Le nouveau départ ▿ Octavia.

Le grand moment était arrivé. Un nouveau départ. Un vrai nouveau départ. Il était temps pour elle de reprendre sa vie en main, d'arrêter de pleurer et d'essayer de se reconstruire. Jamais elle ne pourrait oublier sa fille, évidemment, mais elle voulait vivre pour elle. Pas juste survivre. Ce monde lui avait fait tout perdre : sa fille, son meilleur ami, ses proches, ses souvenirs... cependant, il lui offrait une chance : celle de vivre normalement. Pas juste de survivre, mais bien de vivre. Vivre. Ce mot sonnait presque étrangement aux oreilles de Clarke. Vivre. Avait-elle déjà vécu ? Parfois, elle y avait cru. Parfois, elle avait essayé. Jamais, elle n'avait vraiment réussi. Aujourd'hui, les choses seraient différentes.

Vivre. C'était ce qu'elle s'apprêtait désormais à faire. Quelques semaines auparavant, Clarke avait débarqué chez Octavia, avec qui les relations étaient de véritables montagnes russes. Tout allait bien, puis l'instant d'après, elles avaient beaucoup de mal à se parler normalement. Pourtant, dans ce monde, elle restait sa plus proche amie et ce qui la rattachait le plus à son passé disparu. Après avoir passé une nuit entière à réfléchir, elle avait eu grand besoin de lui parler. Sans tarder, elle lui avait expliqué ses plans. Pour se reconstruire, pour apprendre à vivre, elles devaient prendre un nouveau départ. Pas chacune de leur côté, pas juste en prétendant mener une vie tranquille, non, un véritable nouveau départ. Ensemble.

Son idée était peut-être insensée, mais elle tenait à essayer. Si ses souvenirs étaient presque inexistants, elle avait cette image d'une paisible maison, éloignée de tout, à Sanctum. C'était ça la vie qu'elle aurait voulue pour Madi et cette vie, elle l'aurait, en son honneur. Alors, les choses avaient été décidées. Octavia avait tout autant besoin de ce nouveau départ, alors elle ferait partie de cette aventure. Elles avaient cherché, négocié, vérifié ce qu'elles pouvaient faire ou non et elles avaient finalement acheté une vieille ferme à moitié en ruine - elles avaient déjà vécu dans bien pire, ce n'était qu'un détail. Clarke y avait mis presque toutes ses économies et avait emprunté le reste. S'endetter, c'était un concept nouveau pour elle. Dans son monde, les choses ne s'achetaient pas de cette façon, mais elle n'avait pas eu le choix si elle voulait mener à bien ce projet.

L'idée était simple. Avec Octavia, elle s'installait dans cette vieille ferme qu'elles allaient retaper au fur et à mesure - principalement Octavia, Clarke étant déjà débordée de tous les côtés, mais elle ferait ce qu'elle pourrait. Par la suite, lorsque l'endroit serait plus agréable, elles espéraient pouvoir s'y construire leur petite vie tranquille, loin de la ville, mais avec leurs amis - elles espéraient les retrouver, les voir s'installer ici tous ensemble, pour ne plus devoir être séparés, comme autrefois où ils avaient toujours tous vécus ensemble.

C'était donc des cartons pleins la voiture que Clarke arrivait devant l'entrée de la vieille maison, Octavia sur le siège passager. Le trajet s'était fait dans le plus grand des silences. Sans doute, étaient-elles perdues dans leurs pensées ? Peut-être s'interrogeaient-elles à propos de ce qu'elles étaient en train de faire pour savoir si c'était, ou non, une bonne idée ? Ou peut-être avaient-elles simplement besoin de calme pour penser à cette nouvelle vie qui commençait à partir de maintenant ?

« Nous y sommes. » Souffla Clarke en coupant le moteur de sa voiture, juste devant la porte d'entrée. Une grande partie des meubles avait déjà été amenée les jours précédents, il ne restait que les cartons qui emplissaient le coffre de la jeune femme - une chance, quelque part, elles n'avaient pas beaucoup d'affaires. Cependant, il fallait se presser de tout descendre de la voiture et d'installer de quoi dormir cette nuit, avant que la nuit ne tombe. Mais aucune ne bougeait. « Il est encore temps de faire demi-tour, avant qu'on ne sorte tous ces cartons du coffre... » Soufflait-elle en souriant pour tenter de détendre l’atmosphère, chacune ayant conscience qu'elles ne pouvaient plus faire marche arrière. Elles avaient peur, bien sûr, mais c'était parfaitement normal.

