Assise au milieu des autres étudiants, Anna tentait d'écouter le cours tant bien que mal. Généralement plutôt attentive et appliquée, toutes ses pensées étaient tournées vers une idée bien précise aujourd'hui. Ses yeux cherchaient désespérément un autre étudiant qu'elle n'avait pas vu depuis, lui semblait-il, une éternité. Mutt et Anna étaient devenus amis après un quiproquo qui, après coup, la faisait bien rire. La jeune femme avait accepté, en toute innocence, de boire un verre avec lui après l'avoir vu faire son petit numéro devant le prof et il s'était alors imaginé tout un tas de choses complètement fausse. Si cette première rencontre s'était assez mal terminée, ils avaient fini par devenir de bons amis. Néanmoins, aussi bons amis qu'ils puissent être - ou qu'Anna le pensait, en tout cas - Mutt n'avait plus donné aucun signe de vie. Il avait complètement disparu de la surface de cette île. Un peu déçue de n'avoir obtenu aucune nouvelle, Anna ne s'était pourtant pas découragée à comprendre. En parlant un peu partout, elle avait fini par apprendre - sans les détails ou avec des détails qu'elle ne jugeait pas bon d'écouter, sans que le principal intéressé ne lui en parle - que Mutt avait eu des ennuis et qu'il suivait les cours depuis chez lui désormais.

Pendant quelques jours, Anna avait cherché une bonne raison de lui rendre visite, craignant de le déranger si elle y allait à l'improviste juste pour le voir. Après tout, peut-être n'avait-il aucune envie de la voir ? Mais bien décidée à avoir des nouvelles de son ami, déterminée et têtue, comme à son habitude, Anna avait rangé un tas de cours dans son sac, avait embarqué quelques livres dans ses bras, s'était arrêtée à la boulangerie pour acheter des tas de cochonneries à manger et elle était partie chez Mutt. Si jamais il ne voulait pas la voir, elle n'aurait qu'à prétexter qu'elle lui donnait simplement quelques cours et qu'elle lui apportait quelques viennoiseries avant de repartir. En revanche, s'il acceptait de la laisser entrer, Anna avait déjà prévu de l'inonder de questions afin de comprendre ce qui était arrivé à son ami. Après quelques minutes de marche - pendant lesquelles Anna se répétait les questions qu'elle avait à lui poser ou les choses rassurantes qu'elle pourrait lui dire - la jeune femme était enfin arrivée au lieu désiré. Après avoir monté les marches, Anna toqua - sans doute un peu trop fort - s'impatientant alors qu'elle venait tout juste de frapper, ayant bien trop hâte de le revoir.

Après avoir frappé et insisté bien trop longtemps, la porte s'était enfin ouverte. Mutt, évidemment, semblait surpris de la voir. Il fallait dire qu'elle n'avait pas cherché à le joindre d'abord, craignant qu'il lui demande de ne pas venir. Ne se formalisant pas du manque de politesse de son ami, Anna lui offrait un sourire énorme à sa question. « Je suis venue profiter de ta télé ! » Souffla-t-elle, amusée face à sa question, reprenant aussitôt : « Je suis venue te voir, idiot ! » C'était plutôt clair, non ? Même si ses bras chargés, pour se donner une excuse, pouvaient laisser penser qu'elle était là pour une raison plus précise que simplement lui rendre visite.

Anna observa son ami tandis qu'il jetait un regard à sa propre tenue, sans doute gêné de recevoir ainsi, lui qui prêtait tant d'importance à son apparence. « Je suis venue pour toi, pas pour voir comment tu étais habillé ou pour voir l'état de ton appartement. » S'amusait la rousse, préférant détendre l'atmosphère tout de suite. Elle se moquait bien qu'il ne soit pas habillé pour sortir ou que l'appartement était en bazar, ce n'était même pas son problème. Elle avait appris que Mutt avait des problèmes - même si elle n'accordait pas vraiment d'importance aux ragots et qu'elle préférait avoir confirmation de la bouche de son ami - alors elle voulait juste s'assurer qu'il allait bien. « Merci. » Prononça-t-elle en entrant et en se dirigeant directement vers le canapé, sans attendre la moindre autorisation. Posant aussitôt les livres, elle ne put s'empêcher de lâcher, pour se plaindre : « Je crois que j'en ai trop pris, c'est vraiment trop lourd. » Souffla-t-elle en secouant légèrement ses bras engourdis par le poids des livres. Puis elle se tourna vers Mutt en levant la main contenant ce qu'elle avait acheté pour grignoter : « J'ai ramené de quoi grignoter, des livres et des cours pour te donner tout ce dont tu as besoin. » Sans jamais s'arrêter de parler, comme toujours, elle poursuivait : « Tu ne me donnais plus de nouvelles ! Attention, je ne t'en veux pas, ce n'est pas ce que j'ai dit, mais... Comme tu ne venais pas à moi, je suis venue à toi. » Plaisanta-t-elle, tendant le sachet de viennoiseries à Mutt. Son but n'était pas qu'il se sente coupable de s'être éloigné, alors autant le préciser tout de suite, d'autant qu'Anna avait tendance à être maladroite lorsqu'elle parlait. « Sers-toi, sinon je risque d'en manger une grande partie. » Alors autant qu'il se serve avant qu'elle ne dévore tout. « Après, si tu ne veux pas travailler et parler des cours, on peut parler d'autre chose si tu veux... » Son regard innocent et un haussement d'épaules plus tard, elle ajouta : « Tu sais qu'on peut parler de n'importe quoi... Du temps, de ce que tu fais en ce moment, de pourquoi tu ne viens plus en cours... Ou du dernier gâteau que j'ai essayé de cuisiner et qui a failli mettre le feu à la cuisine parce que je l'ai oublié dans le four... » Exagéra-t-elle à peine sur la fin. Autant dire que la discrétion n'était pas son truc et qu'elle montrait clairement le sujet qu'elle aimerait aborder - mais pour lesquels elle n'insisterait pas si Mutt ne voulait rien dire.

A la réflexion de Mutt, qui insistait sur le bazar à l'intérieur de son appartement, Anna haussa les épaules. Elle se moquait bien de savoir si l'appartement de l'étudiant était en parfait état ou non. Elle n'était pas là pour faire un état des lieux, mais pour discuter avec son ami et essayer de comprendre ce qui n'allait pas, pour l'aider du mieux qu'elle le pouvait. « Voilà ! Tu as l'excuse parfaite ! Les partiels ! Comment pourrais-je juger un pauvre étudiant qui travaille si dur qu'il n'a plus le temps ni de ranger son appartement, ni de se raser ou de se coiffer ! » Affirma-t-elle avant de rire, se moquant gentiment de ses préoccupations qui étaient loin de celles d'Anna à cet instant précis. « Aujourd'hui, je te tomberais dans les bras sans la moindre hésitation, t'es beaucoup mieux qu'à notre première rencontre ! » Tenta-t-elle d'ajouter, toujours aussi amusée et ne pouvant s'empêcher de rire.

