11 SEPTEMBRE 2022 - STUDIOS, RACCOON SQUARE.

Voilà déjà trois ans que Celia St. James occupe une place prépondérante dans le cinéma de groupes et de chaînes de streaming. (NETFLIX) Elle débute sa carrière depuis peu – officiellement, sur cette île, du moins. Celia démontre de véritables qualités, un talent d’interprétation et de justesse rare, ainsi qu’une détermination sans faille. Rien d’étonnant pour cette ancienne actrice hollywoodienne plusieurs fois récompensée par un Oscar. Elle est passée du paroxysme de son art et de la célébrité à des débuts dans l’acting en arrivant « comme par magie » dans cette mystérieuse ville. Celia ne s’en est pas démotivée pour autant. Sa passion pour le jeu est tel qu’elle est bien capable de tout recommencer à zéro. Celia est forte, très forte. Elle n’abandonne pas. Jamais. Elle persévère, elle magnifie son don artistique, elle lutte de toutes ses forces pour réussir dans ce métier. En arrivant, elle a gardé la majorité de ses souvenirs. Là où sa vie s’est arrêtée. A ses trente-quatre ans. Pour avoir déjà discuté avec d’autres habitants de l’île, elle s’est sentie particulièrement chanceuse pour cela. Cela fait partie des élus. Des épargnés. Une part, bien enfouie d’elle, aurait toutefois espéré que cela ne soit pas le cas – certains souvenirs la hantent comme si elle avait le diable aux trousses. Des souvenirs familiers, brûlants, blessants et violents. Des souvenirs d’un passé avec une autre femme. Evelyn.

Evelyn… Cela fait trois ans qu’elle se trouve dans cette ville, mais les deux femmes ne se sont pour le moment pas croisées. Ce n’est pas faute de l’avoir cherché, discrètement bien sûr, avec l’aide d’un détective privé. L’île est bien capricieuse. Elle refuse de les faire se croiser, alors qu’elles se trouvent exactement au même endroit, à occuper la même profession. Comme autrefois. Celia est d’ailleurs persuadée que son ancienne amante a été épargnée par la malédiction de la Lune Rouge. A tort. Malgré ses douloureux souvenirs et sa rancune tenace, Celia St. James continue de penser à Evelyn. Comme à une disparue. Une défunte. Elle se remémore souvent les circonstances exactes de leur rencontre en pleine nuit. Nuits qu’elle occupe soit seule, soit dans les bras de son agente, Andrea. La jeune actrice n’a pas perdu de temps. Une fois qu’elle a réalisé être définitivement (ou pas) libérée de l’emprise émotionnelle et sexuelle qu’Evelyn Hugo exerce sur elle depuis leur toute première rencontre, elle s’est abandonnée à quelques liaisons sans lendemain, jusqu’à ce qu’Andrea la recrute, après la mystérieuse disparition de son précédent agent. Les deux femmes ont rapidement et facilement noué une relation de confiance, qui s’est peu à peu muée en une relation. Un semblant de relation, du moins. Celia n’est pas certaine de ses sentiments ou de ce qu’elle veut vraiment. D’autant plus que la frontière entre le professionnel et le personnel s’avère de plus en plus mince.

Ce matin, Celia St. James se rend sur le lieu du tournage de sa prochaine série. Produite par une célèbre chaîne de streaming américaine. (dont le nom commence par un « N ») Celia est familière des séries et feuilletons télé depuis son arrivée sur cette île, il y a trois ans. C’est toutefois une actrice montante, un jeune espoir que l’on envisage pour des long-métrages d’envergure, sans pour autant lui confier encore le précieux sésame. Il y a quelque chose de particulièrement jouissif dans le fait de tout reprendre à zéro. Alors qu’une cabine de taxi de couleur jaune moutarde s’arrête momentanément pour la déposer sur le trottoir, juste face aux impressionnants studios de tournage, Celia embarque son sac à main, un élégant petit sac bleu océan Dior, et son téléphone portable dans la même main. Elle est toute émoustillée à l’idée de commencer. Le script lui a beaucoup plu. Son personnage aussi. Pour une militante de la cause LGBTQIA+, bienheureuse mécène de nombreuses associations, ce n’est guère surprenant. Celia incarne le rôle d’Olivia. Une vampire d’un clan dominant dans la Nouvelle-Orléans, homosexuelle et éprise de sa future co-partenaire sur le petit écran, héritière d’un autre clan de vampire. Deux familles rivales. Un drame romantique pour adolescents et jeunes adultes, avec des scènes légères, sans pour autant tomber dans le film pornographique. Un drame à la Romeo et Juliette des temps modernes, dans un contexte fait de magie et de fantastique entre deux femmes. Celia occupe avec sa future partenaire les rôles principaux.

