Depuis plusieurs jours, Klaus est à la rue. Après avoir laissé Mutt à l’hôpital, il a tout simplement décidé de partir… il n’est même pas allé cherché ses affaires, il a tout laissé en plan, comme il a laissé Mutt en plan. Est-ce qu’il s’en veut ? Oui, terriblement. La scène de leur dernière conversation tourne en boucle dans son esprit, et il ne parvient toujours pas à donner un autre sens que le plus certain de tous : il a été con, le plus con des cons… Il a agi comme un crevard. Prendre pour prétexte le fait qu’il était en manque, qu’il était pas tout à fait lui-même, ne suffit pas à justifier la manière dont il l’a traité. Il l’a abandonné, purement et simplement, et il se déteste pour ça. Il a blessé l’homme qu’il aime au moment où il était le plus vulnérable, rien ne peut justifier ni pardonner une chose pareille.
Oui, il a été tenté de revenir le voir, de lui demander pardon, mais il s’est abstenu… parce que dans l’état où il est actuellement, il ne peut pas promettre à Mutt qu’il ne lui fera plus de mal… pas plus qu’il n’est capable de se promettre à lui-même qu’il va se sevrer de cette merde qui circule encore en cet instant dans son organisme. Ce serait hypocrite de revenir comme si de rein n’était et d’espérer que Mutt voudrait bien accepter ses excuses. Le mal est plus profond que ça. Et celui qu’il a fait à Mutt aussi. Les souvenirs de leur dispute sont flous, comme s’ils avaient appartenu à quelqu’un d’autre, mais il y a des choses qu’il n’oublie clairement pas, comme cette question qu’il lui a posé. Il lui a demandé s’il comptait pour lui. Le simple fait qu’il soit capable de se poser la question lui scinde le cœur en deux. Personne n’a jamais compté à ce point pour lui, même pas Dave… Mais c’est sûrement pour ça qu’il doit laisser Mutt Jones tranquille. Il ne lui a apporté que des emmerdes, au final, depuis qu’ils se connaissent. Alors oui, les bons moments étaient vraiment, vraiment bons, les meilleurs de sa vie, mais ça ne justifie pas qu’il gâche la sienne.
Alors oui, à la place, Klaus est plus ou moins revenu à la case départ. Il n’en a parlé à personne, pas même à Diego, Allison ou Five. Il a repris son train de vie minable, à errer dans les rues, à consommer dès qu’il le peut. Le V circule presque non stop dans ses veines, à présent, au point qu’il soit presque surprenant qu’il n’ait pas encore fait d’overdose. Le pire c’est que cette substance qui lui donnait le sentiment de se sentir plus fort, plus puissant plus tout… lui procurerait plutôt le sentiment inverse. Il décuple son sentiment de culpabilité, sa sensation de cœur brisé. Mais il se dit qu’il n’a que ce qu’il mérite, alors, après tout. Et ça continue, encore, encore. Ajoutez à ça de bonnes quantités d’alcool qu’il s’enfile comme de l’eau, et vous aurez une bonne idée de l’état dans lequel se trouve Klaus alors qu’il marche en titubant dans les rues, sans trop savoir où se rendre.
Jusqu’à se laisser attirer par la devanture de ce qui semble être un spa. C’est le nom qui le fait marrer, « Calm as a ghost ». Faut vraiment pas connaître de fantômes pour s’imaginer que ces derniers incarnent le calme. Il observe, il hésite, puis il se dit qu’un petit massage, ça lui ferait pas de mal. Il a pas un rond et il empeste l’alcool, mais et alors ? Il s’arrangera. Il pousse donc la porte de la boutique et là, il s’arrête net en découvrant, à l’accueil, une silhouette familière.
« Ben… ? » Il reste un instant figé sur place, comme un con. Parce que ça peut pas être Ben, pas vrai ? Mais il l’a eu sous le nez pendant des années, il sait reconnaître son fantôme de compagnie entre mille. « Attends, c’est vraiment toi ? »
Il se rapproche prudemment, comme s’il s’attendait à le voir se volatiliser d’un coup. Et pour cause, c’est bel et bien ce qu’il pense : comment est-ce qu’il pourrait en être autrement, hein ? Ben ne peut pas être là… Klaus le sait, il porte le poids de sa disparition définitive depuis beaucoup trop longtemps, maintenant. Mais pourtant il a l’air si… réel. Et quand il contourne le comptoir pour venir plaquer ses mains sur ses joues et constate qu’il peut sentir son visage sous ses doigts, il beugue complètement. « T’as l’air tellement vivant... »
Réel et vivant. Il a vraiment dû forcer sur sa dose, cette fois.
Ben avait une vie normale. Enfin. Non pas qu’il n’avait pas aimé son ancienne vie, mais il fallait le dire elle avait été chaotique. Né d’une mère qui n’avait aucune idée qu’elle était enceinte, adopté par un homme un peu random. Entrainé avec le reste de sa fratrie pour devenir un super-héros. Et ayant perdu la vie lors d’une mission. Puis il avait passé le reste de sa vie accrochée à son frère sous sa forme de fantôme. Il y avait définitivement plus facile comme vie. Mais Ben n’échangerait pour rien au monde la vie qu’il avait eu. Cependant il ne crachait pas sur cette seconde chance qu’on lui offrait. Il n’avait plus accès aux monstres de l’autre dimension. Il n’était qu’un simple humain. Il n’était plus un monstre. Il n’était plus l’Horreur. Il pouvait discuter avec les autres. Et il avait même eu une discussion particulièrement agréable avec une jolie pâtissière. Il avait la chance de pouvoir rattraper le temps qu’on lui avait injustement refusé lors de sa précédente vie.
