(terminé) A violent act of reciprocity [Hannibal]

▿ Date de naissance : 17/11/1984

A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

Vif, alerte, fusil de chasse à bout de bras, Will éteint la lumière, dans l’attente de ce qu’il sait devoir advenir. Les aboiements lointains de Winston, avertissement dans la pénombre, raisonnent à son oreille telle une alarme bienfaitrice. Ce qui vient pour lui, il le sait d’ores et déjà, est une mise à l’épreuve. Il l’accepte comme telle, le cœur battant à un rythme si lent qu’il en est presque inattendu. La proie se fait chasseur. Qu’il vienne. Will est prêt. Les autres chiens se joignent bientôt à ce concert d’aboiements de plus en plus disharmonieux. Alors la bête entre en sa demeure, brise les carreaux de la fenêtre. Will n’a que le temps de se jeter au sol, sur le côté. De son arme, il le tient en joug, et les aboiements des chiens ne sont plus ce qu’il entend. La bête meurtrière n’est plus ce qu’il voit.

Ce n’est pas le visage de Randall Tier qui s’expose à la fureur meurtrière de Will Graham, ce n’est pas son regard qui soutient le sien tandis que, fusil de chasse finalement abandonné au sol, il le surplombe de toute sa hauteur, ravage son masque squelettique de coups de poings compulsifs. Will ne voit plus que lui. Et c’est lui que ses poings martèlent, lui et son visage dont le sourire ne s’efface pas. Jointures des mains ensanglantées, Will ne s’arrête pas pour autant, poursuit encore son œuvre, extérieur à lui-même et, dans le même temps, davantage lui-même qu’il ne l’a jamais été. Plus en vie qu'il ne l'a jamais été. L’émotion qui l’étreint au moment de tordre le cou de la créature est de celles que l’on n’exprime en mots. Elle le laisse sans voix, sans souffle, tandis que celui qui n’avait été ni humain, ni bête, s’éteint dans un ultime gémissement. Will se recule et alors il le voit, non plus celui sur qui portait cet acharnement sadique, mais l’homme qu’il a bel et bien tué…

Son dos s’écrase contre le mur le plus proche tandis qu’il se laisse tomber au sol, saisi de tremblements soudains. Il rejette la tête en arrière, tente de reprendre le contrôle sur sa respiration et sur les émotions qui l’assaillent toutes d’un coup. Le calme se fait oppressant. Les chiens ont cessé d’aboyer. Les minutes s’égrainent longuement avant que Will ne retrouve de son pragmatisme. Choisisse de saisir l’occasion qui lui est ici accordée. Il se rapproche du cadavre encore frais de Randall Tier, retire sa mâchoire bestiale qu’il a fracassée de ses propres poings. C’est la force d’un autre qui l’aide à traîner la carcasse sans vie du jeune homme qui au fond, et par bien des aspects, n’était sans doute pas bien différent de lui, jusque dans le coffre de la voiture.

Durant le trajet qui le conduit depuis Wolf Trap jusqu’à Baltimore, Will se découvre un calme de composition qui le surprendrait presque lui-même. Il a pris le temps de se changer, de nettoyer le sang sur son visage. Décidé, déterminé. A mesure qu’il se rapproche de lui et que la terreur devrait le gagner, c’est autre chose qui domine. De la résignation, de la détermination. De l’impatience.

Le cadavre de Randall Tier offert sur sa table, voilà le spectacle qu’il offre à Hannibal quand ce dernier ouvre la porte. Will ne le regarde pas, les yeux toujours penchés sur sa victime, mais il n’a guère besoin d’amarrer son regard au sien pour savoir sur son visage cette impassibilité clinique qui ne le caractérise que trop bien. Il ne laissera rien, pas même la surprise, le trahir. Surpris, peut-être ne l’est-il pas d’ailleurs, car après tout, tout ceci s’inscrit probablement dans un plan plus large, et dont il a fait de lui le protagoniste principal. Tout ceci est son dessein.

« Je dirais que maintenant nous sommes quittes. » La voix de Will se détache des ténèbres. Neutre, implacable. Elle ne tremble ni ne se vacille. Hannibal, lui, ne répond rien, mais Will peut enfin sentir son regard se poser sur lui. « J’ai envoyé quelqu’un vous tuer. Vous avez envoyé quelqu’un me tuer. » Enfin, il lève les yeux, et son regard happe immédiatement le sien sans chercher à s’y dérober, comme pour lui laisser le loisir d’y lire l’ampleur de ce qui doit se jouer ici et maintenant. Un piège qui ne se sera peut-être pas refermé sur qui l’on croit. « On est à égalité. »

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▿ Date de naissance : 19/02/1972

A violent act of reciprocity

Dans l'attente d'un retour. Ce qu'Hannibal a voulu, ce n'est pas le respect strict et absolu de la loi du Talion. Il a certes voulu faire payer l'incivilité de Will en lui rendant une "courtoisie" équivalente, mais le résultat qu'il a souhaité voir en découler dépasse de très loin la simple notion de vengeance. Il ne veut pas se venger de Will, il veut le libérer. Randall Tier, pion parmi tant d'autres sur un échiquier qui en regorge. Un pion qu'il est nécessaire d'abattre pour que le cavalier, le roi, le fou, qu'importe comment il souhaitera se nommer, puisse alors pleinement s'épanouir. L'attente. Les éléments sont mis en place, mais Hannibal rencontre dans le silence de la nuit les limites d'un plan qui lui échappe en partie. Laisser à un autre une telle marge de liberté, lui laisser une occasion de vous surprendre, c'est prendre le risque, en retour, de perdre une part de ce contrôle qu'il est si satisfaisant, pourtant, de ne garder que pour soi. Pour la première fois depuis ainsi dire toujours - depuis Mischa, en tout cas -, Hannibal s'en remet à la décision d'un autre, bien conscient pourtant de son instabilité, de son impétuosité. Il ne peut rien deviner de ce qui résultera de cette nuit. Souffler au travers de la chrysalide et attendre. L'expérience est neuve pour lui, dans ces proportions, du moins, mais elle est remarquable, aussi. Elle s'accompagne, notamment, d'une anxiété qu'il ne soupçonnait pas de ressentir en ces circonstances. Ce doute, infime, qui serre un coeur d'ordinaire si froid et détaché : la possibilité qu'il ne survive pas.

