Quatorze heures seulement ? Si Klaus devait se fier à ses seuls signes vitaux - en berne, très clairement - il jurerait qu'il devrait être... quoi ? Trois heures du matin ? Bon, l'éclairage ambiant détrompe cette probabilité avec pertinence, mais Klaus n'a clairement pas l'esprit suffisamment clair pour savoir se fier à des indices aussi remarquables que la position du soleil dans le ciel pour déterminer l'heure qu'il peut bien être. Le cerveau confiné dans un étau de brume, il a le sentiment d'avoir gavé sa boîte crânienne de chamallows. C'est pas déplaisant du tout, mais ça n'aide pas forcément à appréhender des notions normalement, fatalement acquises avec simplicité... Il a dû faire le tour de l'horloge sans une seule seconde de souveraine sobriété, le temps des rires et des chants mais aussi du sevrage prolongé est bien derrière lui.
Il n'en a connu aucun depuis son arrivée sur cette île. Sa vie partagée entre beuveries, trips psychédéliques et redescentes d'acide. Un ou deux overdoses au compteur, aussi... C'était sûrement inévitable. Il a une bonne excuse pour ça (il en a toujours) - cette situation est bien plus simple à endurer avec le soutien indéfectible de ses amis opiacés. Oui, il a des circonstances atténuantes. Ses repères troublés, plus aucun fantôme à l'horizon, zéro pouvoir, plus de Ben, forcément (pauvre Benny)...
Puis cet endroit dont personne n'est capable de sortir et qui a l'air de sincèrement taper sur le système de tous ceux qui s'y trouvent coincés. Certes, il y a du mieux, maintenant, pour Klaus. Déjà, parce que grâce à Mutt, il s'est trouvé un coloc et un pote d'enfer (passé le quiproquo particulièrement gênant au cours duquel Klaus a cherché à le mettre dans son lit - pour sa défense, Mutty ne transpirait pas l'hétérosexualité durant cet épisode), ensuite parce qu'il a retrouvé au moins un membre de sa famille. Bon, c'est Five. Et Five est fidèle à lui-même. Déjà qu'en temps normal, le petit psychopathe est un emmerdeur de première (mais il l'aime quand même), mais alors Five sans ses pouvoirs, croyez bien que c'est l'inverse d'une partie de plaisir. Donc bon, même s'il est content de l'avoir retrouvé, il va quand même veiller à le fréquenter avec modération, une modération dont il est absolument incapable dans d'autres aspects de sa vie.
Bref, où on en était ? Ah oui. Quatorze heures. Oui, ça l'arrange qu'il soit quatorze heures. Il crève de faim. Il planterait bien les crocs dans un hamburger ou deux (ou trois, faut voir - il a vraiment la dalle). Au premier diner qui croise sa route, Klaus débarque en ouvrant la porte en grand, comme le seigneur qu'il n'est pas qui ferait le tour d'une de ses propriétés qu'il ne possède pas. Le serveur qui consent à l'installer à une table le fixe bizarrement. Est-ce parce qu'il chancèle tellement qu'il redoute qu'il s'effondre sur lui ? Ou parce que son discours n'a pas été aussi éloquent qu'il l'a présumé au moment de saluer l'employé du diner ?
Va savoir, en tout cas, une fois à une table, Klaus s'affale littéralement tout en s'emparant d'un menu qu'il a bien du mal à déchiffrer. Après une lecture relativement infructueuse, il balaie l'endroit du regard, c'est sympa, ici, et ça sent bon, un mélange inexplicable de produits nettoyants, de frites et de milk-shake. Tout est sympa ici, la déco est sympa, la musique est sympa, les serveurs qui le regardent de travers sont sympa, cette serveuse qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Allison est sym... ...Attendez une minute. "Allison ?" Klaus se lève d'un bond et se cogne au passage à la table, renversant le peu de ce qui s'y trouvait. Il n'y prête aucune attention, se précipite vers sa soeur pour la serrer dans ses bras. "C'est bien toi", dit-il en aplatissant ses paumes sur ses deux joues pour mieux la regarder avant de la serrer dans ses bras. "Où est-ce que t'avais disparu ?"
