Is it a date? [Abigail]

Is it a date?

feat. Abigail

Il y a un an jour pour jour, Harry Osborn déclarait sa flamme à Peter Parker, une flamme qui les avait consumés pour presque aussitôt s’éteindre. Il y a un an jour pour jour, il n’était pas dans son état normal, intoxiqué comme beaucoup d’autres habitants de la ville par une eau qui semblait s’être mue le temps d’une journée en filtre d’amour. Pour Harry, ça ne changeait pas grand-chose. Ses sentiments pour Peter étaient réels. Mais dans ces circonstances, il les avait probablement exprimés de la mauvaise manière. Tout était allé trop vite, beaucoup trop vite, et au bout du compte, ils avaient filé droit dans un mur.

Aujourd’hui, Harry se pense remis de sa rupture, il le faut bien alors que Peter s’affiche déjà avec un nouveau petit ami qui, comble de l’ironie, est physiquement son portrait craché (Harry n’est même pas surpris – il avait été persuadé qu’il y avait quelque chose entre eux)… mais au cours d’une journée telle que celui-ci, il est plus difficile pour lui de ne pas se sentir un peu morose. Et il est hors de question qu’il passe sa soirée de Saint-Valentin à se morfondre bêtement sur son sort. Il a envie de se changer les idées, et de ne surtout pas ruminer, encore et encore, des pensées inutiles.

Il avait fouillé son répertoire téléphonique, et très vite, son attention s’était fixée sur le numéro d’Abigail. Il ne sait pas vraiment pourquoi il hésite à la contacter… Probablement parce que les sentiments qu’il éprouve pour elle sont encore assez troubles, et qu’il ne veut pas commettre l’erreur de la blesser, ou quoi que ce soit d’approchant. Mais en même temps, il a envie de la voir. Elle est la seule avec laquelle il a envie, avec laquelle il se sent capable de s’exprimer sur absolument tout, de partager sans la moindre réserve. Alors oui, après un moment d’hésitation, il avait pris son courage à deux mains et lui avait envoyé un message.

Il sait, lui donner rendez-vous le jour de la Saint-Valentin, c’est probablement équivoque… Harry ne sait pas trop s’il veut cultiver cette ambiguïté ou non, toujours est-il que cette date en particulier ne le retient absolument pas de lui écrire et d’attendre fébrilement sa réponse. Il se rend compte, au moment d’attendre que son message s’affiche à l’écran, qu’il a vraiment envie de la voir, et qu’il serait vraiment déçu si elle devait décider de refuser son invitation – ou pire encore…. Si elle devait être déjà prise à cette occasion particulière. Il a le cœur plus léger, quand elle lui répond finalement, et à l’heure dite, même un peu en avance, il l’attend au centre commercial, près d’un resto qui semble être le bon compromis entre fast food sans personnalité et resto chic qui donnerait tout de suite une tonalité romantique à leur rendez-vous. Une petite pizzeria sans prétention, qui a le mérite de ne pas être prise d’assaut à l’occasion de la Saint-Valentin.

« Hey », il lui adresse un sourire au moment de la voir arriver à son tour. « J’espère que t’as faim, moi je crève la dalle », il fait en l’invitant à l’intérieur. « Comment tu vas ? »

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feat. Abigail

Harry esquisse un sourire quand Abigail lui fait remarquer avoir été surprise de recevoir son message. Il peut le comprendre sans mal, en effet. Ce n’est pas une invitation anodine, ça ne peut pas être une invitation anodine au vu du jour choisi, et Harry n’a pas forcément envie de prétendre autre chose. S’il n’est pas lui-même tout à fait au clair avec les sentiments que lui inspire Abigail, il peut reconnaître que oui, ce qu’il éprouve pour elle ne tient pas de la seule amitié, et l’ambiguïté que la jeune femme note à mi-mots à ce sujet est une ambiguïté que Harry cultive presque malgré lui. Abigail est surprise, mais elle est là, et surtout, elle est agréablement surprise, et c’est ce qui compte.