Sans la moindre gêne et sans la moindre autorisation, la rousse s'était installée sur le canapé de Mutt. Ses yeux furent alors attirés vers un bruit étrange. Aussitôt, l'étudiant lui expliqua qu'un chien se trouvait derrière cette porte et il prit le temps de la mettre en garde à propos du poids de la bête et de ses tendances envahissantes. Anna se contenta de sourire, en faisant non de la tête. Elle n'avait rien contre les chiens, du moment où ils la laissaient entières. « Le but, c'était justement de ne pas te prévenir... » Souffla-t-elle, l'observant se diriger vers la porte. « Je ne voulais surtout pas que tu trouves une excuse pour ne pas nous voir, mes cours et moi. » Autant être franche puisqu'apparemment il prenait plutôt bien sa visite. Alors, comme en débarquant devant sa porte, il y avait bien moins de chances pour qu'il lui demande de partir, elle avait choisi cette option. « Si je déménageais chez toi, ton salon serait rempli de cartons en quelques minutes... Il paraît que j'ai un peu tendance à exagérer... Mais je ne suis pas d'accord avec ça. » Dans un nouvel haussement d'épaules, la rousse se préparait à recevoir l'accueil du chien qui se dirigeait droit vers elle. D'accord, il était un peu imposant et Anna eut un très léger mouvement de recul avant de voir qu'il n'avait rien de méchant. Tout en offrant quelques caresses au chien, la jeune femme expliquait donc la raison de sa venue et qu'elle avait ramené des cours. Plus franchement, mais sans jugement, la rousse précisa qu'elle lui apportait puisqu'il ne donnait plus de nouvelles, précisant tout de même qu'elle ne lui en voulait pas. Il avait sans doute ses raisons et puis, ils n'étaient pas si proches alors elle comprenait ne pas avoir été mise dans la confidence.

« Il y en a bien assez pour trois. » Souffla-t-elle en souriant, ne sachant pas comment interpréter les premiers mots de son ami, elle préférait les ignorer. Elle ne voulait surtout pas le vexer, mais Anna avait tendance à parler sans faire attention à ce qu'elle était en train de dire. Mutt, installé à ses côtés, rappela le chien à ses côtés, s'excusant ensuite de sa réaction et de sa disparition soudaine. « Eh, je ne te demande pas de t'excuser... L'important, c'est que les choses s'arrangent pour toi... » Affirma-t-elle en prenant une viennoiserie dans le paquet avant de le poser sur la table basse. En revanche, à savoir quelles choses puisque la rousse était au courant de très peu de choses, hormis les rumeurs auxquelles elle essayait de ne pas faire attention.

Anna était bel et bien là pour avoir des explications quant à sa disparition soudaine, néanmoins, elle lui prouvait qu'ils pouvaient tout aussi bien parler d'autres choses s'il le préférait. Elle était là, avant tout, pour lui, pour le voir, pour s'assurer qu'il allait bien - ou aussi bien que possible. Sa réflexion et son rire la firent rire à son tour. « C'est pour toi que je m'inquiète si tu me ressembles... » Ne put-elle pas s'empêcher d'ajouter, toujours en riant. « Ah ouais, des crêpes ? Je crois que t'es pire que moi... » Dit-elle alors qu'elle n'était pas fichue d'en faire sans en brûler un nombre incalculable. Puis après sa fausse confidence, Anna adopta le même comportement pour lui souffler : « Non, non, non... La cuisine, ce n'est pas que ce n'est pas pour nous, c'est que si on fait semblant de tout rater, on a une bonne excuse pour que les autres la fassent à notre place ! » Anna ne faisait pas semblant, mais l'idée était amusante. Elle s'imaginait rater volontairement tout ce qu'elle entreprenait pour que quelqu'un vienne le faire à sa place. Bon, elle avait le temps de rêver puisqu'elle vivait seule et qu'Elsa l'enverrait gentiment promener si elle jouait à ce petit jeu, mais si elle avait la chance de retrouver Kristoff un jour... Elle le tenterait, c'était évident ! « Tu nous fais du fromage au macaroni, c'est ça ? Tu me feras goûter cette merveille ! » Du fromage saupoudré de quelques malheureuses pâtes, évidemment qu'elle avait hâte d'y goûter.

Puis, plus sérieusement, ils en vinrent aux problèmes qui avaient poussé Mutt à s'éloigner de l'université et des autres étudiants. Anna l'écoutait avec attention, hochant la tête de temps à autre. « Je ne sais pas grand chose en réalité... Enfin, j'ai entendu certaines choses, mais je me méfie des rumeurs parce qu'on entend tout et surtout n'importe quoi. » Affirma-t-elle, en lui souriant même s'il se concentrait davantage sur le chien, sans doute pour éviter d'affronter son regard. « Mais le Doyen n'a pas essayé de t'aider ? Je veux dire, d'accord t'es pas un étudiant facile, tu es même l'un des étudiants les plus insupportables que je connaisse en cours... » tenta-t-elle de dire pour plaisanter, même si ce n'était sans doute pas le moment idéal pour ça. « Mais, ce qui t'arrive... Enfin... C'est son boulot de t'aider... Enfin, je ne sais pas... Je crois... » Elle avait du mal à savoir ce qu'il était mieux de lui dire pour le rassurer sans en rajouter ou sans le blesser.

Anna était heureuse de voir Mutt rire à ses bêtises. Elle ne demandait rien de plus que de le voir sourire et rire. Malgré toutes les bêtises qu'il était capable de faire, c'était un type bien. Elle l'avait su tout de suite. Et elle détestait le voir dans cet état. « Tant pis pour toi, tu as perdu ton tour ! » Affirma la rousse, amusée et souriante, lorsqu'il répondit à sa plaisanterie par une autre plaisanterie. Ce jour-là, au bar, lorsqu'il avait tenté de l'embrasser, elle n'avait rien compris à ce qui lui arrivait, persuadée qu'ils n'étaient que deux amis en train de discuter. Ce malentendu dissipé, Anna n'en avait jamais voulu à Mutt d'avoir tenté ça et, aujourd'hui, elle trouvait ça drôle. Puis, s'il n'avait pas tenté de l'inviter pour la draguer, peut-être ne seraient-ils jamais devenus amis et Anna tenait bien trop à Mutt pour l'imaginer.