Il s’occupait de l’accueil, un cours avait lieu depuis quelques heures et tous les clients qui avaient pris rendez-vous pour le spa ou des massages étaient arrivés. Et Ben n’avait donc rien à faire si ce n’est de s’occuper de la logistique. Ce qu’il détestait faire. Il aimait être son propre patron parce qu’il avait donc le pouvoir de faire ce qu’il voulait. Mais c’était sur ses bras à lui que la paperasse tombait. Mais alors qu’il avait le nez plonger dans des feuilles de budget interminables, il entendit le bruit distinct de la porte s’ouvrant. Il releva alors la tête et se stoppa directement. Est-ce que son frère était vraiment juste devant lui ? Ou bien il avait malencontreusement pris des substances hallucinogènes ? Ding ding ding, le premier choix. Klaus prononça alors son prénom et un sourire étira doucement les lèvres de l’ancien fantôme. « C’est moi Klaus. » Ben observa précautionneusement les mouvements de Klaus, il avait été pendant des années collés à lui, il savait quand son frère n’allait pas bien et était prêt à faire une connerie monumentale. Et même si son état lui semblait familier, il n’arrivait pas à mettre une raison dessus. L’alcool définitivement, il sentait clairement l’alcool, malgré les quelques mètres qui les séparait. Ce qui poussa Ben à se noter dans un coin de sa tête qu’une fois le moment retrouvaille passé, il allait devoir emmener Klaus dans les douches pour qu’il évite de faire fuir ses clients.
Ben eut envie de gueuler sur Klaus qui venait pratiquement de le claquer sur les deux joues. Mais la joie pure qu’il ressentit l’empêcha complètement. Il pouvait toucher son frère. Il pouvait le prendre dans ses bras. Il n’attendit d’ailleurs pas plus longtemps pour le prendre dans ses bras. « C’est parce que je le suis idiot ! » Il le serra contre lui. Les câlins qu’il avait partagé avec Diego et Vanya étaient bien, mais c’était totalement différent là. Parce qu’il était en vie, que ce n’était pas le corps de son frère qu’il contrôlait et surtout que ce n’était pas dans l’esprit de sa frangine. C’était lui Ben, en chair et en os qui pouvait enfin serrer tendrement contre lui son frère. Il se détacha des bras de son frangin. « Tu ne peux pas te débarrasser si facilement de moi, et pourtant je sais que tu as déjà essayé ! » Lui dit-il en riant, les larmes aux yeux. De toute sa fratrie, il fallait que Klaus soit le premier qu’il retrouve. « Reste ici, je vais juste trouver quelqu’un à me remplacer puis on parlera ! D’ailleurs, boit ça en attendant. » Il attrapa une bouteille d’eau de sous le comptoir et la lui mis dans les mains avant de partir derrière une porte. Il revint avec celle qu’il considérait comme sa main droite. Avec un petit sourire à l’encontre de sa remplaçante, il attrapa le bras de Klaus et l’embarqua avec lui vers les douches de l’établissement. Et une fois à l’endroit, Ben relâcha son frangin et plongeant son regard bienveillant dans le sien. « Je ne pensais pas que je retrouverais un seul d’entre vous ici ! Pendant un moment j’ai même cru que c’était ma version du paradis. » Et puis il avait fallu quelques discussions avec les gens du coin pour comprendre que ce n’était pas le cas. « Prends une douche, on peut continuer à parler mais tu pues. Et je vais avoir besoin d’une explication sur ton état. Je ne t’ai pas vu comme ça depuis… Depuis Dave. »
Aucun doute, c’est bien sa voix, son regard, et son petit ton moralisateur qui lui a manqué plus qu’il ne serait capable de le dire. Klaus doit se retenir de fondre en larmes au moment de sentir son frère le prendre dans ses bras, comme ça n’avait pas été le cas depuis si longtemps qu’il se demande si ça l’a été un jour. C’est bien lui, et il est là, réel, vivant. Comment est-ce que c’est possible ? Il n’en a fichtrement aucune idée, mais qui peut avoir une idée quelconque de ce qui est possible ou non dans ce monde de dégénérés. Ce qu’il sait avec une absolue certitude, là, tout de suite, c’est que Ben est là, bien présent, bien réel, et qu’il voudrait le maintenir captif de ses bras à tout instant pour s’assurer qu’il ne va pas s’évaporer, qu’il n’est pas en train de l’imaginer. Après tout, il est à ce point défoncé qu’il ne serait pas vraiment surprenant qu’il ait des hallucinations… mais non… il voit bien, il comprend bien que Ben est là, et c’est certainement le plus beau cadeau qu’il pouvait recevoir en cet instant de détresse infinie, quand bien même Klaus sera certainement incapable de dire dans les termes adéquats à son frère à quel point il lui a manqué et combien il a recherché sa présence absolument partout, pour être invariablement et désespérément déçu. « Ce sera peut-être plus simple maintenant que t’as plus ton droit de veto fantomatique », sourit Klaus quand il lui dit qu’il n’est pas si facile de se débarrasser de lui avant d’ajouter qu’il sait qu’il a déjà essayé.
Est-ce qu’on va prétendre que c’est faux ? Non, évidemment que non, et à plus d’une reprise, Klaus se serait clairement épargné les leçons de morale de son ectoplasme de frangin, mais pour avoir vécu si longtemps sans une présence qui avait été si coutumière, il sait aussi à quel point cette même présence lui a été indispensable. Retrouver ses pouvoirs et ne pas le retrouver lui, ça avait été comme s’amputer une nouvelle fois d’une partie de lui. Mais non, bien sûr que non, il ne l’avouera pas en ces termes, comme il est incapable de lui dire, en cet instant, à quel point il lui a manqué ou combien il a besoin de lui.
