Il était une fois...
28 Février 2022
Mon esprit s’embrume de plus en plus depuis que je suis arrivé dans cette ville. Cela fait pourtant plus de deux ans que je suis là, mais j’ai l’impression que plus le temps passe, plus celui que j’étais avant s’éloigne de moi. Je le perds. Je
me perds. Cette ville est pourtant loin d’être gigantesque et pourtant je n’ai jusqu’à présent croisé personne qui vienne du même monde magique que moi. Ron, Hermione, Ginny et nos trois enfants. J’entends autour de moi les récits de ceux qui retrouvent leurs proches et je suis heureux pour eux mais je ne peux pas m’empêcher de penser : «
Pourquoi eux et pas moi ? ». Je ne dis pas que ma vie ici ne me convient pas. J’ai l’impression d’avoir effectué un bond dans le temps entre ma vie chez les Dursley et celle d’après la mort de Voldemort. La magie prend des formes étranges ici et tous la possède plus ou moins grâce à ces objets que jeunes comme adultes ne lâchent jamais ; les téléphones portables. J’en ai un moi aussi mais il est loin d’être aussi efficace que ce que j’ai connu avant d’arriver ici. Parfois, je me dis que j’ai dû rêver ou inventer tout ça, qu’à force de regarder des films et des séries, mon imagination m’envoie ces images où je me vois voler sur un balai ou combattre des créatures noires et maigrichonnes flottant dans les airs à l’aide d’une…
baguette magique. Rien que de l’écrire, je trouve ça tellement irréel…Et pourtant, quelque chose en moi me persuade que je n’ai pas rêvé tout cela, que ça s’est bien passé. Je me souviens même de certaines dates, de noms de lieux, de certains noms apposés sur des visages qui me paraissent pourtant tout ce qu’il y a de plus réel ! Alors, avant que je n’oublie vraiment tout, il me faut écrire ce dont je me souviens pour pouvoir m’en rappeler, lorsque j’aurais tout oublié. Je vais volontairement laisser plusieurs pages vides entre les récits de mes souvenirs actuels, dans le cas où, peut-être, d’autres souvenirs me reviendraient ultérieurement…
27 Juillet 1991
Je m’en souviens très bien car c’était juste quelques jours avant mon anniversaire et, surtout, c’était la première fois que je recevais une lettre. Une lettre
à mon nom. Et pas qu’une d’ailleurs. Je ne me souviens plus de leurs prénoms, uniquement de leur nom de famille mais je sais qu’ils étaient de ma famille. Les Dursley. Je ne pourrais jamais oublier leurs visages ; gros et difformes pour le père et le fils, maigre et la mine toujours pleine de dégoût dès qu’elle posait les yeux sur moi pour la mère. Ils avaient voulu me priver de ses lettres. Ils me les ont toutes confisqués puis les ont brûlés mais cela ne semblait pas arrêter le destinataire qui persistait à m’en envoyer en quantité monstre. Et puis il y avait les chouettes et les hiboux. La rue où nous habitions en était envahie. Impuissants, les Dursley décidèrent de s’exiler sur une petite île mais le jour de mon onzième anniversaire, je pus enfin ouvrir la fameuse lettre grâce à Hagrid.
Hagrid. Je ne peux pas oublier son nom. Mon premier ami de ce monde qui était en réalité le mien ; le monde des sorciers. «
Tu es un sorcier Harry ». J’entends encore sa voix grave me révéler cela et je me vois moi, le jeune garçon maigre et perdu de onze ans, à mi-chemin entre l’incompréhension et l’excitation face à ce monde inconnu qui s’ouvrait à moi.
