La vie semblait plus douce pour Mary ces derniers temps. Elle découvrait ce que la vie avait à lui offrir. Elle commençait à apprécier la seconde chance que lui offrait ce monde. Une vie sans couronne, sans contrainte. Une vie avec son enfant. Bien évidemment, cette vie n’était pas parfaite. Mary était privée de toutes les personnes qu’elle aimait en dehors de son enfant. Et elle était condamnée à vivre non loin de sa cousine. Mais après tout, était-ce si mal ? Si dangereux pour Mary ? Les deux cousines avaient su collaborer. Elles avaient su s’entraider. En étant là l’une pour l’autre, elles avaient survécu. Elles s’en étaient sorties indemnes. C’était ce qui avait convaincu Mary. Ce qui l’avait convaincue de laisser plus de liberté à sa cousine. Bien évidemment, la brune n’avait pas tout abandonné. Elizabeth restait une potentielle menace pour elle ou pour James. Mais l’ancienne reine avait pris la décision de continuer à la faire suivre, mais en lui laissant plus de liberté. Et pour Mary, c’était également un véritable soulagement. Ne plus à avoir à se méfier de chaque fait et geste d’Elizabeth était un soulagement. Mary avait appris à vivre de nouveau dans ce monde depuis quelques mois. Elle avait appris à profiter de sa seconde chance avec son petit garçon. Elle avait appris à moins se méfier, à plus profiter.

Et il avait fallu cette simple information pour tout gâcher. Elle l’avait croisé. Sa cousine n’était pas seule. Une information banale pour certains, mais pas pour Mary. Surtout qu’elle avait également été aperçue en compagnie de cet homme, lorsque les hommes de main de Mary l’avaient suivi. Qui était-il ? Avait-il de l’importance pour Elizabeth ? À quel point ? Elizabeth ne devait pas reprendre confiance. Elle ne devait pas se forger de nouvelles alliances. L’ancienne reine d’Angleterre ne devait pas se faire à ce nouveau monde. Pas de cette façon. En sortant la tête de l’eau, en faisant de nouvelles rencontres, en se formant une sorte de nouvelle armée, elle pouvait de nouveau être un véritable problème pour Mary. Elle pouvait de nouveau être dangereuse. Si Elizabeth se construisait un nouvel empire, elle était capable de la conduire une nouvelle fois jusqu’à la mort. Et Mary refusait ce sort. Jamais elle ne laisserait sa cousine faire. Alors elle devait agir et au plus vite. Il aurait peut-être été plus simple d’agir la première en ordonnant l’exécution de sa cousine, mais Mary refusait cette idée. Elle l’avait toujours refusé. Même si elle avait longtemps prétendu le contraire. Même si elle avait longtemps menacé sa cousine. Ce n’était qu’une façon de se montrer forte et sans peur. Ce n’était que l’image qu’elle voulait donner d’elle. Alors elle avait fait suivre cet homme. Un certain Alexander Hamilton. Une vie fort peu passionnante, partagée entre un travail à la mairie, son domicile et parfois quelques exceptions. Cet homme ne semblait pas dangereux. Mais ce n’était peut-être qu’un masque. Un mensonge. Il pouvait jouer un jeu pour mieux tromper Mary. Connaissant Elizabeth, elle avait dû le mettre en garde concernant sa cousine. Elle lui avait sans doute expliqué qu’il risquait de se faire suivre par sa cousine et qu’il devait se montrer prudent pour ne rien laisser paraître. Le mieux pour Mary était donc de se rendre chez lui pour avoir une discussion avec. Obtenir son adresse n’avait rien de compliqué, puisque Mary l’avait fait suivre pendant quelques jours et avait obtenu toutes les adresses où il s’était rendu.