Un nouveau départ. Enfin. Il était temps pour Octavia de reprendre sa vie en main. Il était temps pour elle de recommencer à vivre. Temps d’essayer de se pardonner ces choses commises dans un autre monde, dans une autre vie. Des choses qu’elle avait fait il y a tellement d’années, des erreurs qui avaient déjà été pardonnées une première fois, par ses proches, mais aussi par elle-même. Il était temps pour elle de réussir à nouveau. Ce monde était sa nouvelle chance, sa chance de vivre une vie paisible, loin des conflits et de la survie. C’était sa nouvelle chance et elle avait déjà gâché bien trop de temps. Elle était ici depuis presque cinq ans. Elle se souvenait de certaines choses depuis un peu moins de temps et depuis, elle s’était arrêtée de vivre. Elle avait cessé d’exister, elle avait quitté son travail, abandonnée ses amis et elle s’était renfermée sur elle-même refusant de se pardonner, refusant de mener une vie, une vraie vie, parce qu’elle pensait ne pas la mériter. Pourtant, chacun des 100, chacun de ceux qui avait vécu dans leur monde méritait une seconde chance. Parce qu’en réalité, ils n’étaient pas vraiment responsables de leurs crimes. La survie, les influences, la peur, tout cela avaient fait d’eux ce qu’ils étaient devenus. Dans un autre monde, dans une autre vie, jamais ils ne seraient devenus ce qu’ils étaient devenus chez eux.

Quelques semaines plus tôt, Clarke était venu voir Octavia. Entre ces deux-là, rien n’était simple. Un jour, elles étaient amies, l’autre, elles étaient ennemies. Pourtant, c’est avec elle que Clarke a parlé de son nouveau projet de vie. Certes, Octavia était la seule connaissance de leur monde à encore être dans le coin – Bellamy ayant lâchement déserté depuis quelques mois – mais elle était tout de même venue la voir. Et à deux, elle avait réussi à se projeter dans cette nouvelle vie. Mieux encore, elles avaient toutes les deux eues l’impression que leur vie dans ce monde allait vraiment commencer.

À première vue, la ferme qu’elles venaient d’acheter – enfin que Clarke avait acheté, puisque Octavia n’avait aucun revenu – n’avait rien de très accueillant, rien de très chaleureux et rien de très agréable. Pourtant, elle dégageait un véritable parfum de bonheur et de bien-être. Octavia savait que c’était ce qu’il lui fallait. Plus encore lorsqu’elle avait eu ces quelques flashs d’elle, Hope et Diyoza vivant dans une petite maison ressemblant à une toute petite fermette. En revoyant ces souvenirs, Octavia s’était sentie bien, apaisée et pardonnée. Les deux femmes avaient donc pour projet de retaper cette maison – surtout Octavia qui n’avait aucun emploi et qui comptait bien se rendre utile - et d’exploiter la terre qu’elles avaient autour de la maison. Octavia s’était déjà imaginé l’aménagement parfait, faisant pousser assez de choses pour se nourrir et pourquoi pas vendre une partie de leur production – parce qu’Octavia avait vraiment envie que cette ferme soit aussi la sienne, officiellement, alors elle tenait à payer une partie avec les récoltes qu’elle comptait vendre.

Après des semaines d’attente. Après des semaines de réflexion. Après des semaines à changer de sentiments entre la joie, le doute, le stress, l’impatience… Le grand jour était arrivé. Octavia venait de faire ses adieux à son petit appartement, déjà bien vidé des quelques meubles qu’elle possédait. Les derniers cartons qui avaient envahi l’entrée avaient été descendus peu à peu, pour encombrer la voiture de Clarke, puis à deux, elles s’étaient rendues, dans le plus grand des silences, devant leur nouveau chez elles. En voyant ce qui était à elles désormais, Octavia était envahis d’une bonne dizaine d’émotions différentes, certaines se contredisant même parfois. Mais elle avait l’impression d’avoir fait le bon choix, elle l’espérait en tout cas.

