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L’agitation, l’horreur, l’angoisse… Des émotions puissantes, vibrantes, qui quand elles atteignent leur point d’acmé ne sollicitent que deux réactions : la fuite ou l’intervention, directe ou indirecte. C’est un sorcier paniqué qui avait transplané jusque devant sa demeure d’Hogwarts Place pour avertir le professeur de la menace que semblait représenter une créature gigantesque, qui avait semé la terreur sur une plage non loin et se frayait à présent un chemin jusqu’à la forêt de Mirkwood. Ce n’était probablement pas un coup des ennemis qu’il avait en grande majorité l’habitude d’affronter mais ce n’est pas pour autant qu’il ne devait pas s’en soucier, bien au contraire. Il se sent une responsabilité envers tous ceux qu’il pourrait être en mesure d’aider, armé de ses propres capacités.

Albus n’avait donc pas attendu le moindre supplément d’information, il avait transplané jusqu’à la forêt, le tout pour découvrir, à bonne distance, un spectacle qui ne pourrait être qualifié autrement que comme horrifiant. Une créature gigantesque, de plus de cent mètres sans doute, semblable à un dragon sans y ressembler tout à fait, en tenait un de bien réel entre ses crocs. Albus ne met pas longtemps à reconnaître le Magyar à pointes qu’il avait trouvé lui-même quelques mois plutôt, ce jour singulier où il avait fait la connaissance d’un certain docteur armé d’un tournevis sonique… Ce qu’il reste du Magyar à pointes, plutôt, car la pauvre créature ne pouvait définitivement rien contre cette force de la nature, et la puissance de ses mâchoires acérées.

Albus suit le pauvre animal du regard alors que ce dernier, inerte, mort, tombe lourdement au sol, non loin des pieds du sorcier qui reporte ensuite son attention totale sur le Titan, sa baguette fermement serrée au creux de son poing. Son regard toise celui de la créature, et il est alors aussitôt convaincu que la créature, si elle ne l’a pas reconnu, l’a du moins identifié, lui, ridiculement petit face à son gigantisme… Mais il ne fait pas ignorer que même le grain de sable le plus insignifiant est susceptible d’enrayer la plus redoutable des mécaniques. Et Albus n’est pas un grain de sable insignifiant (en toute modestie, bien sûr).

« Est-ce que vous êtes capable de me comprendre ? » l’interroge-t-il en faisant porter magiquement sa voix pour qu’elle atteigne l’ouïe de son interlocuteur, quoique ce n’est peut-être pas utile.

Il est prêt à intervenir, mais il n’a pas l’intention de le faire tout de suite – pas tant qu’il ne saura pas à quoi – à qui ? – il a affaire plus précisément.

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Longuement, la créature gigantesque l’observe. Leurs regards se soutiennent, l’un gigantesque, l’autre soudainement petit, ridiculement petit en comparaison. Il y a comme une compréhension mutuelle dans leurs regards, comme un étrange et indescriptible sentiment de familiarité. Il faut néanmoins que la créature décide de reprendre figure humaine pour qu’Albus le reconnaisse enfin. Est-il surpris ? Il n’ira pas le prétendre, même s’il n’aurait pu déterminer plus précisément l’identité de la créature qui lui faisait face, il avait sondé assez rapidement l’humanité derrière le monstre, celle qui parfois échappe aux individus les plus pourtant soucieux de faire ce qui est juste, de faire ce qui est bien.

« Bonjour Godefroy », répond Albus d’un ton égal, ses prunelles soutenant les siennes alors que son interlocuteur le salue. Leurs regards se soutiennent.

Albus aurait évidemment de nombreuses questions à poser à son interlocuteur au sujet de ses impressionnantes compétences de métamorphose, mais il n’en fait rien, chaque chose en son temps. Il laisse en premier lieu son interlocuteur initier le dialogue.

« Cette créature n’était la propriété de personne, j’en ai peur », répond-t-il simplement alors que son interlocuteur suggère qu’il devrait apprendre à tenir ses bestioles.

Les créatures, quelle que soit leur nature, sont forcément un danger pour d’autres, qu’elles soient humaines ou non. L’instinct de prédation est impossible à résorber chez des créatures dénuées de morale, cela signifie-t-il qu’il faille nécessairement s’en débarrasser ? Albus, en réalité, n’a pas de réponse à cette question, même s’il aime se targuer d’avoir réponse à à peu près tout… Mais le constat de son incapacité à discerner certains éléments perceptibles n’est jamais qu’une autre forme d’intelligence, n’est-ce pas ?

