Welcome home | Abigail

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Abigail, en venant s'installer chez Will et Hannibal, n'avait pas été dupe. Cette décision changeait drastiquement le cours des choses, les ramenait à une époque de possibilités, avant que les différents drames qui hantaient leur existence n'aient eu lieu. Elle n'oubliait pourtant pas toutes les raisons qu'elle avait de se méfier de ces deux hommes, principalement d'Hannibal, d'ailleurs. Mais ç'aurait été une bien vilaine hypocrisie que de prétendre qu'elle était toute blanche. Il y avait, dans leur monstruosité commune, une forme de compréhension qui surpassait toutes les hésitations, toutes les raisons légitimes qu'elle aurait eu à préférer s'éloigner d'eux, pour de bon. L'esprit humain n'était hélas pas aussi simple.

Elle avait entendu le bruit de la porte d'entrée, avait donc deviné que Will avait dû partir précipitamment. Mais l'odeur alléchante qui provenait de la cuisine était elle aussi un indice éloquent, qui ôtait tout doute quant à la présence d'Hannibal. Dans un premier temps, Abigail hésita à descendre pour le rejoindre. Mais, dans un second temps, elle décida qu'il était temps de cesser de fuir l'inévitable et, une fois prête pour la journée, se décida à faire son apparition.

- Bonjour Hannibal. Dr. Lecter, se reprit-elle avec incertitude.

"Dr. Lecter" lui semblait trop formel étant donné qu'elle vivait sous son toit et qu'elle avait consciemment accepté de jouer le rôle de fille adoptive, au moins pour Will. "Hannibal", en revanche, était une familiarité nouvelle qui le lui rendait moins anxiogène, mais elle n'était pas certaine qu'il apprécie l'emploi de son prénom. Elle chercha néanmoins la réponse à son questionnement dans les réactions du psychiatre avant que de s'avancer.

C'était étrange, encore à ce jour, de se retrouver seule à seul avec lui. Elle ne craignait pourtant pas pour sa vie, pas dans l'immédiat du moins, ayant suffisamment confiance en Will pour croire que sa volonté surpassait la cruauté d'Hannibal. Et, par ailleurs, ce dernier lui avait fait une promesse qu'elle gardait constamment à l'esprit, et qui avait d'ailleurs amplement participé à ce qu'elle cède finalement et accepte de vivre sous leur toit. Par curiosité autant que par besoin.

Elle voulut faire mine de s'étonner de l'absence de Will, mais se douta qu'il ne serait pas dupe. Elle accepta donc de faire son aveu de... Faiblesse ? Curiosité ? et s'approcha véritablement de lui, baissant le regard sur ce qu'il préparait.

- Non, je n'ai pas mangé. J'ai perdu l'habitude de petit-déjeuner quand... Enfin...

Quand elle vivait avec son père. La plupart du temps, elle se contentait de fuir sa présence le plus tôt possible et de se rendre à l'université dès que possible, grignotant dans le courant de la matinée.

Incapable de trouver des termes qui ne la placent pas dans l'embarras, elle laissa sa phrase en suspens et s'intéressa plutôt à ce qu'il cuisinait.

- Qu'est-ce que vous préparez ? s'intéressa-t-elle sincèrement, constatant avec une douce surprise que les souvenirs évoqués par cette scène ne lui étaient pas désagréables.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

La permission du psychiatre pour l'appeler par son prénom la fit sourire quoiqu'avec une certaine timidité. Elle hocha brièvement la tête pour signifier son accord, mais cela se passait de réponse. En effet, "Docteur Lecter", sous ce toit, était une appellation bien trop formelle qui causerait un déséquilibre odieux lors des repas partagés avec ses deux anciens tuteurs.

L'idée de découvrir et développer de nouvelles habitudes sous ce toit n'était pas aussi déplaisante qu'elle ne l'avait redouté en emménageant avec eux. Au contraire, les propos d'Hannibal étaient étrangement excitants, car ils étaient promesse de nouveauté. Abigail n'était pas, pour des raisons évidentes, particulièrement attachée à ses anciennes habitudes quoiqu'il en soit. Et si chaque petit-déjeuner était aussi appétissant que celui préparé ce jour-ci par Hannibal, c'était un gain supplémentaire.