L’ancienne reine s’était alors fait conduire par son chauffeur jusqu’au domicile de cet Alexander. La brune avait attendu quelque temps devant chez lui pour s’assurer qu’il était bien seul et qu’Elizabeth ne se trouvait pas là. Une fois certaine, Mary avait quitté la voiture avant de se rendre à la porte d’Alexander, frappant quelques coups pour manifester sa présence. L’homme ne mit pas longtemps à ouvrir la porte. Et même si Mary ne l’avait vue que brièvement, elle pouvait affirmer que c’était bien cet homme qui avait accompagné sa cousine. « Bonjour, excusez-moi de vous déranger. Mon véhicule est tombé en panne et mon téléphone n’a plus de batterie. Est-ce que vous auriez un téléphone que je pourrais emprunter pour téléphoner à un dépanneur ? » Bien évidemment, ce n’était qu’une excuse, une excuse sans originalité, mais qui pouvait expliquer sa présence ici.

Le besoin de se sentir en sécurité avait été plus fort que tout. Si Elizabeth réussissait à se forger de nouvelles alliances, de nouvelles amitiés, elle redevenait une potentielle menace. Seule, Elizabeth ne faisait pas le poids contre Mary et la protection qu’elle s’était créé. Entourée, elle redevenait celle capable de lui ôter la vie à n’importe quel moment. Elle redevenait celle qui était capable de l’enfermer, de la priver de son enfant. Et de bien d’autres choses encore. Alors que devait-elle faire ? Devait-elle lui laisser cette liberté ? Devait-elle agir au plus vite pour être protégée ? Pour protéger son enfant ? Après tout, ce n’était que le début. Une seule personne, de simples visites, de simples promenades. Mais pour la Elizabeth qu’elle était devenue, c’était déjà beaucoup trop. Un changement bien trop important. En se sentant entourée, elle pouvait reprendre confiance. Trop reprendre confiance.

C’est pourquoi Mary avait également fait suivre cet homme. Elle devait savoir avec qui sa cousine restait. Elle devait savoir si cet homme pouvait avoir de l’influence sur elle. Et d’après ce qu’elle avait compris, il ne semblait pas dangereux. Mais pour en être certaine, Mary voulait le voir de ses propres yeux, avoir une discussion avec lui. Et surtout, elle voulait pouvoir lui parler d’Elizabeth. Parce que si cet homme n’était pas mauvais, il méritait de savoir avec qui il s’était lié d’amitié, ou plus. Elizabeth n’était pas une gentille et innocente personne. Son visage angélique pouvait tromper bien des gens. Ses petits discours de victime également.

Après avoir sorti l’excuse la plus banale, mais la seule qui lui était venue en tête à l’instant même, la brune attrapa le téléphone de l’homme en le remerciant d’un simple sourire. Et heureusement, Alexander lui avait proposé d’entrer pour attendre le dépanneur, qui n’avait pas réellement besoin de se déplacer puisque la voiture de Mary était nullement en panne. Un nouveau sourire aux lèvres la brune était entrée. Discuter à l’intérieur serait sans doute mieux que de discuter sur le pas de la porte. « Un verre d’eau, merci. » Dit-elle alors simplement.

Mary ne savait pas par où commencer, ni même comment s’y prendre pour parler de sa cousine, sans être fichue à la porte ou sans avoir de problème. Après tout, elle ne savait pas quel lien les unissait réellement. Elle ne connaissait rien non plus de cet homme. Mary avait donc réfléchi à la meilleure façon de lancer la conversation, sans grand succès. « Je vous remercie pour le téléphone. » Lança-t-elle alors qu’Alexander revenait de la cuisine, avant de lui tendre l’objet. « À vrai dire, je n’ai pas vraiment frappé à votre porte par hasard. Je savais que je vous trouverais ici. Et je sais que vous ne me connaissez pas, mais j’avais besoin de vous parler. »

