ne t'ai pas attendu pour commander.

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feat. Jaime

Alexander n’est pas complètement dans son élément au casino. Livrer sa fortune au hasard dans l’espoir d’en obtenir davantage lui paraît être une démarche bien vaine mais néanmoins fascinante. Certes, Alexander avait été un joueur en son temps déjà, et peut-être que quelques parties de cartes s’étaient accompagnés de paris futiles moyennant paiement, mais cela ne valait que pour les jeux qui méritaient réflexion, où la victoire était due à vos choix stratégiques et non à l’emplacement fortuit d’une bille blanche ou noir sur une roulette chiffrée. Le hasard n’existe pas et le destin se façonne, sans quoi Alexander Hamilton, parti de rien, et que l’on n’aurait cru condamné avant même sa naissance ne serait pas parvenu à gravir les échelons et à acquérir la réputation qui avait fini par être la sienne. Non, les casinos n’ont pas sa faveur, mais il y a quelque chose d’intriguant voire de fascinant à voir les adeptes des machines à sous presser et encore le même levier, comme absorbés par une force inconnue. Et puis, cet endroit a un autre mérite non négligeable. Le whisky y est très bon. Et la compagnie pas déplaisante non plus.

Car oui, ce n’est pas par hasard (à nouveau, Alexander a pour credo de ne rien laisser – ou presque – au hasard) qu’il a décidé de se rendre ici, mais parce qu’il a décidé de partager un verre avec un ami, ni plus ni moins. Alexander ne s’est pas fait tant d’amis que cela depuis son arrivée dans cette nouvelle ville. Il faut dire que ses obsessions politiques et sa verve ne sont pas nécessairement du goût de tout le monde, et aussi qu’il s’impose un emploi du temps si chargé qu’il n’a que peu de temps à consacrer à autre chose qu’à son travail. Certes, il fait davantage d’efforts depuis le retour d’Eliza dans sa vie (mais chassez le naturel), cependant, il serait bien en peine de négliger ses recherches diverses, ses écrits et son travail… Et c’est d’ailleurs son ouvrage à la mairie qui l’a mis en retard au moment de retrouver Jaime Lannister. Pas outrageusement en retard, certes, mais suffisamment pour que, au moment où son ami libère la place à côté de lui, il lui signale qu’il a déjà commandé.

« Tu as bien fait », répond Alexander en rendant à Jaime sa poignée de mains. « Comment vas-tu ? Et comment va ta charmante épouse ? » Il ne sait même pas dissimuler l’ironie dont il fait preuve à l’emploi de cet adjectif, « charmante », pas que Cersei Lannister soit désagréable à regarder, mais cette qualité s’oublie bien vite au profit de l’agacement considérable qu’elle lui inspire, et de longue date. « Et ton fils ? »

Les banalités tout d’abord, mais elles sont nécessaires, d’autant que leurs emplois de ministres qui n’en sont pourtant pas ne leur permettent pas de se voir aussi souvent qu’ils le voudraient. Aussi, quand ils en ont l’occasion, il est parfois nécessaire de raccrocher quelques wagons.

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feat. Alexander Hamilton

Quand Alexander lui demanda comme il allait, Jaime haussa les épaules en souriant, d'un air qui voulait dire qu'il n'avait rien de neuf à lui raconter à ce sujet. En revanche, les questions suivantes le firent silencieusement rire. C'étaient des formalités, bien sûr, mais qui n'étaient pas déplaisantes. Car même s'il percevait très bien l'ironie employée concernant Cersei, Jaime n'en était pas moins certain que son interlocuteur attendait de lui une véritable réponse. Et, lorsque l'on avait été habitué à se faire toiser avec mépris ou suspicion pour une réputation fondée sur son nom de famille ou sur des événements dont les faits n'avaient été qu'à moitié rapportés, on apprenait à estimer les amitiés dénuées de ressentiment ou de malice.

- Cersei est d'une humeur exécrable et doit être en train de vider notre stock de vin à l'heure où nous parlons. En somme, elle va bien, déclara-t-il sur le ton de la plaisanterie. Et Tywald est toujours un adorable garçon.

Ce qui, connaissant les parents, était étonnant. Mais finalement, entre la bienveillance de Tommen, la douceur de Myrcella et la quiétude de Tywald, c'était Joffrey qui faisait figure d'exception. Certes, tous les enfants Lannister avaient été gâtés et Tywald l'était sans doute plus que les autres. Car non seulement il était le seul de leur enfant qui soit encore en vie, mais en plus de cela, c'était le seul enfant que Jaime pouvait officiellement reconnaître. Et en tant que père, Jaime n'était pas aussi autoritaire qu'il l'aurait pensé.

Mais pour l'heure, il comptait profiter d'une partie de sa soirée en compagnie d'un ami. Il repoussa donc son attendrissement pour sa famille et but une gorgée de sa boisson avant de désigner Alexander d'un geste de la main.

- Et toi ? Où en es-tu, à ce niveau là ?

Il savait que, tout comme lui, Alexander n'aurait pas dû compter parmi les vivants. Et dans cette ville, la question des retrouvailles inespérées se posait toujours.

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feat. Jaime

La réponse non verbale de Jaime est suffisante. Il va bien, ou du moins il n’y a rien à signaler, donc pas grand-chose à dire à ce sujet. C’est une réponse acceptable. Alexander a en horreur ceux qui parlent pour ne rien dire : on pourrait sans mal lui faire remarquer que lui-même parle constamment et beaucoup trop (parle moins, souris davantage…), mais le fait est qu’il estime ne parler que pour dire des choses pertinentes. Jaime Lannister n’est pas de nature à trop en dire, juste le nécessaire, et c’est une chose que le politicien apprécie grandement.

C’est en toute sincérité qu’il lui répond au sujet de son épouse qui serait d’humeur parfaitement exécrable – comme c’est dommage – et arroserait sa rage de vin… Il s’épargnera les commentaires du genre, mais Alexander n’a pu qu’observer (et il est convaincu de ne pas être le seul) qu’il est rare de ne pas voir l’épouse de Jaime un verre à la main. Mais s’il doit dire du mal de Cersei Lannister (et Dieu sait qu’il le veut), il ne l’attaquera pas à son alcoolisme manifeste, il préférera, très largement, s’attaquer à ses idées – et il y a bien assez de points attaquables pour qu’ils suffisent à alimenter des heures et des heures de débat.