- Parce que c'est le premier ? l'interrogea-t-elle avec un sourire lorsqu'il affirma qu'il s'agissait du repas le plus important de la journée.

Elle ne se fit pas prier et s'installa, attendant à peine avant de piocher dans son assiette. Elle profita des quelques secondes qu'il lui fallut pour savourer sa bouchée pour relever les yeux vers lui et l'écouter attentivement. Il était ravi qu'elle ait accepté de s'installer avec eux, et si Abigail aurait pu vouloir remettre en doute ces propos, elle n'en fit rien. Elle le savait sincère. Elle ne sut s'empêcher de songer aux événements qui avaient précédé sa mort, mais elle connaissait les raisons d'Hannibal et, au fond, les comprenait. Même si cela allait à l'encontre de tout ce que lui dictait son instinct de survie.

- C'est délicieux, complimenta-t-elle après avoir goûté son petit-déjeuner et pour gagner un peu de temps.

Même si, bien sûr, il n'avait guère besoin d'elle pour connaître la qualité de sa cuisine.
Abigail n'était pas douée pour les conversations qui impliquaient d'évoquer ses émotions, aussi elle ne trouva d'abord pas les mots pour lui répondre. Mais, après quelques secondes passées à contempler son assiette, elle osa à nouveau croiser son regard.

- Moi aussi ça me plaît de vivre chez vous. Je me sens... A ma place.

Sa voix n'était qu'un souffle pour cet aveu. Elle reporta son attention sur son assiette tout en acquiesçant suite à sa question.

- Oui, vraiment, tout est parfait.

Et c'était à peine une exagération. Elle marqua une pause, maintenant le silence durant quelques secondes avant de reprendre d'une voix plus légère.

- Je me demandais... Vous accepteriez de m'apprendre à cuisiner ?

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Une expression indubitablement satisfaite prit place sur le visage expression d'Abigail après qu'Hannibal ait confirmé qu'elle était à sa place sous leur toit. Les doutes et les craintes légitimes que la jeune femme s'était répétés des milliers de fois étaient toujours présents, mais parmi ces pensées négatives, il y avait aussi une certitude qui parvenait à évincer tout le reste : sous ce toit, avec ces deux hommes, elle n'avait plus besoin de mentir ni de prétendre être celle qu'elle n'était pas. Abigail avait tiré plus de satisfaction que de culpabilité avec les deux vies qu'elle avait prises, et ça, Will et Hannibal le savaient très bien. Parce qu'ils étaient les premiers à trouver du plaisir et de la satisfaction dans l'acte de prendre une vie. Il y avait entre eux trois une forme de compréhension qui était irrésistible et qui avait fini par persuader Abigail d'accepter l'offre de Will.

Ses yeux se plissèrent suite à l'évocation de la qualité des "produits". L'affirmation qui suivit l'intrigua trop pour qu'elle se résigne au mutisme, aussi elle n'hésita que quelques instants avant de l'interroger posément :

- A quelle fréquence allez-vous chercher ces produits ?

Dans cette interrogation, elle intégrait Will, bien sûr. Elle avait suffisamment discuté avec son père adoptif pour comprendre qu'il avait pleinement accepté la nature profonde qu'Hannibal avait immédiatement discerné chez lui. Qu'il avait accepté ce régime alimentaire, donc.

Mais tout comme elle l'interrogeait, son interlocuteur lui posait des questions en retour. Le ton détaché d'Hannibal la fit sourire, quoique prudemment. Abigail n'était pas dupe. Rien n'était laissé au hasard chez cet homme, surtout pas ses conversations. La jeune femme vivait chacune de leur discussion comme une maigre participation de sa part à un jeu d'échecs géant.

- Non. Je participais brièvement et occasionnellement... Mais principalement, je chassais, répondit-elle spontanément.

Au sens propre comme au figuré. Elle ne cuisinait, mais elle participait à ramener la matière première à la maison. Elle n'entra pas dans les détails, l'ayant déjà fait par le passé. Hannibal était certainement celui avec qui elle avait été le plus honnête à ce sujet... Ce qui n'avait pas nécessairement été la plus avisée de ses décisions. Mais ce n'était rien qu'il ne savait pas déjà, même en ce temps-là.

