A class in the chaos | Libre

« Et voilà pourquoi il est très probable que plusieurs populations provenant de divers endroits de la galaxie aient des histoires dans leur historique assez similaires avec quelques nuances contextuelles. »

Le Docteur s'écarta un peu de son tableau pour relire ce qu'il y avait écrit et constater que cela n'avait plus rien à voir avec de la physique. Il s'était mis à développer une analyse sociologique basée sur des calculs de probabilité et sur des forces en rapport avec son peuple qui devait être complètement dépourvue de sens pour la population de sa classe. Il avait encore réussi à dévier comme il le faisait toujours. Il était décidément trop brillant, mais ce n'était pas vraiment ce qu'il aurait dû faire pour convaincre ses élèves de l'intérêt de son cours. Il n'avait même pas remarqué qu’au fond de la classe, deux élèves semblaient plus intéressés par la naissance des cornes de l'une des deux plutôt que par son analyse sociologique.

« Mais je m'égare, de quoi parlions nous au départ ? »

Un élève qui se trouvait au premier rang lui rappela la question qu'il avait posée, qui était de savoir que puisque la vitesse de la lumière semblait être une unité de référence pour la plupart des peuples de la terre, est-ce qu'elle pourrait être utilisée pour communiquer partout dans l'univers ? Le Docteur ne savait pas vraiment comment il était passé de ça à l'universalité des contes, mais son esprit était parfois bien difficile à suivre pour lui-même. Il ne s'attendait donc pas à ce que ses élèves y parviennent.

« Ah oui. Le problème, c'est que la vitesse de la lumière n'est pas un langage, enfin chez certaines espèces, ça se discute. Mais ce n'est pas le langage absolu. Le plus simple est encore de trouver une matrice de traduction et de s'en servir pour communiquer avec tout l'univers. Mais c'est compliqué à trouver quand vous n'êtes qu'un être humain. La mienne est incorporée dans mon vaisseau. C’est plus facile. »

Il fallait qu'il se contrôle où il allait recommencer à prendre de la distance avec le sujet de son cours. Le sujet du cours d'ailleurs, c'était quoi déjà ? Ça devait avoir un rapport avec la vitesse de la lumière, où son élève ne lui aurait pas posé cette question. Il avait dû préparer quelque chose et il se rendit à son bureau pour en analyser le contenu. Alors qu'il levait la tête à un moment donné, il entre aperçut un jeune homme au fond qui discutait avec sa voisine et il fronça les sourcils car il lui semblait bien le reconnaître.

« Vous, là-bas, on ne se serait pas vu il n'y a pas longtemps. Je veux dire, depuis la semaine dernière ? »

Il ne s'agissait pas seulement d'un habitué des cours parce que sinon, son visage n'aurait pas marqué le Seigneur du Temps. Il avait de nombreux élèves et quand il les rencontrait en dehors de la classe, pour la plupart, il était incapable de dire que c'était un de ses élèves. Cela s'expliquait principalement par le fait qu’il n'avait aucune mémoire des visages à part pour ceux qui avaient un lien particulier avec lui. Il était désormais persuadé que c'était le cas de cet élève en particulier. Même s'il ne savait pas dire pourquoi, il l'avait déjà vu quelque part.

C'était quand-même assez stupéfiant de se rendre compte que le Docteur n'avait jamais réussi à mémoriser quelqu'un tant qu'il n'avait pas vécu toutes sortes de catastrophes avec lui. On pouvait penser qu'un professeur se rappellerait l'ensemble de ses élèves mais non seulement, ce n'était pas son cas, mais il était incapable d'être certain que tous les gens de son amphithéâtre étaient inscrits à son cours. Pourtant, il se rappelait Harlan. Maintenant, il faisait partie de ceux qui avaient eu l'honneur de combattre à ses côtés. Le combat n'avait pas vraiment eu lieu ni même duré très longtemps, mais peu importait.

« Mais tout à fait, nous avons fait un joli voyage en TARDIS. Soyez le bienvenu dans ce cours », lança-t-il comme si le jeune homme n'y était jamais venu.

