Pourquoi Anna avait décidé d'entrer dans ce local ? Parce qu'il était écrit de ne surtout pas y entrer ? Pour faire une bonne action ? Parce qu'elle était trop naïve pour se méfier de certains de ses camarades et de leurs mauvaises blagues ? Ou parce qu'elle était parfaitement inconsciente ? Peut-être pour un peu toutes les raisons à la fois, en y réfléchissant bien. Anna était à l'université - là où elle passait le plus de temps en dehors du refuge d'Elsa - et elle patientait entre deux cours. Cependant, tout comme les autres étudiants, Anna subissait les changements brutaux de température entre les différents coins des bâtiments. Elle ignorait ce qui était en train de se passer, mais elle passait de froid glacial à chaleur insupportable.

Des amis à elle - des connaissances qui allaient l'entendre, plutôt, après ce qu'ils venaient de faire - lui avaient expliqué la situation. Il y avait un problème technique, mais personne n'essayait de le régler. L'un des garçons du groupe avait alors réussi à la convaincre - par elle ne savait quel miracle - qu'il suffisait pourtant d'actionner un bouton ou une manette dans le local qui se trouvait non loin d'eux. Anna avait été méfiante dans un premier temps - l'équivalent, à peu près, de trente ou quarante secondes de méfiance - avant de finalement se laisser convaincre et, même, de se porter volontaire pour sauver les étudiants de ce temps insupportable.

Elle avait donc franchi la porte du local, armée de la lumière de son téléphone et elle s'était approchée pour trouver la manette décrite par son ami, en vain. Il faisait terriblement froid. Elle n'avait pas de manteau sur elle - pourquoi s'en encombrer alors que l'instant d'avant, dans la salle où elle se trouvait, il faisait si chaud ? - et elle ne voulait pas s'éterniser ici pour s'éviter des problèmes, alors Anna avait voulu sortir. Elle avait essayé de toutes ses forces d'ouvrir cette maudite porte, mais elle semblait coincée. « Eh, vous n'êtes pas amusants, ouvrez la porte ! » Criait-elle sans certitude que ses amis soient encore derrière - ni même sans savoir s'ils étaient responsables de la porte coincée. Le froid pouvait l'être tout autant. Ou la malchance naturelle de la jeune femme - pour lui ouvrir.  

Après avoir attendu en vain, Anna s'était résignée. Impossible d'ouvrir et les couloirs étaient déserts. Alors, elle attendait. Il faisait terriblement froid, mais elle n'avait pas d'autres choix. Elle ne pouvait qu'attendre et rester attentive pour signaler sa présence - elle avait bien tenté d'utiliser son téléphone, mais il n'avait plus de réseau, évidemment. Ainsi, à l'instant où il lui avait semblé entendre des bruits de pas, elle avait commencé à crier en tambourinant contre la porte. « Bonjour... Heu... Excusez-moi... Je suis coincée dans le local. Vous allez rire, quelqu'un m'a dit qu'il suffisait d'appuyer sur un bouton, mais que personne n'osait le faire, alors j'ai voulu le faire, vous comprenez ? Enfin, peut-être pas, parce que tout le monde n'agit pas ainsi, donc vous ne comprenez pas forcément, en réalité... » Lancée dans son petit monologue, elle se rendait tout de même compte qu'il était étrange que personne ne lui réponde. Peut-être avait-elle rêvé ces bruits de pas ? « Attendez, il y a quelqu'un ? » Parce qu'elle préférait éviter de parler toute seule et d'utiliser bêtement son énergie.

Anna se sentait stupide d'avoir été si crédule et de s'être laissée piéger de la sorte. Enfermée et en train de parler toute seule, en plus de se sentir stupide, elle se sentait ridicule. Heureusement qu'Anna n'avait pas beaucoup de fierté, cette dernière en aurait pris un sacré coup.

Enfin, qu'elle se rassure, elle ne devait pas parler toute seule puisqu'elle avait fini par entendre du mouvement derrière la porte. Du mouvement, mais aucune réponse... Elle ignorait si elle devait être rassurée ou avoir peur face à ce silence. Pourtant, elle n'y accordait pas vraiment d'importance puisqu'elle ne voulait qu'une chose : sortir d'ici.