« Ça va. »

C’est le cas, il s’en rend compte à présent qu’elle est là. Tout mal-être, toute angoisse, s’est soudainement évaporée, estompée, pour ne laisser place qu’à un sentiment de sérénité ô combien agréable. Il va bien, oui. Il va bien pour une raison très précise. Il va bien parce qu’Abigail est là, et que sa présence l’aide à se sentir mieux… A se sentir réellement bien. Ils sont là, tous les deux, assis autour d’une même table, à contempler leur menu, et Harry ne s’inquiète plus de quoi que ce soit.

« C’est un jour un peu spécial, pour moi. »

En soi, il s’avère que c’est la Saint-Valentin, mais cela aurait pu avoir lieu n’importe quel autre jour, il avait seulement fallu que son anniversaire avec sa relation vouée à l’échec avec Peter tombe sur ce jour en particulier. Oui, clairement, ça n’arrange rien, mais c’est plus une malheureuse coïncidence qu’autre chose.

« Ça aurait été notre anniversaire, avec Peter. »

Il prend les devants avant qu’Abigail ne lui pose la question, même s’il n’a pas envie vraiment d’aborder le sujet de Peter, surtout parce qu’il ne veut pas la mettre mal à l’aise à ce sujet. Il a fait le deuil de sa relation, vraiment. Il ne court plus après Peter et leur histoire contrariée… Mais il en garde une certaine amertume, malgré tout, que ces circonstances remuent largement.

« C’est rien, hein. Mais ça remue… Tout un tas de choses auxquelles j’ai pas envie de penser. » Il relève le nez de son menu, auquel il a eu tendance à s’adresser pour ne pas faire directement face au regard d’Abigail : il n’a pas envie de la décevoir. « Je voulais pas passer cette soirée seule. Et y a qu’avec toi que j’avais envie d’être. »

Ça a le mérite d’être direct. Mais ça a surtout le mérite d’être sincère. Oui, Harry est entièrement sincère en cet instant. Il pense bel et bien ce qu’il dit. Il le pense vraiment sincèrement.

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En compagnie d’Abigail, Harry a toujours le sentiment d’être compris, toujours. Elle ne juge pas ses pensées ou ses réactions, empathique, elle parvient à se mettre à sa place et à adopter totalement son point de vue, et ça lui fait du bien. Il n’a aucune envie de plomber l’ambiance en évoquant le nom de Peter… Il n’a d’ailleurs pas la moindre intention de s’épancher sur le sujet trop longtemps, mais il estime tout de même que, par souci d’honnêteté, il se doit d’avouer ceci à son amie. Il ne se sent plus particulièrement triste, cette tristesse s’est estompée au fil du temps.

Il ne se sent pas en colère non plus… du moins, ce n’est plus le cas. Il l’a été d’abord, pas envers Peter mais envers lui-même, envers son père, envers le Hobgoblin, envers les circonstances… Envers absolument tout. Puis il l’a bel et bien été envers son ex-petit ami, après avoir découvert le rapprochement – si rapide – de ce dernier avec son colocataire avec qui, selon ses dires, il n’y avait pourtant « absolument rien ». Mais ça, c’est derrière lui. Il a passé les différentes étapes du deuil de sa relation mais… oui, quand il jette un regard en arrière, il n’est pas apaisé ou nostalgique. Quelque chose lui reste en travers de la gorge.

« Je suis pas triste, ni en colère. Plus maintenant. Je dirais que je suis… » Il réfléchit. Il n’est pas sûr de savoir totalement définir son ressenti, mais il tient à formuler la chose avec les mots justes. Peut-être dans le but, aussi, d’exorciser ce sentiment et de parvenir à le dépasser, d’une manière ou d’une autre. « … amer. »

Oui, à bien y réfléchir, c’est effectivement le terme qui convient le mieux. Harry éprouve bel et bien une sincère amertume vis-à-vis de cette situation, vis-à-vis de leur relation gâchée. De leur relation qui n’avait probablement pas de sens pour commencer. Il ne regrette pas, il ne ressent plus rien pour lui, vraiment… Mais il est compliqué de tourner la page d’une histoire dont la conclusion a été tout sauf agréable.