Le doute et la crainte doivent rapidement se dissiper, néanmoins, au profit d'un spectacle qui transcende, et de loin, la moindre de ses attentes. Passé le pas de la porte, le spectacle lui couperait presque le souffle : le corps étendu de Randall Tier sur sa table et Will, droit comme un piquet, le regard détourné mais la voix claire. Le psychiatre prend tranquillement le temps de refermer la porte derrière eux, sans afficher le moindre signe d'un trouble quelconque. Au moment de reprendre sa thérapie, Will a été très claire : plus de mensonge, que des omissions. Hannibal, à sa manière, a tenu parole. Il ne feint d'inquiétude ni pour Will, ni pour les circonstances. C'est à peine s'il dissimule à Will combien il savoure cette situation, au fond. Hannibal le détaille des yeux avec intérêt, mais sans pour autant esquisser aucun geste. Il n'en montre rien, il est impossible en cet instant de constater cette jubilation intérieure qui est la sienne. La neutralité de son faciès dissimule une émotion bien plus proche de la satisfaction pure que de l'inquiétude. Il est là. Et il lui est revenu, autrement. C'est ce qu'il a toujours voulu pour lui. Ils sont à égalité. C'est le cas de le dire. Egaux, ils le sont depuis toujours... mais pour cette fois, en cet instant particulier, leurs obscurités se toisent et se confondent, elles n'en forment plus qu'une. Et c'est particulièrement plaisant. Un léger hochement de tête, et Hannibal lui répond, tranquillement, posément.

"J'ai seulement voulu vous rendre la politesse", répond-il, ignorant cette fois complètement le cadavre entre eux pour ne plus contempler que son regard et l'obscurité qui s'y dévoile. "Sans la mort la vie perdrait son sens. C'est la perspective de la mort qui nous pousse à accomplir de grandes choses", reprend-il en contemplant enfin avec intérêt le corps encore frais de Randall Tier. Il n'a pas besoin d'un coup d'œil minutieux ou expert pour immédiatement s'imaginer la brutalité avec laquelle Will s'est attaqué à lui. "L'avez-vous tué à mains nues ?"

Il n'a pas vraiment besoin de sa réponse pour le savoir. Il songe à ce qu'il a pu lui dire par le passé. Que ce serait de cette manière qu'il l'aurait tué, lui. Le regard d'Hannibal se reporte sur les mains de Will, dont il découvre les jointures ensanglantées.

"Il méritait cet intimité. Il vous voyait comme son dernier ennemi." Hannibal, tout en prononçant ces mots, se rapproche de Will, récupère doucement sa main dans la sienne pour en examiner la chair meurtrie. "Nous ferions mieux de nous occuper de ceci."

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▿ Date de naissance : 17/11/1984

A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

Il est un affront qu'Hannibal ne s'autorise plus à lui faire depuis de longues semaines, et il est, à dire vrai, plaisant, presque apaisant. Il y avait dans ses conversations avec le psychiatre toujours quelque chose d'équivoque, un rapport de force tacite imposé par ce que l'un mentait à l'autre, un autre qui s'était peut-être montré plus sincère à son adresse qu'envers n'importe qui d'autre. Hannibal a respecté ses engagements envers lui. Il se compromet partiellement, par un faisceau d'indices qui on pu laisser à Will un accès plus prégnant que jamais à ce qu'il est réellement, au-delà de la façade qu'il aborde afin de berner le plus grand nombre. Il ne cherche pas à dissimuler son implication dans ce qui est arrivé, pas plus qu'il n'affiche de surprise ou de crainte. Il est lui-même, indéchiffrable à qui ne sait pas lire entre les lignes, lignes que Will a fini par présumer être le seul à véritablement savoir décrypter comme il convient. Will ne lève pas les yeux vers lui tandis que ce dernier ferme la porte derrière lui, pose un regard attentif au cadavre encore frais de Randall Tier, juste là, sous ses yeux, qui est le seul spectacle que le profiler s'impose pour le moment. Jusqu'à ce que, du moins, la réponse très honnête d'Hannibal ne vienne percuter ses tympans. Aux premiers propos d'Hannibal sur cette politesse rendue, Will sourit presque malgré lui, d'un sourire néanmoins cynique. Ces circonstances marquent un nouveau pas dans leur relation, qu'il ne sait définir quand bien même les mots ont été prononcés, et qu'ils ont leur importance. Ils sont à égalité. Ces mots peuvent s'entendre de bien des manières, en réalité.

"Les gens civilisés pensent encore que détruire une vie reste un tabou."

A quelle catégorie appartient-il encore. Il peut se remémorer avec exactitude chacune des sensations qui l'ont traversé au moment de prendre la vie de Randall Tier. Chaque question d'Hannibal semble en sous-tendre une autre. Lui demander s'il a tué sa victime à mains nues revient à le questionner sur ce qui avait fait l'objet d'une précédente "conversation", entre eux. Alors, il lui avait expressément demandé de quelle manière il fantasmait de le tuer. Will avait répondu sans l'ombre d'une hésitation. Parce que c'est bel et bien ce qu'il ressentait. Au plus profonde de ses chairs.

"Ca a été..." Comment le décrire d'une autre manière que celle que lui avait soufflée Hannibal quelques jours plus tôt, et qui semble en effet, pour de très nombreuses raisons, le mieux convenir en effet. "... intime."

Encore un peu extérieur à lui-même, c'est à peine s'il prend véritablement conscience de cette douleur lancinante, de combien la peau de ses jointures a été arrachée. Le sang, la chair à nu sont autant d'indices, ceux d'une violence qu'il ne saurait plus en mesure de dissimuler. Sa vérité. Sa violence. Quand Hannibal se rapproche et se saisit doucement de sa main, Will le laisse faire sans réagir - ou à peine. Le léger frisson qui lui traverse l'échine vole un peu de son souffle, mais il n'y prend pas garde. Il lève enfin les yeux vers Hannibal au moment de l'entendre affirmer qu'ils devaient s'occuper de ceci, plus soucieux de ses mains endolories que du corps encore chaud qui semble qui semble avoir quitté leurs préoccupations communes. Tandis qu'il relève le regard, il constate combien ils sont près l'un de l'autre. Chaque parole de sa part dépose un souffle léger sur son épiderme. Econome en mots, il hoche simplement la tête. Une intimité méritée selon lui.

"Vous lui avez fortement suggéré que je l'étais", réplique Will quand Hannibal suggère que Randall a pu le voir comme son dernier ennemi. "Vous avez façonné l'histoire de toute pièce, vous avez écrit le dénouement à l'avance", observe-t-il doucement. Hannibal n'avait eu aucune intention de le tuer. Il avait su. Tout avait été orchestré précisément en ce sens.

Il ressent sa voix comme distante. Ce qui le raccroche à l'instant présent, ce ne sont pas tant les paroles d'Hannibal que la pression douce de ses doigts sur son poignet. Il devrait peut-être avoir la présence d'esprit de s'écarter, il n'en fait rien. Il se laisse asseoir sur une chaise, contre la table où la bête, toujours, repose de son sommeil à perpéuité, tandis qu'Hannibal prépare de quoi panser ses plaies.