« Qu’est-ce qui la met d’humeur si exécrable, elle qui est pourtant un véritable rayon de soleil en temps normal ? » demande-t-il sans savoir taire sa curiosité, même si, en réalité, Alexander n’a pas le sentiment de l’avoir un jour vue d’une humeur autre que massacrante – ce qui est facile en soi puisque sa seule présence et ne serait-ce que quelques secondes de conversations ont déjà le don de l’agacer prodigieusement (et c’est presque un sport pour lui que de l’incommoder le plus rapidement possible). « Je suis ravi de l’entendre, pour Tywald. Cela fait si longtemps que je ne l’ai pas vu, je suis sûr que je ne vais pas le reconnaître la prochaine fois que je le verrai. Ils grandissent si vite, à ces âges… »

Et Alexander, pour sa part, ne peut pas réellement prétendre avoir vu ses enfants grandir. Mais il en est en grande partie responsable… Son cœur se serre légèrement en songeant à sa famille, à Phillip, mort pour défendre son honneur, mort sur ses conseils, mort par sa faute…

« Nulle part… »

La réponse quitte le seuil de ses lèvres plus vite qu’il n’avait voulu la prononcer. Où est-ce qu’il en est ? Au point de songer que tous ceux qu’ils voudraient retrouver, son épouse, ses enfants, Angelica… D’autres encore qui peut-être ici auraient une chance de vivre… Comme Laurens…

« Ce n’est sans doute pas plus mal, je ne suis pas certain que je souhaiterais à aucun d’entre eux de se retrouver ici. »

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feat. Alexander Hamilton

La remarque de son ami au sujet de Cersei fit rire Jaime. En tant qu'époux aimant, il aurait dû défendre Cersei. Mais en tant que frère, il savait qu'Alexander aurait bien tort de se priver du plaisir de s'amuser du caractère de Cersei. Lui-même n'était pas dupe, bien au contraire. Il connaissait le moindre de ses défauts, partageait la plupart, redoutait ceux qu'il ne possédait pas. Mais il restait tout de même, car les qualités qu'il voyait chez Cersei là où d'autres s'arrêtaient à une façade peu avenante valaient toutes les peines et tous les affrontements. Il la connaissait mieux qu'il ne se connaissait lui-même, et resterait auprès d'elle jusqu'au bout. Même si cela impliquait, parfois, de chercher un espace de détente sans sa présence certes splendide, mais parfois trop intense pour le simple homme qu'il était.

- Elle s'est découvert des adversaires politiques, résuma-t-il en restant volontairement vague, conscient qu'il s'agissait là d'un terrain glissant. Tu te doutes que ce n'est pas une idée qu'elle apprécie.

Il haussa les épaules, comme s'il s'agissait d'une routine. Ce qui, lorsque l'on avait vécu dans un royaume où les guerres entre familles influentes étaient constantes, n'était pas si éloigné de la réalité. Mais il se concentra sur une conversation qu'il voulait plus légère, et aborda le sujet de son fils. La réflexion d'Alexander le fit sourire quoique tristement.

- Oui. J'ai parfois l'impression qu'il suffit d'une séparation de quelques heures pour que je remarque des changements.

Et pourtant, il avait vu grandir ses trois autres enfants, avec plus de distance que s'il n'avait eu le droit de revendiquer la paternité. Mais il avait beau avoir connu cela à trois reprises avant Tywald, il ne parvenait pas à s'y habituer, et s'apercevait qu'il était toujours ému par ces constats. Il redoutait l'âge de l'adolescence, l'âge où Joffrey s'était révélé être un monstre d'égoïsme et de sadisme... Mais il avait confiance. Cette fois-ci, Jaime pouvait s'impliquer de près dans l'éducation de leur fils, et il souhaitait plus que tout à Tywald un caractère similaire à celui de Tommen ou à celui de Myrcella. Et, pour l'heure, c'était effectivement vers ces deux frère et soeur qu'il semblait trouver ses ressemblances.

Le regard de Jaime se teinta d'une compassion réelle. Il comprenait qu'Alexander en vienne à préférer que ses proches ne soient pas présents pour vivre dans cette ville dont nul ne pouvait sortir. Mais il devinait également que sa famille devait lui manquer.

- Je suis navré, Alexander, affirma-t-il avec sincérité.

Il marqua une pause, le temps de chercher un sujet de conversation qui soit moins délicat, moins douloureux.

- Comment ça se passe, au travail ? Tu ambitionnes toujours de remplacer notre maire actuel ?

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feat. Jaime

Alexander se verrait presque offusqué d’entendre que Cersei Lannister ne s’était découvert qu’à présent des adversaires politiques quand leurs divergences et leurs débats houleux dans ce domaine laissaient plus que largement suggérer qu’il devrait en être un pour elle, mais manifestement pas assez dangereux ou menaçant pour altérer son humeur… Allez savoir pourquoi il aurait eu tant plaisir à contribuer à son agacement, sans doute parce qu’elle savait aisément contribuer au sien. Peut-être aussi parce qu’il voulait être considéré comme viable et légitime dans sa volonté d’ascension politique (parce qu’il est viable et légitime). Mais elle verrait. Qu’elle attende un peu, elle verrait.

« Je me doute qu’elle n’apprécie pas grand-chose », se contente de répliquer Alexander en haussant les épaules à son tour.

Il est tenté de demander l’identité des adversaires en question, serait sans doute atterré d’envisager qu’ils puissent avoir précisément la même (quoique les adversaires politiques de Cersei Lannister sont certainement qualifiés comme tels uniquement parce qu’ils ne sont pas elle, ce qui ne signifie donc pas grand-chose par conséquent. Il s’abstient de poser davantage de questions, cependant, car Alexander devine que ce n’est pas un sujet que son ami a particulièrement envie d’aborder, ce qu’il peut très aisément comprendre. Il est plus simple, donc, d’évoquer le fils de Jaime, celui qui avait cette particularité d’être né dans ce monde et de n’avoir jamais connu que lui – quelle étrange singularité que celle-ci.

Cependant, il est certainement plus simple d’être né dans ce monde et de n’avoir connu jamais que lui que d’y surgir de nulle part en ne s’y adaptant qu’à moitié. Ce qui arriverait à Eliza ou à n’importe lequel de ses proches s’ils étaient là. Non, ce n’est finalement pas une bonne idée. C’est comme ça qu’il relativise quand il se fait doucement à l’idée qu’il est seul. C’est évidemment toujours le même paradoxe : l’on prend conscience de ce que l’on a négligé au moment de le perdre, Alexander avait déjà eu l’occasion de s’en rendre cruellement compte à la mort de Phillip.