« Non, je n’ai pas envie d’en parler. Ça ne sert à rien. » Il ne veut pas plomber leur soirée, et il préfère largement profiter pleinement de cette soirée et de la savourer un maximum. Ses pensées les plus déplaisantes s’effacent quand Abigail est à ses côtés, et il n’y a que sa présence qui lui importe. Harry baisse les yeux sur son menu, qu’il détaille du regard. « Je pense que je vais prendre la calzone », décide-t-il finalement en posant un peu trop brusquement son menu sur la table. « Et toi ? » Pas que ce soit un sujet de conversation très important. Disons que ça peut aider à briser la glace. Plus ou moins. « Alors, quoi de neuf depuis la dernière fois ? »

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Harry n’aime pas vraiment l’idée d’assimiler sa rupture amoureuse à une sorte de deuil, même s’il sait que c’est une pensée communément admise, et qui fait probablement sens au regard de la manière dont lui-même gère sa rupture, mais il en a assez d’être en période de deuil, il voudrait juste pouvoir fermer ce chapitre de sa vie et ne plus être tenté d’en lire quelques lignes, le tout pour, à chaque fois, se sentir plus amer et démoralisé que la fois précédente. Peut-être que toutes les ruptures ne sont pas vécues comme des deuils, cela dit, mais la plupart des ruptures ne sont pas liées à votre incapacité à… arrêter d’être un monstre. Ouais, c’est beaucoup à encaisser, mais il n’a pas envie d’y penser. Il n’a pas envie d’y penser, parce qu’il ne veut pas avoir à endurer plus que nécessaire. Il veut être une autre version de lui-même, qui n’aurait aucun remords… Et qui serait capable de ne pas plomber son rendez-vous avec la fille qui… eh bien, la fille qui lui plaît, en amenant un peu trop le sujet de son ex sur le tapis. Il veut rejeter ce sujet en bloc, et surtout ne pas passer pour un type indisponible sous le prétexte qu’il serait encore focalisé sur son ancien partenaire… Oui, il s’en rend véritablement compte en cet instant, Harry veut être complètement disponible pour Abigail, même si c’est peut-être un combat perdu d’avance.

Harry adresse à Abigail un regard faussement accusateur quand cette dernière prétend jeter son dévolu sur une pizza hawaïenne. Elle fait un choix très simple… Peut-être qu’il y a beaucoup à dire sur les choix de garniture de pizza de chacun (il n’est pas sûr dans ce cas que le choix de la calzone le situerait parmi les personnes les plus équilibrées), mais il ne retire absolument rien de ce constat, et décide de s’intéresser à quelque chose d’un peu moins prosaïque, et d’en apprendre davantage au sujet de la vie de son amie à l’heure actuelle.

Cette dernière lui apprend qu’elle a repris des cours de conduite. Harry hoche la tête, approbateur. Il devrait probablement faire de même… Mais le fait est qu’il n’avait jamais vu ses parents conduire (pourquoi est-ce qu’ils se seraient donné cette peine alors qu’ils avaient leur propre chauffeur personnel), et pour cette raison, il ne s’était pas, pendant longtemps, imaginer maîtriser un volant. Maintenant, il se dit que ce serait une bonne addition à ses compétences, et que cela pourrait lui servir d’une manière non négligeable en bien des occasions… Enfin, chaque chose en son temps.

« Oh, tu dois être soulagée.. Quand on parle de deuil, je pense que c’est quasi impossible à faire quand on est constamment submergé par des rappels de ce genre… Après la mort de ma mère… » Sa gorge se noue légèrement. « J’avais l’impression de la voir partout, c’était à devenir dingue… »

De la voir partout et de pourtant ne se souvenir d’absolument rien. D’avoir oublié quelque chose de crucial la concernant. Et ce n’est pas peu dire, puisqu’il avait oublié ni plus ni moins que le moment de sa mort.