Les yeux baissés sur son assiette, elle songea naturellement aux fois où elle accompagnait son père à la chasse, et où elle l'aidait à s'en prendre à ces jeunes femmes. Ce que ses deux pères adoptifs attendaient d'elle dans ce nouvel équilibre était encore incertain pour elle. Et puisque l'occasion lui était donnée d'interroger personnellement Hannibal à ce sujet, elle ne s'en priva pas et reprit calmement :

- Que va-t-il se passer maintenant ?  

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Une affaire de circonstances. Elle n'était pas surprise par cette réponse. Elle avait déjà compris que certains des adversaires de Will et Hannibal avaient péri de leurs mains. Tout comme elle avait compris que durant les années où elle était bien morte dans leur monde, ils avaient connu d'autres adversaires que le FBI. Il lui manquait une part d'informations, mais elle n'était pas trop inquiète à ce sujet. Si ces années manquantes avaient leur part d'importance, elle ne doutait pas du fait que ses deux pères d'adoption sauraient l'informer en temps et en heure. Selon les circonstances.

Plus elle parvenait à poser ses questions à Hannibal, plus elle se rendait compte que c'était d'une facilité déconcertante. Mais après tout, tout comme elle avait autrefois accepté son père, c'était à présent lui qu'elle acceptait. Le paradoxe venu du fait de se sentir moins monstrueuse en compagnie de ce qui, pour la société, était bel et bien un monstre ne lui échappait pas. Mais elle en avait assez de culpabiliser, alors qu'il était infiniment plus simple de s'accepter et d'accepter sa nouvelle famille.

Elle fut ravie d'apprendre que sa demande était acceptée. Comme revigorée par le petit-déjeuner et leur conversation, elle sembla rayonner.

- Ces lacunes ne semblent pas tant vous fâcher que ça,  observa-t-elle avec un sourire fin.

C'était une situation plus vicieuse que celle de devoir choisir entre deux alternatives qui avaient toutes deux des conséquences aussi importantes. Observer ou participer. La question se posait effectivement. Et à sa plus grande surprise, Abigail n'eut pas besoin de réfléchir longuement avant de répondre :

- Vous veillez sur moi. Alors je dois veiller sur vous aussi, non ?

Elle était extraordinairement calme, sa voix comportant même une trace d'humour cynique. Mais son ton fut parfaitement sérieux au moment de poursuivre avec détermination :

- Je veux aider.  

C'était une certitude. Elle ne voulait plus être une simple spectatrice. Elle ne voulait plus subir. Elle voulait agir. Dans cette étrange famille recomposée, elle voulait avoir le sentiment d'être bel et bien à sa place, complétant un tableau déjà esquissé des années plus tôt.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Ce mot, "famille", était étonnamment simple à accepter lorsqu'il était prononcé par Hannibal. Ou par Will, d'ailleurs. Il y avait toujours une pointe de retenue dans le regard et l'attitude d'Abigail, mais plus elle passait de temps en compagnie des deux hommes, plus l'évidence de leur situation et de leur relation lui paraissait limpide. Elle savoura donc le sentiment de confort et de familiarité qu'évoquait ce simple mot. Pendant qu'Hannibal s'exprimait, elle continua de manger tout en l'écoutant, attentive à la précision des termes employés et attentive à tout ce qu'il lui révélait de son avenir probable.

Mais elle se désintéressa très vite de son assiette au moment où il développa ce qu'il entendait par le fait de participer.

Elle le fixa, se perdant un instant dans ses pensées. Elle ne s'était pas attendue à ce que la décision lui revienne. Et donc, parce qu'elle n'avait pas anticipé cette éventualité, elle n'avait pas songé à la question. Quand, où et qui... C'était bien la question de la victime concernée qui occupait ses pensées. Elle n'était certaine que d'une chose : il était hors de question qu'elle cible de nouveau des jeunes femmes qui lui ressemblaient en tous points. De préférence, elle souhaitait donc éviter que sa "première" soit une femme.

Restait à savoir si elle avait déjà des noms en tête. Pour le moment, elle n'en avait aucun. Elle avait pris grand soin de rester en retrait, même à l'université, et les quelques personnes à qui elle avait accordé plus d'un mot ou d'un regard étaient désormais ses amis. Ces derniers étaient intouchables. C'était en arrivant dans cette ville qu'elle avait découvert le bonheur d'avoir de véritables amitiés, et non de brèves rencontres certes sympathiques, mais qu'elle condamnait autrefois à subir la violence de son père. Elle ne voulait plus de ce schéma-là... Elle n'en avait jamais voulu, d'ailleurs.