Maintenant un peu plus de deux ans que j’habitais ici, dans cette ville toujours aussi mystérieuse que la première journée. Je n’avais aucune nouvelle de mes frères et de ma sœur. Je ne savais pas si nous nous étions tous retrouvés ici, ou si j’avais été la seule à y faire le voyage. J’avais quitté le Texas, en 1963, en compagnie de ces derniers pour revenir à New York, pour revenir à la maison. Il faut croire que les pouvoirs de Five lui avait fait défaut, parce que nous n’étions pas à New York… Et nous n’étions pas ensemble. Il m’arrivait même de douter de mon choix. J’avais laissé ma nouvelle vie, mon mari pour les suivre, pour me retrouver toute seule. Mais bon, je chassais souvent ses idées noires de ma tête. Je ne pouvais retourner en arrière, surtout sans Five.
Ne voulant pas trop attirer les regards, j’avais décidé de me trouver un petit boulot, en tant que serveuse dans un diner et j’utilisais toujours Chestnut, comme nom de famille. Il m’arrivait de penser à ma vie d’avant, celle où j’étais une actrice, mais trop de choses avaient changés et j’avais fait beaucoup trop de chemin avec mon pouvoir, pour retomber dans le piège, qu’était la manipulation. Étonnamment, j’aimais mon nouvel emploi. Les horaires étaient quelque peu différents d’une semaine à une autre, mais l’ambiance était bonne et les clients (à quelques exceptions près) étaient tous agréables et courtois. Ça payait plutôt bien, surtout avec les pourboires. J’avais réussi à me trouver un petit appartement, pas trop loin et je vivais comme une personne normale, chose que j’avais pris l’habitude d’être lorsque j’étais avec Raymond.
Ce jour-là, mon quart de travail avait débuté vers les 6h30 du matin. Ce n’était pas celui que je préférais, mais je n’allais certainement pas cracher sur mon boulot… Et sur l’argent que j’allais récolter. Lorsque je travaillais le matin, je terminais toujours entre 14h30 et 15h00, laissant ainsi la place aux employés du quart de travail du soir. Je m’étais absenté quelques instants à la cuisine, lorsque l’une de mes collègues est apparue, m’informant qu’il y avait un client bien étrange, qui venait d’entrer et qu’il ne semblait pas être clean. J’ai laissé un énorme soupire d’entre mes lèvres. J’avais l’impression d’avoir : « S’il y a un mec étrange dans le restaurant, venez chercher Allison, elle, elle sait les gérer! » d’écrit dans le front. J’ai déposé ce que j’avais dans les mains et je les suivi. Elle s’est arrêtée tout près du comptoir avant de me pointer le jeune homme. Mes yeux se sont arrondis, puis son regard à croiser le mien. Klaus. « Allison ? » Il s’est levé d’un bon, se cognant au passage sur une table, mais ceci ne semblait pas l’arrêter. Il m’a serré dans ses bras et je n’ai pu m’empêcher de sourire pleinement. J’entendais mes collègues chuchotés derrière nous, mais je n’en avais rien à foutre. « C’est bien toi » m’a-t-il demandé avant d’encadrer mon visage de ses mains. J’ai hoché la tête, puis il m’a serré dans ses bras de nouveau. « Où est-ce que t’avais disparu ? » J’ai laissé échapper un rire. Je pouvais tellement lui poser la même question. « J’ai toujours été ici… J’vous ai cherché, mais pas à la bonne place, il faut croire. » Lui dis-je, avant de me décoller, pour mieux l'observer à mon tour. « Comment vas-tu? T'a faim? T'a soif? » Il n'avait pas l'air dans son assiette, je m'étais même demandé s'il avait dormi dans les derniers vingt-quatre heures.
Toujours ici ? Mais... mais... Comment est-ce qu'elle a pu être toujours ici sans qu'ils se croisent ? Pourquoi est-ce qu'ils avaient perdu tout ce temps ? Oh, et puis merde, tant pis. Dommage pour tout ce temps perdu, c'est clair, mais en attendant, Klaus est si soulagé d'avoir retrouvé sa soeur ! Surtout qu'elle a l'air de se porter comme un charme, aussi bien qu'on peu se porter dans les circonstances.