Un sourire peu convaincant se dépose sur ses lèvres, qui voudrait signifier « ce n’est rien », sauf que c’est quelque chose, et il préfère largement se concentrer, donc, sur ce qui le passionne et sur ce qu’il maîtrise.

« Mon travail est toujours ignoblement vain et répétitif, mais la réponse est oui, je suis même plus décidé que jamais. J’ai fait la connaissance de plusieurs personnes qui semblent aussi motivés que moi à faire sortir le maire du silence, afin de nous permettre de mieux nous opposer à sa volonté. Je n’ai pas les appuis et les effectifs d’une Daenerys Targaryen, c’est certain, mais j’ai élaboré un projet de constitution. Il n’est qu’au stade d’ébauche pour le moment mais… » Alexander s’épargnera de préciser que son ébauche fait d’ores et déjà 322 pages. « … je suis sur la bonne voie. »

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feat. Alexander Hamilton

La manière qu'avait Alexander de parler de son épouse aurait certainement eu le don de l'agacer si Jaime n'était pas aussi clairvoyant au sujet de Cersei et de son tempérament. Il savait qu'elle n'était pas appréciée, savait aussi qu'elle n'avait aucune envie d'être appréciée. Cersei était une femme que l'on craignait ou que l'on adorait. Parfois les deux en même temps, sans juste milieu. Pour sa part, s'il avait par moments craint que la démence de sa soeur ne soit trop sanguinaire et trop ambitieuse, il n'avait pour autant jamais cessé de l'adorer.

Sentant que le sujet des adversaires de son épouse n'était pas un sujet sur lequel il pouvait s'étendre plus longuement, il écouta Alexander lui parler de son travail. Mais le nom qu'il choisit de mentionner lui fit hausser les sourcils avant qu'un sourire amer ne relève le coin de ses lèvres.

- Daenerys Targaryen. C'est amusant, c'est précisément celle qui a plongé Cersei dans tous ses états.

Et à raison, mais il valait mieux ne pas fournir trop de détails à ce sujet. Jaime soutenait Cersei coûte que coûte, et sa prétendue amnésie ne devait pas être remise en cause par sa faute. Il évita donc de mentionner le fait que cette femme avait déjà été leur adversaire, qu'elle était effectivement dangereuse et que si elle remettait la main sur ses dragons, ils pouvaient tous s'estimer morts. Jaime eut un frisson qu'il peina à faire passer malgré une grande gorgée d'alcool fort. Il était encore traumatisé par ces visions d'horreur, d'un dragon faisant trop facilement brûler une armée entière, d'un dragon qui avait bien failli le réduire en cendres lui aussi. C'était la vulnérabilité toute humaine qu'il avait ressentie en ces instants qui le déconcertait et le traumatisait tant.

Mais il s'égarait. Un court instant, il se figura la possibilité que Cersei et Alexander unissent leurs forces et leur pouvoir politique pour contrer celui de Daenerys Targaryen. Mais l'idée lui sembla si absurde qu'il la rejeta presque aussitôt avec un rictus.

Il était curieux d'en savoir davantage sur cette constitution écrite par Alexander, mais connaissant son ami, se douta qu'ils n'auraient pas assez d'une nuit pour en parler. Il se concentra alors, pour le moment, sur quelque chose de plus concret.

- Comment comptez-vous vous y prendre pour le faire sortir du silence ?

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feat. Jaime

« Oh vraiment ? » s’étonne Alexander quand Jaime lui confie que Daenerys Targaryen est précisément la personne qui aura mis l’épouse de son ami d’une humeur aussi massacrante.

Ainsi donc, les deux ne s’apprécieraient pas ? Au fond, ce n’est sans doute pas surprenant. Deux forts tempéraments tels que les leurs n’étaient pas forcément fait pour s’apprécier ou s’entendre. Quand bien même elles poursuivraient des objectifs similaires ou même adopteraient des modes d’action et de pensée par si différent l’une de l’autre, alors dans ce cas, elles se feraient concurrence. L’une comme l’autre ne semblent pas du genre à apprécier que qui que ce soit lui fasse de l’ombre, alors en cela, sans doute oui que Cersei Lannister ne pouvait que détester Daenerys Targaryen.

« Cersei et moi aurions donc quelque chose en commun ? J’ignore comment il me faut le prendre », se permet-il de plaisanter quand bien même, au fond, cela ne change rien.

Quelles que soient les raisons pour l’épouse de Jaime de détester Daenerys, Alexander est prêt à parier que ses raisons n’ont définitivement pas grand-chose – voire rien du tout à voir avec les raisons que le politicien invoquerait lui-même pour faire part de tout ce qu’il trouve d’abject et d’irrecevable dans les choix politiques de cette femme. Et il y aurait de quoi faire, à n’en point douter. S’il devait vraiment se lancer dans la liste non exhaustive de tous les griefs qu’il s’imaginerait capable de lui imputer, ils y seraient encore demain… Et même si Alexander serait capable de trouver une certaine satisfaction à une telle conversation, il n’est pas tout à fait convaincu du fait qu’il en serait de même pour Jaime. Il est loin de se douter que ce dernier, ainsi que son épouse, ont d’excellentes raisons de ne pas porter cette femme dans leur cœur au-delà de ses idéaux politiques. Pas un seul instant il ne lui vient à l’esprit que les deux puissent ni plus ni moins que venir du même monde, en réalité.

Il laisse ce sujet de côté néanmoins. Plutôt que de s’intéresser à ces manigances politiques, quand bien même elles ont leur importance, il préfère, à la vérité, se focaliser sur ses propres projets et ses propres ambitions. Et naturellement, si on lui demande son opinion sur la question, il pourrait bien devenir intarissable, encore qu’il sait aussi choisir ses mots et ménager ses effets quand il le décide, et c’est le cas en cet instant, alors que Jaime lui demande de quelle manière il compte procéder pour obliger le mère de cette satanée ville à enfin sortir de ce mutisme dans lequel il paraît s’être enfermé depuis bien trop longtemps déjà.

« J’ai dans l’idée d’opter pour une méthode presque aussi vieille que la notion de société elle-même », fait-il avec une once de fierté dans le ton de sa voix. « Un soulèvement populaire », complète-t-il avec un fin sourire au coin des lèvres.

