Depuis le temps ! [Anna]

Certains événements pouvaient changer une vie. Certaines périodes semblaient particulièrement vous sourire. On voyait les choses s'arranger les unes après les autres et les bonnes nouvelles s'enchaîner, vous entraînant ainsi dans une spirale de joie dont vous aimeriez ne plus jamais sortir. Durant des années, la vie d'Anna n'avait pas été malheureuse, mais elle avait été compliquée. Seule avec sa soeur, dans cette ville inconnue, elle avait tenté de surmonter les épreuves et le manque, la tête haute et le sourire aux lèvres, comme elle le faisait toujours. Anna n'avait jamais vraiment perdu espoir. Il y avait des moments de doutes, évidemment, mais Anna était optimiste et ne pouvait pas arrêter d'espérer. Sans l'espoir, que lui aurait-il resté ? Et elle avait eu raison de ne jamais abandonner, de toujours espérer, parce que l'attente avait payé.

Comme par miracle, comme sorti de nulle part sans prévenir, Kristoff était réapparu dans sa vie. Ce jour, où elle l'avait retrouvé, ressemblait à tous les autres. Une journée à l'université où elle aurait dû se contenter de suivre des cours, de rendre visite à Elsa et de rentrer chez elle. Mais, miraculeusement, cette journée avait pris un chemin différent pour se transformer en l'une des plus belles journées qu'Anna avait pu vivre. Et ça, elle avait eu envie de le raconter à tout le monde, de le crier sur tous les toits, d'exprimer sa joie et son bonheur auprès de chaque personne qui comptait sur elle.

Il fallait croire que son voeux s'exauçait de lui-même. Depuis bien longtemps, Anna n'avait pas vraiment eu de nouvelles d'Aelita, à tel point qu'elle n'avait pas osé la contacter elle-même, craignant un refus ou de la déranger. Elle aurait aimé pourtant discuter avec elle, de la joie qu'elle avait éprouvée, du bonheur qu'elle avait ressenti. A leur arrivée ici, elles étaient rapidement devenues amies et Anna n'oubliait pas qu'elle avait retrouvé Elsa grâce à elle... mais les choses avaient changé, sans qu'Anna ne comprenne pourquoi - et sans qu'elle ne cherche réellement à le savoir, il fallait l'avouer. Pourtant, Aelita l'avait recontactée, un peu comme si cet endroit avait entendu son appel, ce besoin de revoir certains de ses amis et de parfaire le bonheur dans lequel elle vivait depuis quelque temps.

Sans hésitation, elle avait donc accepté de la voir. Le rendez-vous avait été donné et Anna avait attendu le moment avec impatience. En entrant dans le café, les grands gestes d'Aelita avaient aussitôt attiré le regard d'Anna - impossible d'ignorer sa présence - et un immense sourire avait pris place sur ses lèvres - avait-elle déjà dit à quel point elle était heureuse en ce moment ? « Tu m'as manqué. » S'était-elle contenté de répondre tandis qu'Aelita la serrait dans ses bras. Ce n'était pas des paroles en l'air, elle était sincère et la revoir lui rappelait à quel point ça l'était.

Anna s'installait face à son amie, qui ne perdait pas une seconde pour l'interroger - mais Anna aurait fait exactement la même chose si elle avait été plus rapide. Elle avait hâte de la bombarder de questions et de comprendre chaque petit événement de sa vie depuis tout le temps où elles ne s'étaient pas vues. « Je vais plutôt bien. » Elle s'amusait, mais son regard, son sourire et tout son visage qui rayonnait prouvaient que plutôt bien était loin d'être suffisant pour décrire l'état dans lequel elle était. « J'ai retrouvé quelqu'un dernièrement... » Telle une enfant, elle faisait durer le suspens plutôt que de dire les choses clairement. « Je te laisse deviner de qui il s'agit. » Ce n'était pas bien compliqué, il suffisait de la regarder et de voir à quel point elle était heureuse pour le comprendre.