- Je ne veux pas que ce soit quelqu'un qui me ressemble, de près ou de loin... Habituellement, quels sont vos critères ?

Autant demander l'avis des spécialistes, après tout. Ou, dans ce cas, du plus grand spécialiste qui soit.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Abigail l'écoute attentivement, avec la même concentration qu'elle avait eue par le passé, lorsque son père lui apprenait à chasser. C'était un autre type de chasse dont ils discutaient en ce moment même. Et plus Hannibal s'exprimait sur ses critères, plus elle comprenait. Elle acquiesça au moment de l'entendre parler de l'enfance, mais s'interrogea tout de même sur les limites de ce critère-ci. Quand s'arrêtait l'enfance, pour lui ? Comment l'avait-il considérée lorsqu'il l'avait sacrifiée dans l'intention de punir Will ? Tout comme ce dernier, la considérait-il désormais comme sa fille adoptive, quelle était la part d'affection et d'indifférence qu'il éprouvait ? C'étaient des questions qui lui brûlaient les lèvres, mais qu'elle n'osait pas prononcer. Pas par peur de l'offenser, mais par crainte de ne pas apprécier les réponses. Alors, gardant pour elle ses réflexions, elle répondit tout de même avec sérieux :

- Nous ne sommes pas si différents, alors. Mais je ne peux pas compter sur ma force pour m'aider si je dois agir... instinctivement.

Elle avait eu de la chance, les quelques fois où c'était arrivé. Chaque fois, c'était la surprise qui lui avait permis de l'emporter. Nicholas Boyle, Alana Bloom, son père... Abigail avait appris la chasse, elle avait appris l'art de faire profil bas et de patienter pour abattre au bon moment. Mais si elle tombait face à une personne qui savait à quoi s'attendre et face à qui elle perdait l'effet de surprise, alors... Mieux valait ne pas y songer.

- Quels sont ceux de Will ? l'interrogea-t-elle spontanément, curieuse quant à la nature de la participation de Will à ces activités et à ce mode de vie.

Car tous les deux, ils en avaient, en définitive, peu parlé. Ils avaient principalement évoqué le passé, ils avaient également évoqué le futur... Mais le présent, lui, était plus incertain.

Poursuivant sur sa lancée, Abigail marqua une pause de quelques secondes avant de reprendre :

- Je devine qui sont nos ennemis. Qu'en est-il de nos alliés ? Qui sont-ils ?

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Abigail glisse sur Hannibal un regard dubitatif, mais acquiesce lentement, constatant, non sans une certaine appréhension, que de vieilles dynamiques sont en train de se reformer. Lui, avec son expérience et sa sérénité, et elle, en (unique) oreille attentive. Prête à s'en remettre à ses enseignements, aussi immoraux soient-ils. C'est sans surprise qu'elle l'écoute affirmer que les critères de Will sont plus moraux que les siens, information qui ne la surprend pas, mais qui la fait sourire tout de même. Elle prend le temps de s'interroger silencieusement sur l'ampleur des scrupules de Will, se souciant vaguement des siens au passage, mais ne trouve finalement rien à ajouter. C'est tout naturel que le trio qu'ils forment aient leurs divergences et leurs spécificités, mais elle reste persuadée, malgré tout, qu'ils peuvent être complémentaires. Qu'ils le sont naturellement, et que c'est cette complémentarité qui leur a permis de se trouver et de se reconnaître inconsciemment. Formant une étrange famille avant même d'être réunis.

La question des alliés la laisse plus songeuse encore. Pendant un temps, elle fixe les vestiges de son petit-déjeuner, dont elle prend une bouchée qu'elle prend le temps d'avaler avant de reprendre, suite à la dernière affirmation d'Hannibal :

- Il y a des choses peu communes dans cette ville. Des êtres avec... des facultés étranges. Comment passer inaperçus ?