C’est Clarke qui brisa le silence la première, alors qu’Octavia avait les yeux rivés sur la maison. « Oui. » Lâcha-t-elle simplement, un léger sourire sur les lèvres. Elles y étaient. Elles étaient chez elles. C’était si étrange à penser. Cette ferme était à elle. Ici, elles allaient toutes les deux commencer une vraie nouvelle vie. Ici, elle allait peut-être enfin être heureuse pour toujours. Et même si Octavia ne se souvenait pas encore de toutes les personnes de son monde, elle espérait sincèrement qu’ils allaient finir par les rejoindre ici et qu’ensemble, ils allaient tous vivre comme une véritable famille.

La voiture était arrêtée. Le moteur était coupé. Pourtant, aucune d’elles ne bougeait. Clarke, tout comme elle, sentait bien cette étrange atmosphère et avait essayé de la détendre. Pour lui répondre, Octavia s’était contentée de sourire en secouant la tête de droite à gauche. Il était trop tard pour faire demi-tour, et même si elle avait peur, Octavia était presque certaine de ne pas vouloir faire marche arrière. « Allez, on y va. » Dit-elle en lâchant un regard complice à son amie, un léger sourire aux lèvres, impatiente – même si elle était inquiète – de rentrer dans cette maison en sachant qu’elle était officiellement chez elle. « Attrape quelques cartons, on va commencer à débarrasser la voiture. » Dit-elle avant d’ouvrir sa portière, consciente que la journée était déjà bien entamée et que la nuit n’allait plus tarder à tomber. Et avant qu’elle ne tombe, elles avaient quelques petites choses à faire, comme tout sortir de la voiture et aménager un coin où dormir et dans l’idéal, elles pouvaient commencer à ranger quelques affaires, histoire d’avoir quelques affaires utiles à leur disposition. Même si elles avaient longtemps vécu dans des conditions non idéales, loin du confort, elles avaient appris à vivre différemment depuis presque cinq ans et avait appris à vivre avec un minimum de confort.

Octavia s’était dirigée vers le coffre, l’avait ouvert et avait attrapé un premier carton. Puis dans un nouveau silence, elle s’était avancée vers la maison, avait posé le carton à côté de la porte et avait inséré la clé dans la serrure. Après une seconde d’hésitation, elle avait fini par tourner la clé et pousser la porte. Puis, songeuse, elle avait attrapé le carton qu’elle venait de poser pour se libérer les mains et elle était entrée. La sensation qu’elle avait ressentie était étrange une fois encore, mais cette fois-ci, elle se sentait plus heureuse, confiante et impatiente de commencer sa nouvelle vie. Octavia avait déposé son premier carton, puis était retournée à la voiture, cherchant un deuxième carton et avait répété cette opération plus d’une dizaine de fois, jusqu’à vider entièrement le coffre de la voiture de Clarke. Une fois encore, tout s’était fait dans le plus grand des silences. Trop songeuses, sans doute, pour parler et prononcer la moindre parole. « Voilà… On a enfin terminé. » Dit-elle en soufflant après avoir posé son dernier carton. « On peut s’accorder une petite pause. » Dit-elle en se jetant dans le canapé – qui n’avait pas encore trouvé sa place et qui, pour le moment, traîné au beau milieu d’une pièce – attrapant deux bières. Après en avoir donné une à Clarke, elle ouvrit la sienne avant d’en avaler quelques gorgées, sachant qu’elle n’avait pas le temps de traîner là à procrastiner, parce qu’elles avaient vraiment beaucoup à faire et il ne leur restait plus beaucoup de temps, si elles voulaient passer une première bonne nuit ici.

C'était difficile. Et étrange. Ce nouveau monde s'était offert à elles, il y a cinq ans déjà. Ou presque. Pourtant, ce n'était qu'aujourd'hui que Clarke avait véritablement l'impression d'avoir une nouvelle chance. De la saisir, en tout cas. Peut-être était-elle en train de faire une immense erreur, mais... Cette erreur, elle l'avait choisie. Elle apprendrait d'elle. Et, surtout, elle n'avait pas envie de croire que c'en était une. Non, c'était la bonne solution. Une bonne chose. Pour elle, mais aussi pour Octavia.