« Comme vous devez vous en douter, j’ai un certain nombre de questions… »

Mais Godefroy, lui, n’a aucune obligation de lui répondre, en revanche. Albus est disposé à n’entendre que des bribes partielles d’informations. Toujours est-il qu’il est sincèrement intrigué, et qu’il ne se voit certainement pas le cacher à son interlocuteur. Il brûle d’en entendre et d’en apprendre davantage, pour peu que son interlocuteur consente à se montrer un tant soit peu bavard sur la question… Mais le fait est qu’il n’a jamais été de nature loquace. Ce n’est pas pour déranger Albus, dont l’un des adages est qu’il est préférable de se méfier de ceux qui parlent trop (et lui-même peut avoir parfois le langage un rien volubile… assez souvent à des fins stratégiques, d’ailleurs).

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Tant pis. Une réponse froide. Quelque part relativement insensible. Albus ne fait aucun commentaire à ce sujet, il est loin encore d’avoir cerné la psyché et les intentions de son interlocuteur, et il préfère par conséquent considérer cette situation dans son intégralité avec une forme de distance prudente plutôt que d’en venir à des conclusions trop hâtives, et qui n’auront que de trop bonnes chances d’être erronées. Ce magyar à pointes ne méritait peut-être pas un sort si sordide, toujours est-il que les victimes qu’il a potentiellement pu faire ne le méritaient pas davantage.

La prédation est à la fois un instinct et une notion complexe à appréhender, car elle aurait rapidement fait de nous plonger dans des écueils dangereux. Invoquer la nature pour justifier la cruauté, c’est ce que de nombreux sorciers aux desseins aussi dangereux que violents n’ont pas manqué de faire pour justifier leurs actes innommables. Et par conséquent, il est bien évidemment préférable de se garder de toute conclusion par trop hâtive.

Godefroy se présente comme un Titan, le dernier de sa lignée selon ses dires (c’est peut-être une affirmation à nuancer aux yeux du professeur, car dans ce monde où les individus, les créatures et les temporalités se mélangent en un chaotique maëlstrom, rien n’est finalement si certain). Soit… voilà qui lui apprend un certain nombre de choses mais en occulte tout autant, si bien qu’Albus doit bien admettre rester sur sa faim : il voudrait pouvoir en savoir encore davantage, si l’occasion pouvait lui en être donnée, du moins.

« Il est tout naturel de vouloir céder à la loi du plus fort quand on se sait être le plus fort », constate Albus d’un ton léger, amusé, après que son interlocuteur ait affirmé d’un ton péremptoire que les Titans n’ont guère de comptes à rendre aux humains… ou encore à qui que ce soit.

C’est probablement vrai, mais il est toujours plus simple de se conformer à la loi qui privilégie l’individu supérieur quand on se sait être l’individu supérieur.

« Vous contrôlez totalement votre état, n’est-ce pas ? » dit-il alors en constatant qu’il était passé d’une apparence titanesque à une apparence humaine sans que cela ait eu l’air de lui demander un effort autre qu’infime. « Qu’est-ce qui vous encourage à revenir à cet état qui doit vous paraître diminué si vous estimez plus plaisant et confortable pour vous de conserver votre apparence et vos instincts initiaux ? »

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Chaque nouvelle information apportée par son interlocuteur éveille chez l’ancien directeur de Poudlard un certain nombre d’interrogations qui, pour l’heure, ne trouve aucune forme de résolution… C’est comme récupérer une à une les pièces d’un gigantesque puzzle. Tout fera probablement sens quand toutes les pièces seront assemblées et que le dessin sera complet, mais en attendant, il faut se contenter de ces bribes d’informations et songer au sens qu’elles pourraient éventuellement revêtir une fois assemblées. Ce n’est pas forcément pour déplaire à Albus. Il a toujours aimé les énigmes. Et les puzzles encore davantage.

