I don't know what's real anymore [Hannibal]

I don't know what's real anymore

feat.  @Hannibal Lecter

Cinq longues années se sont écoulées depuis le réveil de Will Graham sur cette île bien singulière qu’il a fini par prendre pour son île natale. Il aura fallu à Will un suivi attentif, beaucoup de patience et de résignation pour accepter de faire la part plus stricte entre ce qui est réel et ce qui ne peut définitivement pas l’être… Will a consenti à considérer cet autre qui le poursuivait comme un mal invisible comme une vue de son esprit, la manifestation hallucinée de ses propres angoisses. Il n’y a jamais eu d’Hannibal, il n’y a jamais eu de grand dragon rouge, et nombre des inventions qui lui ont torturé l’esprit étaient probablement le fruit d’une imagination foisonnante et fragile, ainsi que de douloureux et éprouvants mois passés dans un coma profond… Will s’est repris en main, et sur les conseils des différents psychiatres qui l’auront suivi durant son internement, il n’est pas retourné à son ancien travail. Qu’importe qu’il ait autrefois été doué pour sonder les psychés criminelles. C’est un risque qu’il ne pouvait plus se permettre de prendre. Il devait se concentrer sur ce qui était susceptible de le rasséréner et de le rassurer.

C’est donc ce qu’il a fait. Grâce à la rencontre de Robin, ami garde-forestier, il a pu se trouver une parcelle, en bordure de forêt, où il s’est confortablement installé. En retraite anticipée, la compagnie de ses chiens, et des journées passées à pêcher au bord de la rivière… une vie d’ermite… Will s’en satisfait… Il laisse couler sur lui ses préoccupations, satisfait d’un néant réconfortant qui le lui ferait presque oublier. Presque. L’autre n’est jamais loin. Il guette. Il l’observe. Il l’attend.

Depuis six mois qu’il a quitté l’institut psychiatrique où il avait été interné, les signes ont été pour le moins nombreux, perceptibles à bien des égards. Des signes, une ombre, un détail, des rappels plus ou moins flagrants d’une vie passée qu’il voulait enterrer en même temps que cette part de lui-même qu’il ne se sentait en rien capable de supporter. C’est une réalité qu’il ne pourrait envisager d’endurer en quoi que ce soit. Il ne veut plus entendre parler de lui. Et pourtant, à chaque instant, sa présence lui manque. La pensée déserte et le cœur appelle en une direction désespérée…. Comme on s’arrache un membre superflu dont on ressentirait constamment, malgré tout, la présence fantôme…

Il a attendu qu’il lui revienne. C’est dans cet ordre que les choses devaient se passer… Will devait prouver qu’il était digne. Will a échoué. Il n’a pas passé le test… Et à présent… à présent, Will devrai assumer les conséquences de cet aveuglement forcé, obstiné, que l’autre, son ombre, son reflet, prendra naturellement pour un affront… Mais si à cet autre se substitue celui qui avait tout obtenu, celui qui avait gagné, celui qui l’avait gagné… que se passerait-il alors ?

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feat.   @Will Graham

Hannibal Lecter s’est réveillé dans un lit vide. Son appartement froid et décoré avec un soin clinique sans rapport avec la demeure habitée d’une vie étrangère à la sienne… De deux, mêmes… Will et Abigail ne sont pas là… Aucun chien dans le jardin ni aucune trace de leur présence. Hannibal est seul. Impassible en apparence, un léger vertige habite pourtant un cœur qui n’avait plus, de très longue date, été confronté à une solitude qui avait paru lointaine avant de redevenir quotidienne… L’absence est lancinante autant que soudaine, mais Hannibal fait le choix de ne pas s’alarmer… Pas tout de suite, du moins. Trop de fois, depuis son arrivée sur cette île étrange, il s’est vu confronté à ces scénarios improbables qui mettent en difficulté la raison et la logique elles-mêmes… Ces circonstances singulières n’en sont qu’un occasion de plus… Mais c’est un mystère qu’il devra percer seul, cette fois, puisque, pour la première fois depuis bien longtemps, Will Graham n’est pas à côté.