Pourtant, ce nouveau départ était terriblement effrayant. Les deux femmes restaient là, assises dans la voiture, et elles ne bougeaient pas. Il y avait pourtant beaucoup à faire, mais... C'était difficile de descendre ces derniers cartons et de s'installer ici définitivement. Après ça, impossible pour elles de revenir en arrière. Pourquoi faire, de toute façon ? Retourner à leur vie d'avant ? Pour pleurer et se haïr ? Prier et espérer ? A quoi bon ? Cette chance était la leur, elles devaient la saisir. Cependant, ça n'en était pas plus facile pour autant.

Il y avait une ambiance étrange dans la voiture, partagée entre l'angoisse et la joie. Et ces sentiments n'avaient fait que s'accroître lorsque Octavia s'était décidée : elles allaient y aller. Le grand moment était enfin arrivé. Après avoir poussé un soupir pour se donner du courage et après avoir observé la maison une énième fois, Clarke était descendue de la voiture pour faire ce qu'Octavia avait dit : débarrasser la voiture. Il fallait la vider avant la nuit et elles n'avaient plus une minute à perdre.

Dans un silence total, les deux femmes avaient attrapé les cartons les uns après les autres pour les transporter dans les différentes pièces de la maison, en suivant les indications inscrites au marqueur noir, qui indiquaient les pièces où les cartons devaient être posés. Le premier carton avait été tout particulier. Ce n'était pas la première fois qu'elles en déposaient, mais c'était la première fois qu'elles le faisaient en sachant qu'elles ne quitteraient plus cet endroit pour retourner dans leurs appartements respectifs. Il marquait quelque chose. Comme le dernier.

Et, après un certain temps, sans qu'aucun mot ne soit échangé, les deux femmes posèrent le dernier carton au milieu du salon. « Enfin... » Souffla Clarke à son tour en observant les lieux. Ils avaient besoin d'un grand nettoyage - elles n'avaient pas eu l'occasion de s'en occuper avant aujourd'hui - et de beaucoup de rangement, mais à deux, elles iraient vite.

« Il fera nuit dans moins d'une heure, alors on ne pourra pas faire grand-chose. » C'était étrange ce genre de discussions pour elle, mais elle devait s'y habituer, après tout, c'était ça son quotidien désormais. « On devrait s'installer ici. Juste quelques couvertures et des oreillers pour la nuit. » Dit-elle en désignant un endroit près d'une cheminée qui ne pouvait pas être allumée pour l'instant. L'endroit était assez propre et elles auraient de la place - et puis, elles avaient connu des conditions bien plus compliquées, elles n'allaient pas se plaindre. « J'ai apporté des sandwichs et des chips pour notre premier repas ici. On va oublier la grande cuisine pour l'instant. » L'informa-t-elle également en désignant la cuisine - il fallait simplement retrouver le sac qui contenait tout ça, sinon elles iraient se coucher le ventre vide. « Et je pense que pour ce soir, on va se contenter de ça, si ça te va. » Installer un coin où dormir, sortir quelques affaires essentielles, manger et se reposer. Elles seraient ainsi en forme demain pour tout nettoyer et tout ranger.

« Tu sais, j'voulais te dire que... Enfin... » Les mots avaient du mal à sortir, mais tout était très clair dans l'esprit de la jeune femme. C'était juste très compliqué parce que les choses étaient très compliquées avec Octavia - et pourtant, c'était bien avec elle qu'elle avait décidé de commencer cette nouvelle vie. « J'suis contente de tenter cette aventure avec toi. Je sais qu'on ne s'entend pas toujours très bien - et c'est peu dire, même, en réalité - mais je sais aussi qu'on a vécu des choses qui nous ont rapprochées. » Les mots gentils et les grandes déclarations, ce n'était définitivement pas pour elle - sauf lorsqu'il s'agissait de s'adresser en leader, ce qui n'était clairement pas le cas ici. « Enfin, ce que je veux te dire c'est que ce n'est peut-être pas toujours facile, mais merci d'avoir accepté de tenter cette aventure avec moi et merci d'avoir été là quand j'ai appris pour... pour Madi. Enfin, ça compte pour moi tout ça et toi... Toi aussi, tu comptes pour moi. » Et elle allait s'arrêter là, préférant avaler plusieurs gorgées de sa bière, plutôt que de s'enfoncer dans un discours qu'elle ne maîtrisait pas.