« Hum… sinon moi… je suis officiellement de retour chez mon père, et… il est fidèle à lui-même, je dirais. Il insiste pour que j’abandonne mes études de psycho puisque selon lui elles ne servent à rien… Et je continue d’avoir tendance à vouloir continuer dans l’unique but de le contrarier. »

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« C’est compliqué… », il admet quand Abigail lui assure que s’il veut lui parler plus avant de sa mère et de la mort de cette dernière, il ne doit pas hésiter… Il y aurait beaucoup de choses à en dire, en réalité, d’autant que tout ceci, une fois n’est pas coutume, est lié de très près à son père, mais même s’il ressent avec elle une connivence qu’il ne se verrait éprouver avec personne, il ne veut laisser aucun nuage obscurcir ce moment plus que nécessaire. Il a envie d’apprécier un maximum sa présence, et c’est là-dessus avant toute chose qu’il souhaite se focaliser, bien plus que sur ses anciens traumas. « Je te raconterai tout… Mais je crois que c’est une conversation pour un verre d’alcool fort plutôt que pour une pizza », suggère-t-il avec un fin sourire entendu.

Et pour ce qui est de son père… il est fidèle à lui-même, effectivement, et cela a de quoi inquiéter Harry… Et pourtant, en même temps, il se sent étrangement rassuré. Il se sent réconforté, à l’idée d’avoir ce point de repère non pas stable, mais qui du moins lui semble… immuable. C’est difficile à expliquer, mais alors que sa vie part dans tous les sens, l’idée que certaines choses ne changent pas a de quoi la réconforter largement.

« Il m’a parlé de reprendre les rênes de son entreprise », reconnaît-il alors qu’elle lui parle du fait qu’elle trouve admirable qu’il ait choisi de poursuivre ses études. Oui, mais pour combien de temps ? Harry a beau prétendre qu’il est maître de ses propres choix, il est en fait une personne très influencée. Par l’opinion de son géniteur, bien sûr… mais pas seulement, car les encouragements et les compliments d’Abigail ont également un impact notable sur lui. Plus qu’il ne l’aurait soupçonné. « Il ne me l’avait jamais suggéré, avant… ou pas vraiment, il disait constamment que je n’étais pas à la hauteur, que j’étais trop faible… »

Il serre les poings, malgré lui. Ce qui le fait vibrer, ce qui l’enthousiasme, c’est ça, ce sentiment de pouvoir rendre fier un homme qui toute sa vie lui a laissé entendre qu’il ne serait jamais à la hauteur… mais à quel prix ? Il est prêt à le payer plus qu’il ne l’aurait cru… Mais ce n’est certainement pas pour autant qu’il se sent capable de consentir à tout, loin s’en faut, même.

« Je crois que ce qui m’enthousiasme, c’est l’idée de… ne plus me limiter à ce que je pensais devoir être pour… m’accomplir. Je veux… accepter la possibilité que je peux être… tout ce que je veux. » Et cela ne dit pas vraiment ce qu’il souhaiterait être, mais à ce sujet, il est loin d’être fixé encore, il est loin de savoir plus précisément ce qu’il désire et où ça le mènera. « Je sais ce dont je ne veux plus. Je sais… » Il la regarde avec plus d’attention. « … ce que je veux. »

Par-dessus la table, il glisse sa main, pour caresser doucement ses doigts des siens.

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Harry esquisse un fin sourire désolé. Il voudrait ne rien cacher à Abigail, et il pense vraiment qu’avec du temps (et un peu plus d’alcool dans le sang), il sera effectivement capable de faire à son amie le récit complet d’une vie et d’épreuves qui ont laissé dans son cœur une marque terrible. Elle dit le comprendre, et il sait que c’est le cas : tous les deux ont leurs secrets, tous les deux devront fournir de très nombreux efforts pour passer outre l’angoisse ou la douleur et pour accorder à l’autre une confiance totale… mais Harry envisage vraiment que la chose soit possible. Abigail ne fait pas seulement semblant de le comprendre, elle le comprend véritablement. Et à ses yeux, ce constat fait définitivement toute la différence.

Oui, il réussirait à s’exprimer sur ces sujets graves et complexes qui accaparent son esprit et ses pensées les plus sombres, mais pour l’heure, il n’a aucune envie d’y songer plus avant, car apprécier tout ce qu’il peut attendre d’un moment passé avec la jeune femme qu’il a sous les yeux prime sur absolument tout le reste. Lui parler de son père, notamment, et de l’évolution de sa relation avec lui, paraît tomber sous le sens, en réalité, quand il se retrouve en sa compagnie.