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A violent act of reciprocity

Les notions de vie et de mort telles que conçues, appréciées et adoptées dans l'imaginaire collectif ne sont que rarement du goût d'Hannibal, qui en considère une autre conception... de celles qui le dédouanent de ses actes les plus odieux ? Peut-être bien, mais il ne consent pas à ces raisonnements dans l'espoir vain d'une quelconque miséricorde divine. Hannibal estime seulement avoir adopté un rôle qui s'épargne les codes moraux généralement admis : un rôle qui lui sied comme un gant, dans lequel il peut se confondre comme revêtu d'une seconde peau. Prendre une vie est un tabou pour ceux qui s'offusquent qu'on a prenne. Les notions de civisme n'ont que peu avoir avec cela. L'héritage des civilisations les plus acceptées est bien souvent rougi du sang versé, celui d'ennemis, au nom de prétextes plus fourbes que celui à ses yeux plus acceptable de prendre une vie pour le seul plaisir de tuer.

"Sans la mort la vie perdrait son sens. C'est la perspective de la mort qui nous pousse à accomplir de grandes choses."

La mort est une chose qu'Hannibal n'a jamais prise à la légère. Sans prétendre qu'il la redoute, il a du moins sciemment conscience de la fragilité de l'existence et de la facilité avec laquelle il pourrait bien tout perdre. C'est en parfaite connaissance de cause qu'il s'abstient de dire quoi que ce soit de plus. La vie et la mort sont intrinsèquement liées dans la logique (tordue) d'Hannibal Lecter. Comme les deux facettes d'une même pièce. Le hasard et les circonstances se jouent de ces deux notions, mais en domine la substantifique moelle peut vous donner n bref mais saisissant sentiment d'immortalité, à nul autre semblable. L'adage romain "memento mori" revêt beaucoup de valeur aux yeux du cannibale, c'est la conscience de notre mortalité qui confère à coup sûr à l'existence tout son sens. C'est ainsi que l'on peut aussi reconnaître à sa juste valeur l'importance à accorder à une vie que l'on prend. Il faut savoir reconnaître en cet acte toute la puissance symbolique, sans quoi il perd naturellement son intérêt. En cet instant, Hannibal sait que Will l'a compris sans qu'il soit nécessaire de sa part d'insister davantage. Il confesse en un adjectif qui n'est pas dénué de sens avec quel intimité il s'est attaqué à sa victime. A mains nues. Comme il lui a confessé par le passé vouloir le tuer, sans s'embarrasser du moindre intermédiaire. Oui, Randall Tier méritait son intimité, comme il la mériterait également.

"Est-ce vraiment lui que vous aviez le sentiment de tuer ?"

Ou n'était-ce pas plutôt celui-là même qu'il est venu trouver dans l'intention... Dans quelle intention, plus précisément ? Dans l'optique de lui montre son oeuvre. Sans doute aussi parce qu'il était le seul vers qui Will, en ces circonstances, pouvait se tourner. Cette pensée en particulier lui plaît plus que les autres. Will avait par le passé suggéré qu'Hannibal ne voulait pas qu'il ait quoi que ce soit dans sa vie qui ne soit pas lui. Le moins que l'on puisse dire est qu'il est loin d'avoir eu tout à fait tort. Hannibal n'a guère l'intention de reprocher à Will ses intentions vis-à-vis de lui. Elles sont non seulement légitimes mais pourraient bien être salvatrices, quand bien même elles ne devront pas être mises à exécution. Il faudra que Will canalise cette violence, qu'il se l'approprie jusqu'à faire corps avec elle. Et en ce sens, il est sur la bonne voie.

D'un geste, se saisissant doucement de son poignet et ne le relâchant pas jusqu'à ce qu'il ait installé Will sur une chaise, il le conduit et apprécie la docilité dont Will fait preuve à son adresse. Hannibal peut le sentir, il est dans un état second, et Hannibal ne peut que le comprendre. Bassine d'eau, bandages et antisceptiques déposés sur la table, c'est avec le plus grand soin et une immense douceur qu'Hannibal s'applique à nettoyer sa plaie, à panser sa blessure. Il y a dans ce regard scrutateur qui le toise et ne le lâche pas quelque chose qui ressemble à de la fascination. Il a su susciter le goût du meurtre dans bien des esprits, attiser une flamme qui parfois n'était que braise, entretenir la violence dans son expression la plus exquise. Mais avec Will, c'est différent. Ce qu'il lit dans ce regard lointain, perdu, c'est quelque chose à mi-chemin entre la résignation et la fascination. Hannibal ne s''est jamais senti plus proche d'obtenir précisément de Will ce qu'il a toujours voulu pour lui, à l'instant même où son regard a croisé le sien et que ce regard l'a fui.

"Ne vous renfermez pas sur vous-même", se sent-il l'obligation de préciser, ressentant cette lueur dans ses yeux qui pourrait être assimilée à une pulsion de fuite. Il comprend, ce moment est fondateur, il exprime et veut dire bien plus qu'on ne le soupçonnerait. S'éloigner mentalement de cet instant serait réfuter son devenir. C'est impensable. Il faut, bien au contraire, qu'il demeure où il se trouve. Là où est sa place. Avec lui. "Vous avez envie de battre en retraite. Je connais cette pulsion." Il ne la connaît pas pour l'avoir un jour ressentie, mais parce qu'il en a vu d'autres avant lui tenter vainement de résister, en se repliant en eux-mêmes comme si cela avait la moindre chance de mener où que ce soit. "L'appel du vide qui nous incite à nous rapprocher du précipice. N'y cédez pas", reprend-t-il en enroulant les bandages autour de ses jointures nettoyées où le sang menace constamment d'affluer. "Restez avec moi."

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A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

De grandes choses… Les choses, grandes ou petites, ont une définition différence en fonction de qui les accomplit et de qui observe leur accomplissement, cependant, Will est capable de souscrire à la vision d’Hannibal – et même, il est capable de la comprendre… Pour cause, il l’a ressenti d’une manière inattendue au moment de ressentir une nouvelle fois avoir droit de vie et de mort sur un autre individu. Un éphémère sentiment d’immortalité, comme si prendre une vie donnait un sens nouveau à la vôtre. Sans la mort la vie perdrait son sens, en effet… Ce n’est pas pour autant qu’il est tout à fait convaincu de son geste… il n’a aucun regret… la vérité, c’est qu’il ne sait surtout que faire de cette remarquable exaltation, qui le prend de cours, et qui semble importer plus que tout le reste. A cette réflexion, il ne répond pas. La vérité, c’est qu’il ne sait qu’approuver silencieusement. Ce n’est pas un jeu ou une stratégie. Il a pénétré l’antre de la bête à dessein, mais cette conversation est totalement sincère. Il ne triche pas, il ne joue pas : il est tout à fait sincère avec ce qu’il pense et ce qu’il ressent.