Il décida que, puisqu'il avait eu l'honneur de combattre ces côtés, il pouvait bien être mis en avant pour répondre à quelques questions. Mais il savait aussi que les professeurs ne devaient pas avoir d'élèves préférés et qu'il valait donc mieux solliciter quelqu'un d'autre que celui qu'il connaissait. Ce serait donc la voisine directe de son élève qui aurait l'honneur d'être mise en avant par le professeur. Le fait qu'elle soit au fond de la classe pour ne pas être interrogée ne serait évidemment pas venu à l'idée du Docteur. Il était persuadé que tous les élèves devaient avoir envie de parler pendant son cours.

« Mademoiselle la voisine de ce jeune homme, pourriez-vous nous dire quel serait, à votre avis, l'outil de base le plus efficace pour échanger avec tout l'univers ? »

Les matrices de traduction universel étaient basés sur ce principe, mais seulement à la base. Il y avait bien d'autres choses que l'on pouvait mettre on valeur dans la conception des matrices de traduction universelle. Cela dit, la plupart des élèves étaient incapables de pouvoir appréhender la complexité de cette technologie et il valait mieux en rester à de simples notions et de simples exemples. Il savait que beaucoup avaient de la curiosité et il serait ravi de donner des éléments à ceux qui en avaient envie, mais il fallait être sûr que cela reste compréhensible pour la majorité des gens. C'était l'inconvénient quand on était un Seigneur du Temps qui enseignait.

Joyeux Noël

S'il y avait quelque chose de clair pour tout le monde, c'était que le Docteur était un prof original qui ne se souciait pas vraiment de la façon dont on devait faire les choses par convention. Ce n'était pas spécifiquement qu'il soit contre les conventions elles-mêmes, mais il se contentait de ne pas les suivre, pas plus que son programme et il fallait reconnaître que ses cours en devenaient des plus bordéliques, non pas parce que les étudiants ne se montraient pas attentifs, mais parce que le prof lui-même semblait ne pas savoir exactement où il allait et le pire dans tout cela, c'était que ça semblait le ravir.

On aurait pu penser qu'un professeur ne serait pas vraiment fier de lui même de ne pas réussir à reconnaître ses étudiants, mais le Docteur vivait cela avec amusement et cela ne lui posait absolument aucun problème. Il ne faisait aucun doute que si l'un de ses élèves avait été l'un des compagnons qui avaient voyagé dans le temps et l'espace avec lui, il l'aurait reconnu. C'était la raison pour laquelle il avait maintenant repéré Harlan comme s'il était un nouvel élève alors qu'il ne l'avait tout simplement jamais remarqué auparavant. Cette question le surprit un peu et il se mit à réfléchir avec beaucoup de sérieux.

« Je ne vois pas pourquoi vous n'en auriez pas le droit, puisque c'est mon nom. Je suppose que vous pourriez bien m’appeler Docteur sur la lune si nous y étions. Mais bien entendu, ce n'est pas à moi de vous dire ce que vous devez dire à qui que ce soit. »

Le fait d'être responsable de l'enseignement dans cette classe ne semblait pas lui paraître un motif suffisant. Ce devait être quelque peu déroutant, mais c'était ainsi qu'il fonctionnait et il était tout aussi chaotique dans une salle de classe que dans un TARDIS. Sa décision subite d'interroger la voisine de l'élève avec qui il était entré un communication sembla perturber particulièrement celle-ci qui ne s'y attendait pas. Le Docteur souhaitait faire appel à sa créativité et à son imagination. Mais il lui était évidemment impossible d'être sûr qu’elle voyait les choses sous le bon angle pour aborder ce problème. Il attendit donc patiemment qu'elle se décide à lui proposer une théorie. Se baser sur ce que les humains avaient déjà mis en place pour rencontrer d'autres peuples était une approche intéressante, même si elle ne correspondait pas à ce qui était réellement demandé. Ça ne remplissait pas tous les critères mais c'était une approche intéressante.

« C'est une intéressante façon de penser, Mademoiselle, mais que faites-vous des espèces qui ne possèdent ni la vue ni le toucher ? Ils seraient totalement incapable de comprendre la plaque et de profiter de votre danse. »

Il lui fit un clin d'œil pour lui signifier que son erreur ne représentait pas quelque chose de dommageable à ses yeux. Puis il se retourna vers le tableau et commença à rédiger différentes fractions à additionner, quelque chose de relativement commun pour n'importe qui dans cette pièce. Ensuite, il s'appliqua à résoudre l'addition de manière classique comme n'importe qui pouvait le faire sur cette planète et dans cette ville. Ce faisant, il illustrait ses propos avec un grand sourire enthousiaste, persuadé que pour la première fois, tout le monde comprendrait sans aucune difficulté.