En déambulant dans les plateaux, Celia salue aimablement l’équipe technique, puis sa manageuse, Andrea, qui l’accueille pour lui présenter la direction et le réalisateur de l’intégralité de la première saison. Une saison qu’ils espèrent pouvoir reconduire au printemps prochain à condition de produire d’excellentes audiences. Celia se montre agréable avec tout le monde, peu encline aux caprices de diva de certaines comédiennes. Elle mesure la chance qu’elle a de participer à une série susceptible de lui ouvrir les portes du grand écran. Le cinéma. Son rêve ultime. « Où est ma partenaire ? » s’inquiète-t-elle, alors qu’un assistant lui porte un café macchiato avec un soupçon de sirop au caramel. « J’aimerais enfin la rencontrer. » La véritable question est plutôt « Qui est ma partenaire ? ». Pour des raisons obscures, (l’île a ses raisons que la raison ignore) Celia ignore encore son identité. Un étrange voile épais entoure le nom de sa partenaire à l’écran sur les pages de son script, tout comme des nombreux courriels. Comme si… une force extérieure refuse de lui permettre de connaître son identité, qui s’avère plus que familière. On lui annonce rapidement qu’elle se trouve déjà dans la salle de maquillage, et qu’on l’y attend au plus vite, à la fin de son café. Celia acquiesce silencieusement et se dirige vers la fameuse pièce, tout en buvant quelques gorgées brûlantes de sa boisson. La mixture sucrée du cocktail caféine du Starbucks du coin, qui coule comme une traînée de lave le long de sa trachée n’est pas le plus brûlant dans cette situation. Le plus brûlant, c’est la présence d’Evelyn Hugo, sur l’une des chaises, devant un immense miroir recouvert de photos. Celia reste bouchée bée devant cette apparition tombée du ciel. Evelyn. Cela fait… si longtemps qu’elle ne l’a pas vue. Evelyn lui tourne le dos, accaparée par la préparation de son maquillage par une membre de l’équipe, et fort heureusement. Le visage de Celia est livide, déconfit, presque… résigné. Ses yeux brillent alors de colère, en se remémorant leurs derniers échanges dans leur monde d’origine. De colère et… d’amertume.

Elle aspire une profonde bouffée d’air pour se donner le courage de faire front, faire mine de rien, pour le succès de la série. Il n’est pas question de faire une scène de ménage le premier jour, même si un flot de questions se précipite dans son esprit, jusqu’à lui donner le tournis. Prise de vertiges, Celia parvient tout de même à garder la tête froide et une expression impassible au visage. Elle s’avance et dépose violemment son sac Dior sur la table.  « Bonjour. » souffle Celia, sans un regard pour Evelyn, en s’installant à côté d’elle, pour être enfin prise en charge par la maquilleuse professionnelle. Elle ne lui accorde pas plus de mot, mais ses lèvres tremblent d’envie de le faire. Celia retient ses larmes naissantes pour ne pas perturber le travail de la maquilleuse, qui s’affaire déjà à colorer ses longs cils bien fournis d’une couche de mascara noir. Elle se retient, autant que possible de crier, de demander, de pleurer, de… de l’embrasser. Malgré la colère qui la foudroie, la rancune tenace qui ne lui fait pas courber l’échine, il y a encore un désir profond et magnétique pour Evelyn Hugo. Les braises de leur amour inconditionnel ne se sont jamais véritablement éteintes. Celia essaie simplement de faire abstraction de ces dernières.

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« Cece. » Lorsqu’elle entend ce surnom, qui résonne si mélodieusement dans sa bouche, avec une pointe de désespoir, le cœur de Celia St. James menace de s’arrêter. Elle essaie de nier l’impact que ce surnom exerce sur corps ou sur son âme, mais c’est bien trop tard. La vérité est que quoique puisse faire Evelyn Hugo, le cœur de Celia St. James battra toujours la chamade au simple son de sa voix cristalline et sucrée. C’est une sensation étrange qui l’assiège à cet instant précis. Celia éprouve le sentiment sourd et profond que leur heure est venue. Tout sera différent sur cette île, absolument tout. Celia compte s’arranger pour que leurs routes restent séparées. Elle refuse de s’abandonner une fois encore à l’amère déception qu’elle a ressenti par le passé, à cette trahison douloureuse et lancinante. Les battements de son cœur se précipitent, alors que la voix d’Evelyn retentit une fois encore dans la salle de maquillage des loges. « Laissez-nous. »

