Les murmures ▿ Octavia.

Cette petite ferme prenait peu à peu l'allure d'un véritable refuge pour les deux femmes. Les travaux, à l'intérieur, avançaient doucement, mais les premiers résultats étaient là. Les pièces principales et les chambres étaient fonctionnelles, refaites, agréables. Peu à peu, elles se créaient un véritable petit cocon comme jamais elle n'avait eu afin de pouvoir se reconstruire doucement, de pouvoir démarrer une nouvelle vie. Contrairement à l'appartement qu'elle possédait avant, Clarke était heureuse à chaque fois qu'elle rentrait, après le travail. Ce soir ne faisait pas exception, elle avait hâte de retrouver son nouveau chez-soi.

Clarke avait poussé la porte de chez elle et s'était dirigée directement vers la cuisine. Elle était morte de faim et n'avait qu'une hâte : manger quelque chose. La jeune femme avait donc trouvé un reste du repas de la veille et l'avait mis à réchauffer. Pendant ce temps, elle avait préparé la table et s'était servie un verre. Octavia n'était pas au rez-de-chaussée - en tout cas, elle ne l'avait pas vue - mais Clarke ne s'en inquiétait pas, elles faisaient leur vie chacune de leur côté. Elle pouvait être sortie ou être dans sa chambre, par exemple - comme ça changeait la vie d'avoir son espace à soi, de ne pas être obligé de dormir dans la rue, dans une vieille voiture, dans un abri de fortune ou dans une tente - et elles se verraient sans doute au cours de la soirée, comme à chaque fois.

Alors que Clarke avait sorti le plat du micro-ondes, un murmure lui était parvenu. Elle s'était alors imaginée qu'Octavia l'avait rejointe. « Tu es là, tu... » veux manger quelque chose ? Souffla-t-elle, en s'arrêtant avant d'avoir terminé puisqu'en se retournant, elle n'avait vu personne. Sans doute, avait-elle imaginé ce murmure. Après tout, elle était épuisée avec les journées qu'elle passait, ce ne serait donc pas étonnant.

Alors qu'elle s'installait pour commencer à manger, elle avait entendu un nouveau murmure. Elle ne comprenait pas encore ce qu'elle entendait, mais cette fois-ci, elle était sûre d'elle. Délirait-elle ? Octavia était en train de lui faire une mauvaise blague ? Ça ne lui ressemblait pas, mais... Après tout, pourquoi pas ? Peut-être était-elle particulièrement de bonne humeur et d'humeur, surtout, à plaisanter ? « Octavia ? » Avait-elle alors crié dans l'espoir d'attirer son attention et de, peut-être, la faire sortir de sa cachette si elle était en train de lui faire une plaisanterie. Il fallait l'avouer, elle commençait à se sentir étrange, à être mal à l'aise et inquiète, comme si son instinct se réveillait pour lui crier que quelque chose n'allait pas.

Les murmures:

Depuis quelques semaines, Clarke et Octavia avaient décidé de prendre un nouveau départ. Dans ce monde, elle avait une nouvelle chance, elles n’étaient plus obligées de se battre pour survivre. Ici, elles pouvaient juste vivre. Et c’est qu’Octavia essayait de faire depuis qu’elle avait accepté de venir vivre ici. Depuis que ses souvenirs lui revenaient, Octavia se voyait comme un monstre dépourvu de toute humanité. Elle n’arrivait pas à se pardonner toutes les erreurs qu’elle avait faites. Mais elle avait oublié que, pour la plupart, elle n’avait pas eu le choix. Elle avait oublié qu’elle avait réussi à se pardonner et qu’elle avait trouvé son bonheur dans cette petite maison sur Skyring avec Hope et Diyosa. C’était ce même schéma qu’elle était en train de reproduire.

Depuis qu’elle avait emménagé ici, la vie d’Octavia semblait avoir plus de sens. Elle ne passait plus ses journées enfermées dans son petit appartement à ressasser le passé, à s’en vouloir et à détester la personne qu’elle était. Ici, elle passait ses journées à se rendre utile. Elle retapait cette vieille ferme, espérant avoir un véritable chez-soi chaleureux et agréable. Clarke et elle espéraient pouvoir accueillir d’autres membres de leur groupe ici, si elles réussissaient à les retrouver un jour. Peu à peu, la maison prenait forme, les travaux dans les pièces principales étaient faits. Alors Octavia avait passé la journée à travailler. Elle avait bien avancé et épuisée, elle avait décrété que sa journée était terminée. Alors après une bonne douche, elle s’était allongée dans son lit. Elle ne devait pas y rester plus de quelques minutes, mais finalement, elle s’était endormie et ne s’était réveillée qu’un long moment plus tard. Elle ne savait pas trop ce qui l’avait poussé à ouvrir les yeux, mais elle avait eu l’impression d’entendre quelqu’un murmurer près d’elle. Un mauvais rêve sans doute, mais maintenant qu’elle était réveillée, elle mourrait de faim.