Anna ne savait pas tout de ce qui arrivait à l'étudiant. Elle avait entendu des rumeurs, mais depuis l'histoire avec Mutt justement, elle avait appris à s'en méfier. Les choses n'étaient pas toujours ce qu'elles paraissaient être. Il était préférable de se renseigner, de s'en assurer avant d'être persuadée de quelque chose. Aujourd'hui, l'important aux yeux de la rousse était que Mutt aille mieux et que les choses s'arrangent pour lui. Qu'importe de quoi il puisse s'agir. Elle était là pour ça, aussi. Lui tenir compagnie, être une oreille attentive si besoin, une épaule si nécessaire. Et si elle devait passer les prochaines heures à le réconforter ou à faire des blagues horribles pour qu'il puisse rire, elle le ferait sans la moindre hésitation. C'était pour ça, qu'elle ne l'avait pas prévenu. Elle refusait qu'il lui trouve une excuse pour lui interdire l'entrée de son appartement. En s'imposant, il n'avait plus vraiment le choix - encore qu'il aurait pu la mettre dehors, mais il ne l'avait pas fait.

Pour le détendre, Anna parlait de ses exploits en cuisine - ou de ses catastrophes, plutôt. Toujours dans l'idée de raconter n'importe quoi, la jeune femme prétextait que ses bêtises avaient un but et n'étaient pas dues au hasard. Si elle cuisinait si mal, par exemple, c'était uniquement pour que les autres le fassent à sa place. Ainsi, elle pouvait se la couler douce tandis que les autres bossaient. Les mots de Mutt la firent rire. Évidemment, s'il était tombé sur pire que lui, ce n'était pas de chance. « Demande à Klaus de cuisiner quelque chose alors et fais-moi goûter ! Si c'est pire que toi, ça doit être d'un niveau exceptionnel ! » Se permettait-elle de se moquer, même si elle ne connaissait pas ce Klaus. « Donc, nous sommes d'accord, la prochaine fois, tu m'invites et tu me fais ton fromage aux macaronis ? » Elle voulait absolument voir cette amélioration dont il parlait, alors autant le faire en goûtant sa spécialité. Puis ce serait l'occasion de bien rire et de se moquer des talents culinaires de son ami.  

Le temps des plaisanteries était passé, désormais, les deux amis entamaient une discussion bien plus sérieuse. Anna voulait comprendre, si Mutt le voulait bien, ce qui se passait actuellement pour lui, ce qui le mettait dans cet état. Mutt avait des problèmes à l'université et le doyen, plutôt que de lui venir en aide, semblait l'enfoncer un peu plus. Face aux manques de détails, Anna insista un peu par des questions et Mutt se mit à parler, lui offrant des détails et des confidences. Il lui apprit donc que les rumeurs à son sujet, à propos de son homosexualité, étaient à moitié fondées puisqu'il était bi. Après avoir été aperçu avec un homme, il avait rencontré des problèmes sur les réseaux. A ses mots et en entendant les sanglots dans la voix de son ami, Anna fronça les sourcils. Les gens étaient si cruels ! Qu'importe qui Mutt aimait, ça ne changeait rien au garçon qu'il était ou à l'homme qu'il connaissait. Pourquoi devait-il devenir une cible tout à coup ? Il se faisait donc harceler par des emmerdeurs, ce qui expliquait son absence. Aussitôt, les poings de la jeune femme se serrèrent et son habituel sourire quitta ses lèvres pour laisser place à une moue d'agacement et de colère. Elle leur mettrait sa main dans la figure, à chacun d'eux, si elle le pouvait.

Puis, un sourire qui disait tout sur les lèvres, il lui avoua que Klaus n'était pas seulement son colocataire, mais son fiancé, ce qui raviva aussitôt le sourire d'Anna, heureuse d'apprendre cette bonne nouvelle pour lui. A ces mots, pour lui montrer qu'elle était heureuse pour lui, elle déposa sa main sur celle de Mutt et la serra un court instant.

Toujours silencieuse, elle le laissa alors poursuivre pour revenir sur un sujet délicat : Sorrento. Il voulait donc le pousser vers la sortie, le pousser à faire une faute, le pousser, même, à en venir aux mains. Anna n'avait jamais eu affaire au doyen, mais elle ne mettait, à aucun moment, la parole de Mutt en doute. Elle le croyait, quoi qu'il puisse lui raconter. Elle comprenait donc que la fac ne soit devenue qu'un endroit horrible pour lui. Il y était humilié, harcelé, rabaissé, tant par les élèves que par le doyen lui-même. Anna hallucinait et, elle devait bien l'avouer, elle ne s'attendait pas à ça. Puis, comme une dernière confidence, Mutt avoua s'en être physiquement pris à Monty parce que ce dernier s'en était pris à Klaus. Pouvait-elle lui reprocher ? Il avait voulu défendre quelqu'un qu'il aimait, après tout.

Anna était partagée entre la tristesse et la colère. L'agacement et l'envie de défendre son ami. Alors, elle prit une grande inspiration face à la masse d'informations qu'elle venait de recevoir, pour réfléchir et savoir par quoi commencer. « Alors, déjà, si un jour tu dois retourner voir le doyen, tu n'iras pas tout seul ! C'est hors de question que je te laisse seul avec lui, j'irai avec toi. Et ce n'est pas négociable ! » Sauf si, évidemment, il avait d'autres amis, dont il était plus proche, pour l'accompagner, ce qu'Anna était capable de comprendre. « Il faut que ce que ce type fait se sache ! Et tu peux me croire, ça va se savoir... Ou peut-être que tu préfères qu'on ne dise rien ? C'est comme tu veux, bien sûr ! C'est toi qui décides. » S'il fallait qu'elle passe des journées entières à en parler pour que cette information fasse le tour de l'université, elle le ferait. Si Mutt préférait que personne ne soit au courant des détails, elle ne dirait rien. « Quant à Monty et ses idiots d'amis, si je les vois... » Anna n'était pas stupide, elle savait bien qu'elle ne faisait pas le poids contre eux, mais ça ne l'empêcherait pas de parler s'ils étaient sur son chemin. « Tu es avec un homme que tu aimes, ne laisse pas ces gens te gâcher la vie, Mutt. » tenta-t-elle de le rassurer en penchant la tête sur le côté, un sourire rassurant aux lèvres, même si elle avait conscience que quelques mots ne l'aideraient pas. « Le regard des élèves, les profs... Tu t'en fiches ! Si j'entends l'un d'eux parler de toi, je te promets qu'il passera le pire quart d'heure de sa vie. T'as des tas d'amis à l'université, des gens qui sont prêts à t'accompagner et à t'aider, j'en suis certaine. Tu n'es pas tout seul. Et tu ne seras jamais tout seul. » Mutt était plutôt populaire et tous ses amis ne lui avaient sans doute pas tourné le dos en écoutant les rumeurs et les bruits qui courraient à son sujet. Même si ce n'était pas simple et même si ça ne suffisait pas à régler tous ses problèmes, il devait se raccrocher à ça pour ne pas sombrer davantage.