"À votre avis ?"

Un filet de cynisme traverse sa voix au moment de poser cette question à celui qui le sait forcément. La rage avec laquelle il avait frappé le visage de Randall Tier avait trouvé, à l’évidence, son origine dans cette impression vive d’avoir affaire au commanditaire plutôt qu’au commandité. C’était le visage d’Hannibal que ses poings avait heurté avec force. C’étaient les os d’Hannibal qu’il avait voulu briser… Et cela, bien sûr, Hannibal ne peut l’ignorer. Si ce dernier doit être terriblement satisfait de l’œuvre qu’il a accomplis, il ne aurait être dupe pour autant : le pardon ne s’accorde pas si facilement. Alors en effet, le psychiatre ne pas être dupe de ce qu’avaient été ses intentions, et au fond, sans doute parvient-il à s’en réjouir, à sa manière très particulière. Peut-être même considère-t-il qu’ils sont quittes pour de vrai, même s’il ne peut rien en être.

Il ne se justifie pas, il ne dit rien du plaisir singulier qu’il a éprouvé à avoir la vie de son tourmenteur entre ses mains. Il s’était senti surpuissant, alors. Il n’en dit rien, non, mais sans doute Will le sait-il quoi qu’il en soit, sans aucun besoin de le spécifier davantage. Il se laisse asseoir près de la table, frissonne légèrement au contact des doigts d’Hannibal quand ces derniers se saisissent de sa main pour bander sa plaie avec une précaution qui semble aussi attentionnée que professionnelle. Il y a une délicatesse presque déconcertante – mais agréable – dans chacun de ses gestes.

La voix du psychiatre lui paraît pour le moins lointaine quand ce dernier lui recommande de ne pas se renfermer sur lui-même, alors que ses pensées s’égarent en des territoires dangereux. A-t-il vraiment envie de battre en retraite ? Peut-il mentir à ce sujet ? Bien sûr, qu’il le veut. L’ordre explicite d’Hannibal trouve un écho lointain dans un esprit partiellement absent. Se dissocier de lui-même est en cet instant particulièrement tentant, il doit bien le reconnaître. L’appel du vide qui nous incite à nous rapprocher du précipice… Mais n’a-t-il pas déjà sauté à pieds joints dans ce même principe ? C’est définitivement son sentiment, et il ne peut définitivement prétendre qu’il n’en est rien. Il est tentant de céder à cette pulsion de vide, de dissociation. Il a cédé à ce doux vertige, et à présent…

"Je gage que vous n’avez jamais ne serait-ce qu’effleuré une telle pulsion", réplique-t-il avec ce qu’il est encore capable d’afficher d’arrogance en dépit des circonstances bien particulières. Pour autant, quand Hannibal lui demande de rester avec lui, une seule et unique réponse traverse ses pensées, qui occulte toutes les autres. Sa réponse est spontanée, directe… elle s’épargne toute forme de réflexion. Elle est l’expression la plus manifeste de ce à quoi l’invite ce moment très particulier. "Où d’autre pourrais-je aller ?"

Si ce n’est à ses côtés ? Les autres options sont évidentes, mais au moment de prononcer honnêtement ces quelques mots, ces options en question ne l’effleurent pas un seul instant. En cet instant, il est sa seule option.

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La réflexion de Will, d’un cynisme assumé, décoche à Hannibal une fine esquisse de sourire sincère. Devrait-il se sentir affecté par ce qui n’est en soi pas une révélation pour lui ? Faut-il qu’il s’alarme qu’en prenant une vie dans des circonstances si violentes (les marques sur le corps et surtout sur le visage de Randal Tier ne laissent aucun doute quant à la nature profondément brutale du conflit qui les a opposés), Will ait songé que c’était sa vie qu’il prenait. Non, c’est à vrai dire une démarche saine, et justifiée par ailleurs par la réciprocité bien réelle de leurs échanges, et qui n’a jamais été plus assumée qu’en cet instant. La nouvelle étape de sa transformation, celle qui le mènerait lentement, mais sûrement, vers son devenir ne pouvait s’épargner une violence comme celle-ci, proche de viscérale : c’était attendu, oui, et Hannibal ne prétendra pas s’en sentir surpris. Est-ce que cela signifie pour autant que Will, après s’être fait la main sur sa victime, cherchera à s’en prendre à lui. L’hypothèse est certes probable, mais le psychiatre la rejette d’un revers de la main. Un seul regard en direction de Will suffit à le convaincre qu’ils ont tout deux dépassé une étape. Il serait inconscient de la part d’Hannibal de ne pas croire en quelque volonté de revanche de la part de Will dans les temps à venir, mais il pense également qu’il sera en mesure de canaliser cette rage, cette haine, cette violence à de meilleurs desseins. Plus apaisés, probablement. Comme ils se doivent de l’être. Un changement s’est opéré, il se constate dans ces prunelles encore fuyante… la chenille s’est extraite de sa chrysalide. Elle est prête, à présent pour l’inévitable, la nécessaire transformation. Une métamorphose qu’Hannibal a tant attendue qu’il en éprouve une émotion plutôt vive au moment de considérer l’instant charnière auquel ils sont advenus. Hannibal ne rétorque rien à la réflexion provocatrice de son vis-à-vis.

C’est sur lui qu’il se concentre alors, pas uniquement sur cet esprit brillant et empathique qu’il s’est efforcé de façonner, mais sur un tout. Will a nagé entre deux eaux pendant bien longtemps. Il l’observe ainsi qu’il l’a toujours entrevu. Ce qui n’était encore qu’une image, une projection partiellement déguisée par ses propres fantasmes, devient un être véritable, concret, et Hannibal ne peut s’empêcher de lui vouer une certaine forme d’admiration… mais les contours en sont encore flous, lointains… Hannibal le voit bien : Will cherche à s’échapper, à fuir la réalité de sa condition. A se précipiter sous les rails du trail, à se jeter dans le vide. C’est son geste qui doit le retenir.

"Vous seriez peut-être surpris…", répond doucement et évasivement Hannibal quand Will observe qu’il n’a probablement jamais ressenti cette même pulsion de son côté, tout en s’appliquant à serrer fermement les bandages autour de sa main, quitte à susciter une légère mais bénéfique douleur (ne le sont-elles pas toutes ?).