Amputé de cet autre essentiel, son premier réflexe, pour ainsi dire vital, n’est autre que de le chercher. Les rôles paraissent comme inversés dans cette dimension qu’il n’assimile pas encore tout à fait pour ce qu’elle est. Autrefois, c’est Will qui partait à sa recherche, et Hannibal qui rôdait dans son sillage, telle une ombre. Un juste et honnête retour des choses, somme toute, et auquel Hannibal consent sans broncher… Il attend de comprendre, et la patience en ces circonstances est une vertu essentielle.

Ses recherches n’ont pas été si longues… Il a trouvé, dans les affaires personnelles de celui qu’il comprend progressivement être une autre version de lui-même, tout ce dont il avait besoin : un dossier médical au nom de Will, provenant d’un institut psychiatrique où le profiler aurait été interné six mois durant, quelques photographies, également, et une adresse… Le jeu est clair… Celui à qui il s’est substitué avait mené ses propres recherches et attendait… Depuis combien de temps ? Difficile de le savoir. Ce que le psychiatre n’ignore pas, en revanche, c’est qu’il n’aura pas la même patience ni les mêmes attentes par ailleurs.

Aussi, c’est à lui, cette fois, de prendre les devants, un très juste retour de bâton, pour ainsi dire, et qu’Hannibal ne peut que consentir à observer comme chose implacablement naturel. Aidé de l’adresse récoltée par les soins de son alter ego, Hannibal a donc fait chemin jusqu’à cette maison isolée en pleine campagne, à proximité de la forêt, ressemblant à s’y méprendre, à la demeure qu’il occupait, à Wolf Trap, durant leur ancienne vie. Elegant dans sa longue veste sombre, Hannibal rejoint le perron où un chien allongé redresse la tête sur son passage. Hannibal lui caresse distraitement l’arrière des oreilles avant de sonner. Et d’attendre. Patience… Quelques instants plus tard, la porte s’ouvre sur un Will décontenancé. Un autre… Mais toujours son autre. Quelle que soit la dimension.

« Bonsoir, Will. » Il esquisse un léger sourire. « Pardonnez-moi d’être venu sans m’annoncer. Vous n’attendiez personne, j’espère ? » Si ce n’est lui… consciemment ou non. « Je peux entrer ? »

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feat.  @Hannibal Lecter

Quelque chose attire le regard de Will. Winston lève la tête et glapit légèrement, signe annonciateur d’une visite naturellement imprévue, puisque rares sont les occasions au cours desquelles le profiler daigne accueillir qui que ce soit chez lui. Il s’est choisi une demeure isolée, à l’écart de toute civilisation, pour une raison bien précise. A moins de le connaître très personnellement et de le rechercher très assidûment, il était impossible de mettre la main sur son adresse… Autant dire que nul n’envisageait de le déranger autrement que par erreur. Mais cette fois… L’intuition de Will est tout autre. Quelque chose lui agrippe les entrailles, comme un vieux souvenir. Une présence lointaine et proche… Une sensation similaire à celle qui l’avait étreinte quand Jack était venu le retrouver chez lui, trois longues années après leur dernière rencontre. Will se redresse, détourne les yeux de l’écran de son ordinateur portable, et s’approche de l’entrée avec prudence, le souffle retenu.

Le souffle coupé. A travers le judas, il reconnaît la silhouette droite et élégante d’un homme qui a hanté chacune de ses pensées, à tout instant, en son absence. Will l’a envisagé, il l’a craint, il l’a espéré… il a pensé l’halluciner et l’a si souvent rêvé… Hannibal est ici. Ou bien est-ce une fois encore le résultat de son esprit épuisé, de son cœur instable. Un cœur qui bat brutalement la chamade. Un tambour dans la cage thoracique… Will est tenté de ne pas ouvrir. Will est tenté de fermer les yeux et de retourner à son quotidien solitaire et maussade. Le diable frappe à la porte… Va-t-il ouvrir ? Bien sûr qu’il va ouvrir. Par curiosité, par appréhension… Au nom du désir sincère de le voir. Alors il ouvre. Son regard est un peu hagard, mais ses traits restent autrement impassibles, alors qu’il demeure interdit, fixe, face à cet homme dont l’apparition soudaine a un effet violent, sur lui.