Ça lui avait manqué, ça. Parler et plaisanter avec lui. Rire et raconter n'importe quoi. Alors, elle profitait de ces quelques instants qui lui étaient donnés. Ils parlaient donc cuisine - et plus particulièrement de leur non-talent en cuisine. Mutt expliquait à Anna que jamais elle ne goûterait la cuisine de Klaus. Elle comprenait, si ça lui évitait de tomber malade ou si ça empêchait Klaus de mettre le feu à cette pauvre cuisine, qui n'avait rien demandé à personne. A ça, elle n'avait rien répondu et elle s'était contentée de rire, imaginant parfaitement la scène, sans même connaître ce fameux Klaus. En revanche, elle comptait bien rappeler à Mutt son invitation à lui faire goûter son fameux fromage aux macaronis. « J'ai hâte de goûter à cette merveille. » Plaisantait la rousse, impatiente, néanmoins, à la perspective de revoir son ami prochainement - et s'il oubliait, la jeune femme prendrait un plaisir certain à lui rappeler encore et encore.

Puis, la conversation était devenue plus sérieuse. Beaucoup plus sérieuse, même. Le jeune homme s'ouvrait doucement aux confidences. Anna, dans un premier temps, écoutait sans commenter. Elle le laissait dire ce qu'il avait à dire. Puis, comme trop souvent, Anna s'était emportée un peu vite, sans vraiment réfléchir à ce qu'elle disait. D'abord, elle lui avait assuré qu'il n'irait plus voir le doyen tout seul. Il n'avait pas l'intention de le revoir, évidemment, mais cela ne voulait pas dire que le Doyen n'avait pas l'intention de le convoquer de nouveau, malheureusement pour lui. « Oui, oui, bien sûr. » Tentait-elle de se rattraper, pour le rassurer. « C'était juste une hypothèse, au cas où, si un jour tu n'avais pas le choix, mais... Je suis désolée, je ne voulais pas insinuer que tu allais devoir le revoir... Enfin... C'était maladroit de ma part. » Se mélangeait-elle un peu, en tentant de s'excuser, après avoir observé sa réaction face à la possibilité de devoir revoir le doyen. Il n'y avait qu'à l'écouter et voir à quel point il fuyait son regard. Son but n'était pas de le mettre mal à l'aise ou de lui faire mal, mais Anna avait la fâcheuse tendance de dire ce qu'il ne fallait pas dire.

Alors qu'Anna s'emportait tout naturellement face aux agissements de Monty et de ses amis, Mutt l'avait stoppée. Surprise, la jeune femme avait sursauté. Elle comprenait les explications de l'étudiant, mais elle ne pouvait pas lui promettre de rester impassible face à ce type. Il ne lui faisait pas peur, à tort, très certainement et, sans doute, parce qu'elle n'y avait jamais assisté directement. Anna n'ajoutait rien, pour le moment. Mutt poursuivait ses confessions en s'expliquant sur sa propre violence. Il assurait avoir sa part de responsabilité dans toute cette histoire. Anna, à cet aveu, n'avait pu que froncer les sourcils. La victime n'était coupable de rien. Jamais. Si ce Monty le harcelait, Mutt avait fini par réagir et péter les plombs, quoi de plus humain ? C'était, en tout cas, l'idée qu'Anna se faisait de toute cette histoire. « D'accord. Je ne ferai rien. Je ne veux pas t'attirer davantage d'ennuis. » Souffla-t-elle, tout en lui envoyant un sourire plein de courage. Elle pouvait comprendre - ou imaginer - sa fatigue, même sans l'avoir déjà vécue. « Eh, ça va aller, tu le sais ? Tout finira par aller mieux. » Parce qu'il était entouré et aimé. Parce qu'il n'était pas seul. Parce qu'il avait le droit d'être heureux et tranquille, comme n'importe qui. « Et c'est parce que tu ne sais pas te taire qu'on t'aime. Sans ça, on ne se serait peut-être jamais parlé. » Elle tentait de le soulager et le rassurer tout en détendant l'atmosphère trop lourde, mais elle ne voulait pas froisser Mutt en lui donnant l'impression que ses ressentis n'avaient pas d'importance. Alors, elle ignorait ce qu'elle devait répondre sans faire preuve de sa maladresse légendaire. « Tu n'as pas à changer pour les autres. Si tu as envie d'être le type tranquille, sois le type tranquille du fond de la classe. Si tu as envie d'être ce garçon bavard qui ennuie un peu trop le prof, sois ce garçon. Tu n'as pas à te sentir coupable de ce qui t'arrive en le mettant sur le compte de ton comportement. Tu ne fais de mal à personne. » Comme toujours, la jeune femme craignait d'être maladroite dans ses propos, mais elle faisait du mieux qu'elle pouvait pour transmettre le fond de sa pensée. « Pour l'instant, tu dois prendre du temps pour toi, du temps pour respirer, du temps pour souffler et reprendre des forces. » Il était fatigué par la situation, il avait le droit de prendre son temps pour aller mieux. Personne ne pouvait l'obliger à aller mieux trop vite ou lui en vouloir pour ce qu'il faisait en ce moment. Il fallait se montrer patient et le soutenir, jusqu'à ce que tout s'arrange pour lui.

Il y avait une chose qu'elle savait et dont elle était certaine : il n'était pas seul. Les gens étaient là pour lui. Les gens l'aimaient. Les gens le soutenaient. Anna se battrait à ses côtés aussi longtemps que nécessaire, s'il en avait besoin. Ce n'était, peut-être, qu'une maigre consolation, mais tout le monde n'avait pas la chance d'être entouré. « Tu veux parier que je ne peux pas être là tout le temps ? » Ajoutait la jeune femme, en souriant tendrement, toujours dans le but de le faire sourire à ses bêtises. « Je n'ai pas peur de cette part de toi. » Même sans la connaître, elle ne voulait pas en avoir peur, à tort, peut-être. « Ma soeur avait une part d'elle qui était incontrôlable et... Je l'ai poussée à bout. Je n'en suis pas fière, mais... Enfin, ce que je veux dire, c'est que je sais qu'on ne contrôle pas toujours autant qu'on l'aimerait et... Ça ne fait pas de nous quelqu'un de mauvais. Tu y arriveras. Tu apprendras à changer cette part de toi, à la contrôler. Et, je serai là... si tu veux. » C'était un travail long et difficile, mais pas impossible. « Je sais que tu es quelqu'un de bien. Tu as juste besoin de temps et d'un peu d'aide. » Avait-elle ajouté, espérant avoir pu le rassurer un peu avec ses quelques mots, même si, finalement, ce n'était pas grand chose.