Anna avait beaucoup de mal à cacher son bonheur. Il était comme inscrit sur son visage, impossible à effacer. Un bonheur qu'elle voulait, tout naturellement, partager avec Aelita, comme elle avait partagé celui de retrouver sa soeur avec elle. Un bonheur qu'elle aurait aimé crier à l'instant où elle était entrée dans ce café. Un bonheur qu'elle avait préféré, finalement, lui faire deviner parce que c'était bien plus amusant ainsi.

Et Aelita avait résolu ce mystère en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Anna ne tenait pas en place et son visage était bien trop expressif pour pouvoir cacher quoi que ce soit, cela avait dû l'aider. Elle avait à peine eu le temps de donner ses indices qu'un sourire avait pris place sur le visage d'Aelita. Puis, elle avait parlé - crié, plutôt, non ? - et Anna avait enfin laissé exploser sa joie, oubliant, à son tour, qu'elles n'étaient pas seules dans cet endroit et que des regards curieux et agacés se tournaient vers elles. « Je l'ai retrouvé, oui ! Au bout de cinq ans, je l'ai enfin retrouvé, tu imagines ? » S'exclamait-elle, tout sourire et rayonnante comme jamais, heureuse de pouvoir partager sa joie.

Aelita était heureuse pour elle, Anna n'en doutait pas et elle en était touchée. Elle avait toujours été d'une aide précieuse pour elle et jamais elle n'oublierait qu'elle l'avait aidée à retrouver Elsa. Alors, même si les choses de la vie les avaient éloignées, elle savait qu'elles tenaient toujours l'une à l'autre. Cette réaction finissait de le lui prouver. « C'était à l'université. Il y a eu un problème avec le système qui régule la température dans les bâtiments et... » Non, elle n'allait pas commencer à raconter tout en détails parce que, connaissant Anna, cela prendrait des heures. « Bref, il y a eu un problème qui faisait que certaines parties étaient plongées dans un froid insupportable et d'autres où il faisait terriblement chaud et quelqu'un a trouvé amusant de me faire croire qu'il suffisait d'activer un levier pour régler, au moins, en partie le problème. Je sais, ne me dis rien, j'ai été complétement stupide et naïve, mais je voulais rendre service et je n'ai pas réfléchi. » Elle n'avait pas dit qu'elle irait à l'essentiel ? Mais c'était de la faute d'Aelita qui avait demandé qu'elle lui raconte tout, Anna l'avait pris au pied de la lettre. « Je me suis retrouvée enfermée dans un local et il est arrivé, comme par magie, pour me sortir de là. » Là au bon endroit, au bon moment, comme à chaque fois, comme la première fois où ils s'étaient rencontrés.

Ne jamais désespérer. Aelita avait trouvé les mots justes. Il était arrivé, parfois, à Anna de perdre espoir, mais ça n'avait jamais duré très longtemps. Profondément optimiste, elle n'imaginait pas se morfondre ou perdre tout espoir de voir ses rêves se réaliser. Elle comprenait ceux qui le faisaient, sincèrement, mais elle refusait de le faire. L'espoir était son moteur. Il lui permettait de vivre, d'avancer, d'être elle-même et de garder le sourire, en toute circonstance. Alors, elle n'y renonçait jamais vraiment.

Anna, à la demande d'Aelita, s'était lancée dans de grandes explications. Impossible à arrêter, bavarde comme à son habitude, elle se perdait dans les détails inutiles plutôt que d'aller à l'essentiel. Les deux femmes n'avaient pourtant pas toute la journée devant elles et il était préférable de ne pas laisser Anna se perdre en détails - pour que ça ne dure pas non plus des heures. Aelita, de son côté, tentait de rassurer Anna sur son comportement - qu'elle jugeait stupide - en lui assurant qu'elle avait agi pour la bonne cause. Cette tentative la fit sourire. Au fond, ça n'avait pas grande importance, mais elle appréciait l'effort d'Aelita à vouloir la rassurer.