Et elle avait eu raison d'espérer puisque la porte avait fini par céder et s'ouvrir face aux efforts de la personne qui se trouvait de l'autre côté. Anna s'apprêtait à sauter dans les bras de son sauveur - autant que le froid le lui permettait - mais sa réaction fut finalement tout autre. Submergée par tout ce qu'elle avait ressenti à l'instant où son regard avait croisé le sien, heureuse de le revoir, soulagée d'être sortie d'ici, surprise au point de ne plus savoir quoi dire, elle n'avait su que souffler son prénom, immobile : « Kristoff... » Elle avait l'air stupide - plus encore qu'après avoir été piégée et enfermée dans cette pièce - incapable de réagir correctement tant une partie d'elle lui disait qu'elle était juste en train de rêver.

Il lui avait fallu une minute ou deux avant de pouvoir raconter ce qui s'était passé, le pourquoi elle s'était retrouvée piégée ainsi. Sa veste autour d'elle pour tenter de se réchauffer, elle écoutait les remarques de Kristoff, toujours avec cette sorte de distance et de calme qui ne la caractérisaient pas vraiment. « Tu dois penser que je suis stupide. » Et il aurait raison. Personne ne se retrouvait ainsi pris au piège à cause de quelques malins qui lui avaient fait croire n'importe quoi. Elle ne remerciait pas sa naïveté pour ça.

Sans un mot - et il était important de souligner le calme et le silence dont faisait preuve Anna tant ce n'était pas dans ses habitudes - Anna avait suivi Kristoff. Son contact lui paraissait étrange, presque surnaturel tant il ne lui paraissait pas réel, mais il était réconfortant. « De ta faute ? Tu n'étais pas avec moi... Comment ça pourrait être de ta faute ? » Soufflait-elle, ne comprenant pas pourquoi il se sentait responsable de cette façon alors qu'il n'aurait rien pu y faire. Il n'était pas avec elle et même s'il avait été avec elle, il y avait fort à parier qu'Anna n'en aurait fait qu'à sa tête et y serait allée quand même. Alors, non, il n'était responsable de rien.

Il avait fini par la conduire dans une pièce où la chaleur agréable lui faisait un bien fou. Il l'aidait à s'installer, lui donnait des couvertures, afin qu'elle puisse se réchauffer plus rapidement. Elle avait si froid qu'il lui paraissait difficile de le faire, mais elle était habituée à supporter de telles températures - enfin, elle l'avait été, en cinq ans, son corps avait largement eu le temps de perdre cette habitude - et elle sentait déjà son corps se réchauffer lentement.

Il n'y avait aucun bruit, aucune parole échangée. Anna se réchauffait et réfléchissait. Etait-elle en train de délirer à cause du froid ? De rêver ? Etait-elle toujours coincée là-bas et s'inventait-elle toute cette histoire pour se rassurer ? Se pouvait-il qu'il soit vraiment là ? Après cinq longues et interminables années, se pouvait-il qu'il soit apparu, comme par miracle, dans un moment où elle avait eu besoin de lui ? N'était-ce pas un peu de cette façon qu'ils s'étaient rencontré la première fois ? Il lui était apparu au bon moment, celui où elle avait eu besoin d'aide, de quelqu'un pour être à ses côtés, pour l'accompagner... Peut-être que l'histoire ne faisait que se répéter.

Alors qu'elle se réchauffait peu à peu et que le froid devenait un mauvais souvenir, elle avait tourné le regard vers lui. Il était réel. Bien sûr qu'il l'était. Il était réel et il était là, juste à côté d'elle. Il était là, après cinq années d'absence. Il était là et elle sentait son coeur accélérer face à ce constat. Elle l'avait retrouvé - enfin, il l'avait retrouvée, pour être tout à fait exact. Ses efforts, l'espoir, l'attente... Tout venait d'être récompensé en un instant. Doucement, alors, elle était venue se blottir contre lui pour profiter de la chaleur qu'il dégageait, mais surtout pour profiter de ce contact perdu depuis longtemps. « Tu m'as manqué. » Anna avait l'impression de sentir une certaine... Distance ? Et Anna étant Anna, elle s'imaginait mille façons de justifier ce sentiment qui l'envahissait peu à peu - et qui était probablement injustifié. En cinq ans, il avait largement eu le temps de l'oublier, de refaire sa vie, de passer à autre chose. En cinq ans, ses sentiments avaient largement eu le temps de disparaître pour ne devenir qu'un souvenir. « Je t'ai cherché, je n'ai jamais arrêté. » Si ce n'était que la plus stricte vérité, elle espérait entendre quelque chose de semblable sortir de sa bouche. Ou, tout du moins, quelque chose qui lui prouverait qu'il n'était pas passé à autre chose, quelque chose qui ne l'obligerait pas à poser la question plus clairement.