Anna voulait faire au mieux. Vraiment. Elle avait envie d'être là pour son ami. D'être là pour l'aider et le réconforter. D'être là pour le faire rire et lui changer les idées. Mais Anna était maladroite. Elle avait beau faire des efforts, elle ne réalisait pas toujours l'impact que ses mots pouvaient avoir sur les autres. Enfin, si, elle le réalisait, mais beaucoup trop tard. Alors elle s'excusait pour ses maladresses, même si Mutt semblait insister pour qu'elle ne le fasse pas. Elle se sentait bien trop mal à l'aise pour ne pas le faire.

Alors, oubliant ses maladresses, la jeune femme tentait de le rassurer en lui rappelant à quel point il était entouré. Elle ne connaissait pas tous ses amis, mais elle savait que beaucoup l'appréciaient sincèrement. Dans son malheur, il avait cette chance : contrairement à d'autres, il ne devait pas tout affronter tout seul. Il avait des proches pour l'aider à affronter chaque épreuve, chaque pas vers la guérison. Mutt n'était pas parfait - mais personne ne l'était. Mutt était un étudiant incroyablement insolent et bavard. Mutt était celui qui amusait les autres étudiants. Et, sauf s'il le désirait vraiment, il n'avait pas à changer parce c'était lui, c'était son identité. Et les gens l'aimaient pour ce qu'il était, pas pour ce qu'il aurait pu être. Après tout, s'il n'avait pas été cet incroyable casse-pieds qui n'avait de cesse de la déranger durant son cours, ils ne se seraient, sans doute, jamais parlé. Il le confirmait, avant de préciser qu'il avait eu une autre idée derrière la tête et que sa seule intention n'avait pas été de lui parler. « Je crois avoir compris ce que tu avais derrière la tête, avant même que tu ne me le confies. » Elle était heureuse de le voir sourire et de le voir parler de ce souvenir. Puis, alors qu'il affirmait que c'était bien mieux comme ça puisqu'il avait pu rencontrer l'homme de sa vie, Anna avait fait semblant de hausser un sourcil, l'air vexé. « Allez, je suis certaine qu'on aurait été très heureux tous les deux, à manger des pâtes immondes tous les jours. » Plaisantait-elle, avant d'ajouter dans un haussement d'épaules : « mais tu as préféré me briser le coeur. » Elle souriait, amusée et heureuse de pouvoir le faire parler d'autre chose. « Tu n'as pas perdu de temps ce jour-là... » Se souvenait-elle en riant. « On se parlait depuis une heure que tu essayais déjà de m'embrasser. » Aujourd'hui, il s'agissait véritablement d'un bon souvenir, autrefois, c'était une chose qui l'avait un peu perturbée. « J'aurais dû te dire que j'étais fiancée à l'instant où tu as ouvert la bouche pour parler, tu aurais économisé du temps et de l'énergie. Surtout de l'énergie, après ta course folle avec le prof, n'est-ce pas ? » Continuait-elle de s'amuser, en se remémorant ses souvenirs.

Et même s'ils ne s'étaient rien passés entre eux, ils étaient devenus amis - et c'était bien mieux ainsi. Aujourd'hui, alors, elle pouvait lui promettre d'être à ses côtés aussi souvent que possible. Comme il ne semblait pas la croire capable d'être là à chaque instant, elle le défiait. Anna pouvait être incroyablement tenace et collante, alors il avait plutôt intérêt à ne pas trop la rabaisser sur ses capacités. « C'est peut-être à Klaus que je devrais offrir mon soutien pour te supporter alors, qu'en penses-tu ? » Soufflait-elle, toujours avec le but de le détendre un peu plus avec ses bêtises. Ils se supportaient parce qu'ils s'aimaient avec leurs qualités et leurs défauts. Mais Anna voulait bien croire que ce n'était pas tous les jours facile pour Klaus, comme ça ne devait pas être facile tous les jours pour Mutt.

Les choses avaient néanmoins repris leur sérieux. Mutt avait peur d'une part de lui-même. Il craignait de voir de quoi il était capable. Alors, Anna, pour le rassurer, lui avait confié des instants difficiles de sa vie. Les gens incontrôlables, Anna connaissait. Elsa avait une part incontrôlable. Une part qu'Anna avait involontairement déclenchée. Alors, elle ne l'abandonnerait pas à cause de cette part sombre qui existait chez lui. Elle n'avait pas peur et elle savait qu'il n'en était pas responsable. Elle savait qu'il avait besoin d'aide et de temps. S'il le voulait vraiment, il réussirait à contrôler cette part de lui-même. Anna en était convaincue. Alors, elle lui avait dit tout ça. Sa réaction la touchait. Elle était heureuse de pouvoir lui apporter quelque chose - c'était, en tout cas, l'impression qu'elle avait. Si Anna était bavarde, cette fois-ci, elle comprenait que Mutt avait besoin de réfléchir avant de répondre alors elle patientait. Ses premiers mots la firent rire. « J'accepte ! Mais attention, ça va te coûter très cher ! » Soufflait-elle pour plaisanter.