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feat. Alexander Hamilton

Jaime hocha presque solennellement la tête pour confirmer à son ami que Cersei et lui avaient bel et bien ce point commun en leur mépris respectif pour Daenerys Targaryen. L'avocat se doutait pourtant que les raisons d'Alexander étaient bien plus éthiques et politiques que ne l'étaient celles de Cersei. Mais tout de même. Ce rapprochement l'amusait, de façon très cynique, comme à son habitude. Et la remarque de son ami ne fit qu'accentuer la pointe d'humour qui s'immisça dans son regard.

- Rassure-toi, je suis certain que c'est bien votre seul point commun. Il n'est pas des moindres, certes, mais vous aurez bien assez vite l'occasion d'y remédier lors de vos prochaines joutes verbales.

Il était même prêt à inviter Alexander chez eux, à insister auprès de Cersei avec le prétexte que leur fils appréciait Alexander et que, quoiqu'il en soit, Jaime avait bien le droit d'inviter un ami dans sa propre demeure. Mais il soupçonna que ce projet de réunion entre ces deux-là allait devoir attendre. D'une part, parce qu'il savait que sa soeur ne serait pas sensible à ses tentatives de persuasion. Pas aussi facilement, en tout cas. Et d'autre part, parce qu'il savait que les retrouvailles entre Cersei et Daenerys allaient accaparer l'attention de son épouse et menaçaient déjà bien trop leur équilibre familial.

Renonçant donc, pour le moment, à ce petit projet, Jaime reporta son attention sur Alexander et se permit d'émettre un sifflement impressionné.

- Un soulèvement populaire, rien que ça. Sais-tu déjà comment réunir autant de personnes ? Ton pouvoir politique est indéniable, Alexander, mais combien d'habitants sont réellement ralliés à ta cause ?

Ses questions, si elles pouvaient sembler dubitatives, étaient au contraire posées avec beaucoup de sérieux et d'intérêt. Jaime ne l'aurait jamais avoué à Cersei, mais le régime politique que lui avait décrit Alexander en mentionnant son ancienne vie intriguait réellement le Lannister. Une société où ce n'étaient ni les prétendus dieux, ni la force et la folie qui régnaient, mais des représentants élus par le peuple. Cela avait de quoi le fasciner même si, naturellement, il émettait tout de même de nombreuses réserves. L'enseignement de son père n'y était pas pour rien. Et il savait que pour sa part, Cersei avait des idées bien plus brutales quant à la manière la plus sûre d'obtenir et de garder le pouvoir.

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feat. Jaime

« Que je remporterai, bien évidemment », répond d’office Alexander avec une assurance démesurée (familière chez lui) quand Jaime suggère qu’ils auront tout le temps de remédier à cet unique point commun qu’ils se sont trouvés lors de leur prochaine entrevue, qui à n’en pas douter se muera rapidement en joute verbale, car en effet, quand les deux se retrouvent dans une même pièce, il leur est tout simplement impossible de ne pas laisser les mots voler plus haut les uns que les autres, c’est même une dangereuse habitude pour eux… quoi que Alexander ne dit jamais non à ces occasions de déployer sa verve, et vraiment, Alexander est une cible des plus privilégiées.

Cela dit, c’est certainement présomptueux de sa part qu’affirmer qu’il emporterait n’importe quelle joute verbale en présence de Cersei Lannister, car elle aussi a du répondant et de l’orgueil à revendre, mais passons, bien sûr. Dans tous les cas, et même s’il est toujours tentant de la descendre, y compris en présence de son époux, Alexander peut bien reconnaître qu’ils peuvent avoir d’autres sujets de conversations, autrement plus passionnants. Oui, il ne sert à rien d’en dire quoi que ce soit, mais ça fait tout de même du bien de le dire, de cracher tout ce qu’on a sur le cœur. Ce n’est jamais qu’un bête de défouloir, mais avoir l’occasion de se défouler dans ces circonstances, ça fait toujours du bien, vraiment.

Alors il préfère discuter de ses propres projets, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a les yeux plus gros que le ventre. Mais il faut avoir les plus hautes ambitions si l’on veut espérer changer le monde. Alexander n’a jamais que des projets à la hauteur de ses aspirations, qui ne sont pas moindres. Alors oui, il peut comprendre le scepticisme de son interlocuteur, et il ne lui reprochera pas ce sifflement impressionné dans lequel il pense percevoir un fond d’ironie. Il sait en effet que créer un soulèvement populaire semble être une démarche vaine, voire impossible, mais Alexander a toute confiance dans son potentiel, dans sa capacité à réussir. S’il doit puiser sa force et sa détermination dans un exemple quelconque, il se prendrait lui-même en exemple, tout simplement.

« Pas assez je te le concède, et c’est bien pour cela qu’il me faut travailler à inverser la vapeur. En rassemblant suffisamment d’alliés, en redoublant, voire en triplant d’efforts, nous pouvons parfaitement fédérer suffisamment de personnes pour faire une différence. » Il marque une pause. « Il ne faut jamais sous-estimer ce que l’on nomme la majorité silencieuse », fait-il alors. « Beaucoup n’en montrent rien mais n’en sont pas moins indignés par la situation actuelle et par le manque de transparence de la part de celui qui est supposé nous diriger. Certains ont simplement besoin d’entendre d’autres formuler à voix haute ce qu’ils ont toujours pensé. »

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feat. Alexander Hamilton

L'assurance d'Alexander le fit sourire. Il n'en était pas étonné, mais il ne pouvait décemment pas le laisser affirmer de telles choses sans réagir, n'est-ce pas ?

- Officiellement, je me dois de te contredire, très cher, plaisanta Jaime tout en levant son verre.

Il prit une gorgée de sa boisson tout en continuant de détailler son ami avec raillerie. Bien sûr, il ne doutait aucunement des capacités d'Alexander, et pour le peu qu'il avait compris de son histoire, il avait tendance à penser qu'en d'autres temps, en d'autres circonstances, il aurait pu être l'un de ses admirateurs. Ses idées lui plaisaient. Mais lorsqu'il était question de pouvoir, et comme en tout autre domaine, Jaime favoriserait toujours Cersei. Car s'il ne le faisait pas, personne ne le ferait. Et il était hors de question qu'il laisse sa sœur se morfondre dans sa haine des autres et dans sa soif de pouvoir sans qu'elle n'obtienne de soutien ou de présence fiable. Sa présence.

Néanmoins, il était prêt à écouter Alexander et ses ambitions, surtout lorsque Cersei n'était pas dans les parages pour lui adresser des regards mauvais et réprobateurs. Sa très chère soeur et son caractère...