Par la suite, Aelita partageait sa joie avec son amie. Elle lui racontait à quel point elle était heureuse pour elle et le sourire d'Anna ne faisait que s'agrandir de seconde en seconde. Et elle le lui prouvait bien en la bombardant de questions, sans même lui laisser le temps de répondre - sur ce point, les deux femmes se ressemblaient beaucoup. « J'étais heureuse comme jamais et, en même temps, je me posais mille questions. J'avais peur que les choses ne soient plus comme avant, qu'il ne m'aime plus ou qu'il ne m'ait pas attendu... » Avoua-t-elle comme confidence. Après tout, les amies étaient faites pour entendre ce genre de secrets, non ? « Je le trouvais distant, un peu, mais tu sais... Enfin, je m'imagine parfois des choses parce que je me mets à paniquer et à avoir peur... » Difficile de mettre des mots sur ce qu'elle avait ressenti avec précision, mais l'idée était là. « C'était très différent de la première fois, en fait. Enfin, rien n'avait changé pour moi... Je l'ai toujours aimé de la même façon, ces cinq ans n'ont rien changé, mais c'était différent. Il y a tellement de questions au bout de tant d'années, tellement de doutes, tellement de craintes aussi... Tu sais, je n'arrêtais pas de me demander à quoi il pensait, s'il était vraiment possible de reprendre une vie après cinq ans de pause... J'étais vraiment heureuse, mais je me posais trop de questions et j'étais envahie par les doutes et par la peur... » Ce qui avait rendu ce moment particulier, différent de tout ce à quoi elle avait pensé pendant des années - ces années où elle ne s'était imaginée que le bonheur et rien d'autre. « J'ai l'impression qu'il est resté le même. Enfin, il est toujours aussi gentil et attentionné. Il est toujours aussi prévenant. Il est toujours... Lui. Il est resté celui dont je suis tombée amoureuse, mais nous avons encore énormément de choses à découvrir l'un de l'autre. En cinq ans, nous changeons forcément tous un peu. » Ils avaient grandi, appris à vivre l'un sans l'autre, forcément qu'il y avait du changement. La question était de savoir à quel point, désormais.

Après avoir fait part de son bonheur immense d'avoir retrouvé l'homme qu'elle aimait, Anna avait tenté d'expliquer les doutes qui s'étaient immiscés en elle à l'instant où elle avait revu Kristoff. Ses doutes n'étaient peut-être pas légitimes ou justifiés, mais ils avaient été là, incontrôlables et persistants. Kristoff n'était-il pas un peu trop distant ? Pourquoi ne la prenait-il pas dans ses bras ? Pourquoi ne l'embrassait-il pas ? Pourquoi semblait-il se comporter comme si cinq années ne s'étaient pas écoulées ? On ne se comportait pas comme ça après si longtemps, si ? Et ses yeux... Réflétaient-ils de l'amour ? Aimait-il une autre femme ? Avait-il refait sa vie ? Anna ne faisait pas part des centaines de questions qui lui avaient traversé l'esprit, mais elles avaient été... nombreuses. Bien plus que les quelques exemples dont elle lui avait fait part.

Pour répondre aux questions de son amie, Anna lui expliquait que les choses avaient été différentes de la première fois. Très différentes. Mais ça aussi, c'était normal, non ? - qu'elle se rassure, histoire de ne pas ajouter des questions et des peurs à ses questions et à ses peurs. Aelita, elle, essayait de la rassurer. Elle lui assurait que l'amour était le plus important. Et Anna était d'accord sur le principe. Mais suffisait-il toujours ? Cinq années à vivre séparément, peut-être que ça pouvait gâcher même la plus belle des histoires ? Peut-être qu'il était impossible de reprendre comme si rien ne s'était passé ? Et si Kristoff le savait, mais n'avait pas osé lui dire ? « Et si je ne lui plais plus ? Si la femme qu'il découvre aujourd'hui est trop loin de celle qu'il aimait ? Tu crois que j'ai beaucoup changé depuis mon arrivée ici ? Peut-être que je ne suis plus du tout la même personne ! » Est-ce qu'elle commençait à paniquer ? Très légèrement, en effet ! Cette chance qu'évoquait Aelita lui faisait terriblement peur. Sans en avoir conscience, peut-être avait-elle trop changé pour pouvoir toujours être aimée de Kristoff ?