Août 1991
Ma première fois dans le train qui m’emmène à Poudlard, l’école de magie d’Angleterre. Poudlard fut ma vraie maison dès l’âge de onze ans. Avant, je ne m’étais jamais senti chez moi auprès des Dursley mais à Poudlard, la magie a tout de suite opéré, dans tous les sens du terme. C’est là que j’ai aussi rencontré mes amis. Je vois encore les visages de certains mais je ne me souviens plus de leurs noms, excepté Ron et Hermione. Ils ont été mes meilleurs amis dès cette première année à Poudlard. Je ne savais pas encore qu’ensemble, nous allions vivre plus d’une aventure qui allait nous mettre en danger mais que nous surmonterions tout, malgré les disputes, les différences d’opinion et mon côté borné qui ne voulait pas les mettre en danger lorsque je m’estimais être le seul à pouvoir régler ces problèmes. Je me trompais. Je ne serais pas allé bien loin sans eux, ni sans les riches enseignements du directeur de l’école, Albus Dumbledore. Je vois encore distinctement leurs visages à tous les trois ; je me dis donc que je devais être proches d’eux autrement ma mémoire qui me fait si cruellement défaut depuis mon arrivée dans cette ville les aurait effacé eux aussi, comme nombreux d’autres. Et d’ailleurs, il n’y a pas que cela qui m’échappent. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il s’est passé quelque chose cette année-là, quelque chose de grave qui a conditionné ensuite chaque année que j’ai passé dans cette école. Tout ce dont je me souviens de cette première année à Poudlard, c’est mon intégration dans une équipe de sport dont j’ai oublié le nom et mon cadeau de Noël, le premier que j’ai eu de ma vie : une vieille cape que j’ai toujours avec moi aujourd’hui et qui a soi-disant appartenu à mon père. Je l’ai un jour mis ici mais en plus d’avoir cette odeur propre aux vieux vêtements laissés trop longtemps dans un coffre ou dans une armoire, elle a ce côté suranné qui ne s’accorde avec rien et vous donne l’air d’être déguisé en sorcier. Manque plus que le chapeau pointu, le balai et la baguette magique ! Je l’ai toujours avec moi mais je l’ai entreposé dans un coffre, quelque part en ville. Je n’écrirais pas où exactement ici, au cas où des yeux mal intentionnés liraient un jour ce journal, et tant pis si je perds complètement la mémoire jusqu’à en oublier où je l’ai mis. Au moins, personne ne la trouvera. Elle est peut-être moche, mais j’ai l’impression qu’elle vaut de l’or…
Mars 1992
Durant ma deuxième année, je me découvre un don pour parler aux serpents. C’est bizarre je sais mais en y réfléchissant bien, je me souviens qu’un jour où nous étions au zoo avec les Dursley, je me suis mis à parler à un serpent dans le vivarium et j’ai eu l’impression qu’il me comprenait. Mieux encore, je l’ai libéré et ai mis mon cousin dans sa cage à sa place. Je revois encore sa tête et j’entends les hurlements stridents de sa mère. ça m’avait fait beaucoup rire mais quand j’ai finalement appris que ce n’était pas bien vu de parler aux serpents, ça m’a coupé toute envie de rire à nouveau. Allez savoir pourquoi mon esprit relie ma deuxième année d’étude à Poudlard avec les serpents…Aucune idée…
Janvier 1993
L’année où j’ai enfin découvert que j’avais encore de la famille en vie
et qui m’aimait. Impossible d’oublier cette année ni les émotions contraires par lesquelles je suis passé en apprenant tour-à-tour que ce prisonnier, Sirius Black, qui s’était évadé de la pire des prisons qui soit était celui qui avait trahi mes parents et les avait conduit à la mort et qui, en plus, s’avérait être mon parrain. Si cette dernière partie était vraie, le reste avait été complètement transformé. On l’avait accusé à tort. Le véritable coupable – dont le nom m’échappe – était bien en vie tandis que mon parrain croupissait depuis treize ans en prison. Et dire que sans cela, j’aurais pu vivre avec lui et m’éviter le supplice des Dursley. J’aurais tellement voulu le connaître plus tôt. Il semblait si proche de mes parents. Drôle, affectueux et protecteur, ma vie aurait été totalement différente si j’avais vécu et grandi à ses côtés. Je n’ai pas eu cette chance et lui encore moins, d’avoir été injustement emprisonné pendant tellement d’années. Mais j’ai le sentiment que nous avions réussi à rendre enfin justice à mon parrain cette année-là, la troisième que je passais à Poudlard. Quelque chose me dit que j’ai rencontré, cette même année, quelqu’un d’autre qui était très proche de mes parents et surtout de mon père. Mais je ne me souviens plus de son nom ni de ce à quoi il ressemble…
Novembre 1993
Ma quatrième année à Poudlard. Celle-ci est la plus floue de toutes mes années passées à l’école. Il n’a pas dû s’y passer grand-chose et pourtant…Rien qu’à repenser à cette quatrième année me fait frissonner d’effroi et ça peut paraître étrange, mais j’ai à chaque fois des élancements au niveau du front, à l’endroit où j’ai cette cicatrice bizarre en forme d’éclair. Si seulement je pouvais retrouver quelqu’un qui me connaissait à cette époque…Je suis sûr que cette personne aurait la réponse à cette question (et à tellement d’autres d’ailleurs). Au cas où j’aurais cette chance, je vais laisser plusieurs pages blanches après cette anecdote pour la compléter plus tard, si des souvenirs me reviennent. Cette quatrième année a quelque chose de spécial. De crucial même. Je le sens.