Je sentais mon cœur battre plus fort dans ma poitrine, chaque battement résonnant comme un écho à travers les vastes étendues de mon âme. Il y avait quelque chose dans l'air, un frisson qui parcourait mon être tout entier, un sentiment profond et inexplicable. La présence d'Anna à mes côtés me réchauffait, bien plus que n'importe quelle couverture ou feu de cheminée. C'était comme si, après une longue et pénible séparation, la vie avait décidé de nous accorder une seconde chance.
Je me souvenais de chaque détail de notre rencontre, comme si c'était hier. Les flocons de neige qui virevoltaient autour de nous, le froid mordant qui semblait vouloir nous envelopper de son étreinte glaciale, et pourtant, rien de cela n'avait d'importance car j'étais avec elle. Anna avait toujours eu ce don unique de faire fondre la glace la plus dure, et je ne parle pas seulement de celle qui couvrait les montagnes d'Arendelle.

« Tu m'as manqué, » sa voix douce brisait le silence, un murmure qui portait en lui des années de souvenirs, de joies et de peines partagées. Je la serrais un peu plus fort contre moi, conscient que ce simple contact était un luxe que nous n'avions pas pu nous permettre depuis bien trop longtemps.
« Je t'ai cherché, je n'ai jamais arrêté. » Ses mots étaient comme une lueur d'espoir dans l'obscurité, un rappel que, malgré les distances, les obstacles et les années qui nous avaient séparés, notre lien restait indéfectible.
Je plongeai mon regard dans le sien, cherchant à y lire les sentiments qui s'y cachaient. Je savais que les mots pouvaient parfois se montrer insuffisants pour exprimer tout ce que l'on ressentait. « Anna, »   commençai-je, ma voix empreinte d'une émotion que je ne parvenais pas tout à fait à maîtriser. « Tu as été ma lumière dans l'obscurité, mon phare dans la tempête. Chaque jour sans toi était un jour de trop, et pourtant, j'ai continué à espérer, à croire que nous nous retrouverions. Et nous voilà. »  

Je marquais une pause, cherchant mes mots avec soin.
« Je sais que ces cinq dernières années ont été... compliquées. Et je ne peux même pas commencer à imaginer tout ce par quoi tu es passée. Mais je veux que tu saches, Anna, que rien - absolument rien - n'a pu effacer ce que je ressens pour toi. Tu es toujours restée dans mon cœur, comme une promesse que je me suis faite à moi-même. »  

Le silence s'était installé entre nous, un silence confortable, rempli d'émotions et de non-dits. Je la regardais, absorbant chaque détail de son visage, comme pour m'assurer que ce moment était bien réel, que ce n'était pas un rêve dont je me réveillerais.
« Tu sais… »  continuai-je, un sourire timide se dessinant sur mes lèvres, « Sven m'a beaucoup aidé pendant ton absence. Il a été là, comme un rappel constant de ce qui comptait vraiment pour moi. Et chaque fois que je me sentais perdu, je pensais à toi, à nous, et à tout ce que nous avons partagé. Cela me donnait la force de continuer, de ne jamais abandonner. »  

Je pris une profonde inspiration, laissant les mots qui suivirent couler librement, sans filtre.
« Je t'aime, Anna. J'ai toujours aimée. Et peu importe les épreuves que nous aurons à affronter, je veux que tu saches que je serai toujours là pour toi. Nous avons peut-être perdu du temps, mais je suis convaincu que l'avenir nous réserve encore de magnifiques aventures. Ensemble. »  

Je sentais le poids des années s'alléger, comme si, en partageant ces mots avec elle, j'avais réussi à briser les chaînes qui nous avaient retenus éloignés l'un de l'autre. J'étais prêt à affronter n'importe quelle tempête, tant que je l'avais à mes côtés.