Le serait-il en effet ? A-t-il tort de penser qu’aucune pensée de la sorte ne l’a jamais effleuré ou tourmenté ? Peut-il véritablement croire que ces pulsions lui sont étrangères ? Elles ont cessé de le tourmenter de longue date, elles ont pourtant, fut un temps, manqué réellement de l’affecter. La tentation fut grande, à la mort de Mischa, de se laisser entraîner par l’appel du vide. A la place, il a choisi celui des abysses, et la différence, si elle ne vous apparaît pas d’office, est peut-être notable. Il n'est plus le gamin terrorisé qu’il fut au moment de perdre sa sœur. Il n’est plus non plus l’homme incertain qu’il était dans ses premières années d’expérimentation, à Paris ou à Florence. Will en passera également par ces différentes étapes, celles d’une transformation certaine et pérenne. Son devenir. Quand Hannibal lui demande de rester avec lui, cette demande est double, il veut l’ancrer à l’instant présent. Il veut aussi le placer sur un chemin commun qu’il ne pourra dès lors plus jamais déserter.

"Vous pourriez aller n’importe où." Hannibal le pense. Cette nouvelle condition lui confère un droit et une liberté exceptionnels, pour peu que Will daigne les accepter et explorer ces opportunités. "Vous devriez en être heureux…" C’est une porte qui s’ouvre vers une multitude d’autres, la fin d’un autre soi vers une forme plus libre et remarquable de lui-même. "… moi je le suis."

Évidemment qu’il l’est. En cet instant, Hannibal pourrait difficile prétendre ne pas avoir le sentiment d’avoir tout gagné.

"C’est une contradiction qu’il vous faudra dépasser. Elle vous sera moins pénible quand vous aurez su admettre que presque tous nos actes, et la grande majorité de nos croyances, sont motivés par la mort."

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A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

Will observe un instant son interlocuteur sans réagir. Si les traits de son visages paraissent peu expressifs, il y a dans son regard cette lueur de curiosité que le psychiatre ne lui connaît sans doute que trop bien. Le serait-il vraiment, surpris, s’il devait bel et bien découvrir que des émotions comme celles qui le traversent en cet instant lui ont autrefois appartenu ? Il émet de véritables doutes à ce sujet, il ne pense définitivement pas qu’Hannibal Lecter soit véritablement capable de cette distanciation de soi que suggère la réalisation d’un meurtre. Il faudrait pour cela qu’il soit capable d’une empathie dont le profiler l’estime dénué quand lui-même voudrait plus que jamais que ce trait de personnalité ne lui colle pas à ce point à la peau. C’est certainement un jeu, au fond. Il suggère mais ne ressent très probablement rien dans tous les cas. Même à l’époque, même quand le monstre n’en était qu’à ses premiers balbutiements. Pour être tout à fait honnête, il est incapable de concevoir le persona d’Hannibal Lecter comme autrement que né monstre. L’horreur qu’il incarne a peut-être évolué mais se sera sans doute exprimée dès les premiers balbutiements de sa personnalités. Il ne peut en concevoir d’origine torturée et complexe. Alors en effet, découvrir qu’il aura lui aussi été la cible privilégiée de cet appel du vide serait une surprise, mais il ne réclame pas davantage d’informations. Il sonde seulement son regard à la recherche d’une information, d’une preuve, de ce quelque chose qui attesterait le mensonge présumé. Ce qu’il trouve frappant au moment de planter ainsi son regard dans le sien, c’est selon toute attente la sincérité pure qu’il y découvre. Depuis son retour de prison, les choses ont été claires. Si Hannibal Lecter était contraint de mentir, Will, de son côté, ne lui rendrait pas la faveur, mais de cet instant, le mensonge paraît absent. Hannibal s’est déparé de son costume de psychiatre pour ne revêtir que celui de l’homme – de la bête. Il se montre à lui sous sa plus pure et distincte expression. Et réciproquement ? Peut-être bien. N’en déplaise à Will, il n’aura peut-être jamais été aussi honnête envers Hannibal – et envers lui-même – qu’en cet instant bien précis.

Au moment de lui répondre si naturellement qu’il n’aurait nulle part ailleurs ou aller, il pourrait invoquer le jeu de manipulation auquel il s’adonne en cet instant. Ce ne serait pas un mensonge, pas exactement. Mais ce ne serait pas la vérité non plus. Hannibal a raison, il pourrait aller n’importe où. Cet événement, ce moment bien spécifique, a ouvert pour lui un champ infini de possibilité qu’il n’est pas en droit de nier. Oui, il pourrait aller où il voudrait, faire ce qu’il voudrait. En dépassant le seuil de sa propre moralité et de ses propres principes, il s’est libéré d’entraves dont il n’avait même pas eu conscience jusqu’alors, et qui sont loin d’être anodines. Will pourrait aller n’importe où, mais surtout, il pourrait être n’importe qui. Se fondre dans n’importe quelle peau, décider de n’importe quel chemin. Il est à l’aune d’un destin grandiose qui lui ouvre tous ses possibles, une infinité de portes dont aucune n’est verrouillée. Avant d’ajouter quelques mots qui étirent ses lèvres un sourire des plus cyniques. Il devrait être heureux… Est-ce qu’il est heureux ? Non. Ou du moins, il est… galvanisé, submergé, tourmenté… il ne sait pas quoi penser, en réalité, tant il se laisse dépasser par tout ceci.

« Bien sûr que vous l’êtes », ne peut évidemment s’empêcher de lâcher Will d’un ton qui en dit clairement long sur ce qu’il pense de ses manipulations.

Est-ce un reproche pour autant ? Il pourrait le prétendre, mais ce n’en est pas un, pourtant. Ce n’en est pas un, car au fond… s’il accepte de regarder en lui-même, il y a, au-delà de l’animosité, une sorte de gratitude qui ne s’avoue pas le moins du monde, qui n’ose pas dire son nom.

« Parce que ces actes nous motivent, alors la mort serait soudainement justifiée ? La mort des autres, bien sûr… », reprend-il toujours avec la même part assumé de cynisme, comme l’ultime rempart entre lui et sa morale défaillante. Il baisse le regard sur sa main à présent soignée. Il n’ose pas garder son regard dans celui d’Hannibal au moment de reprendre la parole. Une confession. Dans un souffle. « Je ne me suis jamais senti plus vivant qu’au moment de prendre sa vie. »

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▿ Date de naissance : 19/02/1972

A violent act of reciprocity

La réaction d’Hannibal est à peine perceptible, une fine risette sur son visage, quand il remarque qu’il ne peut être qu’heureux de la tournure des événements. C’est un fait qu’il ne cherche pas à nier. Il ne se satisfait pas du malheur de Will, il se satisfait de ses progrès et heureux de la tournure des événements. C’est ce qu’il a toujours voulu pour lui, pour eux. Il le sait, ce n’est qu’une étape de son devenir. Mais c’est une étape cruciale, et qu’il a franchie seule. Pour l’accomplir d’une autre manière, il aurait fallu que Will le tue, mais c’est une contrainte qu’il aura été préférable de détourner. Hannibal devine sans mal ce qui a envahi les pensées de Will au moment de frapper si violemment, jusqu’au sang, jusqu’à briser les os, la victime dont il leur faut à présent s’occuper. Hannibal en est convaincu : la réflexion de Will n’est pas un reproche, davantage un constat, et Hannibal s’en satisfait aussi largement.