Le grand moment était arrivé. Octavia avait dit au revoir à son appartement et elle avait dit au revoir à son ancienne vie ici. Cette ferme était son nouveau départ. Encore. Des nouveaux départs, finalement, elle en avait eu plusieurs. Mais celui-ci était le bon. Elle l’espérait en tout cas. Elle espérait que sa vie soit enfin heureuse.

Tous les cartons étaient désormais à l’intérieur. Leur déménagement était enfin terminé. Maintenant, il fallait commencer l’emménagement. Octavia avait envie de s’y mettre tout de suite - après une petite pause tout de même, les cartons l’avaient épuisée - mais Clarke avait raison, il allait bientôt faire nuit et elles n’allaient avoir le temps de rien. « Tu as raison. Ce sera très bien pour cette nuit. » Dormir sur le sol sur de simples couvertures, dans une maison sale, ne leur faisait pas peur. Après tout, elles avaient déjà connu pire par le passé. « C’est parfait. Je raffole des sandwichs et des chips, c’est presque ma seule nourriture depuis des années. Ça et des plats tout préparés achetés au supermarché. » Octavia savait cuisiner quelques plats - appris sur Skyring, même si elle ne se souvenait pas vraiment de cette période de sa vie - mais elle s’était presque toujours contentée de la facilité ici, par manque d’envie certainement. « Et si ça ne te dérange pas, on va manger tout de suite, parce que je meurs de faim. » Dit-elle en se levant, après avoir avalé une gorgée de bière. « C’est dans quel sac ? » Demanda-t-elle en commençant à ouvrir quelques sacs, mais elle préférait éviter d’avoir à tout ouvrir pour trouver le bon.

Alors que la brune cherchait, Clarke avait pris la parole. Visiblement, elle avait quelque chose à lui dire, mais ça n’avait pas l’air simple pour elle. Qu’est-ce qui lui arrivait au juste ? C’était pas vraiment elle ce genre de discours. Si ? « C’est normal. Et tu comptes beaucoup pour moi aussi. » Elle était son seul soutien dans ce monde depuis que Bellamy avait déserté. Même si ce n’était pas toujours simple entre les deux femmes, elles étaient tout de même amies et avaient vécu des choses horribles ensemble, alors ça rapprochait et ça tissait des liens solides. Elle avait été là pour elle quand elle avait appris pour Madi, parce qu’elle savait que c’était la chose à faire. Elle savait qu’elle allait avoir besoin d’elle. « Et je suis contente qu’on ait pris cette décision aussi. » Ajouta-t-elle avec un léger sourire aux lèvres. « J’les ai trouvés. » Lâcha-t-elle alors en brandissant les sandwichs. Ils tombaient à point nommé. Leur arrivée permettait aux deux femmes de cesser leur petit discours presque larmoyant. « Tiens. » Dit-elle en tendant un paquet de chips et un sandwich à Clarke. Et sans perdre de temps, elle avait ouvert le sien, avalant une première bouchée. « Je suis sûre qu’on va s’plaire ici. On va réussir à faire quelque chose de vraiment chouette pour quand les autres débarqueront. » S’ils débarquaient un jour.

Avant que la nuit tombe, les deux femmes n'avaient plus beaucoup de temps devant elles. A peine une heure, en réalité. Clarke expliquait donc qu'il était préférable de ne pas se lancer dans le grand chantier des cartons tout de suite, puisqu'elles n'auraient pas le temps de réellement avancer. Il était préférable de se contenter de retrouver ce qu'il y avait pour le repas de ce soir et de s'installer un petit coin pour dormir. Pour le premier, un sac contenant des sandwichs et des chips traînait quelque part dans le coin cuisine. Pour le second, un endroit dégagé près de la cheminée et plutôt propre accueillerait parfaitement des couvertures et des coussins pour leur première nuit ici. Et elles auraient le temps de faire tout ça en moins d'une heure.