Certes, Hannibal lui-même était une force de la nature, mais Abigail préférait songer à toutes les possibilités, surtout aux pires... La Ville était un espace qui ne cessait de se moduler, un espace qui avait tout à la fois le don de sembler infini et particulièrement restreint à la fois. Ils étaient tous piégés dans une Ville trop petite pour tous les monstres qui s'y trouvaient, et qui pourtant, ne cessait de les surprendre, presque par... magie. Si leurs crimes venaient à être découverts, comment pouvaient-ils espérer s'en sortir, sans avoir la possibilité de fuir cet endroit ?

Puisqu'elle était sur sa lancée, Abigail, arquant un sourcil, laisse passer un temps de silence, puis l'interroge une fois de plus, semblant plus sérieuse encore que précédemment :

- Et qu'en est-il de Peter ?

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Les réponses pleines de philosophie et de sagesse d'Hannibal la laissent songeuse. Abigail termine distraitement le contenu de son assiette, prenant le temps d'imaginer leur avenir, à tous les trois. Dans tout ce qu'il pourrait avoir d'idéal… et tout ce qu'il pourrait avoir de difficultés. Mais elle s'efforce de ne pas trop s'en inquiéter, comme le conseille judicieusement son tuteur, et se concentre sur l'un des éléments les plus mystérieux de cette étrange équation. Peter. Un être trop doux, trop bienveillant, trop optimiste… pour graviter autour d'eux. Peter est un être qui entoile les chasseurs, et non pas un chasseur. La réponse d'Hannibal l'éclaire, donc, tout en la plongeant dans la confusion la plus totale.

- Peter… n'est pas comme nous. Il n'accepterait pas notre mode de vie.

Certes, elle-même reconnait un attrait certain à sa lumière, à… son aveuglement. Mais il s'agit également d'un jeu fort dangereux, à son sens, et n'entend pas en pâtir. Elle n'oublie pas que Peter est un justicier, et que leurs actes, à eux trois, sont condamnables selon bien des logiques et de nombreuses justices.

Abigail ne tient cependant pas à s'en inquiéter plus que de raison, quand bien même elle considère d'un œil désapprobateur ce rapprochement. Elle ne peut nier une part de possessivité dans son raisonnement, qui l'irrite    trop pour qu'elle l'exprime ouvertement. Alors, puisqu'elle peut encore bénéficier de cet instant seul à seule durant quelques instants, encore, elle décide cette fois-ci de mettre les contrariétés de côté pour s'intéresser de plus près au lien qui existe indubitablement entre elle et Hannibal. Un lien qu'elle a toujours reconnu sans toujours oser y associer de termes plus précis. C'était auprès de lui, autrefois, qu'elle avait à plusieurs reprises cherché du réconfort et du soutien. Et elle veut croire, encore à ce jour, qu'il ne s'agissait pas uniquement des conséquences de l'emprise qu'il établissait petit à petit sur elle et dont elle n'avait songé à se méfier que lorsqu'il était bien trop tard pour y remédier.

- Vous vouliez m'apprendre le piano, avant. C'est toujours le cas ?

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Sa curiosité est toujours intacte, mais son esprit est rassuré. Et pour le moment, Abigail sait s'en contenter. Il ne s'agissait pas seulement de l'expression d'une certaine forme de jalousie et de possessivité, il s'agissait également d'une recherche d'informations. Pour savoir à quel point elle pouvait se fier à ses pères adoptifs et à leurs intentions. Là où Hannibal semblait avoir des projets pour Peter, Will, lui, semblait être davantage dans l'improvisation, ce qui éveillait sa curiosité, elle devait bien le reconnaître. Hannibal ne lui apprend rien, mais il parvient tout de même à la rassurer en quelques mots, ce pour quoi elle glisse vers lui un regard reconnaissant.

Et maintenant que le sujet est clos, elle en profite pour réorienter la conversation. Abigail est décidément d'humeur nostalgique, ce matin là. Elle évoque un passé qui a pris fin trop brutalement, et qui lui a donc laissé un goût amer d'inachevé dans la gorge, en plus de la tragédie évidente des circonstances de sa mort. Par le passé, il avait mentionné tant de projets les concernant, elle et Will, et la concernant uniquement elle, qu'elle continuait d'être intriguée. Durant ces quelques années passées avec son père biologique, elle avait régulièrement songé à ce qu'aurait été leur vie, à eux trois, si Will avait agi comme l'avait espéré Hannibal. Les détails et les circonstances étaient différentes à présent, mais elle se plaisait à croire qu'ils serait capables de trouver une certaine forme d'harmonie dans leur quotidien de famille dysfonctionnelle.