Son merci lui faisait tant de bien à entendre. Puis, tout aussi sérieusement, le jeune homme reprit la parole pour lui donner davantage d'explications. Il évoquait sa colère, liée à sa vie, à l'injustice. Il explosait. Il n'y arrivait plus. Anna pensait comprendre ce qu'il ressentait. Il y avait trop de tout en lui. Tout s'était accumulé sans qu'il n'arrive à régler ses problèmes ou à faire en sorte que les choses s'arrangent. Désormais, il se sentait pris au piège de ses propres erreurs, de ses problèmes et de tout ce qui n'allait pas. Il ne voyait plus d'issue de secours. Il ne voyait plus de solution pour sortir de tout ça, pour souffler juste un instant, pour aller mieux rien qu'une minute. Et ça devait être un sentiment horrible et insupportable. La violence devenait alors sa seule solution pour extérioriser tout ce qu'il avait en lui. Pourtant, même si elle savait qu'il n'était pas réellement responsable de ses actes et même si elle avait juré ne pas avoir peur de lui, entendre ce qu'il racontait ne la laissait pas indifférente. Elle savait qu'il ne lui ferait pas de mal, à elle, mais il était toujours différent de savoir quelque chose et d'entendre clairement cette chose être évoquée. Elle avait compris qu'il avait une part sombre, désormais elle avait l'exemple de sa violence. Mais Anna restait persuadée qu'il était quelqu'un de bien. Alors, elle avait fini par attraper sa main pour la serrer dans la sienne. Elle espérait que, par ce contact, il comprenne qu'elle n'avait pas peur. « Tu es simplement dépassé par tout ce qui t'arrive. La vie n'est pas facile et elle n'est pas clémente avec toi. Mais ce n'est pas parce qu'on fait quelque chose de mal que l'on n'est pas quelqu'un de bien. » tentait-elle d'expliquer, sans être certaine d'être bien comprise. « Tu as fait une erreur. Quelque chose de grave, c'est vrai. » Elle ne comptait pas lui mentir, elle n'allait pas lui dire qu'il avait eu raison, mais elle ne voulait pas l'enfoncer davantage non plus. « Mais tu regrettes. Tu as juste cédé à une pulsion parce que tu as explosé, parce que tu as craqué. Il t'a fait souffrir. Il a fait souffrir Klaus. Alors il ne méritait pas de se retrouver à l'hôpital je suppose, mais... ce n'est pas ce que tu voulais. Tu voulais juste trouver un moyen de te soulager et de moins souffrir. » Anna lui souriait, pour le rassurer, pour lui dire qu'elle comprenait qu'il ait pu en arriver à de telles extrémités, même si elle condamnait son geste. « Si je faisais la même chose pour défendre quelqu'un que j'aime, tu penserais que je suis une mauvaise personne ? » Sa question était sérieuse. Après tout, il suffisait parfois de projeter la situation sur quelqu'un d'autre pour comprendre et voir les choses autrement.

Anna était heureuse de le voir sourire et s'amuser, alors qu'ils évoquaient leur première vraie rencontre. Ce jour-là, Mutt s'était imaginée qu'il séduirait Anna et avait tenté de l'embrasser en moins de temps qu'il ne le fallait pour le dire. Sur le coup, les choses ne s'étaient pas tellement bien terminées pour tous les deux. Puis, avec le temps, ils avaient tissé de véritables liens et étaient devenus de vrais amis. Et ce souvenir était devenu un souvenir amusant, aujourd'hui. « Nous aurions vécu d'amour et de plats à réchauffer. » Ajouta-t-elle pour le contredire, en riant. Puis, finalement, le ton était devenu un peu plus sérieux. Mutt se confiait et Anna l'écoutait avec attention. Si elle ne répondait rien, elle lui offrait un sourire plein de douceur et sa main était venue se poser un instant sur la sienne pour la serrer dans un geste rassurant. Même si tout n'était pas parfait pour lui, il avait évolué et grandi. Anna voulait croire que les choses iraient de mieux en mieux et qu'elles finiraient par s'arranger pour lui, parce qu'il le méritait. « Tu m'as beaucoup fait rire ce jour-là, même si je croyais que certains étudiants allaient te le faire payer. Quant au prof... Je dois t'avouer que j'ai eu un peu pitié de lui. C'est que tu cours vite, quand tu t'y mets. » S'amusa-t-elle en se souvenant de la course-poursuite.

Malgré le sérieux qui se cachait derrière la visite d'Anna, les deux amis passaient un certain temps à sourire et rire. Cette fois-ci, Anna proposait d'offrir son soutien à Klaus plutôt que de continuer à l'apporter à Mutt. L'air offusqué de Mutt la fit rire et, à sa terrible menace, elle porta l'une de ses mains à son coeur, tout en tentant de prendre un air profondément attristé. « Tu oserais me priver de tes délicieuses pâtes ? Comment pourrais-tu faire une chose pareille ? » Puis, elle éclata de rire, avant d'ajouter : « Si je vous apporte mon soutien à tous les deux, tu me feras la cuisine ? » Elle essayait de négocier, il était hors de question qu'elle rate ces fameuses pâtes.

Puis les choses redevinrent sérieuses. Mutt lui confia alors ce qui s'était passé à la fac et ce qui causait ses problèmes, aujourd'hui. Ce Monty... Anna aimerait lui refaire le portrait elle-même. Mais, pour le moment, elle tentait déjà de remonter le moral de Mutt et de le rassurer quant à la suite des événements. « Tu y arriveras Mutt, j'en suis certaine. » Ce n'était pas des paroles en l'air, elle pensait sincèrement qu'il réussirait à se contrôler, à travailler sur son comportement. Elle avait une confiance incroyable en lui. « Et tu auras ta vie avec Klaus et tes amis. Tu seras heureux. Et tu auras tes diplômes, ce qui ne manquera pas de faire plaisir à certains professeurs, crois-moi. » Ajouta-t-elle avec douceur, pour glisser une plaisanterie au milieu de tant de sérieux, afin de le voir sourire.

Anna faisait au mieux, mais elle n'avait aucun pouvoir lui permettant de faire disparaître ses peines ou de lui assurer qu'il aurait un futur radieux et heureux. Alors, pour lui faire comprendre qu'il n'était pas quelqu'un de mauvais simplement parce qu'il avait pété les plombs après avoir été poussé à bout, Anna inversait les rôles. Si elle avait été violente parce que ses nerfs avaient lâché après maintes et maintes agressions, la prendrait-il pour quelqu'un de mauvais pour autant ? « Hans s'est pris le plus beau des coups de poing, alors ne te fie pas trop aux apparences. » Et c'était bien un coup qu'elle ne regrettait pas d'avoir donné, même si la violence ne pouvait pas résoudre un problème, Hans l'avait mérité, elle n'en démordrait pas. Et même s'il ne savait pas qui était Hans, il comprendrait l'idée, certainement. « Mon fiancé ? Je ne l'ai pas vu depuis trois ans, il ne me considère peut-être même plus comme sa fiancée et il ne se rappelle sans doute pas de la femme merveilleuse que je suis. » Ajouta-t-elle en souriant à ces derniers mots pour cacher ses véritables sentiments face à l'absence de Kristoff. « Et j'ai de la chance de t'avoir comme ami, quoi que tu penses de toi. Quoi que tu dises, tu es un garçon gentil et drôle. » Lui assura-t-elle en lui retournant ses compliments. « Et je tiens vraiment à toi. Alors viens-là ! » Dit-elle en tendant les bras pour lui offrir une étreinte afin de le réconforter. « Tout va s'arranger Mutt, j'en suis certaine. » Souffla-t-elle avec certitude et douceur.

