Allongée sur son lit, ses yeux ne quittaient plus le plafond de sa chambre. Depuis trois ans qu'elle était ici, Jasmine n'avait toujours aucune explication à son arrivée ou à sa présence. Ce monde n'était plus aussi effrayant qu'autrefois. Les nouveautés qu'il apportait avaient de bons côtés - et de mauvais côtés, elle ne pouvait le nier. Le plus difficile était sans doute la solitude. Lorsque Jasmine repensait au monde d'avant, elle repensait principalement à ceux qu'elle avait aimés. A ceux qu'elle aimait encore aujourd'hui, même sans les avoir vus depuis trois longues et interminables années. Avant de se réveiller dans ce même lit où elle était actuellement allongée, la vie de Jasmine avait pris une tournure inattendue et il était difficile de ne pas y songer en permanence.

Les derniers événements de son ancienne vie faisaient partie des souvenirs qu'elle se repassait le plus souvent dans des moments comme ceux-là, où la solitude prenait le pas sur tout ce qu'elle avait réussi à accomplir sur cette île. Souvent, elle passait des heures à rêver la vie qu'elle aurait mené à Agrabah, aujourd'hui. Elle s'imaginait partager sa vie entre Aladdin et son royaume. Elle s'imaginait découvrir Aladdin un peu plus chaque jour, découvrir le monde avec lui et apprendre à vivre à ses côtés. Elle s'imaginait assister son père pour gouverner le royaume et apprendre son futur rôle de Sultane, en prenant soin de son peuple. Vivre ici lui avait pourtant fait tout perdre.

Il n'était pas rare qu'elle se remémore sa rencontre avec celui qui était devenu son mari. Il n'était pas rare qu'elle se souvienne de ce jour où elle avait fui le Palais pour découvrir et apprendre sur sa cité et son peuple. Tout avait commencé par un simple choix au départ. Un choix qui s'était révélé déterminant pour elle. Jasmine avait été enfermée une grande partie de sa vie. Surprotégée pour ne pas subir le même sort que celui qui avait été réservé à sa mère, elle ne connaissait rien d'Agrabah. Elle avait alors découvert la misère qui régnait dans les rues et les problèmes qui touchaient son royaume. Comment son père avait-il pu imaginer que confier Agrabah à un inconnu pouvait être une bonne chose ? C'était la loi qui exigeait son mariage avec un prince, afin qu'il prenne la place de son père en temps voulu, mais comment son père pouvait-il l'accepter ? Comment pouvait-il imaginer qu'un étranger à son royaume pouvait en prendre soin comme sa propre fille le ferait ? Un prince étranger à la tête de la cité ne changerait sans doute rien à la misère qui régnait ou à la souffrance du peuple. Seul quelqu'un aimant véritablement Agrabah pouvait lui offrir le meilleur. Jasmine n'avait pas de voeu plus cher que celui de faire de son royaume un endroit où la misère ne régnait pas en maître. Toute sa vie, elle s'était préparée à prendre la place de son père. Toute sa vie, elle s'était battue pour mériter cette place. On la lui refusait pourtant, la remettant à la place qu'on jugeait être la sienne. Pourtant bien décidée à se faire entendre et à s'imposer, Jasmine refusait de se plier aux exigences et à n'avoir qu'un rôle de figuration, elle refusait donc tous les prétendants, les uns après les autres.

Ses refus obstinés décourageaient son père. L'insistance de son père à la voir épouser un prince lassait Jasmine. Un énième prince avait alors fait son apparition. Comme tous les autres, il ne voyait que ce qu'elle offrait, sans la voir elle - ou elle le pensait, au début. Pourtant, au fil du temps, il avait réussi à faire la différence. Il éveillait sa curiosité et la poussait, peu à peu, à reconsidérer son refus de se marier. Maladroit et obstiné, il se révélait plus plaisant et amusant que déplaisant et exaspérant. Il voulait lui faire découvrir le monde, il voulait lui montrer ce qui lui avait été caché si longtemps. Il lui avait offert un aperçu de ce monde extérieur. Plus que la ville d'Agrabah, il lui avait fait découvrir des paysages merveilleux en lui permettant de voyager sur un tapis volant, échappant ainsi aux gardes du palais. Il lui offrait sa liberté.

Plus que sa liberté et le monde extérieur, ce voyage lui avait offert autre chose. Celui qu'elle prenait pour le prince Ali et Aladdin, le voleur qu'elle avait rencontré sur le marché d'Agrabah, étaient en réalité la même personne. Si elle ne comprenait pas comment elle avait pu ne pas le reconnaître jusqu'à présent, quelques mots avaient suffi à lui faire comprendre - enfin, elle croyait comprendre. Plutôt que de faire face à la réalité, elle avait cru en son mensonge parce qu'il était tellement plus simple à croire. Il était tellement plus facile de croire que ce voleur qu'elle avait tant apprécié n'existait pas, mais que le prince Ali existait. Croire le contraire aurait réduit ses chances à zéro. Croire qu'il était réellement prince lui donnait une chance avec lui. Après tout, Jasmine s'était bien fait passer pour une servante afin de découvrir son propre peuple, alors pourquoi ce prince n'aurait-il pas pu jouer ce même jeu pour découvrir son potentiel futur royaume ?