Mais dans le fond, il n’a rien besoin de dire, parce que Ben le connaît. S’il y en a un qui a été témoin du meilleur mais surtout du pire de Klaus Hargreeves, c’est définitivement Ben. Il l’a vu sombrer dans la dépendance, en sortir, sombrer de nouveau, il a été le témoin de ses traumatismes les plus profonds et de ses joies les plus intenses, de ses conneries les plus monumentales et de ces quelques instants de grâce où il ne merdait pas totalement. Alors quand Ben le voit comme ça, il sait que ce n’est pas juste qu’il s’est mis une mine terrible ou qu’il a un coup au moral. Il sait que le mal est plus violent, plus profond que cela.
Il hoche la tête quand Ben lui demande de l’attendre le temps d’être remplacé. Il n’en revient pas que Ben soit non seulement ici mais ait une vie, un travail… Cette pensée, d’un coup, vertigineuse, lui tord le boyaux déjà bien affectés par une trop grande ingestion d’alcool. Comme eux tous, ça doit faire trois ans que Ben vit ici, trois ans qu’il vit tranquillement sa vie de non-fantôme. Ben est vivant, indépendant, un adulte comme les autres. C’est tant mieux, pas vrai ? Mais tout à coup ça le frappe comme un coup de tonnerre. Ben n’aura plus jamais besoin de lui pour exister. Ben n’existe déjà plus sans lui. Et tout à coup, le désir brutal, injuste, de revenir à cette période où il était un esprit qui lui collait aux basques devient si séduisante qu’elle lui file la nausée. Non… en fait, ça, c’est plus probablement l’alcool. Klaus considère la bouteille que Ben lui a placé entre les mains et consent à boire une première gorgée d’eau avant que Ben ne revienne. « Comment t’as atterri dans un endroit pareil ? » demande Klaus tandis que Ben l’attrape par les bras pour le mener jusqu’aux douches de l’établissement. Le message est pas très subtile et particulièrement clair pour le coup. « Bah j’suis là, bienvenue en enfer, du coup ? » répond cyniquement Klaus. Five aussi est là, et Allison, et Diego… et j’suppose que Vanya et Luther doivent pas être loin non plus. Toute notre magnifique famille coincés avec toi ici pour touuujours. » Il sait pas ce qu’il raconte, il est, en réalité, au bout du rouleau. Et Ben le voit, et comme c’est Ben, eh bien il n’y va pas par quatre chemins… Klaus se fige légèrement au moment d’entendre le nom de Ben, joue les statues de sel quelques instants avant de renifler son aisselle. « Bon d’accord, t’as raison », admet-il en grimaçant. Oui, il pue sévère, s’il n’y avait que ça. « Je veux pas t’en parler », répond Klaus en se désapant (sous le nez de son frère – il en a vu d’autres, après tout, non ?), « si je t’en parle, tu vas me dire que je suis un sale con, et j’suis déjà au courant », reprend-il en pénétrant dans la cabine de douche.
En vérité, il a envie d’en parler, et s’il faut qu’il en parle, il veut que ce soit à Ben, et si quelqu’un doit lui faire la morale, il veut que ce soit Ben, mais en même temps… il ne pourrait pas juste profiter du fait d’avoir retrouvé son frère ?
Il était aux anges. Son frère était en vie, il n’était pas mort à cause d’une énième apocalypse, ni d’une overdose. Et il était là avec lui. Et Ben comptait faire durer ce moment longtemps. Il n’avait pas eu à surveiller Klaus pendant deux ans. Et ça lui avait carrément manqué. Alors pour les prochaines heures, il reprenait son rôle de casse-pied de frère fantôme moralisateur. « Oh je ne suis pas si sûr de ça. Je suis devenu plutôt bon à ne pas te lâcher la grappe. »
Il ne voulait pas perdre une minute, heureusement que la journée n’était pas remplie et qu’il pouvait se permettre de quitter ainsi son poste. Bon autrement il aurait été capable d’inventer le plus gros mensonge de l’univers pour passer du temps avec son frangin. Sans la moindre hésitation, Klaus méritait au moins ça. Car si c’était principalement Ben qui avait été présent pour Klaus, l’inverse était presque aussi important, Ben avait eu besoin de ces années en plus, il n’avait jamais voulu rejoindre la lumière, il ne voulait pas partir si tôt, si jeune. Alors Klaus l’avait sauvé de la fin. Bien qu’au final celle-ci n’en fut pas réellement une. Et heureusement.
Un rire s’échappa des lèvres de numéro six tandis qu’il entraînait son frère avec lui. « Très bonne question je n’en sais trop rien. Quand j’ai réalisé que j’étais en vie j’avais déjà ce boulot. Et j’ai fini par l’apprécier. Enfin celui-ci et l’autre. Car je suis aussi prof. Ne demande pas comment, je ne sais pas non plus. » Et c’était véridique. Etrangement ce monde avait su le mettre exactement là où il pouvait gérer, là où il se sentait à sa place, serein. Et assez occupé pour l’empêcher de faire des conneries comme passer son temps à chercher désespérément sa famille.