Harry aime l’entendre affirmer qu’il n’y a rien de faible chez lui. De la part de n’importe qui d’autre, un tel discours sonnerait creux, mais quand c’est Abigail qui prononce ces mots, eh bien… Il parvient à effectivement y croire, et ces paroles déposent le baume le plus agréable sur son cœur éprouvé par les circonstances. Harry sait qu’il doit prendre les bonnes décisions, pour lui-même et non pour son entourage, mais ce n’est pas gagné, car il a tant vécu à travers le regard des personnes de son entourage qu’il a quelque part oublié ce qui pouvait être bien pour lui et ce qui, a contrario, ne pouvait définitivement pas l’être.

« Je crois… » Il réfléchit un moment. Avec Abigail, il n’a pas besoin de mentir, il n’a pas la nécessité d’adapter son discours à ce qu’il estime qu’elle voudrait entendre, car Abigail n’exige rien de tel de sa part, elle veut seulement qu’il se montre totalement transparent avec ses aspirations et ses envies. « Je crois que c’est ce que je veux vraiment. » Marcher sur les pas de son père… mais peut-être… faire les choses mieux ? Ou en tout cas différemment.

Les dernières paroles d’Abigail l’achèveraient presque. Il peut être tout ce qu’il veut. Il peut avoir tout ce qu’il veut. Son regard daigne quitter celui si clair, hypnotique, de son interlocutrice, pour baisser les yeux sur leurs mains jointes. En cet instant, en tout cas, il n’a jamais été plus sûr de ce qu’il voulait… Alors, guidé par l’impulsion du moment, il se redresse légèrement, glisse sa main, libre dans la longue chevelure foncée d’Abigail, et ose poser ses lèvres sur les siennes, par-dessus la table de restaurant.

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Harry n’est pas novice en matière de séduction (même si sa précédente expérience aurait dû le convaincre qu’il devrait probablement cesser de fréquenter qui que ce soit), mais pour chaque nouvelle rencontre, il a le sentiment de tout réapprendre, et avec Abigail plus encore. Il y a une connexion si profonde, si belle, entre eux, qu’il ne veut pas la gâcher en brusquant quoi que ce soit. Il avait voulu croire dans la réciproque de leurs sentiments, mais il ne peut pas en être certain, ni pénètre de tout savoir de l’esprit complexe qu’est le sien, même s’il a vraiment le sentiment de se retrouver en elle… Il ne pouvait en être certain, bien sûr, de ce qu’elle pensait, et il n’aurait pas voulu gâcher son amitié avec elle et leur belle relation. Quand il la sent répondre à son baiser, il en éprouve par conséquent un très sincère soulagement.

Elle embrasse terriblement bien. Ou du moins, il trouve leur baiser exceptionnel, peut-être parce qu’il témoigne d’une connexion d’âmes et d’esprits qui est tout aussi exceptionnelle. Il sait, dès cet instant, qu’il ne se lassera jamais de ses baisers. Il sait également qu’il fera tout pour préserver et protéger cette belle relation, qui lui est si précieuse et qu’il trouve exceptionnelle. Il voudrait l’embrasser, encore et encore, et il aurait probablement continuer si Abigail n’avait pas pris la parole, son souffle se déposant sur son visage, son regard plongé dans le sien. Harry retient mentalement chaque détail de cet instant, à commencer par cette lueur qu’il découvre dans ses prunelles. Il découvre dans ses yeux toutes les beautés du monde. Merde. Oui… Il est déjà sacrément mordu.

« Laisse-moi réfléchir… », dit-il d’un ton mutin alors qu’Abigail lui pose une question qui était probablement la meilleure manière de briser la glace après un tel baiser. « Toujours, oui. » Il l’embrasse de plus belle, comme pour le lui prouver.

Ce « toujours » est prononcé avec légèreté, mais une part de lui y dépose un sens plus profond. Il veut que ça dure toujours, oui, même si c’est une considération un peu trop fleur bleue. Il veut protéger cette relation coûte que coûte, avec le sentiment, cette fois, de ne pas avoir à la protéger de lui-même… Car il n’y a rien de lui qu’elle ne sera pas capable d’accepter pleinement, même sa trop grande part de noirceur.