Intéressé par ce que lui expliquait et affirmait son ami, Jaime se tut et continua de boire tout en l'écoutant, ne réagissant d'abord que par de discrètes ébauches de sourires ou par des haussements de sourcils impressionnés. Il devait reconnaître à son interlocuteur que ce dernier était convainquant, lorsqu'il le voulait.

- Il est bien beau de penser et d'écouter ceux qui osent s'exprimer. Mais qu'en est-il de l'action ? Ne crains-tu pas que cette majorité silencieuse soit justement silencieuse par couardise ? Ils te soutiendront peut-être... Mais seront-ils présents pour appuyer tes propos par l'action lorsque viendra le temps de se révolter contre le pouvoir en place ? T'aideront-ils, concrètement, à obtenir la place que tu penses mériter ?

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feat. Jaime

« Officieusement, je sais ce que tu penses réellement », répond Alexander en levant son verre à son tour avec un fin sourire.

Il est des débats qui d’avance sont faits pour ne porter aucun fruit, mais en l’occurrence il n’est pas tant question de débats que d’observations. Allez savoir quelles raisons motivent ainsi Jaime Lannister a tant en accepter de son horrible épouse, mais l’amour vous fait parfois – souvent même – faire des choses bien stupides, c’est un fait avéré. Et si Alexander se voit sans mal argumenter en long, en large et en travers contre ses ennemis politiques, il se verrait mal consacrer autant d’acharnement à un homme amoureux, il gage que ce serait définitivement peine perdue.

Alors, plutôt que de discuter de la potentialité pour lui de réduire Cersei Lannister à un silence qui leur serait profitable à tous, il évoque ses seuls projets, et là encore, Alexander peut tout à fait constater qu’ils ne remportent pas exactement l’adhésion de la part de son interlocuteur, mais ce n’est pas pour le déranger. Il est des arguments qu’il est habitué à entendre, et il sait pour quelle raison ses décisions et ses aspirations ne sauraient faire l’unanimité. Cela n’empêche définitivement pas Alexander de se battre au nom de ses convictions et surtout d’y croire dur comme fer. Il est convaincu de pouvoir accomplir de grandes choses, il sait qu’il en faudra beaucoup, mais que ce beaucoup peut partir d’un rien. La conviction d’un seul homme peut déplacer des montagnes s’il sait y mettre l’ambition et la force de persuasion nécessaires.

Oui, il est bien beau d’écouter ceux qui osent s’exprimer. Et ce n’est pas seulement beau, c’est nécessaire. Quant à l’action, elle advient par après. La majorité silencieuse l’est souvent par couardise, Alexander ne peut le nier, mais l’on n’est moins couard lorsque l’on découvre que l’on n’est pas seul, et c’est bien là-dessus que compte celui qui a suffisamment fédéré de foules pour se croire capable d’accomplir les plus hauts desseins.

« Tu sous-estimesje crois ce dont le peuple peut et sait être capable. Je gage que tu n'as pas assisté à beaucoup de révolution peu importe d’où tu viens. » Il marque une pause. « Seul, il est normal que chacun redoute d’agir, mais il suffit qu’un autre vous encourage, qui lui-même en encouragera un autre, et tu n'as pas même idée de ce qu’un peuple que l’on croit complètement démuni peut être capable. Je ne m’inquiète pas un seul instant de cela. »

Il le devrait sans doute, mais il ne peut se le permettre, c’est peut-être ce qui le distingue de ses opposants politique, cette foi qu’il veut garder dans ceux qui trop souvent se voient invisibilisés et ignorer. Alexander, lui, veut affirmer que ça n’a rien d’une fatalité. Que ça n’en sera jamais une.

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feat. Alexander Hamilton

Alexander avait raison de souligner que Jaime sous-estimait profondément le peuple. Et pour cause. Il n'avait connu de la masse que des preuves de l'abjecte nature humaine. C'était, après tout, la masse du peuple qui avait fait subir à Cersei sa plus grande humiliation.

- Les seuls peuples révoltés que j'ai connus n'ont pas tenu. D'esclaves ils sont passés à affranchis, mais sont restés voués à eux-mêmes ou ont été utilisés pour servir d'autres maîtres plus vicieux sous couvert de liberté.

Tout comme il n'accordait pas sa confiance à la masse, il n'accordait pas non plus sa confiance à ceux qui, seuls, s'autoproclamaient libérateurs.

- Mais je suppose que s'il y a bien un homme qui peut accomplir l'impensable, c'est toi, fit-il avec un brin de raillerie dans la voix.

Jaime était un éternel cynique. Il avait assisté à la monstruosité d'un roi qu'il avait juré de servir, et qu'il avait fini par éliminer pour sauver le plus grand nombre - et il avait perdu toute considération de la part de ce même peuple qu'il avait protégé. Il avait assisté à la folie destructrice d'une Targaryen qui avait juré de libérer les peuples opprimés et qui avait fini par accomplir, en mettant le royaume à feu et à sang, l'œuvre du roi qu'il avait tué.

Mais c'était une autre époque, avec d'autres préoccupations politiques. Il ne s'agissait plus tant de conquêtes sans fin et de se défendre contre des créatures surnaturelles qui auraient mieux fait de continuer de hanter les contes pour enfants. Il s'agissait de renverser un maire absent. A ce jeu-là, il apportait tout son soutien à Cersei. Par loyauté. Parce qu'il savait que Cersei ne serait jamais en paix mais serait un peu plus satisfaite une fois que le pouvoir lui appartiendrait.

Pour elle, il serait même prêt à trahir l'homme avec qui il buvait un verre ce soir-là. Il le ferait à contrecœur, bien sûr. Il appréciait sincèrement Alexander. Et il savourait cette forme d'accalmie qui lui permettait de profiter de sa présence sans avoir à se soucier de la nécessité de le supprimer. Avec un peu de chance, il n'aurait pas à en arriver à de telles extrémités. Jaime avait compris qu'en ce temps, les adversités ne se réglaient plus tant par la guerre que par la parlote. En tant qu'homme d'action et de combat, il était sceptique. Mais il avait toujours été un bras armé, qui avait juré de servir et protéger un roi et qui, année après année, avait subi de grandes désillusions, observant ses rêveries chevaleresques adolescent partir en fumée. Les hommes n'étaient pas honorables, ni les gueux, ni les chevaliers, et encore moins la royauté.

- J'envie parfois ton optimisme.

Afterwork and Politics

feat. Jaime

« Les révoltes que moi j’ai connues ont toujours porté leurs fruits », répond Alexander avec confiance.