Ben fronça les sourcils aux paroles de Klaus. Ils étaient tous là ? Impossible… Klaus divagait forcément, l’effet de l’alcool. Numéro 6 décida d’ignorer cela, faire croire à son frangin qu’il y croyait alors que pas du tout. Non c’était faux, en réalité ce que Klaus venait de lui avouer avait eu pour effet de raviver la flamme de l’espoir qui sommeillait en lui. Il avait une chance de retrouver le reste de sa famille. « T’es un idiot ! Au contraire, je suis plus heureux de te retrouver plutôt que d’être au paradis. Je ne suis pas parti de gaité de cœur non plus la dernière fois. Je voulais vous être utile. Et puis j’avais épuisé le quota de mes heures bonus avec toi. Tu le sais tout aussi bien que moi. » Il était enjoué, il voulait retrouver Diego, Vanya, tout le monde. Mais est ce qu’il devait s’autoriser à y croire tant que cela ? « Mais savoir que les autres sont là me fait tellement plaisir. Je vais pouvoir les revoir, vraiment, et pas juste en tant que Casper comme tu aimes le dire. Ils vont me voir. » Un sourire se dessina sur ses lèvres, tandis que ses yeux s’embuaient de larmes. L’idée qu’il pourrait revoir sa famille entière, les prendre dans ses bras, comme avant, l’emplissait de joie. Puis il retomba bien bas en se souvenant que Klaus était défoncé. Il avait probablement tout imaginé. « Et tu es conscient qu’on n’est pas immortel et qu’on ne restera pas ici pour toujours ? Et qu’avec notre chance on va réussir à provoquer l’apocalypse ici aussi. » Pas faux. La famille Hargreeves avaient réussi à provoquer deux fois l’apocalypse, à chaque fois qu’un voyage spatio-temporel avait lieu. Et comme on dit, jamais deux sans trois.
Mais pour la possibilité d’une nouvelle apocalypse n’était pas son problème pour le moment. Klaus était un fardeau suffisant pour le moment. Surtout lorsqu’il vérifia son odeur. Ce à quoi Ben répondit par une mimique de dégout. « Bien-sûr que j’ai raison Klaus ! » Il plongea son regard dans celui de son frère. Il voulait l’aider, mais pour ça il devait connaître le contexte. Et la nature du problème surtout. Il haussa les sourcils en l’entendant lui répondre tout en virant ses fringues. Ce dont Ben se fichait totalement, il avait été attaché à Klaus pendant plus de dix ans et avait même été dans son corps. Alors bon. Il le regarda disparaître dans la cabine de douche avant de répondre. « Tu penses vraiment que je dirais ça alors que viens seulement de te retrouver après deux ans ? » Un éclat de rire s’échappa de la bouche de l’ancien fantôme. « Bon d’accord j’en serais capable mais c’est parce que je connais mieux ta vie que toi, je l’ai vécu en étant sobre moi. »
Il laissa un moment de silence, réfléchissant à la meilleure manière d’atteindre son frère. Et pendant ce même temps il récupéra un peignoir de l’institut ainsi qu’une paire de chausson assortis et un beau string jetable qu’il déposa à côté de lui sur le petit banc présent dans la pièce. Puis il reprit la parole. « Maintenant je peux physiquement faire ce que je veux, c’est-à-dire t’empêcher de faire teeeeellement de chose, donc tu choisis, soit je fais de ta vie un enfer, soit tu me parles. » Il se redressa, passant sa main par-dessus la porte de la cabine, tendant à Klaus une bouteille de shampoing-gel-douche. « Et après on pourra avoir les dignes retrouvailles qu’on mérite en allant se faire un massage ou ce que tu veux, cadeau du patron ! »
Klaus affiche un sourire quand Ben lui fait remarquer qu’il est plutôt doué pour ce qui est de ne pas lui lâcher la grappe. Tu m’étonnes ! Combien de fois Klaus avait-il reproché à Ben d’être constamment dans ses pattes, d’ailleurs – comme s’il avait véritablement le choix. Il a bien envie de lui rétorquer que s’il est si bon que ça, où est-ce qu’il a disparu pendant près de trois ans, mais il ne le fera pas, parce que la dernière chose qu’il veuille, dans l’état où il est, c’est perdre Ben au moment de le retrouver en le poussant vers la sortie. C’est déjà un mécanisme de défense un peu trop courant chez lui, et il le sait bien. Pas qu’il soit forcément capable de raisonner très fort à ce sujet, là, tout de suite, ceci dit.
Il essaie de se concentrer sur la nouvelle vie de Ben, jamais totalement convaincue que non seulement il est là, et qu’en plus il est vivant. A ce stade, il pourrait bien avoir des hallucinations, ce ne serait pas surprenant. Et Ben serait certainement l’hallucination la plus réconfortante qu’il pourrait imaginer dans le lot. Donc, il s’est juste retrouvé avec ce boulot sur les bras, et il s’est dit… pourquoi pas ? Bah, après tout… Il a l’air heureux comme ça. Et c’est surtout ça que Ben veut pour son frère, qu’il soit heureux… même si le bonheur, c’est une sensation bien merdique, qui vous déserte quand vous vous imaginez que ce sera toujours. Ou c’est peut-être juste pour les gens cons comme lui. Après tout, Ben mérite bien plus que lui d’être heureux, ça c’est juste un fait.