« Pour résoudre un système de fraction, vous devez multiplier les numérateurs par le plus petit dénominateur commun à tous vos dénominateurs », leur énonça-t-il avant de se retourner. « c'est la façon la plus usuelle de regrouper un ensemble de choses qui possèdent des valeurs différentes. La question est donc de trouver quelque chose afin d'avoir un dénominateur commun avec chaque personne et chaque être vivant. Quelqu'un a une idée de ce qu'une telle chose pourrait être ? »

Ce qu'il y avait de bien avec le Docteur, c'était que même si son élève était complètement allumée, il l'était suffisamment lui aussi pour apprécier. Toutefois, il essayait de donner à ses étudiants des réponses en phase avec la réalité, même s'il était davantage prêt à accepter la fantaisie que pas mal de ses collègues. D'ailleurs, la démonstration de Chance le fit sourire. Mais ce n'était pas la bonne réponse. Le plus étonnant dans l'affaire, c'était encore que ces arguments étaient scientifiquement bien trouvés et son analyse beaucoup moins fantaisiste que ce à quoi on aurait pu s'attendre de la part d'un élève assis au fond de la classe et qui n'écoutait qu'à moitié.

Toute la classe riait à gorge déployée du petit numéro de la jeune femme et le Docteur la regardait même d'un air amusé, sans vraiment remarquer son voisin qui était en train de somnoler en se souciant très peu de la direction que prenait le cours. En ce qui concernait ses étudiants, le Docteur se souciait peu de savoir si on l'écoutait, si on travaillait, ou même si quelqu'un comprenait de quoi il parlait. Il y avait toujours au moins un élève pour réagir à ses propos parfois complètement ahurissants. Mais c'était rarement deux fois le même car ils n'étaient pas nombreux ceux qui pouvaient suivre les divagations du Docteur. Lui-même n'en était pas toujours capable.

« J'aime beaucoup votre façon d'argumenter, Miss, mais vous savez, tout comme le langage parlé, le langage du corps n'est pas le même à travers l'univers et il se peut que quelque chose de totalement innocent voir distrayant pour vous soit une insulte monumentale sur une autre planète. Pour vous donner un exemple, j'ai connu une planète sur laquelle il était de convenance de se mettre nu pour aller à l'église. Pourriez-vous faire ça ici ? »

Évidemment, il ne pouvait pas concevoir à quel point son élève en serait capable. Mais l'innocence du Docteur atteignait des sommets depuis longtemps. Les seuls moments où il s’enhardissait un peu, c'était lors des nuits qu'il avait passées avec River. Quelle femme ! Il était complètement fou d'elle. Et il y avait quelque chose de terrible à penser qu'il n'avait jamais été capable de lui expliquer à quel point il lui serait douloureux de la voir disparaître à jamais. Le Docteur n'était pas doué pour dire au revoir. Se recentrant sur sa leçon, il secoua la tête avant de commencer à dessiner au tableau des amas de ronds agencés différemment avec des lettres en dessous.

« Hydrogène, carbone, oxygène… lorsque vous réduisez les choses à leur plus simple apparence, dans l'univers, tout n'est qu'un amas d'atomes. Cet outil serait donc une bonne base pour construire un système de langage adapté à toutes les populations de tous les univers, à condition que vous ne vous trouviez pas dans un univers où l'atome n'existe pas et où la matière se compose différemment. Je n'ai encore jamais rien rencontré de tel, même ici, dans cette ville. Mais rien ne nous dit que ça ne peut pas exister. Cela dit, dans l'univers d'où je viens, un tel langage permettrait de discuter avec l'ensemble de l'univers, à condition d'avoir affaire à des formes de vie suffisamment intelligentes pour pouvoir apprendre le langage, évidemment. »

L’exemple de la nudité sembla provoquer une scène dans la classe, que le professeur ne comprit qu’à moitié. S’il n’était pas toujours au fait des convenances humaines, et s’il arrivait régulièrement qu’il soit en décalage avec le monde qui l’entourait, il était tout-de-même conscient que les humains ne se baladaient généralement pas nus à la vue et au su de tout un chacun. Mais il avait dû y avoir quelque chose qui lui avait échappé parce que tout le monde s’était mis à rire et à s’invectiver après que quelqu’un ait fait une remarque au sujet de Chance. Il la regarda se rasseoir boudeusement avec intérêt.