Mais quoi exactement ??Août 1994
J’ai failli être renvoyé de l’école. Pourquoi, je ne m’en souviens plus mais je me vois encore clairement assis dans une salle ronde, sombre et seul face à plusieurs visages inquisiteurs. Dumbledore était là. Il a parlé pour moi et, finalement, m’a évité le renvoi. Qu’ai-je pu faire pour me retrouver face à ce qui m’apparaît comme un tribunal avec cette sentence planant au-dessus de la tête ? Je ne le montrais pas, mais j’étais terrifié à l’idée de risquer de ne plus pouvoir aller dans l’un des rares endroits au monde où je me sentais vraiment chez moi.
Octobre 1994
Cinquième année. Durant toute l’année, j’essaie de parler au Professeur Dumbledore, de le remercier pour m’avoir défendu. Mais il m’évite tandis que je me sens souffrir d’un mal intérieur si fort que j’en ai comme des crises de colère, durant lesquelles je perds le contrôle et deviens presque une autre personne. Un de mes autres professeurs tente de m’aider à les combattre. Sans succès. En parallèle, avec Ron et Hermione, nous montons une sorte de groupe de résistants contre une de nos enseignantes ; le professeur Ombrage. Elle était parmi les personnes présentes à mon «
procès » et avait voté contre moi. Elle nous enseignait je ne sais plus quelle matière mais ce dont je me souviens, c’est que tout le monde la haïssait. Pire que le pire des flics de cette ville ; voilà ce qu’elle était. Allez savoir pourquoi mais je me vois avec Ron, Hermione et d’autres membres de notre groupe de résistants dans une salle qui ne doit pas faire partie de l’école. Il y a des étagères si hautes qu’on n’en voit pas le sommet et toutes sont remplies de vieux parchemins et de boules de cristal poussiéreuses. Nous nous faisons attaquer. Je nous vois nous défendre. Nous sommes secourus par d’autres personnes plus âgées. Je reconnais mon parrain parmi elles ; je l’entends même m’appeler «
James » plutôt qu’Harry durant l’affrontement. Peut-être avait-il vécu une situation similaire avec mon père lorsqu’il était plus jeune…Je n’ai jamais pu le lui demander. Il est mort quelques instants plus tard, sous mes yeux. Je me vois courir après la meurtrière ; une femme aux longs cheveux noirs. J’arrive à la rattraper. Je sens la violence de ma colère grimper en moi lorsque je me retrouve debout face à elle et qu’elle est au sol, à ma merci. Puis tout devient flou. Le dernier souvenir que j’ai de cet endroit est Dumbledore qui me parle et les flashs des journalistes qui nous hurlent tous le même nom, la même expression : «
Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom », «
Voldemort ». Serait-ce cet homme chauve et à la peau affreusement blanche, presque translucide que je voyais souvent en rêve et qu’il m’arrive encore de voir aujourd’hui ?
Janvier 1995
J’ai deux souvenirs marquants de cette sixième année, deux souvenirs en total opposition. Je me vois, triomphant, premier de la classe dans une de nos matières. Hermione semble verte de jalousie que j’ai pu la doubler dans une matière à majorité pratique que théorique (une salle pleine de chaudrons fumants me vient à l’esprit lorsque j’écris ces lignes). J’ai un livre tout corné à la main et le regard admiratif de notre professeur posé sur moi. C’est un souvenir heureux, fier…tandis que le second est bien plus triste. J’assiste à la mort de Dumbledore, tué par un autre de nos enseignants. Dumbledore était en mauvaise santé cette année-là. Je m’en souviens bien. Il restait enfermer dans son bureau et, à chaque fois que je le voyais – je ne sais plus pourquoi nous nous sommes vus si souvent cette année-là d’ailleurs – il me semblait plus fatigué, plus pâle. Malade…Peu de temps avant sa mort, il m’avait emmené dans une grotte où nous avions récupéré un médaillon. Mais à peine étions-nous revenus qu’il fut assassiné. Pourquoi m’avait-il dit de me cacher, de ne faire aucun bruit, de ne pas lui venir en aide ?? Je me sens si responsable de sa mort. Peut-être n’aurais-je rien pu faire, après tout, mais au moins aurais-je fait quelque chose. Mieux aurait valu cela que d’être resté cacher comme je l’ai été…tel un lâche…
Je perds un peu la notion du temps après cette sixième année. Je n’ai d’ailleurs aucun souvenir de ma toute dernière année à Poudlard, à tel point que je me demande si j’ai réellement fini mon cursus. Je sais que Ron et Hermione étaient avec moi. Si je me concentre sur les bribes d’images qu’il me reste dans mon esprit, je ne ressens qu’une chose : la peur et le danger d’être constamment suivi. Il y avait des tensions dans notre groupe à cette époque, surtout avec Ron. Le danger constant qui nous guettait mettait à mal notre amitié et notre cohésion. Nous vivions dans une tente. Il me vient un souvenir d’une nuit particulièrement glaciale où j’ai vu une biche blanche, si blanche qu’elle semblait entourer d’un halo lumineux. Hypnotisé par elle, je l’ai suivi et elle m’a conduit vers un lac où se trouvait une épée, tout au fond. J’ai voulu la chercher et, malgré l’eau glacée, je m’y jetais avant que le médaillon que j’avais récupéré avec Dumbledore et que je portais au cou ne se mette, étrangement, à vouloir me ramener à la surface, comme s’il voulait mettre de lui-même de la distance entre l’épée et moi. (N’importe quoi…ça n’a vraiment AUCUN sens ce que j’écris…) J’ai dû perdre connaissance à cause de l’eau froide, tomber en hypothermie ou que sais-je. Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé ensuite, sauf du fait que je n’ai jamais été aussi heureux de voir Ron. Pourquoi…Aucune idée.