Quand Ben ajoute qu’il est bien plus heureux de le retrouver que d’être au paradis, il a envie de pleurer toutes les larmes de son corps. Certes, quelque part, il redoute que ça ne fasse que confirmer que Ben ne soit pas vraiment là, mais en même temps, il a tellement besoin qu’il soit là… Il a constamment eu besoin de lui en son absence, il n’a cessé de chercher sa présence, partout, constamment… et ça ne lui est pas complètement passé, à dire, vrai, bien au contraire, même. Et là, tout de suite, il est la seule personne vers qui il se sent capable de se tourner, et en même temps… C’est compliqué, et il est trop défoncé pour savoir observer cette situation avec la distance nécessaire. « Ils vont pas en revenir de te voir là. Je peux te donner leur numéro, si tu veux, enfin, je les ai pas tous… mais ceux que j’ai, quoi. » Il a un peu l’impression qu’il parle à travers un mur épais, comme si Ben n’était pas tout à fait là, et c’est particulièrement perturbant. « Ah ça, on a peut-être déjà commencé », remarque Klaus en se marrant à moitié quand Ben suggère qu’ils vont peut-être provoquer une nouvelle apocalypse ici aussi. A ce stade, Klaus est surpris pour tout dire que Five soit pas encore venu leur rebattre les oreilles avec ça. « Enfin si par « nous » tu veux dire « Vanya », évidemment. »
Klaus sourit doucement tandis que l’eau coule sur son visage et son corps entier, qui en avait clairement besoin, alors que Ben admet qu’il serait capable de le traiter de sale con, même après tout ce temps sans l’avoir vu. Et pour cause, il aurait de quoi. Et il marque un point. Le pire c’est que c’est vrai. Ben connaît sans doute mieux Klaus que ce dernier ne se connaît lui-même, car en dehors de son sevrage made in sixties, Klaus a rarement été autre chose qu’un junky qui survivait à sa consommation abusive d’alcool et de psychotropes par l’opération du Saint-Esprit. Encore qu’il avait rarement abusé autant que dernièrement, ça, il doit le reconnaître aussi. « Tu oserais jamais faire de ma vie un enfer », répond Klaus en se saisissant du gel douche, « mais t’as gagné. Juste parce que t’as parlé de massage. »
Il parle derrière la cabine de douche. Le fait de ne pas avoir de vue directe sur Ben l’aide clairement à parler plus librement de ce qu’il a sur le cœur.
« Bon, alors… y a un mec. Enfin non, c’est pas un mec, c’est mon mec. Enfin non, c’est plus mon mec du coup… Je l’aime comme un fou, tu vois, genre, c’est… » Il mime une explosion, pour peu que ça ait du sens. « Je pensais pas que je pourrais ressentir ça, pas après Dave. Mais j’ai tout gâché, parce que ton frère est un putain de junky et qu’il sera toujours un putain de junky. Je lui ai fait du mal, je l’ai perdu et… il sera mieux sans moi mais je suis pas mieux sans lui. »
Ben aurait bien voulu pouvoir lâcher la grappe de Klaus, mais il se devait de faire attention à lui. Il savait très bien dans quel merdier son frangin pouvait se foutre, alors il avait fini par prendre à cœur son rôle d’ange gardien. Bon Ben était clairement le pire ange gardien, il n’avait pas réussi à empêcher bon nombre d’emmerdes. Mais il avait fait de son mieux pour arrêter Klaus de faire tel ou telle chose. En espérant pouvoir faire mieux, le sortir de la merde constante dans laquelle il se fourrait. Il aurait voulu que Klaus vive ce que lui n’avait pas pu vivre. Et finalement on lui avait donné cette chance, la possibilité de vivre la vie qu’il n’avait jamais eu le droit d’avoir. Alors oui, il en avait profité, en ignorant un tout petit peu sa vie, sa famille. Il méritait un petit peu d’être égoïste pour une fois. Et puis finalement après presque 3 ans, il avait fini par retourner à sa vie d’avant, retrouvant sa famille. Mais il n’allait pas lâcher sa nouvelle vie pour autant, il tenait à sa petite entreprise et à son job de professeur. C’était étrange qu’il se retrouve avec tout ça, mais… ça lui faisait du bien. Qui pouvait croire que Ben serait centré yoga et méditation ?
Un rire s’échappa de ses lèvres, toujours pas extrêmement sûr des propos de Klaus concernant leur fratrie, pourtant il voulait tellement le croire alors il se laissa doucement glisser dans une situation qu’il espérait réelle. « En même temps je reviens d’entre les morts carrément morts. » Il lui adressa un sourire. « Ouais je veux bien, parce que je ne crois pas trop aux miracles qui arrivent deux fois, te retrouver c’est déjà une chance en soit, je doute croiser Five en me baladant dans la rue. » Bon au final, vu les évènements qui suivirent, les numéros tomberont à la trappe, les deux frangins oubliant totalement cette partie de leur discussion.
Il foudroya son frère du regard. « Pardon ? » Sérieusement ? Sa famille avait vraiment un problème, il avait par lui-même évité une catastrophe, donnant sa vie pour que Vanya évite de causer une énième apocalypse. Et pourtant ils arrivaient à relancer la chose ? « Vous êtes sérieux ? » Il soupira, se massant les tempes. C’était pas croyable. « Vous n’êtes pas capables de rester tranquille deux minutes et de pas déclencher d’apocalypse ? »
Un nouveau soupire s’échappa des lèvres de numéro six. « Eh c’est de notre faute si les deux fois Vanya s’est retrouvé à foutre la merde. Et par notre faute, j’entends vous parce que moi en tant que fantôme je pouvais pas déclencher grand-chose. » Oui oui, il venait d’utiliser la carte fantôme. Parce que c’était vrai en soit, il n’avait rien fait lui. Il en était tout bonnement incapable. Pas de corps, pas de problème à créer.