Godefroy se présente donc, non sans faire usage d’un ton des plus énigmatiques, comme le Titan de l’équilibre, chargé de protéger la Terre d’éventuelles menaces. En effet, à ce titre, le magyar à pointe pourrait passer pour une véritable menace… Mais à ce compte… Si la Terre doit craindre une menace par-dessus toutes les autres, c’est certainement l’être humain, qui a toujours su procéder à sa destruction plus sûrement et plus efficacement que n’importe quelle catastrophe naturelle.

« Vous allez avoir du pain sur la planche, si telle est votre mission, j’en ai peur », observe le professeur avec son sourire le plus indulgent.

Ce n’est pas une manière de reproche ou de moquerie, loin de là, ce n’est jamais rien d’autre qu’un fait, et un fait qu’il n’a probablement pas besoin d’apprendre à son interlocuteur, car si quelqu’un doit en avoir pertinemment conscience, c’est définitivement l’homme – le Titan – qui se tient en face de lui.

« Oh moi… », répond Albus dans un léger haussement d’épaules quand son interlocuteur lui adresse un « Et vous ? » qui pourrait appeler un très grand nombre de réponses. Celle que le professeur choisit est peut-être la plus banale d’entre toutes, mais elle contient suffisamment d’informations pour que son interlocuteur en tire ses propres conclusions. Une pièce de puzzle contre une autre pièce de puzzle. Ce n’est certainement pas en les assemblant les unes aux autres que l’on obtiendra un résultat probant mais… qui sait… Ce résultat pourrait bien s’avérer surprenant. « Je ne suis qu’un humble sorcier, j’en ai bien peur. »

Pas si humble en réalité, mais un sorcier, en effet. Un sorcier qui en dévoilant sa nature estime avoir d’ores et déjà donné une information d’importance à son interlocuteur. Il ne cherche pas  à en donner d’autres… pas tant qu’il n’aura pas obtenu lui-même plus d’informations qu’il n’en possède déjà.

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Albus hoche simplement la tête, l’air toujours aussi intrigué, quand son interlocuteur lui affirme surveiller les activités humaines à distance. Il y a fort à faire dans ce monde où Albus a parfois le sentiment que personne n’est complètement humain. Est-ce que, à voir l’humain agir de loin, l’on peut toujours souhaiter le protéger ? Ce sont des considérations complexes, mais si, en tant que Titan, Godzilla entend préserver l’écosystème naturel, alors il faut à coup sûr admettre que l’humain est une des plus grandes menaces que l’on puisse considérer à cet égard. L’humain s’est toujours appliqué à détruire son environnement, l’esprit dominé par un désir constant de superproductivité… C’est une chose qu’Albus a de longue date constatée, et que Godefroy doit savoir tout autant.

« Je suppose que vous vous considérez appartenir à la catégorie des Titans les plus paisibles… », suggère Albus en détournant un instant le regard de son interlocuteur pour poser les yeux sur cette pauvre bête (peut-être pas si pauvre, car il lui restait probablement du sang entre les crocs) qui gisait au sol, plus inoffensive que jamais.

Au fond, et même si l’on peut dire que leurs méthodes divergent plus que largement, Albus et Godzilla ont probablement plus en commun l’un et l’autre que ce qu’on pourrait soupçonner en ne les connaissant pas, ou même en les connaissant mutuellement. A leur manière, ils cherchent à protéger le plus grand nombre. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs méthodes en même temps que leur nature divergent complètement.

« Mes préceptes moraux ne vous concernent peut-être pas mais vous prenez pourtant le plus grand soin à exprimer et justifier les vôtres – de manière évasive, certes », remarque le sorcier qui, en l’occurrence, n’estime pas que leurs préceptes soient en si grand désaccord l’un envers l’autre, quoi qu’il puisse en être. « A votre manière, vous en possédez tout autant que moi, quand bien même vous semblez mettre un point d’honneur à le nier », ajoute-t-il en posant sur son interlocuteur de grands yeux clairs qui le passent au crible, comme au rayon X, et ne sauraient le laisser tranquille ne serait-ce qu’un seul instant.

Il lui reste encore tant à comprendre et à apprendre au sujet de son interlocuteur ! Albus a conscience du fait qu’il n’a probablement fait qu’effleurer la surface, en l’occurrence. Une surface aux aspérités fascinantes, et qu’il s’efforce d’appréhender au mieux.