Alors que nous nous tenions là, dans cette pièce chaleureuse, le monde extérieur semblait s'effacer, ne laissant place qu'à l'instant présent, un moment précieux et fragile que nous savions tous les deux vouloir chérir. Peu importait ce que l'avenir nous réservait, car à cet instant, tout ce qui comptait, c'était que nous étions ensemble, prêts à écrire le prochain chapitre de notre histoire.

Doucement, Anna se réchauffait. Doucement, elle comprenait ce qui était en train de se passer. Elle était en train de réaliser qui était à ses côtés. Elle était en train de réaliser qu'il était vraiment là. Elle avait douté, elle s'était demandée si elle n'était pas en train de rêver, mais il était vraiment là. Il était venu à son secours, il l'avait sortie de ce local et il était là, désormais, à ses côtés. Ce n'était pas un rêve, ni une hallucination.

Face au silence, Anna ne savait pas comment réagir. Elle n'avait jamais aimé le silence. Anna était bavarde. Anna parlait sans cesse. Anna ne restait jamais calme. Elle se sentait mal à l'aise dans le silence. Elle se sentait perdue. Et, surtout, elle se posait beaucoup trop de questions. Son imagination n'avait aucune limite. Ses doutes et ses craintes, non plus. Pourquoi ne lui parlait-il pas ? Cherchait-il un moyen de lui dire qu'il avait quelqu'un d'autre ? Cherchait-il un moyen de lui faire comprendre qu'il ne l'aimait plus ? N'avait-il rien à lui dire, tout simplement ? Fallait-il vraiment chercher une raison ?

Sans trop réfléchir, pour briser ce silence qui devenait oppressant, elle lui avait dit à quel point il lui avait manqué. Ce n'était que la plus stricte vérité. Une vérité qu'elle jugeait nécessaire de partager. Alors, à ces mots, Kristoff l'avait serrée un peu plus contre lui. C'était un contact qu'elle appréciait tout particulièrement. Un contact qui la rassurait... mais quelque chose la dérangeait toujours. Pourquoi ne parlait-il pas ? Pourquoi ne répondait-il pas à ses mots ? Il fallait dire autre chose, ne pas laisser le silence s'installer de nouveau. Alors elle ajoutait comme elle l'avait cherché pendant cinq ans, sans jamais s'arrêter. N'était-ce pas la preuve que, pour elle, tout était comme avant ? Qu'il lui manquait et qu'il lui avait manqué ? Qu'elle l'avait cherché et attendu ?

Il avait légèrement bougé pour pouvoir la regarder dans les yeux et, enfin, il avait rompu ce silence qu'elle ne supportait plus. D'abord, son prénom. C'était déjà une bonne chose, non ? Au moins, il ne gardait plus le silence. Mais avec juste son prénom... Bien des choses pouvaient suivre. Des bonnes choses comme des mauvaises. L'émotion dans sa voix, était-ce dû aux retrouvailles et aux mots qu'elle avait prononcés ? Ou à la difficulté qu'il avait à lui annoncer la pire des nouvelles ?

Lorsqu'il reprit la parole - après ce qui lui semblait être proche d'une ou deux éternités alors qu'il n'y avait eu, en réalité, qu'une seconde - Anna se sentit soulagée d'un poids. Cette déclaration n'était pas celle d'un homme qui allait lui dire qu'il avait refait sa vie ou qui ne l'aimait plus. Non, il lui racontait à quel point elle lui avait manqué, à quel point l'idée de la retrouver avait été un soutien précieux pour lui, à quel point ces cinq années avaient été difficiles... Et le meilleur de tout, les mots qui la soulageaient définitivement - mais qui ne supprimaient pas toutes ses questions : que rien n'avait changé pour lui, que rien n'avait jamais effacé ses sentiments pour elle. Il n'y avait rien de plus beau, de plus doux, de plus agréable, de plus rassurant pour elle.