Ben apprécia le moment présent. Il se posait enfin. Il profita du bruit de l’eau coulant pour fermer les yeux quelques secondes. Jusqu’à les rouvrir à la remarque de Klaus, qu’il rejeta en riant. « Oh tu es sûr ? Je pensais pourtant que les dernières années vécus ensembles se rapprochaient déjà bien de l’enfer. Ça doit être encore plus facile à faire avec un corps fait de chair et d’os, et de muscles. C’est dingue à quel point le yoga ça muscle en réalité ! » Un sourire taquin se voyait clairement sur son visage. Il disait vrai, il n’avait jamais eu autant de muscles, et pourtant il n’avait pas eu grand-chose à faire dans l’after life. « Ouais ton massage on va voir si tu le mérites ! »
Il écouta alors son frère raconter sa petite histoire. Son frère était un idiot quand il voulait mais il ne lui dira clairement pas. Ce n’était pas le but de l’enfoncer encore plus, Ben voyait bien qu’il était déjà au bord du gouffre. « Je vois… Tu as tort, j’vais pas dire que tu es un sale con. » Puis après quelques secondes de réflexion il reprit. « Mais bon vu ce que tu me dis, il t’aime aussi. Sinon il aurait clairement pas accepté d’être ton mec. Crois-moi, être avec toi ça demande de l’amour, heureusement t’es mon frère, j’étais obligé de t’aimer. » Un sourire en coin s’était formé sur ses lèvres avant qu’il ne reprenne, empêchant Klaus d’en placer une. « Donc arrête de te prendre la tête, va le voir, excuse-toi et reprends-toi en mains par la même occasion. On arrête la drogue et tout le bordel qui va avec. Puis tu vas faire un groooos câlin à ton mec et tu lui dis que tu l’aimes. »
Au fond, Klaus, lui, n’est pas si sûr que le hasard ne suffise pas à lui faire retrouver ses proches sans besoin d’intervention pragmatique. C’est par hasard qu’il a retrouvé Five, puis Allison, et maintenant Ben, alors au final… ceci dit, si on pouvait faciliter la tâche à tout ce beau monde histoire qu’ils se réunissent au plus vite, hein ! Enfin… Tout ce beau monde, mais Klaus ne s’inclut pas forcément dans le lot. Au plus mal et borné comme c’est pas permis, il continue de penser que le mieux reste qu’il disparaisse du paysage, peu importe qui ça doit concerner. Y compris Ben. Même si dans le cas de ce dernier, bon sang ce que c’est dur ! Même encore maintenant, Klaus se demande s’il ne se l’imagine pas tant il lui semble impossible de l’avoir sous les yeux… Bordel ce qu’il peut lui avoir manqué. Son petit cynisme à peine déguisé, ses joyeuses leçons de morale, le soin qu’il réussissait à prendre de lui-même quand il se comportait comme le dernier des déchets humains… (et on ne va pas se mentir, ce dernier cas de figure se présente très régulièrement.).
Klaus laisse les remarques de Ben glisser sur lui, un peu en dehors de lui-même, à vrai dire, il les accueillerait presque avec un certain réconfort. Ses sermons qui dans le fond avaient toujours été bienveillants auraient été clairement ce dont il avait besoin alors qu’il sombrait littéralement dans le fond du fond du gouffre. Il avait fait absolument n’importe quoi, il s’en rend bien compte, et clairement, il en est pas fier. Alors plutôt que de fanfaronner ou quoi que ce soit du genre, il se contente de lui apprendre l’histoire qui le met dans un tel état. Et au final, il ne sait pas ce qu’il attend de Ben. Qu’il l’engueule ou qu’il le réconforte, peut-être les deux en même temps. Au final, il en sait trop rien. Il est paumé, il veut juste son frère, peu importe comment, et même s’il reste campé dans ses résolutions stupides, on peut clairement dire que l’ancien fantôme fait son grand retour dans sa vie pile au bon moment.
Au final, quand Ben assure qu’il ne va pas le traiter de sale con, ben rien que ça, ça lui fait du bien, et Klaus réalise que c’est pile ce qu’il avait eu besoin d’entendre. Il lui dit des choses qu’il sait, mais qu’il faut sûrement qu’il entendre. Ouais, Klaus sait bien que Mutt l’aime, et d’ailleurs, c’est encore pire pour cette raison, parce qu’il lui aurait fait moins mal si Mutt n’en avait rien eu à battre, en fin de compte. Il sourit en essuyant ses larmes, mêlées à l’eau de la douche quand Ben ajoute que ça demande clairement de l’amour pour le supporter. Oh ça, il veut bien le croire. Klaus a l’intention de répliquer un truc malgré tout, mais Ben reprend. Et tout ce qu’il dit est sensé, sauf qu’il est pas sûr d’être capable d’arrêter dans l’état où il est, tout comme il est en revanche sûr qu’il faut qu’il laisse Mutt tranquille. Au final, Klaus ne répond rien, il éteint la douche, s’essuie rapidement, prend quand même la peine d’enrouler ladite serviette autour de sa taille (mais ça s’est joué de peu) et quitte la cabine de douche pour se précipiter littéralement dans les bras de son frère.
« Tu m’as manqué », il lui souffle simplement en le gardant dans ses bras.
Et il reste comme ça un moment. Il n’avoue pas à Ben qu’il n’a pas l’intention d’écouter le moindre de ses conseils, mais à la place, il décide de profiter de cette parenthèse.