Un signe de tête confirma qu'elle savait qui il était. Mary ne savait pas tout de sa vie, mais elle en savait suffisamment pour savoir - du moins en partie - à qui elle avait affaire. Il se prénommait Alexander Hamilton, travaillait pour le maire et avait semble-t-il un rapport particulier avec la politique. «  Je m'appelle Mary Stuart. Je suppose que ce nom ne vous est pas totalement étranger. » Elizabeth avait déjà dû prononcer le nom de sa cousine. Soit pour se plaindre de son mauvais traitement. Soit pour le mettre en garde. « Elizabeth est ma cousine. » Cette information, en revanche, il devait l'ignorer. Elizabeth avait dû rester bien brève concernant leur lien. Si elle voulait que son amnésie reste plausible, elle devait faire attention à tout ce qu'elle disait. C'est pour cela que Mary était persuadée qu'Elizabeth n'avait presque rien raconté à son sujet. Seulement tout ce qui s'était passé dans ce monde. Ce qui faisait passer Mary pour la méchante dans l'histoire. Alors qu'en réalité, elles avaient chacune leur part de responsabilité. «  Je vais vous épargner les détails de ma vie. Je vais simplement vous donner les éléments les plus importants. » Les éléments de sa propre histoire, mais également ceux de la vie d'Elizabeth. Alexander devait connaître ces choses pour comprendre la rivalité des deux femmes. Pour comprendre que Mary n'était pas entièrement fautive. Pour comprendre qu'elle avait ses raisons. Et surtout, pour comprendre qu'Elizabeth n'était pas le parfait petit agneau qu'elle laissait paraître. «  Ma vie d'autrefois était bien différente de celle que je mène aujourd'hui. Dans mon ancienne vie, j'étais souveraine. Reine d’Écosse a à peine quelques jours, puis reine de France par mon mariage. Elizabeth, elle, était reine d'Angleterre. Nos deux pays étaient rivaux depuis bien des années, bien avant que nous en soyons à la tête. » La brune marqua une courte pause. Elle porta son verre jusqu’à ses lèvres pour en boire une nouvelle gorgée. « Et sans surprise, ils ont continué à l’être après nos couronnements. » Bien évidemment, aucune d’elle n’avait voulu cela au début, mais leur vie de reine, les avait conduites sur un tout autre chemin. Un chemin qui les avait conduites sur une rivalité certaine, une rivalité qui les avait poussées à vouloir se défendre face à l’autre, une rivalité qui avait fini par tuer Mary.

Visiblement, Mary avait raison, Alexander la connaissait, de nom tout du moins. Elizabeth avait bien fait son travail. Elle lui avait parlé de sa cousine et avait dû lui dire de se méfier d’elle, de tout ce qu’elle pouvait lui dire. L’ancienne reine savait que son discours allait difficilement être écouté par Alexander. Elle savait qu’il allait difficilement la croire. Et pourtant, elle avait l’intention d’être la plus franche possible avec lui. Et visiblement, le nom de Mary ne lui était pas inconnu, il semblait connaître une petite partie de son histoire, même s’il disait ne pas être familier avec les histoires des souverains. Mais ce n’était pas un problème, Mary était prête à lui compter une partie de sa vie. La partie la plus importante, tout ce qui l’avait mené à cette guerre contre Elizabeth. Tout ce qui l’avait amené à ce qu’Alexander devait connaître de l’histoire d’Elizabeth.

