Il était une fois...
Aux premières aurores, ses mains ouvrirent les rideaux de la fenêtre, laissant pénétrer cette lumière revitalisante qu'était celle du soleil. Une aussi belle journée annoncée n'était que très quotidienne, mais il était vrai que celui qui lui donnait plus de mal encore était ce très cher monsieur Phantomhive. D'un pas rapide et silencieux, il s'était déjà approché du lit et avait, comme à son habitude, prononcé ces quelques mots matinaux:
« Il est l'heure de vous lever, monsieur.»Il servit le thé dans une de ces tasses du service de bleu et blanc de Wedgwood, avant de se hâter pour préparer les vêtements du Comte. Il n'était rien de plus important que de s'occuper de lui, et tous ses gestes étaient extrêmement calculés au moindre millimètre. Il énonça avec calme son programme pour la journée, qui consistait clairement à consacrer toute sa tête aux devoirs qu'il détestait tellement. C'était quotidien chez monsieur, d'éviter ce genre de choses qu'il trouvait assez dérisoires et inutiles. Mais comme il le disait toujours, l'éducation fait le bon aristocrate, et monsieur le comte de Phantomhive ne pouvait y remédier, surtout en sa présence. Pourtant, aujourd'hui même, monsieur n'avait pas trouvé quelqu'un à sa hauteur, toujours pas. Encore une fois vainqueur de ce duel donc il n’avait sali ni son costume ni ses mains, le simple majordome qu'il était entreprit donc d'apporter au cher comte ses devoirs. Néanmoins, quelque chose le frappa et il se tourna vers les trois autres membres du personnel du manoir:
« Dites... que faites-vous ici ? Si vous avez le temps de bavarder, travaillez plutôt !»Finny, May Lin et Bard commencèrent à courir à leur tâche. Vraiment, il ne savait pas pourquoi ces trois-là restaient toujours plantés comme des piquets, ni pourquoi à chaque fois qu'ils tentaient de faire le bien tout tournait à la catastrophe. Heureusement pour lui, il avait ce don d'arranger toutes ces bêtises. Et alors qu'il cherchait les bons livres d'histoire, de mathématiques et de français, la sonnette de monsieur retentit. Allons bon! Que lui voulait-il? Il revint dans son bureau, toqua à la porte et entra:
« Monsieur désire quelque chose ?- J'ai envie d'un truc sucré, tu peux me faire une tarte aux pommes?
- Monsieur vient de sortir du petit-déjeuner, il ne serait pas sain de manger une tarte à cette heure-ci! Il donc hors de question.- Mais...! T'exagères, juste un petit bout de tarte!
- Il faut que monsieur sache que je ne peux pas faire cuire un petit bout de tarte, néanmoins, j'ai ce qui va vous plaire à ravir.»Il déposa délicatement une bonne montagne de livres, ce qui démoralisa le comte. Eh oui, l'éducation passait par là, et ce n'était pas parce qu'il était comte qu'il ne devait pas toucher à ce genre de travail.
« Je reviens avec d'autres livres. Surtout lisez tout attentivement !»Le simple majordome qu'il était était encore plus consciencieux que n'importe quel autre majordome ou même parent. S'occuper de monsieur? C'était son devoir jusqu'au moindre détail, et il n'y allait pas de main morte. Quoi de plus normal? Il ne pouvait faire que cela donc il l'appliquait avec tact. D'un pas léger, il parcourait les couloirs du manoir pour finir dans la bibliothèque. Cet endroit immense où monsieur ne posait évidemment presque jamais les pieds, était composé de plusieurs étagères en bois ciré dont les extrémités étaient décorées de diverses figures classiques. Il était vrai que leur taille impressionnait, de par leur hauteur, puisqu'elles touchaient le plafond, mais aussi de par leur largeur puisqu'elles faisaient dix fois celle d'un homme. Ici, il n'y avait pas un seul livre qui ne manquait, et toutes les informations nécessaires s'y trouvait. En cherchant un livre de sciences et biologie, il remarqua l'étrange poussière qui empêchait le bois de luire sur le rebord de l'étagère: quelle misère! Il devrait passer au peigne fin cet endroit pour qu'il n'y ait plus aucune erreur de ce genre! Mais son attention se porta soudainement sur autre chose... sur la vitre qui protégeait les livres de toute poussière inutile, quelque chose brillait en bougeant très lentement derrière lui. Heureusement que les vitres servaient à quelque chose, elles reflétaient les mouvements qui se manifestaient derrière la fenêtre en face. Il ne s'était pas retourné, gardant un oeil attentif sur ce reflet qui lui donnait quelques petits détails: une corde attachée à un crochet. Un cambrioleur? C'était bien le moment! S'il perdait encore du temps, monsieur ne pourrait pas continuer son apprentissage! A cette pensée, un léger sourire apparut au coin de ses lèvres. C'est alors que d'un pas vif et fluide il avait atteint la fenêtre, ouvert les battants, et s'était penché sur le rebord.