Il peine à la lâcher, il a bien envie de la garder dans ses bras encore un petit moment, ne serait-ce que pour être sûr qu'il n'est pas en train de l'halluciner. Il a pas mal abusé ces derniers temps, et pour le coup, il serait pas forcément surpris... Il en est au point de ne même plus franchement savoir quelles substances courent dans son organisme, à l'heure actuelle, alors... Mais oui, il reconnaît son sourire, sa carrure, sa voix. Bon sang, ce qu'elle lui a manqué. C'était bon de retrouver Fivey, mais le petit psychopathe de service était ingérable, ça faisait du bien de faire face à la plus raisonnable de la fratrie. Enfin, en oubliant Ben, mais Ben... Oui, il faut oublier Ben. "Si je vais bien ? Allison, t'es là ! C'est parfait !" déclare Klaus avec beaucoup trop d'enthousiasme.
Il parle trop fort, beaucoup trop fort, et attire l'attention de tous les clients en plus des collègues d'Allison. Pas cool pour elle, clairement, qui risque de se taper une sale réputation par sa faute, mais il est franchement si heureux de la revoir qu'il aurait bien du mal à en avoir moins quelque chose à foutre à l'heure actuelle. Elle est là, alors forcément, et même si son état est... chancelant ? Il ne peut qu'aller bien. D'accord, pour que tout soit parfait, il faudrait qu'ils aient retrouvé Vanya, qu'ils aient retrouvé Luther, qu'ils aient retrouvé Diego... mais, déjà deux frangins de retrouvés sur le lot, est-ce que c'est pas miraculeux pour commencer ? Y a de quoi être positif, pas vrai ? "J'ai faim. Et j'ai soif, donne-moi tout ce que t'as", décrète-t-il du ton de celui qui a oublié qu'il fallait éventuellement payer ce qu'il avait bien envie de commander. "Allison, Allison", ajoute-t-il en serrant son poignet entre ses doigts. "T'as pas vraiment besoin de bosser, là, tout de suite, pas vrai ? Tu peux t'asseoir un moment avec moi, n'est-ce pas ? On a trop de choses à se dire. Je veux savoir ce qui t'est arrivé ? Comment ça se passe pour toi ? T'es bien ici ? Comment ça s'est passé pour toi ? Tu as retrouvé les autres ?"
Pas Five, c'est sûr, enfin, pas aux dernières nouvelles, mais qui sait, peut-être que, de son côté, elle avait été plus chanceuse. Quoi qu'elle avait bien dit qu'elle les avait cherchés sans succès, mais Klaus, dans l'état où il se trouve n'est pas forcément des plus aptes à entendre plus d'un mot sur deux. Il se fiche à peu près de tout ce qu'il y a autour. Il veut juste rattraper le temps perdu avec sa très chère frangine.
Je n’en revenais pas. Après avoir retrouver Five, il y a quelques jours, dans des circonstances un peu alarmantes, je venais de retrouver Klaus. Et tout comme avec le premier, je ne m’y attendais pas, mais pas du tout. Lorsque mes collègues ne voulaient pas gérer un client, qui selon eux, était étrange, ils venaient me chercher. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi ils en étaient incapables. Après tout, ledit client en restait un. Au départ, j’étais un peu dépassée par les demandes de mes collègues, mais avec le temps, c’était devenu une habitude et ça me faisait toujours plaisir de répondre à leurs demandes farfelues. Je ne sais pas si ceci m’avait acquis le respect de mes paires, mais pour être franche avec vous, je m’en fichais royalement. Alors, je n’étais pas surprise lorsque Samantha est venue me chercher dans les cuisines. Ce qui m’a surprise, c’était de voir que le client que personne ne voulait s’occuper était nul autre que Klaus. Dans un piètre état, mais c’était Klaus. Sa joie de me retrouver était si contagieuse qu’un sourire s’est dessiné sur mon visage et il ne semblait pas vouloir s’estomper. « Si je vais bien ? Allison, t’es là ! C’est parfait ! » Mon frère est très enthousiaste et attirait les regards des clients et de mes collègues. Je pouvais les entendre chuchoter, passer des commentaires. Je m’occuperai de ça plus tard. En ce moment, je voulais m’occuper de Klaus. « J’ai faim. Et j’ai soif, donne-moi tout ce que t’as » J’ai continué de sourire et j’ai hoché la tête. « Parfait! Laisse-moi voir ce que je peux faire. » Lui dis-je, avant