Tu as été élevé par Bro, qui n’est pas ton frère mais techniquement ton père – il préfère néanmoins ce terme. Ta vie n’a pas été rose, et tu sais que ses jeux psychologiques, les batailles d’épée sur le toit de l’immeuble, le manque de nourriture dans un appartement aux objets qui ne devraient pas être en ta présence… Tout ça, c’était fait pour te former à ce qui allait venir. Tu n’as jamais su si tu lui en veux, pour tout ce qu’il t’a fait endurer. Bro est cool, c’est indéniable ; le déni c’est de croire qu’il a été figure paternelle parfaite.

T’as treize ans quand tes trois autres amis d’internet – John, Rose et Jade – décident d’installer Sburb. Sburb, c’est un jeu qui permet de manipuler, construire et fabriquer des choses dans la vraie vie, via la technologie. Un peu comme les sims, à part que si la personne avec qui tu joues décide de placer des toilettes dans ta chambre c’est moins amusant. Ce qui est moins amusant aussi, c’est le météore qui est venu s’écraser sur terre, vous laissant comme seuls survivants – si on oublie les créatures bizarres qui veulent vous tuer, et les trolls, aliens insupportables à la peau grise qui sont là pour… T’en sais que dalle, ce qu’ils viennent faire dans cette histoire. Le jeu t’a offert un pouvoir que tu n’aurais jamais voulu ; voyager dans le temps, le manipuler, aussi. C’est toi qui as sauvé tes amis de la mort plusieurs fois, c’est toi qui les as ramenés à la vie en manipulant le temps, c’est toi qui as contrôlé toutes les lignes temporels pour empêcher un paradoxe, c'est toi qui croises tes cadavres et regardes tes doubles mourir, c’est toi qui te sacrifies encore et encore et... Tu n’as jamais voulu être un héros. Tu n’as jamais voulu être confronter à la mort – celles des autres, la tienne. C’est injuste, d’être continuellement exposé à tes peurs. Tu ne sais même plus si tu es le Dave originel, ou celui d’une autre ligne temporelle. Peut-être qu’avoir atterrit dans cette ville est le résultat d’une erreur, à laquelle tu te dois de trouver une solution. Et vite. Peut-être que tu es le gagnant des autres Dave, celui qui a droit à une vie normale après toutes les souffrances. Dans les deux cas : la culpabilité d’avoir abandonné tes amis te rongent. Tu t'inquiètes pour leur sort.

Photographe animalier pour un magazine, c’est ce que tu as choisi pour subvenir à tes besoins. Sous un pseudonyme, car tu n’as pas le courage d’exposer de bonnes photographies aux yeux des autres en donnant ton vrai nom. Tu aurais proposé des photos mal cadrées, floues, avec une seule partie de l’animal visible. Bref, tu n’aurais pas eu beaucoup d’argent, et l’idée de vivre dans un carton près d’un fast food – pour profiter du wifi – ce n’est pas la plus folle, même ironiquement.