Concernant le piano, la proposition la prend au dépourvu. Se levant pour débarrasser la table, elle profite de cette action pour réfléchir à la question, avant d'acquiescer.

- Ça me plairait bien, confirme-t-elle dans un sourire.

En acceptant de vivre sous leur toit, c'était principalement de Will qu'elle s'était rapprochée. Mais si elle doit également réapprendre à vivre avec Hannibal, autant retrouver une manière de se sentir proche de lui, au-delà de leurs habitudes de consommation communes, bien sûr. Le psychiatre continue de l'effrayer par moments, et c'est une réaction qui la frustre. Déterminée à surmonter les traumatismes du passé, elle espère, au contraire, à retrouver un certain naturel lors des moments qu'ils passeront tous les deux.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Abigail suivit Hannibal du regard lorsqu'il l'invita à le suivre jusqu'à son bureau. Elle n'hésita que pendant un mince instant, avant de le rejoindre. Ses yeux se promenèrent sur les étagères remplies de livres, le bureau en bois massif et la table de dessin, avant de se poser sur le magnifique piano qui trônait à côté. Elle ressentait à la fois de l'excitation et de l'appréhension à l'idée de découvrir cette facette de la vie d'Hannibal, une part intime de lui qu'il avait choisie de lui partager. C'était un geste significatif qui lui rappelait avec une redoutable efficacité qu'ils entamaient un nouveau chapitre de leur relation, où la confiance mutuelle et l'ouverture étaient primordiales. Elle sourit donc légèrement et lui fit un signe de tête pour le remercier. Elle comprenait que cette pièce était un sanctuaire pour Hannibal, un lieu où il puisait son inspiration et où il se réfugiait dans sa solitude. Le fait qu'il lui permette d'accéder à cet endroit signifiait beaucoup pour elle.

« Merci, Hannibal » , murmura-t-elle sincèrement.

Elle n'était pas certaine d'oser se rendre dans cette pièce sans lui, mais… elle appréciait la proposition. Le temps où elle s'introduisait dans son cabinet après avoir fait le mur, et sans hésitation, lui semblait bien loin. Parfois, elle se demandait même si elle ne l'avait pas inventé, avant que des détails bien concrets lui rappellent que son passé avait bien eu lieu.

Elle s'approcha du piano avec une certaine hésitation. L'idée d'apprendre le solfège la rendait à la fois nerveuse et excitée. Elle avait toujours aimé la musique, mais n'avait jamais vraiment eu l'occasion de la pratiquer sérieusement.

« Si tu es prêt à m'enseigner, je suis prête à être ton élève. »

Sa voix s'était teintée d'une légèreté se voulant complice. Elle s'installa sur le tabouret du piano et plaça délicatement ses mains sur les touches, les caressant du bout des doigts, sans oser presser pour que les marteaux frappent les cordes. Elle aimait l'idée qu'il lui enseigne les bases de cette pratique. Peut-être qu'à travers la musique, ils trouveraient une nouvelle forme d'expression et de communication. La musique avait ce pouvoir, paraissait-il.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Abigail était une élève appliquée. Elle écoutait avec attention les informations partagées par Hannibal, et tentait de tout retenir. Par désir de bien faire, par respect, mais surtout par peur de décevoir celui dont elle désirait tant l'estime. Parfois malgré elle. C'était toutefois facile d'écouter Hannibal avec autant de concentration. Il avait une présence rassurante, et cette présence était toujours parvenue à la calmer. En toutes circonstances, même les plus funestes. Et puis, c'était un homme intéressant. Cultivé, qui maîtrisait son sujet. Elle comprit bien vite qu'il ne lui enseignait en cet instant que la base des bases, mais elle l'écoutait tout de même avec intérêt, heureuse, au fond, de partager ce moment avec lui.

Elle était sceptique quant au fait de lui apprendre autant que lui, lui apprenait, mais elle accepta néanmoins cette affirmation avec un sourire entendu. Quant à son interrogation finale, Abigail dut prendre le temps d'y réfléchir. Elle se doutait que même s'ils avaient beaucoup de points communs, leurs goûts musicaux étaient de ceux qui différaient drastiquement. Et c'était quelque chose qui l'amusait, parce qu'il était certain que l'élégance et la sophistication si chères à Hannibal échappaient parfois complètement à Abigail.