En descendant, elle avait entendu la voix de l’autre habitante de cette maison. Clarke était rentrée. « Tu es rentrée. » Lâcha-t-elle en apercevant Clarke. À son tour, elle était allée chercher de quoi manger dans le frigo, un plat tout préparé qu’elle avait choisi au hasard et qu’elle avait réchauffé quelques minutes à peine. Plat dans une main, verre et couverts, dans l’autre, elle avait rejoint Clarke pour s’installer et manger, elle aussi. « J’ai pas entendu ce que tu me disais. » Clarke n’avait pas parlé bien évidemment, c’était encore cet étrange murmure.

Clarke devait être bien plus fatiguée que ce qu'elle croyait. En effet, après une longue journée de travail, elle était rentrée pour manger quelque chose et se reposer. Alors qu'elle se faisait réchauffer un reste de plat, elle avait entendu des murmures, à deux reprises. Tout naturellement, elle s'était imaginée qu'il s'agissait d'Octavia, avant de se demander pourquoi Octavia parlerait si peu fort ? Ce n'était pas son genre de faire une plaisanterie de ce type, non plus, alors quoi ?

Pour se rassurer, Clarke avait fini par crier le prénom d'Octavia et en quelques secondes elle était apparue dans la cuisine. Au moins, elle n'était pas seule. « Depuis cinq minutes à peine. » Répondit-elle en souriant. Prête à manger, installée, elle attendait cependant Octavia qui se faisait réchauffer quelque chose à son tour. Elle ne parlait pas, elle attendait que son amie s'installe à table pour cela, mais pourtant Octavia semblait avoir entendu quelque chose. Elle aussi ? « Je n'ai pas parlé... » Souffla Clarke, commençant à ressentir avec davantage de force cette ambiance étrange autour d'elles. « C'est étrange, avant que tu n'arrives, j'ai eu l'impression, moi aussi d'entendre quelqu'un parler. Murmurer. » Expliqua la jeune femme, ne comprenant pas bien ce qui était en train de leur arriver.

Clarke allait de nouveau justifier ça par la fatigue, même si c'était étrange qu'elles soient toutes les deux touchées, en même temps, mais... Pourquoi pas, après tout ? Sauf qu'à l'instant où elle s'apprêtait à prononcer ces mots, un nouveau murmure parvint à ses oreilles. Cette fois-ci, les mots étaient plus distincts et Clarke avait l'impression d'avoir entendu quelque chose. Éteins la lumière. C'était ridicule. Pourquoi quelqu'un lui soufflerait ça à l'oreille ? Pourtant, elle l'entendait une seconde fois. Elle déposa sa fourchette dans son assiette et observa les alentours, à la recherche d'une explication. « Je crois qu'il se passe quelque chose d'anormal. » Peut-être serait-il préférable de quitter cet endroit au plus vite, dans ce cas ? « J'entends encore ces murmures et, maintenant, je comprends ce qu'ils disent... » Ça ne les rendait que plus réels. Ce n'était plus simplement un chuchotement inaudible, un bruit, mais bel et bien des mots.

Clarke était rentrée il y a peu, c’est peut-être elle qui l’avait appelé en entrant. Endormie, Octavia avait cru à des murmures, mais ce n’en était tout simplement pas. Sans poser plus de questions, la brune s’était rendue dans la cuisine pour se faire chauffer un plat. Il commençait à se faire tard et elle était affamée. Après quelques minutes à attendre silencieusement dans la cuisine, Octavia avait pris son plat et tout ce qui était nécessaire avant de rejoindre Clarke. Elles ne mangeaient pas toujours en même temps, mais puisqu’elles s’étaient fait à manger presque en même temps, il serait ridicule de manger chacune dans son coin.

En arrivant, Octavia interrogea Clarke. Dans la cuisine, elle n’avait pas réussi à entendre ce qu’elle lui avait dit. Ses paroles s’étaient transformées en murmures inaudibles. Seulement, Clarke disait ne pas avoir parlé. Les choses commençaient à devenir étranges. Croire entendre des voix une fois pouvait arriver. Avoir l'impression d’entendre des voix deux fois en quelques minutes, là, ça devenait bizarre. Le plus étrange, en réalité, c’était qu’Octavia n’était pas la seule à avoir entendu ces murmures. Clarke les avait entendus aussi. Ça devenait vraiment étrange. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?