Ce à quoi, Celia n'apporte aucune réponse. Ce n’est pas à elle qu’Evelyn s’adresse, mais aux maquilleuses, qui s’échangent un regard surpris, presque agacé, avant de s’en aller sur-le-champ. Lorsqu’Evelyn Hugo ordonne quelque chose, elle l’obtient toujours – s’en est agaçant. C’est ce qu’elle a toujours reproché, ouvertement et parfois même silencieusement. Evelyn Hugo est une drama queen. Une véritable reine de beauté, une diva, une actrice. On se plie à ses caprices, à ses lubies, on est facilement charmés par ses beaux cils noirs, son sourire ravageur ou sa répartie vive. Celia aime profondément toutes les facettes de la personnalité d’Evelyn, les bonnes comme les mauvaises. Elle aime son côté dramatique, comme sa sensibilité et sa timidité. Elle a tout aimé d’elle, jusqu’à ce qu’elle se sente trahie. Poignardée par celle qu’elle n’a finalement… malgré ce qu’elle a cru, jamais accepté dans ses nuances les plus sombres.

« Je vois que rien n’a changé. » ne peut s’empêcher de souffler Celia d’une voix amère. Elle garde à l’esprit les pires moments de leur relation. Les pires côtés d’Evelyn Hugo. Ceux qu’elle a prétendu accepter, aimer même. C’est faux, elle ne les a jamais vraiment aimés. Elle n’a fait que les tolérer, jusqu’à ce qu’ils lui fassent beaucoup de mal. « Tu n’as pas changé, Evelyn. » Cette phrase n’est en rien un compliment, mais un reproche déguisé comme tel. Elle se montre cynique, parce qu’elle est encore blessée par les actes passés de l’actrice blonde.  

Il est difficile de se montrer insensible aux mots si doux prononcés par Evelyn, lorsqu’elle lui murmure, en venant cueillir sa joue dans la paume de sa main : « Tu es bien là… » Oui, elle est bien là. Celia sent ses entrailles se serrer, sa gorge se nouer et s’assécher, et ses mains se mettre à trembler en sentant les doigts parfaitement manucurés d’Evelyn les effleurer avec une tendresse inouïe. Pourquoi n’est-elle pas en colère ? Pourquoi la considère-t-elle avec autant de compréhension, de bienveillance, d’amour ? Celia fronce les sourcils. Quelque chose cloche, quelque chose ne va pas dans l’attitude de son ex-amante. Evelyn semble même… métamorphosée. Elle n’est pas exactement comme dans ses souvenirs, elle a l’air d’avoir gagné en maturité et en humilité. Même lorsqu’elle a congédié les maquilleuses, elle l’a fait avec respect, et non pas arrogance. Evelyn est douce. Evelyn est tendre. Evelyn est… ce que Celia a toujours désiré qu’elle soit en sa compagnie et en celle des autres. Non, cela ne marchera pas. L’actrice est persuadée qu’il s’agit d’une mascarade, d’un jeu pour la blonde. On ne change pas à ce pont en quelques années. On ne gagne pas encore… la liberté d’assumer qui on est vraiment en l’espace de quelques années de vie, on la gagne au bout de décennies, vers la fin de ladite vie.

Celia souffre, parce qu’elle ne peut s’empêcher de repenser aux moments de pure complicité qu’elles ont partagé autrefois. Elle essaie de se détourner de ces beaux souvenirs de leur relation, pour se focaliser exclusivement sur la fin désastreuse de cette dernière. Elle se souvient de beaucoup de choses. Elle pense se souvenir de tout, parce que son existence s’est interrompue dans son monde au moment fatidique de leur seconde rupture. Une rupture douloureuse, provoquée par Celia du fait des frasques de sa compagne. Evelyn s’est donnée aux spectateurs. Elle a révélé le plaisir féminin dans toute sa splendeur sans son autorisation. Dans un long-métrage, elle s’est laissée filmée en train d’avoir un orgasme. Cela, Celia ne l’a pas digéré. La sulfureuse rouquine a immédiatement pris congé de celle qu’elle a toujours considéré comme l’amour de sa vie.