« Je veux simplement que vous sachiez avec qui vous passez votre temps. Vous vous ferez votre propre opinion, ne vous en faites pas pour cela. » Bien évidemment, Mary préférait voir cet homme le plus possible de sa cousine. L’ancienne reine avait peur de voir du monde entourer Elizabeth. Elle savait que ces personnes pouvaient être sa force. Elles pouvaient lui donner envie de lutter, de vaincre sa cousine une fois encore. Mary devait se protéger, elle devait protéger son enfant. « Vous devez savoir qu’Elizabeth n’est pas réellement la femme que vous pensez. Sous ses airs angéliques, se cache une âme sombre, croyez-moi. » La brune quitta son fauteuil, pour se diriger vers la fenêtre, tournant ainsi le dos à Alexander. « Vous savez, j’aurais aimé que les choses se passent autrement entre-nous. » Mary avait toujours dit qu’elle aurait préféré voir une alliée en Elizabeth plutôt qu’une ennemie. « En tant que souveraine, nous avons dû faire des choix compliqués. Des choix que nous avons peut-être regrettés. En tout cas, moi, j’en ai regretté de nombreux. » Sur ces derniers mots, la brune s’était retournée pour de nouveau faire face à Alexander. Parler aussi de ses faiblesses, de ses regrets, n’avait rien de simple pour l’ancienne souveraine, qui cherchait à toujours se montrer plus forte que tout. Pour ne pas tomber encore, elle ne devait pas faiblir. « Je dois bien avouer avoir commencé la première notre guerre. Mais croyez-moi, ce n’était nullement ce que je souhaitais réellement. Je n’étais encore qu’une jeune souveraine, promise au futur roi de France. Mon pays courait de graves dangers et contre le soutien de la France et de Rome, je devais défier Elizabeth. J’ai d’abord voulu me rebeller contre ces idées. J’ai cherché à contacter Elizabeth pour lui dire que je renonçais à l’Angleterre, pour toujours. Je lui ai avoué ne pas chercher de conflits avec elle. Mais vous connaissez la politique, monsieur Hamilton, nous ne sommes pas forcément maîtres de nos décisions. Mes courriers étaient surveillés et vous pensez bien qu’une lettre de paix adressée à la future reine d’Angleterre n’avait pas le droit de quitter la France. Ma lettre a été interceptée et détruite. Et le roi de France a commencé à faire pression sur ma personne. Si je voulais conserver le soutien de Rome et de la France, alors je devais continuer de défier Elizabeth. Sans cela, ma promesse de mariage était rompue et je repartais chez moi avec la certitude de voir mon pays se détruire peu à peu. Entre perdre mon pays et l’homme que j’aimais et perdre la paix que je convoitais en défiant une femme que je n’avais jamais vu, mon choix était très vite fait. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Je ne sais pas si vous avez déjà connu un amour sincère, je ne sais pas si vous savez ce que cela fait d’être à la tête d’un pays, mais vous devez comprendre mon choix qui n’en était plus vraiment un. » C’était à cet instant précis qu’avait vraiment commencé la rivalité entre Elizabeth et Mary. L’ancienne souveraine en avait conscience. Mais les choses avaient fini par aller trop loin. L’âme des deux souveraines avait fini par trop s’assombrir. Et leur histoire s’était très mal terminée. Elizabeth avait gagné de la plus lâche des façons, de la plus cruelle des façons. Et c’était ce qui avait conduit Mary à agir ainsi dans ce monde.

Non, elle n’était plus dans son monde. Non, elle n’avait plus à protéger son royaume, elle n’avait plus à convoiter l’Angleterre, elle n’avait plus à mener de combats… Mais les douleurs du passé, elles étaient encore bien présentes. Son histoire ne changeait pas parce que son monde avait changé. Tout ne s’était pas bien terminé entre les deux reines, alors forcément Mary n’avait pas réussis à tourner la page. Alors, oui, il était impensable qu’Elizabeth ne soit plus cette femme. Quand une personne avait été capable de tant de choses, quand elle refusait de l’admettre… Elle ne pouvait pas être différente dans ce monde. Mary n’arrivait pas à y croire. Même si elle avait parfois douté de sa malveillance, elle devait bien l’avouer. Mary lâcha un léger rire quand Alexander utilisa le mot « acharnement ». Son acharnement ? Et celui d’Elizabeth ? Alexander était si aveugle pour voir le vrai visage de celle qui faisait battre son cœur ? L’ancienne reine savait que sa cousine était douée pour hypnotiser les autres, pour faire tourner les choses à son avantage, mais elle ne la savait pas si douée dans ce domaine.