Rapidement, Clarke s’était de nouveau manifestée, signalant qu’elle venait d’entendre les murmures à nouveau et cette fois-ci, elle avait compris ce qu’ils venaient de lui dire. « Tu as raison… » Dit-elle en regardant tout autour d’elle après avoir lâché ses couverts. Il n’y avait personne ici. Personne qui pouvait chuchoter quoi que ce soit, pas de la façon dont Octavia les entendait, pas si Clarke disait entendre distinctement ce qu’ils disaient. « Qu’est-ce qu’ils disent ? » Octavia voulait savoir ce que ces murmures disaient. Pour le moment, elle n’avait pas encore réussi à entendre ce qu’ils lui disaient. S'agissait-il d’une plainte ? D’une requête ? Des phrases sans sens ? Ou donnaient-ils des informations sur eux ?

Si elles entendaient toutes les deux des murmures, il devait se passer quelque chose. Elles n'hallucinaient pas. Clarke n'y croyait pas. Et elle y croyait encore moins en entendant plus distinctement ce que ce murmure lui disait. Il lui demandait d'éteindre la lumière. C'était complétement ridicule... D'abord, elle avait fait part à Octavia qu'elle entendait quelque chose et qu'il se passait quelque chose d'anormal. Puis, pour répondre à la question de cette dernière, elle avait ajouté : « Ils me demandent d'éteindre la lumière. » Autant dire qu'elle ne comprenait pas bien pourquoi. A ses yeux, tout cela n'avait aucun sens.

Cependant, elle n'eut pas le temps de réagir, d'accepter ou de refuser, de dire autre chose. Les murmures avaient recommencé. Clairement. Cette fois-ci, elle avait l'impression de sentir comme de la colère. Les murmures lui expliquaient que puisqu'elle avait refusé - ce qui était faux, elle n'avait pas réagi aussitôt, mais elle n'avait jamais formulé aucun refus clair et net - ils attendaient désormais autre chose. « Attends ! » Avait-elle dit à Octavia, en entendant la nouvelle requête de ce murmure. « Maintenant, ils me demandent de verrouiller la porte et de jeter toutes les clés par la fenêtre. » Alors elles se retrouveraient enfermées et vulnérables à l'intérieur. Etait-ce bien prudent d'obéir ? Le problème était que si elles n'obéissaient pas, qui sait ce que ces choses demanderaient ensuite ? Et si ça allait en empirant, elles risquaient gros. Mais en cédant, ne risquaient-elles pas gros également ? Ce que Clarke pouvait détester se sentir impuissante. « Ils ne veulent pas attendre. Si on ne répond pas ou si on refuse, ils demandent plus. » Justifia-t-elle pour préciser qu'elles n'avaient pas vraiment de temps de réflexion, malheureusement pour elles. « On fait quoi ? » Clarke ne pouvait clairement pas prendre cette décision toute seule, mais elle ne pouvait pas attendre trop longtemps. Alors, Octavia devait lui donner une réponse immédiatement et ne surtout pas perdre de temps.

Voilà qu’elles entendaient toutes les deux des voix, des murmures. Octavia ne les entendait pas clairement - pour le moment - mais Clarke, elle, comprenait ce qu’ils lui demandaient. Elle devait éteindre la lumière. Pourquoi ? Quelle était cette demande étrange ? Qu’allait-il se passer si elle éteignait la lumière ? Octavia s'apprêtait d’ailleurs à poser la question, mais Clarke lui avait demandé d’attendre, puis elle avait ajouté qu’ils lui demandaient de verrouiller la porte avant de jeter toutes les clés par la fenêtre. Une fois encore, Octavia se demandait pourquoi. Pourquoi est-ce qu’elle devait faire toutes ces choses ? Quel était le but ? Avant qu’Octavia ne puisse ajouter quoi que ce soit, Clarke avait de nouveau repris la parole. Visiblement, les murmures lui avaient dit - ou bien elle l’avait peut-être déduit - qu’elles ne devaient pas attendre avant de donner une réponse. Si elles refusaient ou si elles attendaient pour répondre, ils demandaient plus encore. Alors que devaient-elles faire ? Obéir et jeter les clés après avoir verrouillé la porte ? Ou désobéir et refuser de se piéger dans la maison ? Octavia était tentée de refuser. Après tout, elle ne savait pas qui était derrière ces murmures et elle ne savait pas ce qu’ils avaient l’intention de leur faire. Alors s’enfermer ici n’était certainement pas une bonne idée. Mais si elles refusaient, qu’allaient-ils leur demander de faire ? À quel point les choses allaient être plus dangereuses encore ?