« Je vois que nous avons les mêmes goûts en matière de nourriture. » Souffla Clarke, en souriant. Depuis son arrivée ici, elle n'avait jamais appris à cuisiner. Elle s'y essayait parfois, mais la plupart du temps, le résultat était catastrophique. Alors, les sandwichs et plats préparés étaient devenus son alimentation principale. « Je meurs de faim, aussi. » Donc non, ça ne la dérangeait pas du tout de commencer par ça. Il fallait dire qu'elles s'étaient bien dépensées et qu’elles avaient besoin d'énergie après la journée qu'elles venaient de passer. « C'est un sac en carton, dans la cuisine, posé quelque part sur le plan de travail... » C'était à peu près tout ce qu'elle pouvait donner comme indication parce qu'elle ne se souvenait pas d'avec plus de précision où elle l'avait déposé et elle ne savait pas s'il n'avait pas été déplacé.

Tandis qu'Octavia cherchait, Clarke avait trouvé le courage de lui faire part de ce qu'elle ressentait face à tout ce qui se passait. Ce n’était pas un exercice facile pour elle, mais elle s'y essayait. Elle se sentait presque gênée, même, mais elle allait au bout de cette déclaration catastrophique. A son tour, Octavia avait tenté quelques mots en lui assurant qu'elle comptait également pour elle et qu'elle était heureuse d'avoir pris cette décision.

Elles étaient toutes les deux mal à l'aise dans cette situation et elles avaient donc dû bénir autant l'une que l'autre l'arrivée des sandwichs. Sans perdre de temps, Octavia avait tendu une part à Clarke, qui s'était empressée d'ouvrir et de commencer à manger, tout comme Octavia, d'ailleurs. Silencieuse, installée dans le canapé, Clarke profitait du repas et du calme. Octavia avait brisé le silence pour faire une sorte de promesse. Une promesse à laquelle Clarke voulait croire plus que tout. « Et on pourrait vivre tous ensemble, comme avant. » Parce qu'ils avaient toujours vécu tous au même endroit, ou presque. Ils avaient toujours été là les uns pour les autres, juste à la porte d'à côté, disponible en toute circonstance. Et tout ça, ça manquait beaucoup à Clarke, elle devait l'avouer. « Je les imagine déjà se battre pour savoir quelle chambre prendre... » Souriait-elle, n'envisageant pas que ses amis refusent de prendre place dans cette colocation. Non, elle préférait penser aux bonnes choses uniquement. « Tu sais où sont les couvertures ? » S'inquiétait-elle soudainement. Allaient-elles devoir démonter une bonne partie des cartons pour les trouver, finalement ?

Les sandwichs et les plats préparés avaient été l’alimentation principale d’Octavia pendant des années. En manger une fois de plus, ça ne la dérangeait bien évidemment pas. Ici, elle espérait reprendre sa vie en main, elle espérait avoir le temps et surtout l’envie de cuisiner parfois, mais pour le moment, les chips et les sandwichs allaient faire l’affaire. Surtout que le déménagement lui avait creusé l’appétit et qu’elle commençait vraiment à avoir très faim. D’après Clarke, le sac de nourriture était posé dans la cuisine, dans un sac en carton. Après un petit instant recherche - temps pendant lequel Clarke avait décidé de lui dire des mots gentils, des mots qu’Octavia n’avait pas vraiment l’habitude d’entendre, surtout venant de la blonde -, elle avait fini par mettre la main dessus et avait pu retourner auprès de Clarke dans le canapé, mettant fin au moment gênant qui venait de s’installer entre elles. Octavia espérait vraiment que la vie ici allait leur convenir, elle espérait que tout puisse se passer à merveilles et elle espérait qu’elle puisse devenir ou redevenir de véritables amies.