Bien sûr, son discours est exagéré, par « toujours », il faut entendre qu’il y a eu des victoires éclatantes, mais que ces dernières occultent également un nombre assez conséquent d’échecs. Ceci dit, ces victoires étaient bien ainsi symboliques et vibrantes pour qu’Alexander etime nécessaire de les signaler. Les fondations même de la patrie toute neuve qu’ils ont réussi à constituer se sont fondées sur cet espoir que tant d’autres considèrent avec mépris.

Oui, Alexander croit dans le bien-fondé de sa cause. Il n’est pas seulement un idéaliste, pas selon lui, en tout casi, il est un visionnaire, et il est persuadé qu’il ira loin, le plus loin possible. Il a la détermination, la volonté… Et fort de ces deux qualités – que beaucoup observent comme étant parmi ses pires défauts, il est persuadé de pouvoir aller très loin. C’est avec un humble sourire qu’Alexander accueille la réflexion de son ami quand ce dernier observe que s’il y a bien un homme qui peut être capable d’accomplir l’impensable, c’est définitivement lui. Alexander est capable de davantage d’humilité, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’estime pas qu’il ira effectivement très loin. A ses yeux, l’on peut même dire que c’est la moindre des choses, et il est absolument convaincu de ce dont il peut être capable en y mettant la force de volonté nécessaire.

« Moi seul peut-être pas, mais il n’est pas grand-chose que je ne sois capable de faire, c’est vrai », confirme Alexander sans la moindre fausse modestie tout en déposant une tape amicale au creux du dos de son ami. « Tu verras. »

C’est une promesse qu’il fait souvent. Peut-être ne paie-t-il pas de mine, peut-être imagine-t-on que ses ambitions sont démesurées, mais ceux qui émettent des doutes n’ont qu’à attendre, et ils se rendront compte alors de ce qui est vraiment, ils prendront conscience de tout ce qu’il est capable d’accomplir, et du visage qu’il saura donner au monde pour peu qu’on lui laisse l’occasion de réussir ces choses exceptionnelles, chacune d’entre elles.

« Il n’est d’ambition sans optimisme », affirme Alexander avec conviction, quand Jaime lui confesse admirer l’optimisme dont il fait preuve.

D’aucuns le présenteraient peut-être davantage comme une sorte d’utopisme déconnecté de la réalité, mais Alexander n’est pas d’accord. Il estime lâches ce qui se réfugie derrière leur pessimiste pour décréter, sans réellement de fondement, que tout est perdu d’avance, et qu’il serait par conséquent vain de se battre et de défendre ses opinions. Non, Alexander est tout à fait incapable d’observer les choses ainsi.

« Et je n’ai jamais eu le sentiment que tu manquais d’ambition. »

Afterwork & Politics

feat. Alexander Hamilton

La conviction d'Alexander était telle qu'elle aurait été capable de conduire Jaime à reconsidérer ses propres souvenirs, et les constats qu'il avait fait quant à l'inutilité des grands mouvements de libération. Tout ce qu'il avait retenu de la volonté de libérer les peuples, c'était que de bien belles intentions pouvaient très facilement se muer en volonté tyrannique d'imposer sa vision du monde à tous les peuples, y compris à ceux qui n'en avaient guère l'envie, quitte à éliminer ceux qui étaient trop réfractaires au changement. Et tout ce qu'il avait vu du pouvoir... L'en avait écoeuré. Qu'il s'agisse d'Aerys Targaryen, de Robert Baratheon ou de sa propre soeur et épouse. Ils s'étaient tous sentis trop protégés sous prétexte qu'ils occupaient le Trône de Fer. Mais de ce qu'il en avait vu, ils avaient avant tout été aveuglés.

Bien sûr, il espérait que son ami soit capable de résister aux vices du pouvoir, si jamais ses ambitions venaient à se réaliser. S'il y avait bien un homme qui pouvait rester raisonnable, selon Jaime, c'était bien Alexander. Mais son expérience l'incitait tout de même à observer la situation d'un oeil qui, s'il n'était pas sceptique, était au moins réticent. Politique, royauté, pouvoir... Tout ceci dépassait l'entendement à son sens, pour lui qui avait toujours été plus doué pour être le bras armé des puissants... Mais qui avait sacrifié son honneur à cause de l'horreur de découvrir le véritable état d'esprit d'un roi qui avait perdu la raison.

- J'attends de voir, mon ami. Sincèrement.

Oui, Jaime avait du croire à l'optimisme d'Alexander, mais il était en revanche serein quant à la fonction que devait occuper Alexander dans cette ère et dans cette ville. Son ami était un homme d'influence et de pouvoir, un fin orateur, et ses idées avaient le mérite d'être honnêtes et réfléchies.

Un sourire presque attendri releva le coin de ses lèvres suite à la dernière affirmation d'Alexander.

- Toi et tes grands discours, Alexander... Tu me rappelles mon frère.

Dans l'intelligence, également. L'évocation de Tyrion le rendit quelque peu mélancolique, bien qu'en cela, il soit sans doute déjà grandement aidé par l'alcool.

Afterwork and Politics

feat. Jaime

Alexander a bien conscience du fait que son interlocuteur ne goûte pas tout à fait à son optimisme, et il n’envisage pas de le lui reprocher, il sait bien que beaucoup affichent sans mal leurs réticences quand le politicien fait valoir sa vision et surtout l’ampleur de ses ambitions, mais Alexander Hamilton est un obstiné, il ne lâche jamais rien, et rien ne lui fait plus plaisir que de donner tort à ceux qui auront estimé qu’il aura voulu aller trop loin, qu’il aura visé trop grand. Certes, il est bel et bien arrivé que ce soit le cas, et à plus d’une reprise par ailleurs, mais ses quelques succès doivent occulter un certain nombre d’échecs. En l’occurrence, il est absolument convaincu, de même qu’il sait que le scepticisme de Jaime n’empêche pas sa curiosité.

Quand ce dernier estime qu’il attend de voir, sincèrement, Alexander sait que le sincèrement n’est pas de trop : il est prononcé car pensé. Jaime est de ces personnes qui manient les mots à raison plutôt qu’à tort et à travers (ce qu’on pourrait reprocher à Alexander de faire, mais il estime savoir donner du sens et une nécessité à chaque mot qu’il prononce, sans aucune exception). C’est certainement pour ça qu’il fait un excellent avocat, et c’est également pour cette raison que les deux font de bons amis, en dépit de leurs divergences manifestes d’opinion sur des sujets qui devraient pourtant radicalement les diviser tant ils ont de l’importance pour l’un comme pour l’autre : à savoir la politique et leur regard sur la société (ce qui est sensiblement la même chose).