Et quand il reprend la parole, Hannibal se satisfait véritablement de la réponse qu’il lui adresse. Chacune de leurs conversations, intéressantes, stimulantes, ont le don de lui rappeler en quoi l’esprit unique de cet homme lui a plu et l’a intrigué où personne d’autre n’avait jamais su éveiller une curiosité telle que celle-ci. Est-ce que, parce que ces actes nous motivent, la mort serait justifiée ? D’une certaine manière, c’est ce qu’Hannibal pense, en effet. D’aucuns affirmeront que cela revient à jouer à Dieu. Hannibal ne contredira pas cette affirmation. Même si, de son côté, il n’estime pas tant jouer à Dieu que faire des pieds de nez à ce dernier, moquant tout comme lui l’humanité, avec ce sentiment de pouvoir, un droit de vie et de mort sur son esprit.

"La nôtre également… Cela n’en rend la vie que plus précieuse."

Il l’exprime en des termes très neutres, il n’ajoute rien de plus. C’est un constat, et une notion nécessaire, essentiel. C’est la conscience de la valeur de l’existence qui permet de donner à la mort, la sienne propre, et celle que l’on impute à autrui, une valeur véritable, totale, indispensable. L’essentiel est de ne pas nier cette valeur et de bien le comprendre. Il laisse un silence confortable les envelopper quand il ajoute ne s’être jamais senti plus vivant qu’au moment de prendre sa vie. Ces paroles ont leur importance, ces paroles marquent un tournant remarquable dans leur existence : et pour cette raison, Hannibal veut laisser à ce constat le temps de gagner toute l’ampleur nécessaire, pour marquer l’importance de ce moment. Cette confession, d’une sincérité qui ne serait désarmante que si l’instant ne se prêtait pas si logiquement, si assurément, à cette dernière, marque une étape, et c’est un progrès qu’Hannibal veut apprécier à sa juste valeur.

"Alors vous avez une dette envers Randall Tier…", observe-t-il finalement, après avoir gardé le silence un moment. "Comment allez-vous le remercier ?"

Il tourne un regard sans équivoque vers le cadavre laissé à l’abandon, plus loin, sur la table, et qui pour l’heure n’a pas encore obtenu de Will la gratitude que ce dernier serait plus qu’en droit de lui adresser dans les circonstances qui les concernent.

"Nous pouvons le faire disparaître discrètement, si tel doit être votre souhait. Nul n’aura besoin de savoir, et nous livrerons son absence à toutes les spéculations…"

C’est une option qu’il avance, certes, mais à laquelle il n’accorde définitivement qu’un intérêt moindre. C’est ce qu’il suggère, mais ce n’est pas ce qu’il veut. De la métamorphose de Randall Tier pourrait bien dépendre celle de Will Graham… et ce dernier n’est pas sans l’ignorer, n’est-ce pas ?

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▿ Date de naissance : 17/11/1984

A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

Will fixe un instant Hannibal sans mot dire alors que ce dernier affirme, contradiction qu’il estime inattendue de sa part, que leur mort se justifierait autant que celle de n’importe qui. Ce n’est pas que Will ne souscrit pas à cette manière de penser – bien au contraire, il est exactement du même avis, en réalité –, mais il n’imaginait pas Hannibal considérer cette dernière comme viable. A force de jouer à Dieu, et à, semble-t-il, faire des pieds de nez à ce dernier, il y avait de quoi se poser la question. De sa part, cependant, il serait malavisé d’y voir une quelconque forme d’humilité, ce n’est définitivement pas de cela qu’il est question. Quant à combien la vie est précieuse, Will en a certainement moins conscience qu’Hannibal, et pourtant, il pense réaliser une chose qui, jusqu’alors, lui avait étrangement échappée, pour théâtraliser la mort ainsi qu’il le fait, il faut certainement savoir reconnaître à la vie, et donc à la mort qui lui est corrélée, la valeur la plus inestimable.

Il y a quelque chose de contradictoire, pourtant, avec ce que Will pense avoir compris d’Hannibal, capable de sacrifier des vies humaines pour ne les considérer qu’à la manière de simples porcs voués à l’abattoir, mais sa réflexion, en réalité, révèle différentes strates de lecture qu’il faut savoir examiner une à une si l’on escompte se rapprocher de la vérité. Il ne fait cependant aucun commentaire, c’est sur son propre cas qu’il se concentre, et sur ce que cette situation lui apprend, dans une moyenne mesure, de lui-même. Et c’est une vérité qu’il a énoncée avec une facilité des plus déconcertante : l’expression de la plus entière réalité : oui, il ne s’est jamais senti plus vivant qu’au moment de donner la mort à Randall Tier.

A-t-il, par conséquent, une dette envers ce dernier ? Le reconnaître et l’accepter, ce serait faire un pas de plus dans la psyché d’Hannibal Lecter, au point de prendre le risque d’y demeurer enfermé une bonne fois pour toutes, mais n’est-il pas déjà trop tard pour cela dans tous les cas. Plus il observe et analyse la pensée et le mode de raisonnement d’Hannibal, aidé par sa capacité d’empathie exacerbée, plus il lui devient difficile de faire abstraction de combien, loin de se sentir prisonnier de cette psyché et d’un tel raisonnement, il aurait plutôt tendance à se sentir… à son aise. Les murs de sa psyché sont capitonnés, mais moelleux, et il est difficile, voire impossible, de l’ignorer. Et plus il progresse dans ce jeu de dupe, moins il est certain de qui il dupe exactement, et de qui le dupe en retour. Il a atteint un point de non-retour qu’il ne peut ignorer en quoi que ce soit : c’est un fait.

Will ne répond pas tout de suite à la question d’Hannibal, à la place, il se contente de fixer le corps sans vie étendu sur la table avec un mélange de curiosité, de fascination et de circonspection. Non, il ne sait pas ce qu’il a l’intention de faire du corps de Randall Tier, mais la logique veut qu’il aille au bout de ce jeu, et pour ce faire, il n’y a peut-être qu’une manière de faire, en fin de compte.