« T’as des trucs à boire ? Je suis sûr que vous proposez plein de boisson suspectes ici, genre komboucha et jus de goyave. »
Code by Laxy
Invité
Jeu 3 Mar - 19:42
calm as a ghost, really ?
klaus & ben
Il aurait pu se mettre à pleurer. Parce que c'est clairement pas l'émotion qui manquait. Ben avait toujours été plus proche de Klaus que le reste de la fratrie. Il y avait toujours eu ce lien qui les avait rapprochés. Peut-être que quelque part le destin avait tenté de les rapprocher parce que le futur tragique de Ben était déjà tout tracé. Comme si quelqu'un s'amusait à jouer avec leurs vies depuis des années. Alors oui, il y avait leur paternel, mais là c'était autre chose. En tout cas Ben serra son frangin dans ses bras. Il était vraiment heureux de le retrouver. Et même s'il disait qu'il avait apprécié retrouver sa vie d'humain en vie, il échangerait sans hésitation ces trois ans pour redevenir le fantôme de service de Klaus. Et pourtant ça l'avait bien fait chier de le voir détruire sans vie sans rien pouvoir faire, c'était à quel point il aimait le bouclé. « Moi aussi Klaus. Moi aussi. »
Avec un rire Ben vint tapoter l'épaule de son frère. « Alors autant je peux comprendre que tu considères le kombucha comme suspect mais le jus de goyave ? Sérieux Klaus ? » Il leva les yeux au ciel. Avant de lui indiqua d'un mouvement de la tête le peignoir et le reste des "vêtements" qu'il avait emmené pour lui. « Mais crois pas, j’ai beau être le patron, je joue pas dans la même cour. Habille toi, on va sortir de là. »
Il se tourna, laissant de l'intimité à son frangin, même si celui-ci n'en avait clairement pas besoin. Ils avaient déjà partagés le même corps, clairement l'intimité c'était une chose compliqué à imaginer dans la vie des deux Hargreeves. « Je rapporte des pâtisseries pleeeeines de beurre et des sodas parfois. » Détails clairement inutile pour Klaus, mais Ben essayait de montrer à son frère qu'il n'était pas devenu un hippie vegan manifestant contre le gluten, comme probablement une partie des membres de sa secte en 1963.
Klaus lui indiqua alors qu'il était enfin sapé, Ben se retourna et du se retenir d'exploser de rire. Mais le look peignoir et chausson du spa, c'était un style que même Klaus ne pouvait pas rendre bien. Il l'invita à le suivre avec un geste de la main. Ils traversèrent deux couloirs avant d'arriver dans le bureau de Ben. Le patron de l'établissement alla ouvrir l'armoire au fond de la salle et laissa voir à Klaus qu'elle contenait de l'alcool. « Sers-toi. Mais vide pas mon semblant de bar.»
Au final, Klaus ne sait pas comment il a été capable de survivre pendant trois longues années sans les proverbiales leçons de morale de son très cher frangin. A l’évidence, il lui fallait au moins ça pour garder les pieds sur terre et pour relever la tête quand il était au fond du trou. Certes, cette fois, ce ne serait peut-être pas assez, mais pour l’instant, Klaus décide de rejeter d’un bloc tout ce qui l’angoisse ou le préoccupe. Il prend pleinement conscience du fait que Ben est définitivement là, en chair et en os, et cette pensée le rassure… Quoi qu’il arrive, maintenant, il est là, et même s’il ne sera plus jamais son fantôme de compagnie, il ne sera plus jamais tout seul. Oh oui, il lui a manqué, beaucoup manqué. Et en l’occurrence, il est tout bonnement incapable de prétendre que ce n’est pas le cas.
« Quoi… t’as déjà vu à quoi ça ressemble, une goyave ? C’est super suspect », reprend très sérieusement pour mettre un terme à cette séquence émotion. Il en avait certes eu terriblement besoin, mais il veut empêcher cette conversation de virer dans le pathos, déjà qu’il devine que c’est un peu trop le cas.
Klaus fait l’effort de s’habiller avant de se laisser traîner à l’extérieur par son frère. Il doit bien avouer que là, tout de suite, il n’a qu’une envie, c’est de laisser son frère prendre les choses en mains et de se laisser porter, ni plus ni moins. Même, il doit reconnaître qu’il a le plus grand besoin de cela. Juste… se laisser flotter sur cette espèce de vague apaisante que provoque en lui ses retrouvailles avec son frère. Il se doute que ça ne lui durera pas, mais en attendant, la douleur semble comme captive d’une bulle impossible à éclater, et il veut que ça dure le temps qu’il passera avec son frère. Il affiche un sourire en coin quant à la précision de Ben sur les pâtisseries pleines de beurre et les sodas. Il le reconnaît bien là.
Une fois présentable (enfin tout est relatif), Klaus sourit en voyant Ben se retenir de se foutre de sa gueule. Il affiche n sourire quand Ben ouvre son armoire où se trouvent quelques bouteilles d’alcool.
« T’es le meilleur ! » Klaus se choisit une bouteille, et sans réclamer de verre, commence à la boire au goulot. « Bon, parle-moi de toi, comment ça se passe, la vie d’ex-fantôme revenu d’entre les morts ? En dehors de cet endroit, je veux dire ! T’habites où ? T’as une copine ? … Un copain ? T’as enfin goûté aux joies des relations entre adultes consentants ? »
Quoi ? Il met les pieds dans le plat ? Peut-être bien, mais pour sa défense, il n’a pas eu l’occasion de faire ça pendant des années, il faut bien qu’il se rattrape, et il faut aussi reconnaître qu’il est quand même très curieux de ce que peut être la vie de son frère, à présent.
C'était bien là une question qu'il se posait. Comment Klaus avait fait pour tenir trois ans. Ben croyait dur comme fer que son frangin avec un instinct de survie du tonnerre, parce que ce n'était pas avec ses interventions verbales qu'il avait pu faire grand chose durant toutes les années où il l'avait suivit. Mais parfois il lui était arrivé d'en douter. Klaus pouvait faire de sacrés conneries. C'est donc avec un soulagement immense qu'il pouvait voir que son frère n'avait pas fait tant de merde que ça. Enfin... Il était pas un cadavre dans une cercueil quoi. Il avait réussit à se maintenir en vie d'une manière ou d'une autre. Et ça c'était le plus beau des cadeaux qu'on puisse faire à l'ancien fantôme.