Les choses semblaient s'arranger au mieux pour Jasmine. Du moins, jusqu'à ce que les véritables plans de Jafar soient révélés, grâce à Aladdin. Le contrôle qu'il exerçait sur le père de Jasmine découvert, il avait été emprisonné. Après l'aide qu'Aladdin avait apporté à sa famille, Jasmine avait obtenu la bénédiction de son père pour épouser le prince Ali, si tel était son souhait. Les choses auraient pu bien finir, mais tout ne se passa malheureusement pas comme il était prévu. Jafar était déterminé à réussir. Il avait fui et avait pu voler la lampe magique d'Aladdin. Le pouvoir du génie en sa possession, il avait pu prendre le pouvoir à Agrabah en usurpant la place du Sultan. Grâce aux pouvoirs conférés par le génie, il était devenu tout puissant. Il avait alors dévoilé la véritable identité du prince Ali, qui n'avait rien d'un prince. Il était bel et bien le voleur que Jasmine avait rencontré sur le marché d'Agrabah. Jafar avait alors envoyé Aladdin vers une mort certaine. Tout dérapa au point où, pour sauver son père, Jasmine avait été contrainte d'accepter d'épouser Jafar. La jeune femme s'était alors crue perdue, jusqu'à apercevoir Aladdin sur son tapis, au moment de son mariage avec Jafar. Essayant de n'écouter que son courage, elle avait réussi à prendre la lampe avant de s'enfuir avec Aladdin. C'en était alors suivie une course poursuite où Iago tentait de récupérer la lampe pour Jafar.

Il était devenu si puissant grâce aux pouvoirs du génie, qu'il avait réussi à récupérer la lampe et à faire venir à lui Jasmine et Aladdin. Ils allaient payer ce qu'ils avaient tenté de faire. Loin de dire son dernier mot et de s'avouer vaincu, Aladdin avait réussi à le pousser à faire son dernier voeu. Si Jafar voulait être premier en tout, s'il voulait être le meilleur à tous les niveaux, s'il ne voulait personne de plus puissant que lui, il n'avait pas accompli ce qu'il voulait. Le génie lui avait donné tous ses pouvoirs et pouvait les lui reprendre, il était donc plus puissant que lui. Il était plus puissant que n'importe qui. S'il voulait être le premier des premiers, il lui fallait faire le voeu d'être le plus puissant de tous les génies. Son voeu réalisé, il comprit trop tard qu'il s'était fait piéger. Il n'avait pas pensé à une chose : un génie sans maître ne pouvait vivre hors de la lampe. Enfermé dans sa lampe, Jafar avait perdu.

Après s'être débarrassé de Jafar et après avoir libéré le génie, Aladdin était parti. Il avait menti, il n'était pas prince et, selon la loi d'Agrabah, il ne pouvait pas épouser Jasmine. Il n'avait donc aucune raison de rester. Mais Jasmine ne pouvait pas le laisser partir comme ça, moins encore après avoir reçu la bénédiction de son père. Puisque ce dernier lui offrait enfin ce qu'elle avait toujours désiré, à savoir être la prochaine Sultane, elle avait désormais la possibilité d'épouser qui elle voulait en changeant la loi. Alors elle l'avait retenu.

Puis elle était arrivée dans ce nouveau monde qui ne ressemblait en rien à sa vie d'autrefois. Tout était nouveau et différent. Trois ans qu'elle s'était réveillée sur cette île, allongée dans un lit qui n'était pas le sien. Seule. Cet endroit ne ressemblait en rien à son palais à Agrabah. Cet endroit possédait des technologiques qui n'existaient pas chez elle. Chacun des habitants semblait si différent. Malgré des premières semaines difficiles, loin de tout le monde et de tout ce qu'elle connaissait, Jasmine s'était plutôt faite rapidement à ce monde. Il lui apportait une nouvelle vision des choses, il lui apportait la chance qu'elle avait cherché toute sa vie, celle de se rendre utile. A défaut de l'offrir à son peuple qui avait disparu, elle tentait de l'apporter à ceux qui en avaient besoin ici. Malgré tout, elle n'oubliait pas d'où elle venait ou ce que ce monde lui avait pris. Il l'enfermait dans une prison plus grande que le palais, mais dans une prison, tout de même, qui l'empêchait de découvrir le monde. Il lui avait pris son père et Aladdin. Il lui avait pris sa chance de gouverner Agrabah.