« Ce n’est pas ce que je souhaite », répond-t-il finalement après un moment d’hésitation. Il songe à Jack et à tous ceux qu’il devra impliquer dans des manigances aussi graves, mais il est prêt à ces risques qu’il estime, en fin de compte, nécessaires, et par ailleurs, au-delà d’une logique et d’un calcul quelconque, c’est sa curiosité qui, avant toute chose, prend le pas sur n’importe quelle considération, sur ce qui pourrait autrement être son mode de réflexion et de pensées. « Ce ne serait pas la manière… appropriée de l’honorer… » Il marque une pause. « Je l’aurais sans doute interrompu en plein élan, sans lui permettre de parachever sa métamorphose. C’est ce que je peux lui offrir à présent. » Son ton est plus déterminé, étonnamment serein, quand il reprend la parole. « C’est ce que je veux lui offrir à présent. »

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▿ Date de naissance : 19/02/1972

A violent act of reciprocity

Donner l'illusion du choix et discrètement tenir les ficelles. Telle a toujours été la manière de faire d'Hannibal Lecter, telle a toujours été sa marque de fabrique. Pourtant, ici, dans ces circonstances inédites et particulières, un glissement s'opère naturellement, les ficelles passent d'une main à l'autre sans peut-être même qu'ils ne le réalisent totalement eux-mêmes. Will n'est plus son pantin, plus tout à fait, cette ultime manipulation a tout naturellement redistribué les cartes, comme c'était à prévoir, ainsi qu'il l'a, au fond, toujours voulu, peut-être plus qu'il ne l'avait envisagé en premier lieu. Oui, il veut inciter Will à se rendre dans une direction bien précise, mais il n'est pas maître de ses décisions et de ses choix, il ne le sera probablement plus jamais dorénavant. Cette perte de contrôle, si infime soit-elle, est déroutante pour ce lui qui est si peu habitué à lâcher du lest avec qui que ce soit. Il le doit à un fait et un seul, inévitablement observable en cet instant fatidique. Will a sur lui une influence que personne n'avait gagné auparavant. Tous ceux qui avaient suscité un semblant de fascination chez lui n'avaient jamais atteint malgré tout ce seuil qu'il se voit franchir presque malgré lui en présence de Will Graham. Il laisse faire, il est curieux de découvrir l'ampleur de ces concessions qu'il n'estimait envisageable qu'envers le nombre le plus restreint. Il se laisse ronger par une curiosité qu'il ne sait pas tout à fait expliquer, mais qui n'en est pas moins réelle.

Bien sûr, il sait ce qu'il attend de Will, il sait quelle réponse il veut attendre de sa part, mais si celle-ci ne devait pas être à la hauteur de ce qu'il attendait de sa part, il serait bien en peine de dire ce qu'il se découvrirait capable de faire ou non, il est... perturbé par ce constat qui ne s'explique pas complètement mais dont la réalité teste autant les limites de celui qu'il pensait tenir si facilement à sa merci et de ses propres limites. Elles se répondent, se correspondent, sans logique ni interprétation directement exploitable, imbrication complexe d'émotions et de considérations qu'il n'est pas totalement capable d'intégrer, et qui restent, en tout cas partiellement, un véritable mystère à ses yeux.

Les airs impassibles d'Hannibal dissimulent sa satisfaction réelle au moment d'entendre son interlocuteur prononcer les mots qu'il avait précisément voulu entendre : oui, il ne s'agira pas de faire disparaître sans bruit le cadabre de Randall Tier. Ce serait en effet assimilable à un remarquable manque de savoir vivre que le cannibale n'avait pas eu la moindre intention ou envie de cautionner. Voilà qu'il trouve bien plus appréciable en plus de préférable. Ils semblent trouver un terrain d'entente qui ne manque pas de le satisfaire, et qui sied à son propre dessein, même si intégrer Will au sien, au leur, exige de sa part une largesse d'esprit qu'il n'avait jamais réellement appréhendée auparavant. Il est prêt à lui confier les rênes non par jeu mais par intérêt, par volonté de voir jusqu'où tout ceci pourrait les mener, convaincu que Will serait bien susceptible de l'entraîner dans des directions qu'il n'aurait jamais soupçonnées, et qui seraient loin, bien loin de lui déplaire... Il a peut-être passé l'âge de se renouveler, et pourtant, en même temps qu'il constate l'évolution de Will, Hannibal procède à la sienne presque naturellement, instinctivement, incapable de faire autrement. Soucieux de ne pas faire autrement.

"Alors c'est ce que nous lui offrirons", confirme Hannibal en dissimulant une fois de plus sa satisfaction sous des airs trop neutres pour totalement expliciter le fond d'une pensée davantage complexe.

Il se redresse d'un geste souple, agile, presque félin, contourne la chaise où Will est assis, profitant d'être dans son dos une fraction de seconde plus effleurer ses épaules du bout des doigts. Presque rien, une simple caresse, légère, à peine perceptible, mais signe manifeste d'une possessivité qu'il serait probablement dans l'incapacité de taire ou d'ignorer.

"Il serait préférable d'agir rapidement. Si nous nous mettons à l'ouvrage dès maintenant, votre oeuvre pourra être exposée à l'ouverture du musée. Ce serait le lieu idéal, n'est-ce pas ? C'est probablement ce qui le satisferait le mieux... Parmi ceux qu'il s'est évertué à imiter, et enfin l'un des leurs."

Bien sûr que c'est un tableau auquel Hannibal a réfléchi avant même l'intrusion de Will chez lui. C'était naturel, c'était logique, c'était attendu. Il n'a pas envoyé Randall Tier dans l'espoir que ce dernier tue Will, mais bien dans l'espoir de voir Will ressortir victorieux de cette confrontation. Il n'avait pas exactement préfiguré la suite en l'état, elle est plus parfaite encore qu'il ne l'avait envisagée, mais il garde ce constat à coeur malgré tout.

"Nous ferons le plus gros ici, le reste là-bas. Si du moins vous vous en sentez la force."

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▿ Date de naissance : 17/11/1984

A violent act of reciprocity

feat. Hannibal

En lui confiant son approbation, Hannibal ne fait qu’abonder dans un sens qui lui correspond forcément, et Will le sait. Il est à la fois partagé entre cette conviction, ce léger agacement à la perspective de lui donner à ce point raison, et ses desseins personnels qui tôt ou tard desserviront celui qu’il imagine en cet instant se gargariser de sa victoire sans imaginer complètement, en dépit de son don d’empathie, que les émotions qui le tourmentent en cet instant sont autrement plus complexe qu’il n’y paraîtrait. Une part de lui est horrifiée par ce qui va se jouer, une autre fascinée, et s’il doit songer à ce qu’il aurait fait, sans avoir à l’esprit un seul instant l’idée de piéger son interlocuteur, force lui est de reconnaître qu’il n’aurait probablement pas agi d’une autre manière. Il est même évident qu’il ne se serait pas comporté différemment. Non, c’est son instinct qu’il poursuit en même temps qu’il met ce dernier au service d’une cause qu’il estime juste, comme on le ferait d’un prétexte qui nous prévient, d’une certaine manière, de contempler nos torts dans le blanc des yeux, parce qu’il ne veut pas complètement reconnaître l’appel des abysses qui le plongent toujours plus profondément dans cette obscurité quasi-totale, jusqu’à ce qui pourrait bien être le point de non-retour. Mais ce point n’est-il pas déjà atteint ? Hannibal peut bien faire mine de penser le contraire, mais les faits parlent d’eux-mêmes… Cette émotion étrange et particulière, neuve et séduisante, qui étreint son cœur, est également parlante et révèle de lui une réalité encore moins avouable que toutes les autres, mais à laquelle il devra probablement faire face s’il veut véritablement réussir son effet comme il en a la plus ferme des intentions.