« Pourriez-vous pardonner à celle qui vous a privé de votre liberté ? Celle qui vous a privé de votre enfant ? Celle qui vous a conduite à la mort ? » Mary lui en voulait pour toutes ces choses, rien de plus normal. « Alors si vous en êtes capables, je vous en félicite Monsieur Hamilton. » Sur ces mots, la brune se leva, pour s’éloigner un peu d’Alexander, avant de se tourner pour lui faire face à nouveau. « Elizabeth a été cette personne pour moi. Nous avons eu un passé difficile toutes les deux, mais j’étais venu faire la paix. J’étais venu lui demander son aide. Sa seule réponse fut celle de m’enfermer pendant dix-huit années. Dix-huit années où je n’ai pas pu voir grandir mon enfant. Elizabeth m’a privé de la chose la plus importante de toute ma vie. Elle m’a privé de mon bébé. Elle me l’a volé. Elle s’est approprié mon enfant, comme s’il s’agissait du sien. Et comme si cela n’était pas suffisant, elle lui a demandé de prendre une décision. Elle a demandé à un enfant de condamner sa mère à la mort ou de la condamner à plus d’années de captivités. » Il n’y avait aucune colère dans la voix de l’ancienne reine. Uniquement de la tristesse. Parce que même si elle avait eu la chance de retrouver son bébé dans ce monde, toutes ces années de captivités, toute cette douleur était encore bien présente. « Ce monde était une seconde chance pour moi. Une seconde chance pour mon enfant. Pour nous. En retrouvant Elizabeth, j’ai compris que je ne serais jamais tranquille. J’ai compris que je ne pourrais jamais accéder à cette liberté que je convoitais tant. Alors j’ai confronté ma cousine. Je lui ai simplement demandé de s’excuser pour tout le mal qu’elle m’avait fait et j’étais prête à faire de même avec elle. Je voulais simplement entendre ses excuses. Je voulais l’entendre dire que plus jamais elle ne me ferait du mal, que plus jamais elle ne me priverait de l’être le plus important de ma vie. Au lieu de cela, elle a préféré me faire croire qu’elle avait oublié son passé. Mais croyez-moi, ses yeux ne me trompent pas. Son regard ne me trompe pas. Votre Elizabeth se souvient de tout son passé. Elle se souvient de tout le mal qu’elle m’a fait. Mais la vérité, c’est qu’elle refuse cette paix et qu’elle attend le bon moment pour me faire tomber une fois encore. » Parler ainsi faisait extrêmement de bien à Mary. Même si ce n’était pas le but de cette démarche au départ. Toutes ces choses, Mary les pensaient réellement. Toutes ces choses, Mary les ressentaient pour de vrai. Et toutes ces douleurs étaient plus intenses qu’elle ne pouvait l’exprimer. « Voilà le vrai visage d’Elizabeth. Vous ne me croirez peut-être pas, mais je préfère vous prévenir. Elizabeth n’est pas celle que vous croyez. Ma cousine est capable de biens des choses et croyez-moi, elle est capable du pire. Je ne sais pas ce qu’il se passe entre-vous exactement, mais méfiez-vous d’elle. » Mary ne le connaissait pas, mais elle connaissait sa cousine et elle ne savait pas si elle pouvait réellement s’attacher à quelqu’un sans avoir d’intérêt à la clé. Elizabeth pouvait très bien se servir de cet homme. Après Alexander était libre d’agir comme il le voulait avec Elizabeth. Mary ne comptait pas le forcer à quoi que ce soit, mais au moins, il était au courant du véritable visage de la femme qu’il convoitait.