Anna était terriblement heureuse, mais Anna était Anna et il lui arrivait parfois de se faire des films et de se laisser embarquer par la panique. Aelita n'était responsable de rien, simplement, en discutant avec elle, les questions d'Anna revenaient avec plus de force encore que la première fois. « Je crois, oui... » Attendez, peut-être que ce n'était pas le cas de Kristoff ? En avaient-ils parlé ? Elle commençait à en douter elle-même. « Peut-être qu'il a changé d'avis, mais qu'il n'ose pas me le dire... Tu sais, c'est possible ! Il n'a peut-être pas voulu gâcher ma joie... Après tout... Je devrais peut-être l'appeler ? » Et pour lui dire quoi : salut, tu comptes toujours m'épouser ? Il y avait certainement mieux à faire, c'était une évidence. Notamment, en premier lieu, attendre que ce moment de panique retombe avant de faire quoi que ce soit qu'elle regretterait ensuite.

Anna s'inquiétait. A juste titre, peut-être. A tort, très certainement. Il était vrai qu'elle avait trouvé Kristoff distant, dans un premier temps, mais... N'était-ce finalement pas normal ? Le choc, la surprise, l'étonnement, la joie... Il fallait laisser le temps aux choses, laisser ces sentiments passer avant de pouvoir se remettre et dire ce qu'il y avait à dire. Anna s'était inquiétée sur le moment, puis elle s'était calmée, elle s'était rassurée, avant de s'inquiéter à nouveau, dès qu'ils avaient dû se séparer. Des milliers de questions l'avaient alors envahie parce qu'elle avait peur. Peur pour la suite. Peur de l'avenir dont elle rêvait et qui les attendait. Peur d'être déçue. Elle craignait, aussi et surtout, d'être trop différente. Elle craignait qu'il ne se lasse d'elle ou qu'il n'aime pas la femme qu'il découvrirait avec le temps.

Ou peut-être qu'elle se questionnait trop, peut-être qu'elle s'inquiétait trop, peut-être qu'elle ne laissait pas assez de temps au temps pour que les choses se reforment doucement, pour qu'ils réapprennent à se connaître. L'amour était toujours là, bien présent, puissant... Le reste viendrait en temps voulu, non ? Et sa peur d'être trop différente, d'avoir trop changé... Encore une fois, seul le temps le lui dirait - et Aelita, qui tentait tant bien que mal de la rassurer. « Si jamais un jour il émet le moindre doute, je t'appelle et tu lui répètes tout ça. » Souffla-t-elle en souriant, touchée par les compliments de son amie. « J'espère que tu dis vrai. » Cette fois-ci, elle était plus sérieuse. Elle espérait sincèrement ne pas avoir changé au point où Kristoff découvrirait une femme qu'il n'aimait plus.

De son côté, elle n'avait pas l'impression que Kristoff ait beaucoup changé, mais elle pouvait se tromper également. Il lui faudrait aussi le redécouvrir, avec le temps - tout était toujours question de temps. Et même pour cela, son amie lui proposait une solution, une idée, quelque chose pour la rassurer. « Mais bien sûr ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? » S'exclama-t-elle un peu fort. « Je dois réunir tout ce qu'il aime, l'impressionner, lui montrer ce que je ressens pour lui... mais sans en faire trop ! Il n'aimerait pas que j'en fasse trop. Je dois juste trouver le bon moment, le bon endroit. Tu crois que je peux privatiser la patinoire ? Je préfèrerais être seule avec lui... » Au cas où il dirait non. Un non qu'elle refusait d'entendre, et plus encore en public. « Je suis tellement heureuse de l'avoir retrouvé, j'ai attendu ce moment tellement longtemps... Je ne peux pas tout gâcher à cause de mes questions et de mes craintes. » Anna se laissait vite embarquer lorsqu'elle ne maîtrisait pas quelque chose et qu'elle avait peur, et elle avait peur de tout gâcher à cause de ça. Mieux valait donc qu'elle se rassure une bonne fois pour toutes.

« Mais assez parlé de moi, je ne t'ai même pas demandé comment ça allait pour toi en ce moment ? » Parce qu'elle avait fait part de sa bonne nouvelle, puis de ses doutes, il était maintenant temps de s'intéresser à son amie, à son tour. Elle avait, après tout, hâte de l'entendre.