Elle apprendrait, comme elle avait appris tant d'autres choses.

« Avant, j'écoutais surtout ce qui passait à la radio ou ce que j'entendais au lycée… Mais disons que je suis plus rock alternatif que musique classique ou années 60… »

Elle haussa les épaules d'un air mutin, supposant qu'à ce sujet, ses goûts étaient plus proches de ceux de Will que de ceux de son autre père de cœur.

« Quand est-ce que ça t'est venu, cet amour pour la musique ? »

Plus ils se rapprochaient, plus elle voulait en apprendre sur lui. D'une part pour équilibrer quelque peu les rapports : elle n'avait que trop souvent l'impression qu'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Mais d'autre part par réel intérêt, et pour assouvir une curiosité que même les traumatismes et la mort n'avait su totalement étouffer.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Les goûts musicaux d'Abigail ne sauraient être pour satisfaire l'ouïe sensible et exigeante d'Hannibal, dont ce sens est probablement aussi développé et par conséquent exigeant que tous les autres, le goût et l'odorat en tête. Tout comme il s'est singulièrement accommodé des fautes de goût notable (selon ses critère ô combien exclusifs, cela va sans dire) de Will, il fera l'impasse sur celles d'Abigail, mais il garde à l'esprit néanmoins que cette dernière est encore jeune, et peut tout à fait s'éduquer - se plier - à sa vision et à ses exigences. Si elle s'exerce et si elle doit y prendre goût, elle pourrait tout être : brillante pianiste, excellente cuisinière, grande mélomane, artiste de talent... et, bien sûr, tueuse implacable. Hannibal, bien sûr, s'épargne tout commentaire concernant les goûts - selon lui approximatifs - d'Abigail et préfère, à la place, s'attarder sur la question tout à fait personnelle que la jeune femme lui pose.

Hannibal a eu tendance à se montrer particulièrement lacunaire et énigmatique au sujet de sa propre histoire. Rares sont ceux qui seront véritablement parvenus à obtenir de lui un semblant d'information cohérente... Ce qui concerne, notamment, ses plus jeunes années, celles qui sont supposées nous forger - et l'ont bel et bien forgé - reste un sujet sur lequel il demeure au-delà d'évasif... Mais Abigail est un membre à part entière de leur histoire, à présent... Et elle mérite d'en entendre davantage. Ce n'est que justice... au nom de tout ce qu'Hannibal sait d'elle, à commencer par ces secrets qui sans lui seraient peut-être morts avec elle. D'accéder, par un biais quel qu'il soit, à un semblant de sa vérité. Et le biais de la musique paraît aussi symbolique qu'approprié à Hannibal. Alors... pourquoi cet amour pour la musique ?

"Ma mère jouait du piano", lui apprend-t-il après un long temps de silence. "C'est elle qui m'a appris mes gammes." On jurerait lire de la nostalgie dans son regard sombre. Celle d'un passé qu'il n'évoque jamais. Car évoquer ce passé revient à évoquer... "Mischa aimait nous écouter jouer, je lui avais promis de lui apprendre un jour."

Mais ce jour n'était jamais advenu. Admettra-t-il chercher en Abigail ce qu'il ne pourra plus jamais retrouver, cette soeur disparue de longue date ? Cette enfant qu'il n'avait pas été capable de sauver. Cette enfant dont il avait dévoré la chair à pleines dents, dupé et affamé.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Elle tentait d'imaginer la jeunesse d'Hannibal, d'associer des images aux quelques détails qu'elle obtenait enfin. Elle tenta d'imaginer ses parents, elle les imaginait grands de traille, mais leurs visages n'avaient aucun trait. Tête inclinée sur le côté, elle le fixait avec attention, préférant garder le silence pour le laisser s'exprimer et deviner ce qu'il ne lui confiait pas. Il était difficile de l'imaginer en tant qu'enfant, mais l'image d'un garçon pratiquant ses gammes la fit discrètement sourire. Ce même sourire s'effaça ensuite, la dernière phrase d'Hannibal l'alertant de tragédies passées dont elle était curieuse de connaître les détails, sans pour autant oser l'interroger davantage.