« En effet, le pardon n’est peut-être pas possible. » se contenta-t-elle de répondre alors qu’elle n’en pensait pas un mot. Mary avait sincèrement voulu pardonner à Elizabeth. Elle avait sincèrement souhaité passer à autre chose. Dans cette vie, elle pouvait se consacrer à son cœur, comme elle l’avait toujours désiré. Il n’était plus question de jouer un rôle pour ressembler à une souveraine qu’elle ne voulait même pas être au départ. Mais en arrivant dans ce monde, elle avait retrouvé Elizabeth. L’ancienne reine aurait aimé passer à côté sans réagir, elle aurait aimé avoir la force de ne pas la confronter, parce qu’elle aurait aimé avoir la force de ne pas la craindre. Mais elle n’avait pas pu. Elle devait lui parler. Pour continuer de vivre, elle devait avoir une conversation avec sa cousine, une vraie conversation. Elle voulait entendre les explications d’Elizabeth, elle voulait entendre son pardon, ses explications, ses promesses. Si Mary avait obtenu ces trois choses, elle serait repartie. Elle n’aurait jamais monté une armée, ne s’en serait jamais prise à sa cousine. Parce que tout ce que voulait Mary, c'était avoir une vie normale, une vie où elle pouvait voir son enfant grandir. Au lieu de ça, Elizabeth avait créé de la peur chez Mary, elle l’avait amplifié. En se taisant et en simulant une perte de mémoire, elle avait fait de Mary ce qu’elle était aujourd’hui. À ses yeux, seul un monstre ayant de mauvaises intentions pouvait faire semblant d’avoir oublié de telles choses. En simulant une amnésie, elle cachait forcément quelque chose, préparé sans doute un plan pour mieux avoir Mary, c’était en tout cas ce qu’avait pensé l’ancienne reine, peut-être trop familière des complots contre sa personne.

Un rire nerveux s’échappa des lèvres de Mary. Elle aurait voulu croire Alexander, sincèrement, mais elle ne pouvait se résoudre à cette idée. Elizabeth n’avait jamais voulu laisser ce passé derrière elle. Secrètement, elle convoitait le pouvoir. Secrètement, elle convoitait la place de Mary, sa place de mère. L’ancienne reine savait que l’épée pouvait de nouveau s’abattre sur elle. Elle ne faisait nullement confiance en Elizabeth, cette fois-ci, elle lui porterait le coup elle-même, Elizabeth pouvait enfin être son véritable bourreau. Mary le savait, si elle n’avait pas attaqué la première, elle serait sans doute déjà morte, ou enfermée et James grandirait auprès de sa cousine. Mary voulait aussi le croire quand il disait qu’Elizabeth avait changé, mais elle ne pouvait s’y résoudre une fois encore. Contrairement à Mary, la rousse avait toujours fait passer le pouvoir avant tout. Pourquoi est-ce que cela aurait changé ici ? Même si ici, elles n’avaient plus aucun pouvoir, Elizabeth gardait sans doute cette envie d’être plus puissante, plus forte que Mary, elle en était convaincue. « J’aimerais croire tout ce que vous dîtes là, mais vous ne connaissez pas ma cousine. Je ne sais pas ce qui vous unit, mais croyez-moi, elle n’hésitera jamais à vous éliminer. Si vous êtes un obstacle, elle se débarrassera de vous. Jamais vous ne réussirez à vous mettre entre elle et moi. Si Elizabeth a une idée en tête, si Elizabeth souhaite m’atteindre, alors elle y arrivera, même si elle doit attendre des années pour cela, même si elle doit éliminer des personnes auxquelles elle tient. Croyez-moi, je connais ma cousine et si elle n’était pas capable de telles choses, je n’en serais pas arrivée à de telles extrémités. » Pensait-il réellement avoir du pouvoir sur elle ? Pensait-elle réellement être capable de la raisonner ? De la stopper ? Quel idiot. Il n’y avait nul autre mot pour le qualifier. Parce qu’il fallait être sot pour croire être capable de raisonner une femme comme Elizabeth. Les rumeurs à la cour ont pourtant prouvé quel était capable de bien des choses pour arriver à ses fins. Certains de ses proches en avaient autrefois fait les frais, Robert Dudley en avait par exemple fait les frais. Et Elizabeth était capable de conduire à la mort les gens à qui elle disait tenir, Lola en avait été la preuve. « Maintenant, vous avez entendu ce que j’avais à vous dire. Vous savez à quoi vous attendre avec Elizabeth. » S’il lui arrivait quoi que ce soit, elle n’en était guère responsable. Même si pour être honnête, elle n’était pas ici dans le but de le protéger lui, mais bien dans le but de se protéger elle. Se protéger en empêchant qu’Elizabeth ne se forge sa propre armée. « Seulement, je dois vous prévenir. Si j’apprends que vous essayez de mener la moindre attaque contre ma personne ou contre mon fils, je n’hésiterai pas une seule seconde. Je n’ai pas pour habitude de laisser mes ennemis attaquer les premiers. Alors ne devenez pas mon ennemi Alexander. Je n’ai nullement envie de vous faire du mal. » Ce n’était pas une menace, seulement un avertissement. Peut-être se trompait-elle, mais cet homme n’avait pas l’air mauvais. Mais s’il décidait de trop s’allier à Elizabeth, s’il décidait de monter une armée avec elle dans le but de s’en prendre à Mary ou a James, alors elle n'hésiterait pas une seule seconde. Elle ordonnerait son exécution. Parce qu’elle le savait, si Elizabeth devenait trop puissante, alors cet acte serait le seul moyen de la battre, au moins pour un temps.