« Mieux vaut vivre d'amour et de plats à réchauffer que de bons petits plats, mais seul. » Déclara Anna, l'air très sérieux avant de se mettre à rire. « Ton mot entrera dans les dictionnaires, avec ta photo à côté. Toi, tenant ton plat de pâtes dans les mains. Ta recette aura un tel succès qu'elle fera partie des menus des plus grands restaurants, tout le monde se bousculera pour un repas gastronobancal. » Et elle souriait un peu plus, entrant dans son propre jeu en s'imaginant la situation, avant de rire, de nouveau.

« Je suis désolée... Je... Tu... Enfin, je ne voulais pas dire ça comme ça... Je ne parlais pas de te le faire payer, comme ils te le font payer... Enfin, tu comprends ? C'était maladroit. Pardon. » S'emmêla-t-elle, comme bien souvent. Même s'il souriait, elle se sentait gênée. Elle avait voulu faire une plaisanterie, simplement. Elle ne voulait pas parler de ce qui se passait réellement, évidemment, mais Anna ne faisait pas toujours attention à ce qu'elle disait. Puis, sur le ton de la confidence, le jeune homme avait repris la parole pour lui parler de son père. Qu'il se moquait des professeurs, elle l'avait bien compris. Que son père lui manquait, elle le savait puisqu'ils en avaient un peu parlé. Il voulait lui faire plaisir, il voulait obtenir son diplôme pour lui. Elle comprenait. « Tu vas l'avoir ton diplôme. » Ce n'était même pas pour le rassurer. Elle croyait sincèrement qu'il allait l'avoir. « Et ton père sera fier de toi. » Anna savait comme ses parents comptaient pour lui, alors elle comprenait qu'ils voulaient les rendre fiers. C'était normal, non, après tout ?

Lorsqu'il la remercia de croire en lui, elle se contenta de hausser les épaules et de sourire pour lui signifier qu'il n'y avait rien de plus normal. Il le méritait. « D'autant que je suis une spectatrice exigeante ! Attends-toi à une pluie de tomates si je ne suis pas satisfaite ! » Ajouta-t-elle pour le faire sourire quand il affirmait qu'il gâchait toujours tout et qu'il allait faire en sorte que ce ne soit pas le cas cette fois-ci. Elle connaissait ses craintes, alors elle préférait tenter de lui montrer qu'elle avait confiance en lui et qu'elle ne doutait pas de lui, en répondant par une plaisanterie.

Au cours de la discussion, Anna en était venue à lui parler du coup qu'elle avait mis à Hans et cette information faisait sourire Mutt, qui la détaillait pour plaisanter. Alors qu'il était en train de lui dire qu'elle cachait bien son jeu, elle leva la tête et prit un air fier pour s'amuser. Anna fronça ensuite les sourcils en l'observant et fit semblant de réfléchir une seconde. « C'est vrai, qu'en y repensant, peut-être que... Non, je n'allais pas abîmer un si beau visage ! » S'amusa-t-elle. Il fallait dire que lui avait essayé de l'embrasser, Hans de la laisser mourir. Ils n'avaient pas joué au même niveau. Puis après le premier fiancé qui ne voulait qu'Arendelle, Anna évoqua Kristoff. Malheureusement pour elle, il était absent. Jamais elle ne l'avait revu depuis qu'ils étaient ici. C'était difficile, parfois - souvent - mais elle essayait de se convaincre que ce ne serait que temporaire - juste un temporaire qui durait un peu trop longtemps.

Anna refusait de paraître malheureuse, alors elle continuait de sourire, même si ses expressions incontrôlables parlaient pour elle. « Bien évidemment, je vais le retrouver. Et il viendra régler ses comptes avec toi quand je lui raconterai que tu as essayé de m'embrasser. » Ils en revenaient toujours à cette histoire, mais elle avait le don de détendre l'atmosphère. Alors, Anna en profitait et se montrait faussement menaçante à propos de Kristoff qui ne ferait, en réalité, rien du tout. « Ah, je suis pourtant certaine que certains adoreraient m'oublier - ou que je les oublie, plutôt. » Affirma-t-elle, consciente d'être agaçante par moment parce qu'elle était bien trop bavarde, bien trop maladroite, bien trop trop de choses, mais ça l'amusait.

En échange des quelques compliments que Mutt lui avait faits, Anna lui avait dit ce qu'elle pensait de lui. Son sourire et ses yeux brillants la touchèrent. Elle était heureuse de voir qu'il était touché parce qu'elle supposait que cela lui faisait du bien. Et elle appréciait de le sentir venir se caler dans ses bras, qu'elle lui avait tendus. En retour, il l'étreignait et ça lui faisait du bien, à elle aussi, d'une part parce qu'elle venait de parler de Kristoff et qu'elle en était forcément touchée, quoi qu'elle en dise, et d'autre part parce qu'elle était heureuse de voir Mutt accepter. « Arrête de me remercier. » Souffla-t-elle en prenant un ton autoritaire. C'était inutile, elle faisait tout cela parce que ça lui faisait plaisir. En revanche, elle appréciait l'entendre dire qu'elle était importante pour lui. Anna parlait beaucoup, mais avait finalement très peu de véritables amis. Alors, elle était heureuse de pouvoir compter Mutt parmi ceux-là. « Je n'ai besoin de rien. Tout va bien pour moi. Tout va toujours bien pour moi. » Parce qu'elle avait décidé il y a longtemps de paraître toujours joyeuse, toujours heureuse, elle refusait de montrer ce qui n'allait pas et elle arrivait même à se convaincre que rien n'allait mal. « Mais je n'oublierai pas. Merci. » Elle savait néanmoins qu'en cas de besoin, elle avait un ami sur qui elle pouvait compter et elle ne l'oublierait pas, c'était une certitude.

« J'espère que tu n'oublieras pas que j'aurai été la première à le reconnaître lorsque tu deviendras célèbre. » Essaya-t-elle de dire avec le même air sérieux que Mutt. Ce n'était pas une réussite, elle ne pouvait s'empêcher de sourire, mais comment ne pas le faire face à tant de bêtises ?