Octavia savait qu’elle n’avait pas beaucoup de temps, mais elle devait prendre quelques secondes pour réfléchir. « On ne peut pas leur obéir. On ne peut pas s’enfermer ici sans savoir qui sont ces choses. Sans savoir ce qu’elles nous veulent. » Dans les deux cas, elles prenaient un risque, alors autant choisir celui qui leur laissait peut-être une chance de s’en sortir. « Si on accepte, rien ne nous dit qu’ils arrêteront. Alors on refuse. On avisera avec leur prochaine demande. » Se battre n’était pas un problème, mais se battre contre une force invisible, là, ça en devenait un. À peine avait-elle prononcé son choix, qu’elle avait entendu les murmures à nouveau, plus distinctement cette fois-ci. Puisqu’elles avaient refusé, elles devaient accomplir une nouvelle chose. Se séparer. Elles devaient choisir chacune une pièce - éloignée l’une de l’autre -, puis elles devaient fermer les fenêtres et les portes. Une fois encore, ça n’avait aucun sens. « On doit s’enfermer chacune dans une pièce éloignée l’une de l’autre. Je ne comprends pas ce qu’ils veulent, mais on est d’accord, on refuse de se séparer ? » Se séparer, c’était s’affaiblir, alors s’était tout simplement hors de question, Octavia savait que Clarke allait partager son avis.

Eteindre la lumière. S'enfermer à l'intérieur en jetant toutes les clés à l'extérieur. A quoi bon tout cela ? Pourquoi leur demander ça ? Pour les isoler ? Les fragiliser ? Les rendre vulnérables ? Derrière ces étranges murmures se cachait forcément quelque chose. Un but. Un objectif. Cependant, il échappait totalement à Clarke et elle ne supportait pas de ne pas maîtriser une situation.

Les deux femmes réfléchissaient trop et refusaient d'agir sans comprendre. Trop longues, les murmures s'impatientaient. Elle le sentait. L'atmosphère lourde lui paraissait presque étouffante et elle sentait le danger qui pesait sur elles. Cependant, Octavia avait raison. A leur obéir sans discuter, ne prendraient-elles pas davantage de risques qu'en se battant ? Difficile à dire en ne connaissait rien du danger ou de la situation. « Je sais. » Souffla Clarke en posant ses deux mains sur ses tempes comme pour faire taire les voix et se concentrer. Comment réfléchir lorsqu'une telle panique venait vous envahir et que des murmures insistants sifflaient à vos oreilles sans cesse ?

Sans vraiment en discuter avec Clarke, Octavia avait refusé. Elle refusait d'obéir à ces ombres, à ces fantômes. Elle préférait aviser, attendre la prochaine demande. Et si la prochaine demande était réellement pire encore ? Si elle les poussait dans des retranchements qu'elles n'avaient pas envie d'atteindre ? Il n'y avait plus le temps d'en discuter ou de changer d'avis, de toute façon, puisque les murmures se firent entendre de nouveau. Ils étaient inaudibles pour Clarke, mais Octavia, cette fois-ci, les avait entendus clairement.

On leur demandait, cette fois-ci, d'être plus vulnérables encore. Elles devaient se séparer. S'enfermer chacune dans une pièce. « On ne se séparera pas. » Affirma Clarke après les mots d'Octavia, avec détermination. Ça, c'était hors de question. Qu'allaient faire ces murmures si les filles refusaient tout et restaient plantées là ? Ils les tueraient ? Etait-ce seulement possible ?

Clarke ignorait si ces choses avaient le pouvoir de lire en elles, mais elles évoquaient justement cette possibilité. Soit elles obéissaient dans la seconde, soit elles s'en prenaient à Octavia. « Non ! Stop ! » Avait-elle crié après avoir entendu cette menace. Hors de question qu'elle perde son amie. « On va obéir ! On va le faire ! » Promettait-elle en levant les mains. Octavia ne devait rien comprendre, mais elle devait se douter de ce qui était en train de se passer. « Enferme-toi dans une chambre. Tout va bien se passer, je te le promets. » Elle avait déjà vécu des choses difficiles, et elles s'en étaient toujours sorties. Cette fois encore, elles s'en sortiraient. Enfin, Clarke le promettait, mais elle ne pouvait, en réalité, que l'espérer.