Mary sentait bien qu’elle n’arrivait pas à le convaincre de quoi que ce soit. Il prenait la défense d’Elizabeth tout en semblant comprendre les sentiments de Mary et ses craintes. Pourtant, il semblait sincèrement convaincu du changement d’Elizabeth. « Ce n’est nullement une menace, seulement une… mise en garde. » Mary jouait sur les mots, mais elle préférait faire la nuance. Lorsqu’elle se montrait menaçante, elle pouvait être bien plus effrayante. Seulement, là, elle préférait le prévenir. Elle ne désirait pas faire de lui son ennemi. Après tout, il n’avait, pour le moment, rien fait de grave la concernant. Mais elle était certaine qu’auprès d’Elizabeth, il allait apprendre à la détester. L’ancienne reine d’Angleterre savait manier les cœurs. Il était simple, pour elle, de manipuler les esprits pour tenter de mettre Mary hors d’état de nuire. Et Mary n’avait confiance en personne, ou presque. Elle savait que les paroles de cet Alexander risquaient fort de changer à force de côtoyer Elizabeth. Elle savait qu’Elizabeth était capable de manipuler n’importe qui, et qu’un jour cela se retournerait contre elle ou contre son enfant. Mais jamais elle ne laisserait passer cela, Mary comptait bien se battre jusqu’au bout. « Soit. Alors si vous êtes intelligents, vous saurez prendre les bonnes décisions, j’en suis certaine. » En effet, Mary ne le connaissait pas. Peut-être qu’il disait vrai, il n’était peut-être pas si influençable qu’elle le pensait. Peut-être était-il capable de prendre les bonnes décisions. Peut-être n’avait-elle pas à le craindre. Mais elle n’arrivait pas à faire autrement. Elle était tellement persuadée que ce rapprochement, cette nouvelle amitié, ce nouveau lien entre Alexander et Elizabeth n’avait rien d’innocent. Si Elizabeth s’était rapprochée de lui, c’était pour montrer qu’elle était capable de s’entourer elle aussi. Elle était capable de se forger de nouvelles alliances dans ce monde. Elle avait retrouvé la force de monter une nouvelle armée. Une armée prête à abattre Mary.

L’ancienne reine n’avait plus rien à ajouter. Elle avait fait ce qu’elle voulait en venant ici : mettre en garde Alexander. Même si en le faisait, elle avait espéré éloigner cet homme de sa cousine, elle avait visiblement échoué. Ce n’était pas tant le sort de cet homme qui importait à Mary. Il n’était qu’un inconnu à ses yeux, un pion parmi tant d’autres dans une guerre éternelle. Elle avait voulu l’éloigner pour écraser les espoirs de sa cousine à la racine. Elle avait voulu l’éloigner pour que jamais Elizabeth ne puisse forger cette alliance tant redoutée par Mary. Sans rien ajouter alors, elle avait quitté la demeure de cette Alexander, tout en sachant qu’elle avait échoué. Et que, sans doute, tôt ou tard, elle allait devoir affronter sa cousine dans un combat à armes égales.