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Plus Godefroy lui adresse d’explications, plus celles-ci paraissent nébuleuses à Albus. Il faut dire que les considérations du premier se fondent sur des connaissances bien spécifiques qu’il considère donc comme naturelles quand Albus, pour sa part, est très loin d’être en mesure de raisonner de la même manière, n’ayant jamais eu connaissance de l’existence de ces titans avant… eh bien… aujourd’hui. Aussi, il se saisit de chaque bribe d’information mais il prend le temps de les considérer sans pour autant en tirer de conclusions qui ne pourraient qu’être considérées, au vu des circonstances, que comme singulièrement hâtives. Alors soit, il garde à l’esprit ces histoires d’alphas, destructeurs ou non, mais pour commencer n’en fait rien de particulier.

« D’aucuns affirmeront que la morale se fonde également une sorte d’instinct naturel, encore que ce soit aisément discutable », observe Albus avec autant de légèreté que de philosophie.

En réalité, lui-même ne souscrit pas à cette vision des choses. Il est une grande différence entre pulsion et agissement moral. Pour faire société, beaucoup affirmeront qu’ils renoncent à des comportements pourtant intuitifs, car il est bien connu que notre liberté individuelle s’arrête ou commence celle des autres… Mais tout dépend, finalement, de ce que l’on décide de considérer comme résultant de l’instinct naturel ou pas. Car le besoin de faire société, qui en lui-même induit un besoin d’instaurer un certain ordre moral, pourrait bien être considéré comme un instinct naturel chez l’être humain. Difficile de cerner ce qui pourrait être inné ou non… Autant dire que tout cela amène à de sérieuses réflexions philosophiques, et même si Albus Dumbledore peut prétendre avoir conscience de beaucoup de choses, il y en a tout de même qu’il ne sait pas le moins du monde.

Albus s’apprête à commenter autre chose, mais ils sont rapidement arrêtés par des bruits sourds, les bruits d’une bagarre. D’instant, Albus resserre plus fermement ses doigts autour de sa baguette, incertain quant à la manière dont il doit interpréter ces échos encore lointains, mais dont il devine aisément néanmoins qu’ils ne doivent rien lui dire qui puisse valoir.  C’est un combat titanesque, au sens premier du terme, qui se produit alors.

« Je ne suis pas sûr de tout comprendre mais je serais ravi d’apporter mon aide », répond Albus d’un ton qui semble contradictoire avec l’éventuelle gravité de la situation. Non, il est loin de tout comprendre, mais il fera au mieux pour appréhender cette situation de la meilleure manière possible quoi qu’il en soit. « Je vous suis. »

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Albus se retrouve en terrain inconnue. Cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Peut-être au tout début de son arrivée dans ce monde, surtout alors que ses pouvoirs s’étaient retrouvés au point mort, mais les choses ont bien changé depuis, et le professeur est très loin à présent de s’angoisser encore des choses qui autrefois l’intriguaient. Il n’avait pas la prétention de tout savoir et de tout connaître, seuls les fous peuvent prétendre disposer d’une connaissance accrue et absolue. En revanche, il avait tout de même la prétention de croire qu’il ne serait pas susceptible de se laisser surprendre dans de telles proportions.

Soit, ce n’est pas nécessairement pour lui déplaire, en réalité. Ce sera plutôt… intéressant, est probablement stimulant. Albus apprécie de faire de nouvelles expériences, il ne dit jamais non à de nouvelles découvertes, loin de là, même, et se retrouver au cœur de ce que son interlocuteur définit comme un « problème territorial entre deux titans », cela ne peut que lui changer pour ainsi dire agréablement – en même temps que dangereusement, mais les deux sont bien souvent étroitement liés – de ses habitudes.

Godric reprend sa forme initiale et Albus le suit, en évitant de se perdre sous les pattes du dangereux colosse. Face à eux, un titan tout aussi impressionnant. Albus n’agit pas pour l’heure. Sa baguette en main, il agit en qualité d’observateur (fasciné), seulement, se tenant tout de même prêt à intervenir à tout instant, si le besoin devait, d’une manière ou d’une autre, s’en faire sentir. Il peut les voir interagir dans le silence d’une conversation non verbale, et quand l’autre colosse s’en va, Albus est incapable de savoir si cela doit être pour de bon.