Si les larmes menaçaient de couler, et bien elles furent coupés dans leur mouvement par la seule phrase de son frangin. Ben éclata tout simplement de rire, il donna des tapes sur l'épaule de son frère avant d'essayer de se calmer. « Klaus c'est un fruit ! C'est pas suspect.»
Sans s'en rendre compte Ben et Klaus venaient de retomber dans leur pattern habituel, Ben prenant en charge son frangin. C'était apaisant pour numéro six de retomber là dedans, même sans le vouloir. Il avait toujours tout fait pour s'occuper de Klaus du mieux qu'il puisse en sa forme fantomatique. Et maintenant qu'il avait la possibilité de le faire pleinement, c'était un soulagement.
Le brun fixa son frère alors que celui-ci prenait une bouteille parmi tant d'autre. Un petit sourire se dessinant sur son visage. « Je sais.» Ben quant à lui attrapa une bouteille de sirop et se versa une certaine quantité au fond d'un verre avant de remplir la fin d'eau. Après tout il était toujours au boulot et malgré la présence de Klaus, il restait le responsable de l'établissement. Il ne pouvait pas boire. Ce serait clairement pas sérieux de sa part. Et pourtant Ben est qualifié principalement par cet adjectif. Il reporta son attention sur Klaus, refermant l'armoire derrière lui. « C'est sympa. Pendant un moment j'ai crû que c'était genre... le paradis. Parce que vous étiez pas là et que j'avais plus mes pouvoirs.» Il avala une gorgée de sa boisson. C'était étrange d'énoncer à son frère une vie qu'il avait eu sans lui, alors qu'ils avaient vécus plus d'une décennie collé l'un à l'autre. « J'habite à Racoon Square, dans une maison, quand j'suis arrivé je possédais déjà la maison. Tout comme j'avais le spa et aussi un job à l'université. Je sais pas comment mais voilà...» Puis un petit rire s'échappa de ses lèvres. « C'est ça fous toi de ma gueule Klaus ! Mais oui et non. J'ai rencontré cette fille, je l'aime vraiment bien.» Love était vraiment une fille importante pour lui. La première qui le voyait.
Le rire de Ben lui avait terriblement manqué, il l’entend au moment de l’entendre à nouveau, et il est bien content d’avoir obtenu ça de lui. Ça arrivait pas si souvent, l’air de rien. Klaus exaspérait Ben bien plus souvent qu’il ne l’amusait, mais malgré tout, et en dépit de toutes les occasions qu’il avait eues de susciter son irritation, il reconnaît quand même être heureux de retrouver tout ça chez lui… ça durera sans doute pas. Vu l’état dans lequel il se met ces derniers temps, y a quand même plus de chances qu’il lui donne des raisons de le secouer, de lever au ciel ou de s’inquiéter qu’autre chose, mais en attendant, Klaus apprécie de voir Ben ainsi, parce que c’est quand même comme ça qu’il le préfère. Non, pas juste comme ça, mais vivant, aussi… mais ça, c’est encore une information qu’il a du mal à complètement intégrer, le fait que s’il doit commencer à lui malaxer les joues – c’est tentant –, ses doigts ne les traverseront pas.
Bref, les fruits suspects ont servi d’agréable intermède. Et Klaus en profite aussi de son côté. Il serait difficile d’expliquer à quel point il avait eu besoin de retrouver Ben, parce que lui-même n’avait pas conscientisé que c’était à ce point. Bien sûr, il lui a manqué, et ça, il ne pouvait que le réaliser, chaque fois qu’il voulait tourner la tête en direction d’un frère qu’il serait le seul à voir, mais qu’il ne voyait pourtant plus. En près de trois ans, il n’avait pas perdu ce réflexe, c’était pour ainsi dire plus fort que lui, il ne savait pas faire autrement, tout simplement, il ne réussissait pas à faire autrement, même, pourrait-on dire. Il va éviter de faire dans plus mielleux que nécessaire, ceci dit, et pour cette raison, il se décide à poser des questions concrètes (et forcément embarrassantes) à son interlocuteur.
Il habite à Racoon Square et se paie même le luxe d’avoir une maison à lui (Klaus devrait être jaloux, lui qui a squatté l’habitant et le squat pendant des mois avant de squatter le Mutt – avec avantage, avant de se retrouver à la rue de nouveau). Incroyable tout ce que cette nouvelle vie lui a offert, tu m’étonnes qu’il devait croire que c’était le paradis.
« Quand on va au paradis, le bon dieu vous offre un spa, c’est bien connu », le chambre quand même Klaus. « Et dire que tu te croyais au paradis parce que j’étais pas là. Les mots blessent, tu sais », ajoute-t-il, mais sans être sérieux.
Au fond, il se demande s’il n’aurait pas été mieux pour Ben d’avoir vraiment rejoint la lumière. Il avait été prêt, Vanya le lui avait assuré, c’était son moment, et ce moment lui avait été volé. Ceci dit, égoïstement, Klaus est trop heureux de l’avoir retrouvé pour y redire quoi que ce soit.
« Dis-moi tout, alors. Comment elle est, cette fille ? Comment tu l’as rencontrée, vous êtes ensemble ? »
Curieux, il l’est clairement. Et possessif ? Peut-être un peu (beaucoup) aussi.