Après cette déclaration, le silence s'était de nouveau installé. Heureuse, comme chaque trait de son visage devait le montrer, elle s'était de nouveau blottie contre lui pour profiter de sa chaleur et de sa présence. Pour une fois, elle était celle qui instaurait le silence. Elle essayait de graver chacun de ses mots, de les imprimer au plus profond d'elle-même et de se rassurer grâce à eux. Si tout lui paraissait si différent, c'était simplement parce qu'il leur fallait du temps. Cinq années sans se voir, ce n'était pas rien. Ce silence-là ne la dérangeait pas. Bien au contraire.

Cette fois-ci, elle n'avait pas été celle qui avait brisé ce silence. Kristoff l'avait fait. Il se confiait un peu plus encore sur ces années sans elle à ses côtés. Il évoquait Sven. Anna était heureuse de savoir qu'il avait été à ses côtés durant toutes ces années. Il avait forcément été un soutien précieux pour lui parce que Sven l'avait toujours été. Il évoquait la force des souvenirs également. Ceux qui lui avaient permis de tenir, d'attendre. Elle avait vécu la même chose. Chaque fois que ça n'allait pas, elle s'était raccrochée à de bons moments, à des souvenirs, à l'idée qu'ils s'en feraient de nouveaux un jour.

Anna s'apprêtait à répondre quelque chose, mais après une courte pause, il avait poursuivi. Il avait besoin de s'exprimer, de dire ce qu'il avait sur le coeur. Et Anna avait besoin d'entendre toutes ces choses. Elle avait besoin d'entendre à quel point il l'aimait et à quel point il l'avait toujours aimée. Elle avait besoin d'entendre qu'il était toujours prêt à surmonter toutes les épreuves pour elle et avec elle. Si le temps perdu ne se rattrapait pas, ils se construiraient de nouveaux souvenirs et ils avaient encore de longues années devant eux pour cela. Ensemble. Elle l'espérait. Elle avait peur de tellement de choses. Elle avait peur de l'avenir. Elle avait peur de ces retrouvailles après tant d'années. Elle avait peur de ne pas le reconnaître. Elle avait peur qu'il ne la reconnaisse pas. Elle avait peur que malgré l'amour qu'ils se portaient, ils ne puissent plus être ensemble. « Je suis heureuse d'apprendre que tu n'as pas été seul, que Sven était là, avec toi. » Souffla-t-elle, sincère, pour commencer. Elle n'aurait pas aimé savoir qu'il avait été seul pendant cinq ans. « Je serai toujours là, moi aussi. Je t'aime. Je... J'ignore où tout ça va nous mener, j'ignore comment sera notre vie dans ce nouveau monde, mais tout ce que je veux, c'est être avec toi. » Anna n'était pas particulièrement douée pour les longs discours. Sa maladresse, son habitude à prendre peur pour tout... Tout ça ne l'aidait définitivement pas, mais elle s'essayait à l'exercice. « Je sais que ce ne sera pas facile au début... Enfin, je le suppose, mais nous y arriverons. » Elle se rassurait elle, surtout, mais ses craintes étaient nombreuses et elle en avait besoin. « Je suis si heureuse que tu sois là, près de moi. » Qu'elle en perdait ses mots - et c'était une chose suffisamment rare pour le souligner.

J’avais toujours eu un peu de mal avec les mots… ou même avec le simple fait de parler, en fait, parce qu’à part Sven qui me comprenait directement, je devais pas mal réfléchir pour formuler correctement mes pensées… Et j’étais sûrement un peu maladroit dans tout ça, vu le nombre de fois où les paroles étaient mal interprétées… Je me souvenais tellement du nombre de tentatives dont j’avais eu besoin pour demander la main d’Anna ! et le nombre de fois où elle avait cru que je l’insultais… Non, vraiment, j’étais plus doué dans les actes que dans les paroles.