« Je… n’en aurais malheureusement pas l’usage, j’en ai peur, mais je retiens précieusement le conseil », répond Albus avec un fin sourire quand Godzilla, ayant retrouvé sa forme humaine, s’empare s’en prévenir d’une poignée d’excréments à son attention. On ne la lui avait jamais faite, celle-là. Ceci dit, on lui avait déjà fait bien pire aussi. « Puis-je savoir ce que vous vous êtes dit ? » demande-t-il alors, incapable de taire sa curiosité.

Il se rend bien compte qu’une conversation silencieuse a eu lieu entre les deux titans, et il a envie d’en comprendre et d’en apprendre davantage, si cela peut être possible. Il ignore dans quelles mesures son interlocuteur acceptera d’échanger avec lui.

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A sa question, Albus ne s’attendait pas forcément à une réponse si transparente, mais il ne peut que nettement apprécier la sincérité affichée de son titan d’interlocuteur, qui lui offre d’avoir une vision plus complète de la scène à laquelle il vient d’assister. Cela suffit-il véritablement à ce qu’il soit en mesure de pleinement le comprendre et de comprendre les subtilités de sa nature et de ses interactions ? Peut-être pas, mais Albus Dumbledore est un grand observateur, et il sait pertinemment et d’expérience que tout vient à point à qui sait attendre. Il est donc préférable de s’armer de patience, et il n’a aucun mal à penser que cette patience sera effectivement payante. Albus n’a aucun mal à croire dans le fait que son interlocuteur soit en effet un prédateur efficace. Il n’y a pas besoin de l’entendre longtemps pour en avoir le cœur net.

« Vous sous-estimez fortement mes pouvoirs quand je ne me serais jamais permis de remettre en question vos aptitudes », répond Albus avec un sourire. « Ce serait presque vexant », ajouta-t-il d’un ton léger, mais sans être réellement vexé.

La magie de tout sorcier ne se cantonne bien évidemment pas à sa baguette. La baguette est une alliée, un médium, pas une nécessité, elle facilite la tâche des sorciers qui auraient grand tort de se priver d’une aide appréciable, mais l’essence magique et son intensité sont choses à ne pas sous-estimer. Pour autant, Albus n’en dit rien. Il ne trouve aucun amusement à jouer à qui serait le plus fort des deux, il se plaît seulement à contempler les choses, et si sa magie devait être utile, à n’importe quel moment, il s’en servirait au meilleur des escients, et sans s’inquiéter de pouvoir ou non contrecarrer les projets de l’un de ces titans qui, semblerait-il, devraient tous les réduire à l’état d’inutiles insectes. Ma foi, cela permet de relativiser. Il est souvent important de se rappeler que l’on n’est pas grand-chose. Même ces impressionnantes créatures ne sont jamais que d’infimes grains de poussière à l’échelle de l’univers.

« Une chance pour moi dans ce cas, je n’avais pas la moindre intention de vous vénérer », répond Albus avec humour alors que son interlocuteur affirme qu’autrefois, ses anciens ancêtres l’avaient loué comme un dieu (ce qui est bien, avec Godzilla, c’est que ce n’est vraiment pas l’humilité qui l’étouffe – d’un autre côté, Albus non plus).

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« Sur ce point je suis d’accord. L’adoration, qu’importe qui en fait l’objet, est toujours dangereuse. »

Albus ne le dit pas seulement dans le but de se conformer aux pensées de son interlocuteur, mais parce qu’il le pense sincèrement. Il faut se méfier de toutes les doctrines, quelle que soit leur nature. Qu’il s’agisse de religion ou de politique, c’est du pareil au même, et le professeur l’a appris en partie à ses dépens, notamment au moment de tomber sous le charme d’un jeune sorcier qui, s’il l’avait suivi quand il était jeune lui-même, aurait fait de lui un homme bien différent de ce qu’il est aujourd’hui.

Godzilla lui assure n’éprouver aucune forme d’émotion particulière à contempler la ferveur des humains qui l’ont érigé en une sorte de dieu. C’est une excellente chose, en réalité, il n’y a aucun orgueil à tirer de la vénération et de l’admiration d’autrui, même s’il y a quelque chose de réellement agréable dans le fait d’être admiré, bien sûr, et que l’attention d’autrui peut être particulièrement grisante. Albus sait d’ailleurs qu’il doit vraiment s’en méfier pour cette raison bien précise. Parce qu’il a conscience, bien trop conscience, de ce que cela pourrait bien faire.