Ce n'est pas avec surprise qu'il constata un jeune homme escaladant la façade du manoir, à présent à quelques centimètres de lui.
« Vous êtes vraiment impoli monsieur! Voyez ce que vous avez fait? La façade du manoir est à nettoyer maintenant !»Le jeune homme sursauta et leva la tête. Devant lui, un simple majordome qui lui faisait tout bonnement la remarque de salir le mur. Pourquoi? Quelque chose l'échappait, mais dans un signe de protection, il s'accrocha au rebord de la fenêtre et lança le crochet sur le visage de celui-ci, lequel le reçu en plein front. Le maître des domestiques tomba en arrière, basculé par l'attaque et ce crochet à présent planté entre les deux yeux. L'homme fit un sourire, entra dans la pièce après avoir escaladé les derniers rebords, puis constata son acte: il était bien mort, et le sang découlait sur tout son visage, couvrant cette peau blanche d'un rouge profond. Il se sentit satisfait et se dirigea ensuite vers le bureau qui régissait la bibliothèque, étant placée non loin de la fenêtre où il était entré. Il prit soin de bien chercher dans les tiroirs, puis dans d'autres avant de prendre le livre de sciences et biologie que le majordome avait déposé sur le bureau avant de se rendre jusqu'à lui. Il expira de soulagement, ce soulagement que l'on exprime lorsque la mission est enfin accomplie, avant de ressentir comme un étrange frisson parcourir toute l'échine de son corps. Une aura noire et malsaine s'élevait à présent dans la salle et commençait presque à l'étouffer. Cette voix qui vint ensuite, la même que celle qu'il avait entendu quelque part auparavant refit surface derrière lui tel un serpent rampant sur son dos:
«Quand je dis que vous êtes vraiment impoli, je crois que je fais erreur, vous êtes bien pire!»Le jeune homme se retourna et constata avec effrois le visage sanglant du majordome, à quelques centimètres de lui, le crochet dans la main. Il ne savait pas si c'était ce sourire démoniaque ou le fait qu'il soit revenu à la vie qui le terrorisait, mais il ne se retint pas de pousser un cri abominable de peur pour finalement s'évanouir au sol. Le majordome haussa les sourcils:
« Eh bien! Quelle fragilité d'esprit!»Il souleva le corps et le porta à son épaule, mettant par-dessus le livre de sciences et de biologie. C'est alors qu'il parcourut une nouvelle fois les couloirs du manoir, pour finalement atteindre le bureau de monsieur le comte de Phantomhive. Il toqua à la porte, entra et déposa le corps au sol:
«Monsieur n'était pas obligé de faire appel à un voleur renommé pour éviter de faire ses devoirs.»Monsieur le comte fronça les sourcils et râla. Pourquoi fallait-il que ce majordome soit intouchable? Maintenant, il était contraint de faire ses devoirs, à moins que le voleur n'ait détruit le livre... une lueur d'espoir apparut au fond de ses yeux, mais l'apparition d'un énorme manuel devant lui le découragea de suite. Il avait emmené aussi le livre...
«Avec tout ce grabuge je n'ai pas oublié pour autant mon devoir, celui de vous emmener comme convenu votre manuel de sciences et biologie.-Tu es diabolique avec moi, Sebastian...
-Bien sûr que non monsieur! Et puis, je fais seulement ce qu'un simple majordome doit accomplir...»
Avec un sourire subtil, il s'inclina avant de sortir de la salle : l’heure allait être venue de préparer le déjeuner...