de m’apprêter à tourner les talons pour prendre les directions de la cuisine. Mon frère n’avait probablement pas l’argent pour se payer un bon repas, mais il n’avait pas à s’inquiéter, j’allais m’en occuper. « Allison, Allison » Klaus a pris l’un de mes poignets entre ses doigts, me retournant ainsi vers lui. « T’as pas vraiment besoin de bosser, là, tout de suite, pas vrai ? Tu peux t’asseoir un moment avec moi, n’est-ce pas ? On a trop de choses à se dire. Je veux savoir ce qui t’est arrivé ? Comment ça se passe pour toi ? T’es bien ici ? Comment ça s’est passé pour toi ? Tu as retrouvé les autres ? » Les questions défilaient et je me demandais bien quand il allait respirer dans tout ça. « Je vais te chercher à manger, et oui, je pourrai rester avec toi un peu. Mon quart de travail se termine bientôt de toute façon. Et je suis heureuse de te dire que je n’ai rien de prévu après… Allez assied-toi, je reviens! » J’ai tourné les talons vers le comptoir et cette fois-ci, il m’a laissé partir. J’ai commandé un chesseburger avec frites et un grand milkshake aux fraises. Au bout de quelques minutes, j’étais de retour auprès de Klaus, son assiette et son verre à la main. « Eh voilà! Bon appétit! » Lui dis-je, en déposant le tout devant lui. J’ai pris place face à lui, et j’étais enfin prête à répondre à toutes ces questions. « Alors… par où commencer… Je suis arrivée ici, probablement en même temps que vous… En quittant le Texas. Je ne savais pas trop par où commencer, mais j’ai décidé de garder le nom de Chestnut, pour me fondre dans la masse. Je me suis trouvé un petit appartement et un boulot ici. Ce n’est peut-être pas le meilleur boulot, mais ça me tient occuper et j’adore mes clients. J’aimerais peut-être même me réessayer au cinéma… ou à la télévision… J’ai aucune nouvelle des autres, à l’exception de Five. Nos chemins se sont croisés, il y a quelques jours. Il m’a parlé de toi, qu’il t’avait retrouvé, mais aucune nouvelle des autres, tout comme moi d’ailleurs… Et toi, comment tiens-tu le coup? » J'avais décidé de garder les détails de mes retrouvailles avec Five pour moi, pour le moment. Klaus n'avait pas besoin de s'inquiéter. Il en avait déjà assez sur ses épaules.
Le sourire de Klaus s'illumine quand Allison lui confirme qu'elle a du temps à lui consacrer. Dans tous les cas, elle n'aurait pas toléré une réponse différente. D'une façon ou d'une autre, il l'aurait forcément poussé à arrêter son service en avance. Il vient à peine de la retrouver, ce n'est certainement pas pour lui adresser quelques minutes seulement. Il n'a pas vraiment de considération pour le travail d'Allison ou pour l'embarras dans lequel il peut la mettre. Tout ce qui l'intéresse, lui, c'est la compagnie de sa soeur, et pour le moment, elle occulte absolument tout le reste. Il la suit du regard tandis qu'Allison s'éclipse le temps de lui apporter de quoi boire et manger. Quand elle revient, elle lui confirme par le choix de ce qu'elle lui apporte qu'elle connaît encore ses goûts sur le bout des doigts. Il lui adresse un grand sourire en se ruant presque sur son repas. C'est qu'il a vraiment les crocs ! "Un milkshake à la fraise ! Tu es vraiment parfaite !" dit-il en s'extasiant presque sur le verre remplit d'une mixture rose et apéttissante.
Sitôt installée en face de lui, elle daigne répondre à ses questions, et il peut en apprendre plus sur ce à quoi sa vie ressemble ici tout en mordant dans son cheeseburger. Il n'est pas au summum de ses capacités cognitives, cela ne l'empêche pas de se montrer des plus attentifs à tout ce qu'il pourra bien entendre, à tout ce qu'elle pourra bien lui dire de ce qu'est sa vie à présent. Il veut entendre qu'elle sait s'adapter, qu'elle se porte bien, qu'elle n'est pas malheureuse. Que même si les circonstances ne sont pas idéales, elle réussit à s'en tirer et à tirer le meilleur parti de toute cette situation. Allison a toujours été une débrouillarde, et elle a de la ressource. Si quelqu'un est vraiment capable de s'en tirer dans ces circonstances incompréhensibles, c'est bien elle.