« J’estime qu’agir à l’encontre des forces de la nature serait troubler l’ordre des choses. En revanche, je pense être capable de m’en protéger autant que nécessaire… Et d’en protéger les miens », ajoute-t-il posément.

Ce qui est vrai, vouloir se prétendre capable d’affronter de littérales forces de la nature, c’est une entreprise non seulement présomptueuse, mais qui plus est particulièrement dangereuse, à laquelle Albus ne veut pas souscrire.

Oh, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas en mesure de commettre des erreurs. Bien au contraire, il est probablement plus sujet à en faire que n’importe qui d’autre, mais du moins fait-il de son mieux quoi qu’il en soit. De son côté, Albus ne cherche pas réellement à faire face aux circonstances, de son côté, Albus cherche avant tout à faire ce qui est le mieux et ce qui est le plus juste. Bien sûr, c’est une chose qu’il souhaite quoi qu’il en soit.

Tout ceci est un débat complexe, et Albus doit reconnaître que son intelligence, si grande soit-elle, se heurte bien naturellement aux frontières de cette situation singulière, qui forcément ne peut pas être complètement rassurante et qui donne la part belle à de nombreux questionnements dont les réponses ne sont pas si simples à trouver.

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« Je crois que j’ai compris le message, et je crois n’avoir en aucun cas suggéré que vous devriez obéir en quoi que ce soit ni en qui que ce soit d’autre que vous-même », remarque Albus avec indulgence et un certain amusement. « C’est d’ailleurs une leçon très judicieuse, que beaucoup devraient retenir, pas seulement les titans », affirme-t-il avec un large sourire.

Oui, il est important de s’obéir à soi-même. Cependant, s’obéir à soi-même… peut comporter des risques, que l’on soit titan, excellent sorcier ou… autre chose. Quoi qu’il en soit, Albus n’entend certainement pas soumettre son interlocuteur à sa volonté, de même qu’il estime que personne ne devrait jamais se soumettre à cette même volonté quoi qu’il puisse advenir. Oui, vraiment, cet individu n’obéit qu’à sa propre loi et à sa propre personne, et c’est probablement une bonne chose, car il semble savoir ce qui vaut le mieux pour lui-même… Et quand on se présente comme le Titan de l’équilibre, on a tout intérêt à avoir des avis particulièrement tranchés sur la question.

« Je n’ai pas l’intention de troubler son équilibre… même si certains le font parfois sans en avoir l’intention. C’est l’apanage des humains, leur grande maladresse et leur très grande erreur. »

Et c’est une chose qu’Albus pense très sincèrement et sans afficher le moindre doute à ce sujet. Oui, c’est définitivement ce qu’il pense, les humains sont assez rares à désirer troubler l’ordre de la Nature, ils ont seulement eu trop tendance à s’octroyer tous les droits sans prendre la pleine mesure de leurs trop nombreuses erreurs. Malheureusement, dédouaner l’humanité de ses erreurs ne la préservera pas du sort qui lui est réservé. Encore faudrait-il qu’ils sachent être sensibilisés à cette réalité, si difficile soit-elle.

« Vous m’en voyez flatté », répond Albus quand son interlocuteur affirme piquer sa curiosité, avant d’ajouter qu’aucun humain n’était parvenu à cet exploit auparavant. Il se pourrait même qu’il soit le premier à parvenir à cet exploit dans tous les cas. « Je serais ravi de répondre à vos questions si vous devriez en avoir. »

Et en effet, après toute la curiosité dont il a lui-même fait preuve, l’on peut même dire que c’est une certaine forme d’échange de bons procédés, et que c’est certainement préférable de la sorte. Il est normal qu’il accepte d’étancher la curiosité de son interlocuteur après que ce dernier ait pris le temps d’étancher la sienne.

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Albus hoche la tête avec un fin sourire. En réalité, oui, il ne compte pas oublié qu’il est une entité programmée pour le combat… Il préfère retenir cette information pour lui-même, mais aussi parce qu’il a bien conscience du fait qu’une telle entité pourrait bien servir à certains combats en particulier… Encore faudrait-il que cette créature accepte d’obéir à aucun homme, et il a été plutôt clair sur la question.