Tout en mangeant, Octavia pensait à l’avenir de cette ferme. Elle s’imaginait à quoi elle allait ressembler dans quelques mois, une fois que tous les travaux seraient terminés. Elle s’imaginait déjà retrouver les personnes de leur passé - ceux dont elle se souvenait déjà et ceux dont elle ignorait encore presque tout - et elle espérait qu’ils puissent vivre un peu comme avant, avec tous les problèmes et les horreurs en moins, bien entendu. Les souvenirs d’Octavia étaient encore un peu flous à ce sujet, mais elle avait des sensations, des impressions, de vagues souvenirs, qui lui disaient qu’elle allait apprécier cette vie de groupe ici. « Si les autres veulent bien nous supporter, oui, on pourra vivre tous ensemble. » Répondit-elle avec un sourire aux lèvres. Grâce à ses souvenirs et à ce que les autres lui avaient raconté, le comportement des deux femmes n'avait pas toujours fait l’unanimité dans le groupe. Elles avaient fait des choix, avaient dit ou fait des choses qui avaient agacé, énervé ou encore blessé les autres. Mais là, les choses étaient différentes, leur monde, leur mode de vie l’étaient également, alors leur comportement allait sans doute être différent lui aussi. « Ils voudront tous la plus grande, la plus belle ou celle qui a le meilleur emplacement, mais ça mettra un peu de vie ici. » Enfin, il ne fallait pas oublier qu’elles allaient être les premières à choisir et que donc, elles allaient prendre les meilleures chambres. Qu’importe, Octavia devait avouer qu’elle avait hâte de tenter l’expérience de la vie en groupe dans ce monde. « Oui, elles sont dans un carton rectangulaire. » Bon ça n’aidait pas beaucoup, mais c’était déjà un indice. « Normalement, elles étaient posées au-dessus, donc… elles devraient être juste là. » Dit-elle en pointant du doigt l’endroit où elles auraient dû être posées. « Mais je ne reconnais pas le carton en question. » Elle était pourtant certaine de celui qu’elle avait utilisé pour les ranger.

Clarke était heureuse de voir qu'Octavia envisageait la même vie qu'elle. Une vie de groupe, comme autrefois. Les deux femmes ne possédaient plus tous leurs souvenirs, mais elles en avaient certains. Des souvenirs précieux où ils étaient tous ensemble, unis. Il n'y aurait plus les horreurs de la guerre et de la survie - et tant mieux - mais elle était persuadée qu'ils pouvaient retrouver ça, à condition de le vouloir vraiment. « On s'est déjà supporté dans des conditions bien pire, ça devrait aller. » Plaisanta-t-elle. Il y avait pire qu'une vieille, mais grande, ferme. Ils avaient dormi dehors, dans des tentes, dans des abris, au milieu des débris... Autant dire qu'ici, à côté, c'était du luxe. Mais peut-être ne partageraient-ils pas tous cette même envie ? Peut-être qu'ils auraient envie de s'éloigner, de garder des distances, d'être libres ? Clarke ne préférait pas y penser.

Non, à la place, elle préférait penser aux petits combats pour savoir qui auraient la plus grande ou la plus belle chambre, et cette idée la faisait sourire. « Nous aurons les meilleures chambres et nous les regarderons se battre pour les autres. » A cette idée, une fois encore, elle souriait. Oh que oui, elle avait hâte de voir ça - et elle espérait le voir, surtout.

Mais avant tout ça, elles devaient déjà s'installer elles-mêmes. Et pour la nuit, avant toute chose. Clarke s'interrogeait donc sur les couvertures. Où étaient-elles rangées ? Allait-il falloir s'en passer ou démonter tous les cartons de la maison - ce qui était impossible. Le seul indice d'Octavia était un carton rectangulaire. Comme au moins la moitié des cartons, non ? « Bon, au travail alors ! » Il fallait ouvrir tous les cartons rectangulaires puisqu'Octavia n'avait pas l'impression de voir le fameux carton. Clarke s'activait donc, mais après un certain temps, ses recherches étaient restées vaines. « Il n'y a rien du tout... Je crois qu'on va devoir s'en passer pour cette nuit. » Souffla-t-elle. Il ne faisait pas très chaud, mais encore une fois, elles avaient l'habitude, non ? « J'ai trouvé un carton avec des manteaux, on peut peut-être dormir avec ça pour se tenir chaud un minimum ? » A moins que les recherches d'Octavia aient eu plus de succès ?

Octavia ne se souvenait pas de toute sa vie, mais elle savait qu’elle ne voulait plus être seule. La solitude, elle l’avait connu durant trop longtemps, d’abord à bord de l’Arche, pendant des années à ne vivre qu’avec Bellamy et sa mère. Puis dans ce nouveau monde, pendant des années après avoir compris qui elle était réellement. Non, elle avait envie d’avoir ses amis, sa famille avec elle. Elle avait envie de vivre entourée des personnes importantes dans sa vie. Elle avait envie de les entendre parler, elle avait envie de les voir vivre, elle avait même envie de les voir se battre pour les chambres. Bien évidemment, ce n’était pas le grand luxe ici, la ferme était, pour le moment, vieille et en mauvais état, mais elle était grande. Comme Clarke l’avait si bien dit, ils avaient, par le passé, vécu bien pire que ça. Des tentes, des abris de fortune… Ici, la vie semblait quand même meilleure, mais il fallait espérer qu’ils acceptent de venir vivre avec elles deux. « Ça, c’est sûr, ils avaient qu’à trouver la ferme les premiers, ils auraient eu les plus belles et les plus grandes chambres. Mais l’idée de les voir se battre pour les autres me plaît bien. »