Elle lui confirme en effet qu'elle ne s'en tire pas si mal. Elle a trouvé un boulot, un appartement. Son boulot lui plaît, elle songe à redevenir actrice, bref, elle réussit à voir loin. Elle a sans doute raison. Klaus veut croire qu'ils ne resteront pas coincés ici, comme ils ne sont pas restés coincés à Dallas éternellement. Mais en attendant, le temps se fait long, et mieux vaut réussir à être au moins un petit peu heureux dans le temps imparti. "Oh, c'est pas l'idéal mais ça se passe pas trop mal", répond Klaus quand Allison lui demande comment les choses se passent pour lui... ça pourrait être mieux... ça pourrait être nettement pire, aussi. Au moins, il s'en sort pas si mal, et il retrouve ses proches, petit à petit. "J'ai retrouvé que Five, et toi maintenant, mais si vous êtes là, ça veut dire que Diego, Vanya et Lutherr sont pas loin. Et sinon, sinon..." Il réfléchit, il veut dire plein de choses et n'aurait dans le fond pas grand-chose à dire, parce qu'il a fait que vivoter tout ce temps. "Ah je me suis trouvé un super coloc, va falloir que tu le rencontres, un type super - et plutôt mignon en plus, franchement cool. Et aussi, j'ai plus mes pouvoirs, mais j'imagine que c'est ton cas aussi, pas vrai ? Je t'avoue que ça me fait des vacances. Même si, enfin, Ben me manque, mais il serait pas là de toute façon, pas vrai ?" Il a un léger rire nerveux. "Il était comment, Five, quand tu l'as vu ? Non parce que depuis nos retrouvailles, j'ai plus de nouvelles, je savais même pas que vous vous étiez retrouvés."
Klaus était là. Je n’allais certainement pas le laisser seul. Il ne restait que quelques minutes à mon quart de travail, et même si ma remplaçante n’était pas encore arrivée, je pouvais me permettre de prendre place en face de mon frère. Je restais tout de même à l’écoute, si jamais on avait besoin de moi, mais pour l’instant, mon attention était sur Klaus. Je lui avais apporté de la nourriture et quelque chose à boire. Je savais qu’en lui apportant un milkshake aux fraises que je gagnerais son coeur. « Un milkshake à la fraise ! Tu es vraiment parfaite ! » J’ai laissé échapper un rire d’entre mes lèvres, en prenant place à la table. Je n’étais même pas assise que Klaus me posaient mille et une questions sur ma vie depuis que j’étais arrivée ici. J’ai pris le temps de lui répondre. Ma vie n’était pas si différente de celle que j’avais construite au Texas, à l’exception que j’étais sans ma famille, sans mon mari. J’avais su m’adapter, mais ça n’a pas été sans difficulté. J’avais eu la chance de rencontrer des personnes géniales, de créer des liens forts avec ces dernières, alors je me sentais moins seule. Cependant, retrouver Five et maintenant Klaus, me remplissait de joie. J’avais espoir de retrouver les autres maintenant. « Oh, c’est pas l’idéal mais ça se passe pas trop mal. » M'avait-il répondu, lorsque je lui avais retourné la question. « J'ai retrouvé que Five, et toi maintenant, mais si vous êtes là, ça veut dire que Diego, Vanya et Lutherr sont pas loin. Et sinon, sinon… » Klaus réfléchissait à ce qu’il pouvait m’apprendre de sa nouvelle vie. J’étais toujours assise, et bien à l’écoute de ce qu’il s’apprêtait à me dire. « Ah je me suis trouvé un super coloc, va falloir que tu le rencontres, un type super - et plutôt mignon en plus, franchement cool. Et aussi, j'ai plus mes pouvoirs, mais j'imagine que c'est ton cas aussi, pas vrai ? Je t'avoue que ça me fait des vacances. Même si, enfin, Ben me manque, mais il serait pas là de toute façon, pas vrai ? » J’étais, à la fois triste et soulagée que je n’étais pas la seule à ne plus avoir accès à mes pouvoirs. Cependant, pour Klaus de ne plus voir Ben, ça devait l’atteindre beaucoup plus qu’il ne le laissait paraître. « Effectivement, je n’ai plus mes pouvoirs… Je ne les utilisais plus trop, de toute façon… Mais j’ai l’impression qu’il me manque une partie de moi. Tu dois comprendre ce que je veux dire comme tu avais toujours Ben avec toi… » Dis-je, en baissant les yeux vers la table. « J’en ai aucune idée… Peut-être que oui, peut-être que non… Mais dis-toi qu’il sera toujours pas très loin, même si tu le vois pas… Et comme tu dis, ça te donne un peu de répit. » Lui dis-je, en lui faisant un clin d'œil. « Il était comment, Five, quand tu l'as vu ? Non parce que depuis nos retrouvailles, j'ai plus de nouvelles, je savais même pas que vous vous étiez retrouvés. » Je n’avais pas osé lui raconter mes retrouvailles avec notre frère jusqu’à présent, mais maintenant qu’il me posait des questions un peu plus précises, je ne voyais pas comment je pouvais lui cacher ses informations-là encore plus longtemps. « J’imagine qu’il ne le criera pas haut et fort… Surtout pas dans les circonstances où nous nous sommes retrouvées. Un soir, après le boulot, je l’ai trouvé dans mon appartement. Il a été envoyé pour me tuer… Sans savoir que j’étais sa cible… Quelqu’un a mis un prix sur ma tête, Klaus. » terminais-je, en chuchotant.