Ce n’est pas le cas, il n’obéit qu’à lui-même, et préserve l’ordre et l’équilibre naturel des choses… mais sur ce point en particulier, il se pourrait bien qu’ils se rejoignent en réalité, car affronter un Mal trop puissant pour être contenu peut certainement concerner un Titan tel que Godzilla. Possiblement… Albus n’en est pas tout à fait sûr… de même qu’il n’est pas tout à fait certain d’avoir tout cerné du mode de fonctionnement de son interlocuteur. Il devine sans mal que de nombreuses zones d’ombre demeurent, qu’il est loin d’avoir encore su appréhender.

En attendant, il préfère garder ses réflexions pour lui tout en envisageant de répondre du mieux possible aux questions que son interlocuteur se pose. Il ignore si ce dernier sera véritablement capable de trouver la moindre satisfaction dans les réponses qu’il apportera, mais ça c’est une autre affaire.

La première question que pose Godefroy est très globale : comment… Il désigne sa baguette, il demande comment cela peut être possible. Cette question peut revêtir bien des sens, est en isoler un seul est probablement peine perdue, mais quoi qu’il en soit, il veut bien prendre le risque de s’essayer à quelques explications qui, tout naturellement, ne manqueront pas d’être insatisfaisantes autant que lacunaires.

« Eh bien… vous auriez une réponse plus précise et plus satisfaisante, à coup sûr, en vous adressant directement à un fabricant de baguettes. » Il marque une pause. « La magie fait partie de nous, en tant que sorciers, baguette ou non, nous ne le décidons pas, elle circule dans notre sang dès notre naissance. » Il marque une pause. « Ces objets… » Il désigne sa baguette. « … nous sont intimement connectés. On dit que la baguette choisit son sorcier, et c’est très loin d’être faux. C’est en effet le cas. Va savoir comment l’expliquer plus précisément : le bois utilisé ? Le cœur qu’elle renferme ? Toujours est-il qu’une même baguette ne sauront pas satisfaire deux sorciers différents… elles sont intimement liées à notre magie. »

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« Oui, je crois que c’est le terme approprié, en effet », confirme Albus quand, pour résumer ce que tente de lui faire comprendre le rapport entre un sorcier et sa baguette, son interlocuteur parle de symbiose. C’est en effet de cette manière qu’il l’aurait probablement défini lui-même. Oui… symbiose, le terme n’est pas si mal trouvé. Une connexion profonde qui, si elle se trouve ternie, perdra automatiquement autant de son intérêt que de sa valeur.

Albus ne peut s’empêcher de rire légèrement quand son interlocuteur comprend mal son discours et pense que quand le sorcier évoque le cœur d’une baguette, il parle de l’organe à proprement parler. L’image est particulièrement glauque, il faut bien le dire, mais l’erreur d’interprétation la rend amusante. Quoi qu’il n’y ait rien d’anormal à ce que son interlocuteur n’ait pas tout à fait bien compris les choses, Albus, tout comme Godzilla, peut avoir tendance à considérer certaines choses comme acquises, au point même de ne pas prendre le soin ou la peine de les expliciter plus convenablement.

« Non, rassurez-vous. Quand je parle de cœur, je ne parle pas de cœurs d’animaux, je parle du cœur de la baguette, c’est-à-dire de ce qu’elle renferme. Aucune créature à ma connaissance n’a jamais été tuée pour leur conception », dit-il alors avec un fin sourire tout en agitant sa propre baguette entre ses doigts fins et noueux. « La mienne, par exemple, renferme une plume de phénix, mais si cela peut vous rassurer, je suis en mesure de vous garantir que ce phénix est encore en parfaite santé à ce jour », affirme-t-il alors, sans être sûr que cela suffira à convaincre le Titan, qui à présent lui affirme devoir surveiller ses activités de très près.

Soit, que grand bien lui fasse. Albus ne saurait garantir que certains sorciers n’auront pas l’orgueil de s’en prendre aux titans en personnes. Oh, il est même convaincu que Lord Voldemort trouverait un intérêt certain à envisager de rallier un individu tel que Godzilla à sa cause… Mais Albus ne voit guère de raison de s’en alarmer. Après tout, Godzilla l’a dit lui-même, les Titans n’obéissent à aucune forme de maître, et celui qui se fait appeler auprès de ses plus loyaux sujets le seigneur des ténèbres ne ferait sans nul doute pas exception à cette règle. De cela, il est dorénavant intimement convaincu après la conversation qu’ils viennent d’avoir.