« Je vais le prendre comme un compliment », répond Alexander avec un fin sourire quand Jaime lui fait remarquer que ses grands discours lui font penser à son frère.

Ah, Tyrion ! Alexander n’en a entendu parler que de la bouche de Jaime, si bien qu’il n’est pas du tout certain que cet homme se trouve ici, mais si tel doit être le cas, il serait sincèrement curieux de le rencontrer et de deviser avec lui, il est convaincu que leurs conversations ne manqueraient certainement ni d’animation, ni d’intérêt.

« Je regrette que tu ne l’aies toujours pas retrouvé… », reprend-t-il ensuite non sans avoir conscience du fait que s’engager sur ce terrain là risque de leur donner l’alcool triste, mais il est toujours difficile de ne pas songer aux grands absents dans ces moments-là… Eliza, Angelica, Laurens… Plus le temps passe, moins il croit dans la possibilité de les retrouver, mais la pensée qu’il garde pour eux, elle, ne faiblit pas. « Allez, levons nos verres aux grands absents, et ne nous laissons pas abattre pour autant. »

Afterwork & Politics

feat. Alexander Hamilton

Jaime ne fait qu'esquisser un sourire lorsque Alexander choisit de prendre sa réflexion comme un compliment. L'alcool commençant à faire son effet, il hoche brièvement la tête et répond sobrement :

- C'en est un. C'est l'homme le plus intelligent que je connaisse.

Ce qu'ajoute Alexander a le don de l'amuser. Oui, il imagine bien que ces deux-là se seraient entendus à merveille. Il est même certain qu'ils auraient fini par avoir des idées politiques similaires. Si ces deux-là finissaient un jour ou l'autre par se rencontrer... Alors le maire aurait peut-être bien du souci à se faire, et Cersei et ses ambitions aussi, d'ailleurs.

- Je le regrette aussi. Mais c'est sans doute mieux ainsi. Cersei ne l'a jamais supporté.

Par ailleurs, Tyrion avait fait ses choix, dans leur ancien monde... Jaime s'imaginait que Tyrion était aux côtés de sa reine, de Daenerys... Elle-même présente en ville, selon les dires de Cersei. Alors si Daenerys était finalement absente, peut-être que Tyrion s'était trouvé une nouvelle ou un nouveau monarque à soutenir et à conseiller. Quelque part, c'est ce qu'il peut espérer de mieux pour son petit-frère. Que quelqu'un écoute enfin ses conseils avisés et que ces derniers parviennent à unir des royaumes qui manquaient cruellement d'homogénéité.

Mais avant de se laisser complètement absorber par la mélancolie, Jaime décide d'écouter son seul ami et lève son verre, un peu trop haut, sans doute.

- Aux absents, répète-t-il énergiquement.

Il incline la tête en direction d'Alexander, puis termine le contenu de son verre d'un trait. A peine le verre est reposé qu'il adresse un signe au barman, qui le ressert sans sourciller. Jaime s'empare de nouveau de son verre, en boit cette fois-ci une gorgée dans le but de rester un tant soit peu modéré, à défaut d'être digne.

- Es-tu prêt à laisser ton intégrité de côté pour jouer ? l'interroge-t-il en désignant de sa fausse main les différentes tables de jeux du casino.

Afterwork and Politics

feat. Jaime

Alexander peut sans mal discerner le regret et la nostalgie dans la voix de Jaime à l’évocation de ce frère qu’il n’a pas retrouvé. Sans avoir vécu la même chose, le politicien pense être tout de même en mesure de comprendre ce qu’il ressent. Certes, il n’a pas eu la chance d’avoir de frère, et c’est à peine s’il a connu aucun membre de sa famille au-delà de celle qu’il s’est construite, d’ailleurs, mais il a eu des frères d’armes, qui ont importé pour lui comme s’ils étaient sa chair et son sang (sans compter Laurens qui avait importé encore davantage). Quant à son épouse et ses enfants, faut-il seulement préciser qu’ils lui manquent ? Peut-être bien, certains pourraient probablement en douter, mais c’est bel et bien le cas. Alors oui, il peut sans mal comprendre ce qu’il traverse.

« La belle famille, c’est souvent compliqué », se contente de commenter distraitement Alexander sans forcément de raison, alors que Jaime affirme que Cersei n’a jamais supporté son frère (sans se douter qu’il s’agit en fait de leur frère à tous les deux. Bon, la belle-famille, ça n’avait pas été si compliqué que ça pour Alexander qui avait été particulièrement bien accueilli par les Schuyler. On pourrait peut-être, oui, qualifier de compliquée cette ambiguïté qu’il avait bien trop souvent entretenue entre lui et Angelica, mais rien à voir, sans doute, avec les histoires de Jaime. C’est que, il faut le dire et le répéter, Cersei Lannister n’a définitivement rien de franchement commode. « Et en même temps, je pense que tu es bien la seule personne au monde que ton épouse est capable de supporter. »

Non, il ne le fait pas exprès d’être désagréable avec Cersei constamment quand Jaime est dans les parages. C’est juste qu’il ne sait pas tenir sa langue ô combien pendue, et qu’il se sent toujours dans l’obligation presque suprême de donner son avis sur tout, et plus encore quand cet avis ne lui a franchement pas été demandé.

Ils trinquent alors aux absents, et c’est probablement le mieux qu’ils puissent faire faute de les avoir retrouvés, faute de les retrouver probablement un jour. Alors Alexander boit une grande gorgée d’alcool, et c’est au moment où il pose son verre sur la table que Jaime l’interroge.

« Je jouerai avec intégrité », fait-il avec une esquisse de sourire, assez curieux de jouer à l’un de ses jeux. « Même si j’ai bien peur de n’en maîtriser aucune règle, en dehors du blackjack, je vais avoir besoin de tes lumières, mon ami. »

Afterwork & Politics

feat. Alexander Hamilton

Jaime se rend compte de la grande confusion qu'il a failli instaurer sans s'en rendre compte. L'alcool aidant, il avait plusieurs fois failli mentionner Cersei comme étant sa sœur autant que sa femme, et s'il avait pris l'habitude d'assumer cette relation, désormais, il sait pourtant que la vérité ne serait pas plus acceptée dans ce monde que dans le leur. Il esquisse donc un sourire de soulagement après qu'Alexander ait fait une remarque sur les belles-familles. Dans leur cas, à lui et à Cersei, ce n'est pas peu dire.