« Tu as peut-être remarqué que je n’étais pas forcément le plus doué, mais… je te promets de ne pas te briser le cœur, Abigail Hobbs. »

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Tout comme Harry s’était montré sans doute un peu trop sérieux au moment d’affirmer à Abigail qu’il n’avait pas la moindre intention de lui briser le cœur, c’est avec un sérieux équivalent que cette dernière lui affirmait que la chose était déconseillée, comme une sorte de mise en garde que le jeune homme décide de prendre pour telle sans pour autant s’en alarmer. Abigail Hobbs mérite de donner son cœur à quelqu’un qui saura en prendre soin, et Harry s’est suffisamment fait piétiner le cœur pour ne pas vouloir l’imposer à quelqu’un d’autre.

Peut-être fait-il là à la jeune femme une promesse qu’il ne peut pas être concrètement dans la capacité de tenir, mais il ne voit pas les choses ainsi… Il y a quelque chose de l’ordre de l’évidence dans cette relation naissante, et quand bien même elle n’en est qu’à ses balbutiements, Harry sait prendre la chose très à cœur. Il n’est pas de ceux qui font les choses à moitié. Quand il aime, c’est passionnément, quand il déteste, c’est intensément – pas de juste milieu.

Harry ne fait pas mine d’être surpris quand la jeune femme lui apprend n’avoir jamais eu de petit ami, ou quoi que ce soit d’approchant jusqu’alors. Ce n’est pas une surprise pour lui que de l’apprendre. Après tout… il avait bien compris quelle sorte de vie elle avait été contrainte de mener quand son père était encore vivant. Ce dernier n’aurait probablement jamais accepter qu’aucun garçon rôde autour de sa précieuse progéniture.

« Je sais… ça m’est égal », il répond avec un fin sourire, tout en entrelaçant ses doigts au sien.

Et c’est la vérité, ça lui est totalement égal. Elle pourrait avoir connu des dizaines de garçons avant lui, ou même un ou deux, ou peu importe… ça ne change rien… Parce que ce qui les lie est unique et la dissocie quoi qu’il en soit de toutes les personnes qu’il a pu fréquenter avant elle. Il se fiche totalement de son inexpérience, ce n’est pas un frein pour lui… En revanche, conscient de cette inexpérience, il fera tout son possible pour agir en conséquence, et ne pas la brusquer involontairement, en grillant des étapes pour lesquelles, peut-être, Abigail ne se sentirait pas prête. Elle en vaut la peine dans tous les cas.

« On fera les choses comme on veut, à notre rythme… Si ça te va, si tu te sens prête, bien sûr. »

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feat. Abigail

Harry n’a aucune intention de se laisser inquiéter par le discours d’Abigail alors que cette dernière l’avertis à mi-mots des dangers auxquels il s’expose en étant avec elle. Il est vrai qu’il est loin de comprendre exactement l’étendue de sa mise en garde, quand bien même Abigail avait accepté de se montrer très transparente avec lui au sujet de son père, lui laissant entrevoir une fenêtre obscure où il pourrait éventuellement s’engouffrer s’il décidait qu’elle en valait la peine (et elle en vaut la peine). Mais le fait est que peu importe l’ampleur des risques qu’il prend peut-être en étant avec elle, Harry considère qu’elle en prend de plus grand encore en étant avec lui.

« Ça m’est égal », confirme Harry d’un ton sans appel, sans perdre son sourire, sans la moindre intention de reculer…

Ce que lui offre Abigail sans le dire, c’est une échappatoire, l’occasion de s’extirper d’une histoire familiale complexe et cruelle dont il est loin de deviner la nature. Il n’empêche que la chose reste vrai : il s’en fiche… Il s’en fiche au point d’être bel et bien capable d’encaisser la vérité quand Abigail se sentira prête à la lui dire, même si ce ne sera pas totalement évident pour autant. Il s’en moque parce qu’il n’y a qu’elle qui compte. Et quand elle le regarde comme elle le fait, avec tant de douceur et d’affection, un regard qu’elle ne l’avait jamais vu adresser à qui que ce soit d’autre… eh bien il se sent heureux, il se sent à sa place… et suffisamment sûr de lui pour faire en sorte que ça ne s’arrête jamais.