Allison, tout comme Klaus, était sûrement celle qui avait le plus à y gagner à ne pas retrouver ses pouvoirs. On ne peut pas forcément dire qu’ils lui aient rendu le plus fier des services les dernières fois où elle les a utilisés (même si on pourrait aussi arguer que ça restait pour la bonne cause quand même et que c’est dommage qu’elle ne les ait plus). Au fond, c’est peut-être la meilleure des secondes chances qu’ils pouvaient avoir, toute la fratrie (à l’exception de Ben, évidemment) : une nouvelle vie, sans superpouvoirs et sans apocalypse imminente. Sur le principe, ça a quand même l’air pas mal, non ? Ouais, sur le principe, mais il faudrait pour ça que le quotidien des Hargreeves ne soit pas à ce point naturellement bordélique, et ça, de toute évidence, c’est tout sauf gagné, clairement pas.
Il comprend ce qu’Allison veut dire quand elle affirme qu’elle a un peu le sentiment qu’il lui manque une partie d’elle-même. Il dit pas non, de son côté, au fait de ne pas être hanté constamment, mais il constate aussi, quand même, que quelque chose lui manque bel et bien. Et oui, pour ce qui est d’avoir le sentiment d’avoir une partie de lui… Ben était une partie de lui. Et oui, peut-être qu’il est pas si loin, dans le fond, ce qui est sûr, c’est que Klaus le porte constamment avec lui, fantôme ou pas fantôme, et qu’il a encore le sentiment de ressentir sa présence, parfois. Mais malgré tout, il va éviter d’en parler trop longuement, il sait d’avance que ça va le déprimer plus qu’autre chose, et il veut pas déprimer alors qu’il vient tout juste de retrouver Allison. Non, des retrouvailles avec Allison, ça se célèbre, ça s’arrose, même, ni plus ni moins.
Donc, il préfère parler d’autre chose, et en abordant le sujet de Five, il ne s’attend pas à de grandes révélations, et pourtant. Apparemment, le frangin qui se charge de jouer les moralisateurs en l’absence de Ben planque des cadavres dans ses placards – et c’est pas forcément une image. Qui est surpris ? Klaus ne l’est pas franchement, mais… il aurait bien aimé ne pas avoir à entendre ce genre de choses, qui lui confirment une bonne fois pour toutes que, retrouvailles ou pas, c’est le bordel. « Mais depuis quand est-ce que Five… ? » Il ne finit pas sa phrase, parce qu’il ne sait pas exactement comment la finir. Son psychopathe de frangin l’est depuis un bail, ça c’est quand même acté, mais il s’est pas imaginé que le papy de la fratrie s’amusait à tuer à gages… Y a plus rien qui l’oblige à faire ça ici, si ? Il a l’impression qu’il a manqué plusieurs dizaines d’épisodes, là, tout de suite, et il aime pas ça du tout… et il se demande s’il jouait déjà à ce petit jeu tordu quand ils se sont retrouvés. Si ça doit être le cas, ça ne lui plaît définitivement pas, mais alors pas du tout. « Qui pourrait bien vouloir mettre ta tête à prix ? Il bosse pour qui, Five ? »
Il se doute que Allison n’a pas forcément la réponse à ses questions, mais il a vraiment besoin de comprendre. Il est l’inverse de rassuré, là, tout de suite, et il n’y comprend définitivement rien.