Alexander poursuit en affirmant que Jaime est certainement la seule personne que son épouse soit capable de supporter et cette fois-ci, il rit franchement, de l'un de ces rires de gorge bas qui sont le signe, chez lui, d'un véritable amusement.

- Oh, ne va pas croire une telle chose, malheureux. Elle ne me supporte pas non plus. Seuls nos enfants ont ce privilège, plaisanta-t-il avec, cependant, un fond de vérité dans la voix.

Cersei était son tout, Cersei était son double autant que celle qui le complétait, et tous les deux, ils étaient voués à être ensemble... tout en se haïssant régulièrement, même lorsqu'ils s'exprimaient leur amour de la plus tendre des façons. Il y avait toujours une certaine férocité dans leurs échanges et dans leur relation, à l'image des fauves de la bannière de leur famille. Ils avaient beau faire profil bas dans cette nouvelle vie, un Lannister restait un Lannister.

Finalement, ils se lèvent pour s'approcher des tables de jeux, et Alexander lui fait remarquer qu'il n'en connaît aucune règle, hormis celle du blackjack. Jaime, pour sa part, a dû apprendre toutes ces règles au fil des ans, à force de multiplier les afterwork et de se faire inviter par ses collègues de travail. Il en a donc une assez mauvaise maîtrise, mais il reconnaît bien volontiers la part d'addiction qu'il peut il y avoir avec de tels jeux.

- Nous pouvons commencer par le black jack, dans ce cas. Afin que nous ne soyons pas immédiatement ruinés.

Afterwork and Politics

feat. Jaime

« J’espère de tout cœur que tu exagères », répond Alexander en fixant son ami avec curiosité.

Si Jaime a prononcé ces mots d’un ton amusé, au moment de suggérer que son épouse n’aurait d’affection que pour ses enfants, et pas même pour l’homme qu’elle a épousé, le politicien ne peut s’empêcher de se demander s’il n’y a pas un fond de vérité là-derrière… Et cela l’attriste terriblement. Il pourrait peut-être mettre cela sur le compte d’un mariage qui aurait éventuellement été arrangé, comme beaucoup l’étaient du temps d’Alexander (et lui-même avait épousé Eliza par intérêt pour commencer, même si l’intérêt qu’il avait su cultiver pour elle avait été multiple en fin de compte)… mais il sent bien que son ami, pour une raison qui en revanche lui échappe totalement, et épris de son épouse… Il mériterait plus que personne d’être aimé en retour, mais au fond, devait-on lui souhaiter d’être aimé d’une femme aussi cruelle que Cersei Lannister ? Par bien des aspects, on pouvait admettre qu’être détesté par elle valait peut-être mieux.

« Dans le cas contraire, je ne saurais que trop te conseiller de réfléchir sérieusement à ton mariage et à ton propre bonheur. Je ne le dis pas seulement parce que je méprise ton épouse et que j’estime que tu mériterais bien mieux qu’elle, je te le dis en ami », affirme-t-il en déposant une tape amicale et fraternelle sur son épaule.

Et c’est le cas. Même si son avis est nécessairement biaisé par tout le mépris qu’il ressent envers Cersei, cela n’ôte tout de même rien au fait qu’il pense sincèrement que son ami mériterait de partager sa vie avec une femme qui le mériterait véritablement, avec une femme qui serait bel et bien susceptible de le rendre heureux. Il n’avait certainement pas son mot à dire sur son mariage, certes, mais puisqu’ils étaient entre eux, qu’ils avaient déjà un peu bu et qu’ils s’étaient décidé à cesser de parler de politique (quand il était question d’Alexander Hamilton, ce dernier point tenait presque du miracle, il faut quand même le dire).

Il daigne malgré tout ne pas dire un mot de plus pour s’intéresser aux jeux auxquels ils pourraient jouer tous les deux. Loin d’être familier de ces jeux qui s’en remettent à un hasard sur lequel Alexander n’aime pas devoir compter, il espère que Jaime, de son côté, saura plus facilement l’aiguiller. Quand ce dernier affirme qu’ils pourront commencer par le black jack afin de ne pas être ruinés immédiatement, Alexander se permit de sourire.

« J’ai dit que je connaissais le black jack, je n’ai jamais prétendu être doué pour », fait-il avec un sourire en coin, mais tout en acceptant, de bon cœur, de rejoindre ladite table de black jack.

Afterwork & Politics

feat. Alexander Hamilton

L'inquiétude d'Alexander le surprend, mais le touche, étonnamment. Jaime a connu, par le passé, les joies de l'amitié, mais celles-ci avaient toujours été corrompues par la violence de son époque et par les nécessités d'une survie qui dépendait bien trop souvent des coups bas et des manipulations. Il ne tenait pas rigueur à ses anciens amis pour leurs actions, lui-même n'étant pas le plus honorable des hommes, loin de là. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. Mais il s'agissait d'une autre histoire. C'est avec une pensée émue pour Bronn et, dans un registre différent, pour Brienne, qu'il pose sa main organique sur l'épaule d'Alexander. C'est avec gratitude qu'il le fixe, mais avec brièveté, aussi.

- Ne te fais pas d'inquiétudes à ce sujet. Cersei et moi... c'est une évidence. Nous avons toujours été ensemble, et nous le resterons. Je ne suis à ma place qu'avec elle.

Il est sincère, dans sa déclaration, mais conçoit parfaitement que tout être extérieur à cette relation ne puisse comprendre. Seul Tyrion avait semblé comprendre, résigné, mais encourageant lorsqu'il était question d'amour entre Cersei et Jaime. Même Brienne n'avait pas compris... et il lui avait brisé le cœur pour cela.

S'apercevant que l'alcool le rend trop nostalgique, il écoute son ami à qui il ne peut guère confier les secrets de son passé ni de ce qui le lie aussi passionnément à Cersei. Parfois, il est tenté de lui confier cet aspect méconnu de leur relation, leur lien de parenté, mais revient toujours à la raison. Il ne comprendrait pas. Pire encore, cela pourrait être une arme redoutable contre Cersei et sa prise de pouvoir, et il est hors de question qu'il la trahisse. Il se résigne donc au secret et adresse un sourire encourageant à Alexander, qu'il dirige vers la table de Blackjack.

- Bien. Vainquons donc cette Banque.

Jaime mise une somme raisonnable, conscient qu'il n'est que très peu expérimenté à de tels jeux. Il est cependant confiant, les autres participants à leur table n'étant pas nombreux.