« Mischa… »

Le nom était beau. Quant à cette promesse, elle devinait qu'il n'avait jamais eu l'occasion de l'honorer.

« Ta petite sœur. »

Une supposition à mi-chemin entre question et affirmation. Ce qu'elle avait d'affection sincère pour lui ne voulait pas risquer de le blesser si elle tentait d'en savoir plus. Ce qu'il y avait de plus calculateur et inquiet dans sa docilité l'incitait également au silence. Mais aussi secrète ait-elle voulu être autrefois, Abigail ne manquait pas de curiosité. Avide, par ailleurs, d'intimité toute familiale, il lui était impossible de changer totalement de sujet. Elle baissa les yeux sur ses mains, dont les doigts continuaient de frôler les touches du piano. Puis elle baissa les mains, les ramenant sur ses cuisses tandis qu'elle relevait les yeux vers lui.

« Je suis heureuse… et reconnaissante que tu veuilles bien m'apprendre à jouer. »

Entre autres choses. Elle laissa passer un temps, juste assez pour chercher ses mots. Puis, estimant qu'un tel moment de partage ne reviendrait peut-être pas de sitôt, elle souffla :

« Comment était ta famille avec toi ? »

Une question suffisamment vaste pour qu'il élude autant qu'il le souhaitait, mais elle le regardait avec, dans les yeux, une lueur qui oscillait entre espoir et demande.

Welcome home.

feat. Abigail & Hannibal

Il y a quelque chose de singulier dans le fait d’entendre Abigail prononcer le nom de Mischa. Ce serait assez difficile, voire impossible à expliquer… Quelque chose de la transmission, qui avait attendu son temps et son heure pour enfin se manifester et se déployer. Hannibal ne dispense les informations qui concernent son passé qu’avec la plus grande parcimonie, quand ces informations ne lui sont pas arrachées de force. En daignant en dire davantage à ce sujet, à son sujet, quand bien même il en dit très peu malgré tout, Hannibal fait vers Abigail un pas dont cette dernière se doit d’apprécier la valeur et la préciosité… Et il ne doute pas qu’elle en soit capable. Chaque don qui lui est accordé est un don qu’elle ne s’accapare pas comme un dû. Il se contente de hocher la tête quand Abigail demande sans véritablement le demander la confirmation de qui avait été Mischa pour lui. Sa petite sœur, oui. Celle par qui tout avait commencé. Celle au nom de qui tout s’achèverait un jour.

« C’est un privilège que je n’accorde pas à la légère », affirme Hannibal en adressant à Abigail un sourire entendu, alors que sa fille de cœur exprime la joie et la reconnaissance qu’elle éprouve à l’idée de bénéficier de son enseignement.

C’est un don précieux, oui, qui exige sa confiance – et certainement aussi une sorte de projection de ce qu’il a perdu sur ceux qu’il trouve et qu’il accepte de compter dans son entourage proche… Sincèrement proche. Sans jeu d’influence ni manipulation… ou presque… Admettons plutôt que ces jeux d’influence et de manipulation ont un autre objet, une autre raison d’être.

« Ma famille… »

Hannibal s’accorde le temps de la réflexion. Il n’en dira pas trop, trop vite. Il est par ailleurs des réponses qu’il n’entend pas communiquer, estimant n’y trouver aucune raison ni nécessité. La famille n’est pas ce qu’il rejette, il a, bien au contraire, chercher à façonner la sienne propre avec une assiduité psychotique.

« J’en garde peu de souvenir. » Ce n’est pas un mensonge. Mischa a été au cœur de toutes ses considérations, de tous ses projets, de toutes ses observations, de toutes ses névroses… il ne peut pas en dire autant de ses parents. Ils n’ont été ni bons, ni mauvais avec lui… Ils ont été, puis ils n’ont plus été, et si Hannibal doit véritablement leur attacher le moindre souvenir, ce souvenir n’est que diffus, flou… inconséquent. « Ils n’ont pas eu l’occasion d’être grand-chose pour moi, je n’ai pas eu le loisir d’être grand-chose pour eux. » Il marque une pause. « Le sang définit la famille dans une mesure très relative. Toi mieux que personne ne peut qu’en avoir conscience. »