« Arrête, je sais que j’en donne l’air mais je suis loin d’être parfait », répond Harry avec une légère ironie dans l’espoir de faire sourire sa petite amie. « Je te mérite et tu me mérites, d’accord ? » Et leurs lèvres se retrouvent comme elle s’étaient quittées. Chacun de leurs baisers est plus naturel que le précédent. Tout est si fluide, si évident entre eux que chaque geste paraît répondre à une chorégraphie inscrite en eux, qu’ils se contenteraient de répéter naturellement, sans même s’en rendre compte. « Par contre, je confirme que tous les autres ne nous méritent pas. »

Abigail se montre néanmoins plus sérieuse l’instant d’après. Elle lui promet, avec une certitude telle que Harry ne peut pas en douter même une seconde, qu’elle lui donnera tout ce qu’il veut, tout ce qu’elle peut être en mesure de lui donner, petit à petit, avec le temps.

« Je sais. » Il sait qu’elle est sincère, et surtout quel engagement cela représente à ses yeux. Il n’a aucun doute à ce sujet. « Ce que je voudrais surtout… C’est que tu acceptes de tout me dire, que tu n’aies pas peur d’être honnête avec moi. Je te demande pas de me déballer tous tes secrets, là, tout de suite… Mais de me faire confiance, avec le temps. Crois-moi, je peux tout entendre. »

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feat. Abigail

La promesse que lui fait Abigail reste très vague, très lacunaire, mais Harry sait s’en contenter. Il ne veut rien forcer, il ne veut pas obliger la jeune femme à quoi que ce soit. Il sait ce que c’est que d’avoir des secrets, les siens ne sont pas reluisants non plus. Il connaît les réticences, la peur, la culpabilité, de même que le sentiment d’être monstrueux. Rien de tout ceci ne serait susceptible de le faire fuir, mais il est capable en revanche de comprendre qu’une telle possibilité serre le cœur de la jeune femme qu’il veut prendre le temps d’apprivoiser, petit à petit. Au fond, y aller par étapes, prendre le temps, agir en toute transparence, se montrer toujours honnête avec leurs envies et leurs attentes…

C’est tout ce qu’il sait vouloir attendre d’une relation à présent. Avec Peter, ils s’étaient précipités sans même vraiment réfléchir, ils avaient été impulsifs, ils avaient prétendu se connaître sans rien savoir l’un de l’autre. Cette fois, ce sera différent… ça le sera d’autant plus que Harry ressent sincèrement, profondément, que tous les deux se ressemblent… ils partagent quelque chose de véritablement fort autant que sincère. Alors oui, il est capable de se contenter de ce « Un jour » qui pourrait bien être aussi proche que lointain. Parce qu’il sait que ce n’est pas une promesse en l’air, et surtout qu’Abigail Hobbs n’est certainement pas de nature à en faire.

« Je suis très sérieux », promet Harry avec un sourire sincère, venant répondre à celui d’Abigail avant de se perdre contre le sien, le temps d’un nouveau baiser. A présent que ses lèvres ont goûté aux siennes, il semble évident qu’il aura toutes les peines du monde à s’en détacher.

Harry n’en est pas moins sérieux, cela dit, en dépit de ce qu’il pourrait bien laisser entendre en premier lieu. Harry a appris à être prudent avec les mots. Il ne dit absolument rien à la légère, définitivement rien. Il dit les choses telle qu’il les pense, et sans la moindre hésitation.

« Et je suis prêt à prendre absolument tous les risques. » Il n’aura aucun regret, il le sait. « Tu en vaux largement la peine, Abigail, bien plus que tu ne l’imagines. »

C’est le cas, et il le dit comme il le pense. Oui, elle en vaut la peine. Il n’a jamais rencontré quiconque qui ressemble de près ou de loin à Abigail Hobbs… Elle est unique en son genre. Et il l’aime pour tout ce qu’elle a d’unique.