Vous n’attendiez personne, j’espère. Non et oui. Il n’attend jamais quiconque, ici… Et il l’attend, en même temps, depuis l’instant où il a mis les pieds sur cette île. Bien sûr qu’il l’a attendu. Il n’attendait que lui. Lui et lui seul.

« Vous êtes venu à ma rencontre », commente-t-il après avoir laissé peser sur eux un long temps de silence, hanté par les seuls regards appuyés qu’ils s’adressent, comme si chacun s’évertuait à sonder l’âme de l’autre, avec la plus grande insistance. « C'est... inattendu », commente-t-il d'un ton presque léger, voire provocateur. « Je ne vous attendais pas puisque je sais que vous m’attendiez… », finit-il par commenter d’une voix presque lasse, qui dissimule l’exaltation naturelle, irrépressible et inévitable qu’il éprouve à l’idée de l’avoir retrouvé… Comme si on lui resoudait au corps cette part amputée de lui-même dont l’absence lui coupait violemment l’oxygène.

Enfin, il daigne s’écarter pour le laisser entrer, comme on laisse au loup l’espace de se frayer un chemin dans la bergerie, offrant à Hannibal le loisir d’examiner les lieux, et d’entamer les inévitables… et inévitablement agréables… hostilités.

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feat.   @Will Graham

L'audace naturelle de celui dont la fâcheuse impertinence devrait avoir le don de sortir Hannibal de ses gonds - hors il n'en est rien - fait naître un sourire léger, à peine perceptible, sur le visage de celui qui le jauge avec toute la curiosité qu'il mérite et que cette situation exige. Il n'est plus tout à fait le même, mais il a tout à voir néanmoins. Hannibal se retrouve en présence d'une page blanche, de retour au commencement, lui qui avait noirci de son écriture minutieuse, parfaitement calligraphiée, chapitre sur chapitre d'une histoire complexe qui demande à présent à être réécrite. En position d'auteur, il est pourtant tenté de tendre à son interlocuteur la plume, intrigué de ce que leur trajectoire commune connaîtra de variations, soumise à des circonstances si étonnantes, inattendues et particulières.

Will s'étonne que ce soit lui qui soit venu à sa rencontre. A juste titre. C'est une inversion des rôles qui 'est naturelle que si l'on considère que la précédente partie s'était déjà engagée ailleurs, dans une réalité si semblable et dans le même temps parallèle, unique. Hannibal n'en est pas mécontent. Will ne saurait être aisément déstabilisé par un comportement qu'il a si longtemps décrypté, auquel il s'est si avidement identifié, au point de s'y dissoudre, mais face à l'inattendu des circonstances, il n'aura d'autre choix que de baisser sa garde, ne serait-ce qu'un peu. En effet, la situation est inattendue. Pour eux deux. Mais sa spécificité la rend d'autant plus essentielle.

"L'est-ce tant que cela, inattendu ?" Il lève le regard pour prendre le temps de détailler le moindre mur, le moindre espace visible de ce qu'est une demeure vide - pour le moment, de son absence, où le quotidien de l'un n'aura pas vampirisé celui de l'autre jusqu'à entièrement les confondre. "D'aucuns en ce qui nous concerne parleraient pourtant de fatalité." Et ce sera toujours le cas, peu importe la dimension étrange où l'on décidera de les jeter, et les circonstances improbables auxquelles l'on voudra les confronter. Leurs existences ne font pas que communiquer, elles s'interpénètrent et ne les autorise plus - ne les a jamais véritablement autorisés - à se dispenser l'un de l'autre. "Je ne nie pas vous avoir attendu." Cela avait été le cas, dans une autre vie, et cette attente matinée d'observations lointaines avait su porter ses fruits. "Il me plaît davantage que vous ne soyez jamais venu", ajoute-t-il alors après un moment d'introspection. "Avez-vous déjà déjeuné ?" propose-t-il ensuite en considérant le fond de whisky oublié dans un verre, sur la table de la salle à manger. A priori non.