« Alors comme ça, vous n’êtes pas très conventionnelle ? Et c’est par préférence personnelle ou il y a quelque chose derrière ? »

Il se lança dans une diatribe sur les atomes et les molécules de base. La base de tout ce qui était dans l’univers, le plus petit dénominateur commun à tout l’univers, du moins, dans ce qu’on en connaissait. En tant que Seigneur du Temps, sa tables des éléments était un peu plus développée que celle de ses élèves. Mais il essayait de limiter ses apprentissages à la compréhension humaine. Ce qu’il avait plus de mal à faire, en revanche, c’était de se conformer à son programme. Il dérivait, et finalement, cela allait être compliqué pour ses élèves d’avoir un bagage cohérent le jour de l’examen.

« Que savez-vous sur la structure de l’atome ? Et des molécules formées par les atomes ? Donnez-moi des exemples concret ! Monsieur l’aventurier improvisé ? »

Il avait négligé Harlan en se focalisant sur sa voisine et ce n’était pas très aimable alors qu’il avait voyagé dans le TARDIS. Il était temps de lui faire savoir qu’il était important. Tous ses élèves devraient sentir qu’ils étaient important, mais le Docteur ne se rendait même pas compte de leur existence avant de les croiser dans des circonstances particulières. Et encore, si cela se faisait trop longtemps après, il oubliait. C’était le Docteur et il était comme ça, mais on pouvait comprendre que ce ne soit pas facile pour ceux qui se trouvaient dans sa classe. Et qui allaient passer des examens.

La demoiselle avait beau admettre qu'elle n'était pas conventionnelle, elle avait sacrément oublié de répondre à la véritable question que le professeur lui avait posée. Mais ce n'était pas une question pédagogique et de toute façon, il était déjà passé à autre chose. Dire qu'il était facile pour le Docteur de passer à autre chose dans une conversation était un euphémisme. C'en était au point que ses propos pouvaient régulièrement sembler n’avoir aucun sens. Mais soit que cela soit utile d'une manière ou d'une autre ou alors que ces élèves apprécient le moment, le Docteur continuait à en avoir beaucoup et à ne pas voir leur quantité diminuer malgré sa façon tout à fait unique et dénué de toute logique de faire les cours.

Un sourire de la jeune fille et il s'intéressa aussitôt à son voisin, le loup-garou désireux d'aventure qui l’avait rejoint dans le TARDIS pour éviter des individus à la mine patibulaire. La référence qu'il avait de cet élève avait tellement peu de choses à voir avec le fait qu'il soit un élève que c'en était risible. Mais au moins, il avait une identité, ce qui n'était pas le cas des trois quarts des élèves qui étaient présents dans la pièce. S’il y avait une chose de laquelle on pouvait être sûr concernant le Docteur, c'était qu'il ne risquait pas de favoriser ou de défavoriser un élève en corrigeant sa copie parce que pour cela, il faudrait déjà qu'il puisse associer un élève à un nom.

« Ah ! Cette fois, je crois bien me rendre compte que vous êtes en train d'essayer de me draguer. Enfin, je crois », dit-il avec un ton interrogateur sans se rendre compte de ce qu’il pouvait y avoir de mal placé à le mentionner sans le réprouver devant une classe entière.

Sa réponse était plutôt bien trouvée et exacte. Mais elle passa complètement à la trappe à cause de la remarque qu'il fit en affirmant que le professeur avait oublié de répondre à sa question. Puisque le travail d'un professeur était précisément de répondre aux questions des élèves, il devait donc considérer que ce n'était pas une très bonne chose de ne pas avoir répondu. Le vrai souci, c'était que, de fait, il avait à nouveau oublié le sujet du cours pour repartir sur des considérations différentes, à savoir la question de son élève. Le sujet d'étude redevenait quelque chose de secondaire pour l'instant. Il était même possible qu'il oublie d'y revenir.

« Oh, je suis désolé. Mon esprit va parfois tellement vite que j'ai du mal à me suivre moi-même. Quelle question ? »