***
► Décorations, vêtements, cuisine, entretien de la maison...Sebastian se plie en quatre pour satisfaire son maître. Et il y prend beaucoup de plaisir. Il aime les choses bien faites et avec classe. Il apprécie tout ce qu'il fait, car au bout du compte, il sait ce qu'il obtiendra en retour... Ce qu'il admire plus que tout, ce sont les chats. Il adore ces animaux (avec qui il a des traits communs) et devient tout chose lorsqu'il caresse les coussinets roses des pattes.
► En tant qu'amoureux de la gent féline, Sébastian a une sainte horreur des chiens. Ces derniers d'ailleurs le fuient dès qu'ils croisent son regard. Il n'a que du mépris pour ces bêtes soumises, plus pataudes et faisant preuve d'affection débordante. De toute façon, Sebastian n'est pas intéressé par les manifestations de sympathie...ou d'amour. Il repousse toutes tentatives de séduction, en particulier lorsqu'elles sont grossières. Il n'aime pas être séparé de son maître.
► Sebastian est ce que l'on pourrait qualifier d'homme presque parfait (si ce n'est pas parfait). Il sait évidemment tout faire, que ce soit la cuisine, le ménage, le rangement, le jardinage et d'autres encore. Pour lui, "majordome" est un métier à tout faire et là où il doit exercer à la pointe de la perfection. Seulement, il est vrai qu'il n'est pas doué que pour les tâches ménagères, car il sait tout aussi bien se battre que de faire mijoter. Son caractère ? Un personnage calme et serein en toute circonstance. Quoi de plus normal pour un majordome de la famille Phantomhive?
► Pas une seule goutte de sueur ne perle sur son visage confiant et qu'elle que soit la situation, grave ou non. On pourrait presque définir ses sourires ou son expression comme étant froids, mais il a une certaine tendance à masquer ce forcé avec beaucoup de tact, tellement, que l'on n'imagine même pas une once d'hypocrisie dans son regard. On ne sait jamais ce qu'il pense, jamais ce qu'il a l'intention de faire, et il est tellement imprévisible qu'il jette souvent des paillettes dans les yeux.
► Toujours est-il qu'il n'est ni intéressé par les désirs futiles des hommes ni par aucun désir puisque la seule chose qui l'intéresse réellement est la vie de son maître, Ciel Phantomhive, avec lequel il a lié un pacte étrange. Ce majordome ne connait pas la peur, il la fait connaitre (c’est différent). La seule peur qu’il connaisse, c’est la peur de perdre son maitre pour lequel il se dévouerait corps et âme ! Seulement... ne vous faites pas d'illusion, il n'est qu'un diable de majordome !
► Les félins, quels qu'ils soient, ont toujours eu un drôle d'impact sur Sebastian. Il aime ces animaux si libres, si indépendants, si doux... n'en déplaise à Ciel qui a la malchance d'être allergique aux poils de ces merveilles à quatre pattes.
► Darjeeling, Earl Grey, Barnesbeg, Norling... Le majordome aime sélectionner les thés qu'il prépare, il opte bien souvent pour les grands crus et pour la meilleure qualité. Après tout, le thé est un véritable art et en consommer est un privilège.
► La lune rouge... aussi rouge que le sang, aussi rouge que les yeux de ce diable de majordome... Un phénomène inexplicable et inexpliqué, mais très intéressant... il aurait dû s’agripper à son maître, faire en sorte que jamais ils ne soient séparés… mais ils furent emportés comme dans un tourbillon, séparément. Il se languit de lui, ou plutôt de son âme…
► L’arrivée sur cette île a été quelque peu désordonnée. Il lui a fallu remettre sa tenue bien en place et prendre ses repères. Ce n’est pas Londres. Ce n’est pas l’époque victorienne. Il n’y a ici ni royauté ni chiens de la reine. Son ancienne existence semble impossible et il n’a, de toute façon, plus de maître à servir. Le majordome a donc résolu de travailler dans un restaurant, où il peut à loisir faire valoir ses compétences et repérer quelques âmes pouvant être intéressantes… mais rien d’aussi intéressant qu’une âme avide de vengeance avec laquelle pactiser.
► Mener une vie humaine, quand on est un démon, c’est aussi triste que répétitif. L’ennui est de mise chaque jour et Sebastian cherche à briser cet ennui. Pourquoi pas en s’amusant un peu avec des humains et des pactes ?