Quand Hannibal reprend la parole, son propos révèle sans équivoque un projet qui avait largement précédé les circonstances de son arrivé. L’idée que le psychiatre puisse être en mesure d’anticiper et ses actes n’est pas pour plaire à Will, loin de là, mais il consent à ce constat avec une certaine facilité, probablement parce qu’elle ne lui apprend pas grand-chose en soi qu’il n’avait d’ores et déjà deviné. Sur ce point, ils sont probablement sur un plan d’égalité des plus remarquables au vu de leurs singularités qui avaient rendu leurs esprits si particuliers hors d’atteinte à la plupart, pour ne pas dire à tous. Ils sont capables de se comprendre mutuellement dans des proportions que Will n’aurait pas imaginé possible avant de le rencontrer. C’est ce qui rend Hannibal aussi fascinant que dangereux pour lui. Il ne s’est jamais senti plus compris qu’en sa présence. Il n’a jamais davantage eu le sentiment de se comprendre lui-même qu’en sa présence également, et ces deux constats, qui se complètent sans s’annuler, ne sont pas de ceux qu’il serait en mesure d’ignorer.

Hannibal a donc tout planifié, à commencer par cette conversation… l’idée de pouvoir être considéré comme la somme de considérations déterministes ne plaît évidemment pas à Will qui ne veut pas s’estimer si prévisible aux yeux de son interlocuteur. Il n’est pas seulement la concentration d’influences, il est sa propre personne, il… devient. Et ce qu’il devient doit échapper à la compréhension d’Hannibal en même temps que ce devenir échappe à sa compréhension propre de lui-même. Appréhension et anticipation sont deux notions avec lesquelles il lui faut à présent jongler. Il ne contrevient pas aux plans d’Hannibal. Le faire n’aurait vocation qu’à le contrarier, et ce n’est pas dans ses projets. Le fait est qu’en cet instant, leurs desseins se rejoignent dans des proportions qu’il n'aurait pas pu ou su envisager autrement.

« Vous avez plus d’expérience que moi en la matière, je suppose que mon œuvre serait plus brouillonne que la vôtre. » Il marque une pause. « Vous laissez la main n’interrogera pas vraiment quant à l’auteur de ce nouveau tableau. Tout dépend par conséquent, je dirais, de qui souhaite en porter la signature. » Will toise Hannibal avec un intérêt mêlé d’une intensité elle aussi nouvelle. « Il serait malvenu de vous en retirer la paternité quand vous en êtes presque autant responsable que moi. »

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Il est certain qu’Hannibal peut se targuer d’être fort d’une expérience dont Will ne dispose pas lui-même, est-ce que, pour autant, ce serait malvenu de lui laisser en mains les cartes nécessaires à son devenir… Hannibal en doute fort. C’est le caractère inné de ses actions qui fascine le plus le psychiatre dans tout ce qu’il sait trouver de captivant dans l’attitude de celui qu’il veut voir devenir son égal – plus que son partenaire de crime, quelque chose qui viendrait encore transcender de telles considérations, et les faire atteindre un stade plus élevé encore. Oui, il a l’expérience, mais dans l’impulsivité et le raisonnement de Will Graham, il y a quelque chose qu’Hannibal Lecter brûle de comprendre et d’exploiter. Il veut voir Will s’épanouir et devenir très précisément tout ce qu’il peut être, sans avoir le moindre doute quant à ce potentiel qui peut être le sien. L’œuvre de Will sera peut-être, c’est vrai, en quelques aspects plus brouillonne que la sienne, mais ce n’en sera pas moins son œuvre, et il devra en être l’acteur, pas seulement l’exécutant d’un plan qui aurait été décidé par un autre… Il doit être l’architecte du destin qui est à présent voué à devenir le sien, et Hannibal Lecter se promet, en son for intérieur, de faire tout ce qui saurait être en son pouvoir pour qu’il en soit ainsi, sans le moindre doute ni la moindre hésitation.

Un sourire fin, simple risette amusée, déforme quelques fractions de seconde le visage autrement impassible d’Hannibal quand Will, analytique au possible dans son appréhension de la situation qui est la leur, remarque que tout ceci, tout ce qui les attend, doit dépendre de variables qui ne concerne jamais qu’eux et eux seuls. Ou plutôt, qui ne devraient concerner que lui, même s’il l’implique totalement dans ses plans – chose qu’Hannibal apprécie. Oui, en effet, s’il doit laisser sa main à Hannibal, les soupçons porteront tout naturellement dans la direction du tueur de Cheasapeale, et donc pour les quelques-uns qui le soupçonneraient déjà (Hannibal n’est pas totalement dupe à ce sujet), sur lui. Encaisser un blâme de plus ne serait pas véritablement un problème pour Hannibal. S’il avait eu une quelconque difficulté à cela, il n’aurait pas à ce point revendiqué ses meurtres ni ne les aurait toujours mis en scène avec autant de soin – il est assez évident que ce n’est pas là une grande source de difficulté à ses yeux. En revanche, signer un meurtre qui n’est pas le sien, ou indirectement seulement, ne l’intéresse pas outre mesure.

"Vous vous dévaluez, Will. J’estime au contraire que vous auriez plus intérêt que jamais à accepter de récolter les fruits de vos récoltes… C’est un exercice plus plaisant qu’il n’en a l’air. Presque grisant. Tant qu’on ne prend pas le risque de se laisser rattraper par notre fâcheux Ego, bien sûr."

En l’occurrence, ce n’est pas ce qu’il manque à Will non plus, un orgueil qui s’observe même en cet instant, quoi qu’il puisse en dire.

"Pour cette fois ci, accordons-nous sur une composition à quatre mains", suggère aimablement Hannibal avant d’inviter Will d’un geste à l’aider à déplacer le corps.

Il ne serait bien évidemment pas question d’opérer dans le salon. S’il a fait installer dans son sol une cave qui aurait de quoi faire pâlir d’envie n’importe quel tueur en série, ce n’est pas pour rien, c’est qu’il en est un des plus consciencieux. Tailler la chair, mettre l’os à nu, recomposer, recréer, mener Randall Tier à son nouveau devenir. Voilà quel est, à présent, leur dessein.

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