Alors, oui, j’avais pris le temps avant de répondre, parce que je ne voulais pas risquer de tout foutre en l’air, parce que j’avais peur de me tromper dans la façon de dire ce que j’avais envie de dire… Mais j’avais finalement pris mon courage à deux mains, rassemblé mes idées et j’avais ouvert la bouche. Rien n’aurait pu émousser la chaleur qui émanait de ces retrouvailles que j’espérais depuis tant d’années.
Les mots qu'elle m'avait adressés plus tôt résonnaient encore dans mon esprit, marquant chaque pas d'un mélange d'espoir et de crainte. Ces années de séparation avaient été un fardeau insupportable, mais aujourd’hui, nous étions là, l’un en face de l’autre, prêts à braver le monde ensemble. Comme je lui faisais face, je ne pouvais m'empêcher de la détailler. Elle avait changé, mûri, mais ses yeux pétillaient toujours de cette vivacité qui avait capturé mon cœur il y a des années.
Elle semblait perdue dans ses pensées, peut-être aussi anxieuse que moi sur ce que l'avenir nous réservait. Je devais rassurer ses doutes, calmer ses peurs. Après tout, c’était pour cela que j’avais parcouru des kilomètres, bravé les montagnes de neige et la distance qui semblait s’être moquée de nos rêves. Pour être ici ou ailleurs, peu m’importait, tant que je pouvais être avec elle.

« Sven… » dis-je doucement, en espérant que la mention de notre vieil ami la rassurerait. « Il a été mon confident, celui à qui je racontais mes espoirs de te retrouver. Il a dû en avoir marre bien souvent, mais il a été assez compréhensif pour ne pas trop me le montrer. »  

Sven aimait beaucoup Anna, lui aussi, et il m’avait plutôt semblé qu’il partageait ma peine et mes craintes parce qu’il n’aimait pas me voir souffrir de cette séparation forcée. Mais il m’avait parfois tout de même remis sur les rails quand la situation me semblait tellement difficile que c’en était insupportable. Si je n’avais pas craqué, c’était très certainement grâce à mon meilleur ami de toujours.

Anna me regardait, ses yeux cherchant dans les miens la sincérité de mes paroles. Je poursuivis, ma main cherchant la sienne, désirant ce contact qui avait tant manqué.

« Je sais que ces cinq années ont été un gouffre, un vide que rien ne semblait pouvoir combler. Mais nous sommes ici maintenant, toi et moi. Nous avons traversé des tempêtes, survécu à l'absence, et maintenant, nous sommes réunis… »  Je faisais une pause, laissant nos mains entrelacées parler plus fort que les mots. « Je n'ai jamais cessé de croire en nous, Anna. Je t'ai portée dans mon cœur, chaque jour, chaque instant. Et même si le monde autour de nous a changé, mon amour pour toi est resté le même. »  
La pièce était baignée d'une lumière douce, et tout semblait s'arrêter autour de nous. Je voulais lui dire tant de choses, rattraper le temps perdu, mais tout semblait se concentrer sur cet instant.
« Et maintenant que nous sommes ensemble,» continuai-je, « je veux que tu saches que je suis là, pour toi, pour nous. Peu importe les défis, peu importe les obstacles. Nous les affronterons ensemble, comme nous l'avons toujours fait ! »  

Oh, c’était bien vrai que nous avions franchi et affronté de nombreux obstacles ensemble… un hiver sans fin, une montagne sans merci, des princes sans scrupules… et j’étais prêt à recommencer s’il le fallait.
Le silence s’installa, confortable, rempli de promesses et d’espoirs partagés. Anna semblait réfléchir, absorbant mes paroles, et je pouvais voir un sourire timide se dessiner sur ses lèvres.

« Nous avons perdu beaucoup de temps, c'est vrai,» murmurai-je, « mais je crois en nous, en notre avenir. Je crois que nous pouvons retrouver ce bonheur que nous avions, le construire encore plus fort et plus vrai.»  

Les mots coulaient librement, guidés par le cœur. Je ne voulais pas de secrets entre nous, pas d'inquiétudes cachées. Je voulais qu’elle sache tout, qu’elle sente combien elle comptait pour moi.
Et dans le murmure de nos voix, dans le frôlement de nos mains, se tissait le fil d'un avenir, fragile mais plein de promesses, un avenir où, malgré le froid et les défis, nous trouverions notre chemin. Ensemble.