Évidemment, Anna avait la faculté extraordinaire d'être d'une incroyable maladresse lorsqu'elle parlait. Parfois, cela rendait la situation amusante et, d'autres fois, cela la mettait mal à l'aise parce que le sujet était trop grave et trop sérieux. Alors, elle se sentait mal à l'aise d'avoir été si maladroite avec Mutt en voulant plaisanter, sans se rendre compte de la vérité qui se cachait derrière ses mots. Alors, lorsqu'il lui assura qu'elle n'avait pas à s'excuser, elle se contenta de sourire, gênée. Il était préférable qu'elle arrête là pour éviter de dire davantage de bêtises. Alors, elle se concentrait sur le diplôme que Mutt espérait obtenir. Elle était certaine qu'il y arriverait. Pour lui. Pour ses parents. Il les rendrait plus fiers qu'ils ne l'étaient déjà, Anna en était certaine. Non, il ne gâcherait pas tout, qu'importe le domaine, elle en était persuadée. Il ne prenait pas toujours les bonnes décisions et il avait des problèmes, mais il gérerait le tout. Il était plus fort qu'il ne semblait le croire. Et, comme pour le motiver, elle lui assura qu'en tant qu'exigeante spectatrice, il aurait le droit à une pluie de tomate s'il la décevait. « Je suis heureuse de te faire si peur ! » Affirma-t-elle, en tentant de prendre un regard mauvais, alors qu'elle riait avec lui après lui avoir dit qu'il ferait attention.  

« Arrête ça, je te préfère au naturel, là, on dirait... Je sais pas. » Souffla-t-elle alors qu'il prenait une pose exagérée suite à son compliment. « Heureusement que toutes les personnes que je complimente n'essaient pas de m'embrasser. » Rétorqua la rousse en riant. Elle avait le compliment un peu facile, mais toujours sincère. « C'est ça, tu verras il est effrayant. » Affirma Anna lorsqu'ils parlèrent de Kristoff et des comptes qu'il aurait à régler avec Mutt. « Vous vous entendriez bien tous les deux, aussi effrayants l'un que l'autre. » Et si un jour elle devait le retrouver - ce qu'elle espérait de tout son coeur - elle les présenterait parce qu'elle les imaginait bien s'entendre. Enfin, à supposer qu'il ne l'avait pas oubliée. Anna le craignait, parfois. Peut-être que Kristoff avait refait sa vie après tant d'années. Finalement, pourrait-elle lui en vouloir d'avoir voulu être heureux ? « Je dirai ça au prochain qui me dit que je parle trop ou que je suis agaçante ou que je suis trop maladroite, que ce n'est qu'un être stupide incapable de m'apprécier à ma juste valeur parce que je suis trop bien pour lui. » Et, pour accompagner ses mots, elle prit un air fier qu'elle n'avait pas réussi à tenir bien longtemps avant de rire. « Tout le monde ne peut pas faire partie de notre club très sélectif. » Tout le monde n'était pas compatible avec tout le monde, mieux valait se dire ça. « J'ai hâte de le rencontrer. » Affirma-t-elle sérieuse. Elle tenait beaucoup à Mutt alors il avait envie de connaître celui qui partageait sa vie.

« Ah, ça y est, j'en ai marre de toi. » Souffla Anna, alors qu'ils se serraient l'un contre l'autre, lorsque Mutt affirma qu'il n'arrêterait de la remercier que lorsqu'elle n'en pourrait plus de lui. « Je n'en aurai jamais marre, je suis désolée pour toi. » Anna n'était pas la fille la plus patiente qui puisse exister, mais elle tenait à ses amis et elle n'était pas du genre à s'en débarrasser à la première occasion. Plus encore des amis comme Mutt qui ne se contentait pas de prendre sans donner en retour - et il lui prouvait encore une fois. « Je ne l'oublie pas, je te l'assure. » Oui, Anna tentait toujours de garder le sourire, d'être heureuse et de laisser les problèmes derrière elle. Ça ne fonctionnait pas toujours, mais elle essayait. Peut-être qu'un jour ça lui retomberait dessus et, ce jour-là, elle saurait à quelle porte frapper.

Si Anna était certaine d'une chose, c'était que Mutt et Kristoff s'entendraient particulièrement bien s'ils venaient à se rencontrer un jour - à condition qu'Anna finisse par le retrouver, surtout. Anna aimerait le retrouver. Non seulement parce qu'elle l'aimait et parce qu'elle avait besoin de lui, bien sûr, mais aussi parce qu'elle voulait lui présenter ses amis, lui montrer la vie qu'elle s'était construite ici, dans ce nouveau monde. « Complotez contre moi et vous réveillerez un monstre. Tu es prévenu. » Anna saurait se venger et en faire autant. Le regard malicieux de Mutt l'amusait et elle s'imaginait déjà les deux garçons comploter ensemble. « Tu n'as pas envie de me voir devenir un monstre Mutt, ne l'oublie pas. » Dit-elle l'air faussement menaçant, avant de se mettre à rire, comme si cette simple menace pouvait le dissuader et lui faire prendre peur. « Ce ne serait que justice si je complotais avec Klaus, tu ne crois pas ? » Ajouta-t-elle après la supposition de son ami, en référence à ce qui venait d'être dit à propos du duo Kristoff/Mutt. « Je veux que tu me le présentes, je veux pouvoir comploter avec lui avant que tu ne puisses comploter avec Kristoff. » Elle aurait ainsi une longueur d'avance, l'avantage de ne pas encore avoir retrouvé son fiancé - il fallait bien voir des avantages aux pires choses, non ?

Leur conversation passait du rire au sérieux en un rien de temps. Après s'être rassurés et avoir partagé quelques confidences, ils se serrèrent l'un contre l'autre, dans une étreinte réconfortante. Elle leur rappelait qu'ils étaient là l'un pour l'autre. Anna était prête à aider Mutt autant qu'elle le pouvait et Mutt lui rappelait qu'il serait là, lui aussi, si Anna en éprouvait le besoin, un jour ou l'autre. « Tu es prêt à me voir débarquer n'importe quand et à n'importe quelle heure, dès que je me sens un peu seule ? » Préférait-elle ajouter sur un ton plus léger. « Non parce que dès que je m'ennuie un peu ou lorsque je me sens un peu seule chez moi, j'ai tendance à débarquer chez ma soeur, mais la pauvre commence à en avoir marre, tu comprends ? » Alors, puisque Mutt promettait d'être là, peut-être pouvait-il l'être pour ça, aussi ? « Il paraît que je suis envahissante et trop bavarde, tout ça parce que je débarque à n'importe quelle heure et que je m'installe comme si j'étais chez moi pour raconter tout ce que j'ai à dire. Et j'en ai beaucoup, des choses à dire. » Expliqua-t-elle avec toute l'énergie qu'elle avait pour montrer à qui il venait de faire ce genre de promesse et lui faire peur face au monstre qu'il venait de créer.