J’ai quand même dû aller à Poudlard. Je me vois dans l’une des cours de l’école. Celle-ci a dû vivre une tempête ou un tremblement de terre. Elle semble détruite en bien des endroits. Des pierres jonchent le sol et je vois de nombreux blessés un peu partout dans l’école. Cet homme est là,
Voldemort. Il nous fait face, entouré de tout un groupe d’adeptes. Ce sont peut-être eux qui sont à l’origine des dégâts causés à l’école. Je n’y crois pas vraiment ; ils n’ont aucune arme capable d’infliger cela à un bâtiment aussi vieux et construit majoritairement en pierre. Je lui fais face. Il me poursuit. Nous nous battons. Nous avons tous les deux ce que je qualifierais de
baguette magique en main. C’est d’elle que j’use face à lui pour me défendre. Je ne l’attaque jamais. Je ne fais que me défendre pourtant, je sens que si je ne fais rien maintenant, je n’aurais plus jamais une chance pareille de l’anéantir. Il est le mal incarné. Je n’ai pas besoin de ma mémoire pour ressentir cela. Tout son être transpire le mal et les ténèbres. Il est plus fort que moi, ça aussi je le ressens encore très bien. Pourtant, j’arrive à le désarmer. Sa baguette vole dans ma main puis je le vois disparaître en un nuage de poussière noir. L’école été ses pensionnaires sont sauvés, mes amis sont saufs. Cependant, je n’ai pas le souvenir de m’être senti véritablement heureux après tout ça. Le poids d’une lourde responsabilité me tombait sur les épaules et je choisissais de me séparer de la baguette de Voldemort plutôt que de la garder en trophée de ma victoire sur lui. Comment reprendre une vie normale après ça ? Et comment ma vie ici peut être seulement normale alors que mon esprit est embrumé par des souvenirs aussi invraisemblables ?!? Je viens de relire ce que j’ai écris dans ce paragraphe…Je parle quand même d’un homme au nom qui semble tout droit tirer d’un roman de fantasy, de baguettes magiques, de ténèbres et d’un combat à coups de sortilèges. C’est grave…Va me falloir un rendez-vous auprès de ce psy dont tout le monde me parle ; Hannibal Lecter…
J’ai quand même dû réussir à avoir une vie normale. Je ne sais plus ce que je faisais comme métier dans cette vie mais j’étais marié à la sœur de Ron, Ginny. Nous avions eu trois enfants ensemble et…C’est terrible mais je ne sais même plus comment ils s’appellent ni s’ils sont dans cette ville avec leur mère ou, pire, seuls ou avec des parents qui ne sont pas les leurs en réalité…Je souhaite juste qu’ils ne soient pas aussi seul que moi et que leur mémoire est resté intacte. Je garde l’espoir qu’un jour, peut-être, ils me reconnaîtront au coin de la rue ou qu’ils viendront au cabinet vétérinaire où j’exerce ou au refuge où je passe de temps en temps comme bénévole. Eux ou quelqu’un d’autre de mon passé, tant qu’on m’aide à retrouver qui j’étais vraiment avant d’arriver ici, le 1er Janvier 2019. Avant que cette Lune Rouge me donne l’impression de n’avoir jamais vécu que dans mes rêves avant ma vie ici. Pas étonnant que j’ai tant de mal à nouer des liens dans cette ville. Je ne sais jamais quoi dire à mon sujet, surtout sur mon passé. Car avouez que dire «
Je m’appelle Harry Potter et je rêve tout le temps de magie et d’une école de sorcellerie… », c’est moyen comme phrase d’accroche…