Puisqu’il était tard et que les deux femmes étaient fatiguées, elles allaient se contenter du sol pour passer la nuit. Mais il fallait, pour cela qu’elles préparent les couvertures et tout le nécessaire pour passer la nuit assez confortablement. Seulement, Octavia ne savait pas où étaient les fameuses couvertures. Un carton rectangulaire, c’était le seul indice qu’elle avait. Il fallait donc défaire tous les cartons rectangulaires - ce qui représentait vraiment beaucoup de cartons, trop sans doute pour tout fouiller ce soir - qu’elles avaient éparpillé un peu partout en arrivant. « C’est parti. » Elles n’avaient pas le choix, elles devaient fouiller. Mais après plusieurs dizaines de cartons, Octavia n’avait rien trouvé. Aucune couverture à l’horizon et ce n’était visiblement pas mieux du côté de Clarke. « J’ai rien non plus ici. » Alors, Clarke avait raison, elles allaient devoir passer la nuit sans couverture, même s’il faisait froid. « Bonne idée, ça nous évitera de mourir de froid. Et j’ai trouvé des oreillers, on sera quand même un peu plus à l’aise. » Pourquoi est-ce que les oreillers et les couvertures n’étaient pas rangés au même endroit ? Tant pis, elles avaient déjà passé de plus mauvaises nuits. « Tu penses qu’on peut allumer la cheminée ? » Elle semblait en bon état, et il devait bien y avoir de quoi l’allumer quelque part. Au moins, ça réchaufferait un peu la pièce avant qu’elles ne s’endorment.

« On mérite bien un privilège ou deux. » Souffla Clarke en souriant alors que les deux femmes évoquaient le choix des futures chambres. C'était un souvenir qui n'existait pas encore, mais qu'elle espérait voir se réaliser. Elle rêvait de les voir se battre pour choisir la meilleure ou la plus grande chambre. Elle rêvait de voir rire le gagnant et faire la tête le perdant. Elle rêvait de tout ça. Elle en rêvait parce qu'elle était persuadée que c'était ce qu'il lui fallait pour se remettre à vivre pleinement. De nouveaux souvenirs et une nouvelle vie.

Fouiller tous les cartons à la recherche des couvertures était mission impossible. Les deux jeunes femmes jetaient un coup d'oeil, espéraient avoir un coup de chance, mais il fallait très vite se rendre à l'évidence et accepter l'inévitable : elles allaient passer la nuit à même le sol, sans couverture pour se réchauffer. En effet, si Clarke n'avait rien trouvé de son côté, ça semblait être la même chose du côté de son amie. Elles avaient déjà connu bien pire. Une nuit, à l'abri, sur un sol, ce n'était franchement pas grand-chose à côté.

Puisque Clarke avait trouvé un carton contenant des manteaux, elles s'en serviraient pour se réchauffer un minimum. « Parfait ! Des oreillers et des manteaux ! Nous allons passer la meilleure nuit de notre vie. C'est presque royal. » En comparaison avec les conditions qu'elles avaient pu connaître dans leur autre vie, c'était royal, en effet. La jeune femme sortait donc les fameux manteaux pour en enfiler un et pris l'un des oreilles pour le jeter au sol avant de s'y asseoir. « Je l'ignore... » Il fallait dire qu'elle ne s'y connaissait pas vraiment en cheminée. Sur l'Arche et, ensuite, sur Terre, ce n'était pas la chose la plus courante qui soit, évidemment. Cependant, depuis son arrivée ici, elle avait appris deux ou trois choses qui la poussaient à se méfier. « Je pense que l'on devrait attendre, la faire vérifier tout ça... Juste au cas où. » Histoire de ne pas tout faire exploser par accident. « Prends un manteau et installe-toi, tu te réchaufferas vite, j'en suis certaine. » Elles discuteraient un peu et elles finiraient par tomber de fatigue, de toute façon.