Celia est possessive, oui. Énormément. C’est ce qui leur a coûté des années de relation. C’est ce qui a entraîné toutes ces disputes. C’est ce qui a créé un fossé entre elles, par deux fois. Elle en veut profondément à Evelyn, oui, mais pas comme Evelyn le pense. Pas exactement. Lorsqu’Evelyn essaie de justifier leur séparation sur cette île, en se gargarisant de belles paroles encourageantes et tendres, sur le fait qu’elle n’a jamais cessé de la chercher dans chaque coin de rue, Celia St. James réprime l’ombre d’un sourire béat, pour garder un visage impassible et froid. Elle a envie de sourire, fortement. Un rictus est même apparu, de manière très furtive, quelques secondes avant de disparaître aussi vite qu’il est survenu. Cela lui fait extrêmement plaisir de l’entendre dire qu’elle l’a cherché pendant trois ans sur cette île. Elle s’est maintes fois posé la question, une fois arrivée sur cette terre inconnue. Celia ne peut se mentir à elle-même. Cela la comble, bien plus qu’elle ne le désire, qu’elle ne le doit. Car dans son esprit jeune et insouciant, seulement âgé d’une trentaine d’années, elle en veut avec force à Evelyn Hugo pour l’avoir trahie. Pour s’être exhibée au nom de la célébrité, de l’indécence. Evelyn est sienne. Elle ne peut être à qui que ce soit d’autre.

« J’ai beaucoup pensé à toi depuis que je suis ici. » confie-t-elle enfin, une lueur de tristesse luisant dans le fond de ses prunelles. « Et surtout à ce que nous avions là-bas. » Celia poursuit, en laissant croire à Evelyn que sa froideur est surmontable. Qu’elle n’est que le fruit d’un malentendu entre elles. Que les propos d’Evelyn l’ont suffisamment rassurée sur la force de ses sentiments, et surtout de la volonté de la retrouver. « Je n’ai pas cherché à te retrouver. » C’est un mensonge. Presque, en tout cas. Dès qu’elle est arrivée, la première chose que Celia St. James a cherché, c’est une trace d’Evelyn Hugo. N’importe où. Dans la presse, sur les réseaux sociaux, sur cet… « Internet ». Elle a cherché partout mais ne la jamais trouvée. Elle a cherché durant un an au moins, avant d’abandonner et de se résigner à cette nouvelle vie loin de son ancienne amante. Après tout, c’est un mal pour un bien. Evelyn Hugo lui a fait beaucoup trop de mal. Elle est toxique. Celia doit avoir la force de s’en éloigner, quitte à rester avec le cœur brisé jusqu’à la fin de ses jours. Celia n’a pas cherché Evelyn, après ces premiers essais infructueux. Elle s’est dit… que l’univers en a décidé ainsi.

Evelyn et Celia ne peuvent être heureuses ensemble, elles se font du bien, comme du mal. Une tango sensuel dangereux, tumultueux qui les déchirent plus qu’il ne parvient à les réunir. « Je n’ai pas cherché, parce que nous nous sommes tout dit en partant. » dit-elle durement, en plantant ses deux orbes bleus dans les yeux noisette de son amante. Celia veut la blesser. Rien de plus. Quitte à trafiquer la vérité. Elle veut lui faire du mal, comme Evelyn lui en a fait en bafouant ses sentiments, en se donnant publiquement à d’autres qu’elle. Enfin, Celia comprend les agissements d’Evelyn, cette dernière ne comprend pas, ne se souvient pas des mêmes litiges. Le voile opaque qui les sépare commence à s’aménuiser, et l’une comme l’autre prend conscience qu’il existe une triste et cruelle inégalité entre elles. L’une se souvient d’une vie entière passée ensemble, et l’autre ne garde qu’une partie de vie. La pire de toutes. La plus cruelle des ruptures. La plus douloureuse, surtout. « Ce dont je me souviens, Evelyn, c’est moi, dans une salle avec d’autres spectateurs, et toi, dans ce film. » murmure-t-elle d’une voix piquante, sereine mais quelques tremblements de colère transparaissent toutefois. « Dans ce film où tu te donnes, nue, où tu jouis devant ces millions d’yeux qui t’observent avec en te convoitant comme je t’ai convoitée, Evelyn. » Celia a envie de vomir en lui disant ces mots, elle en a encore des hauts-le cœur et des vertiges, rien qu’en se remémorant les détails. Parce que ce film, après en avoir entendu parler, elle n’a pu que le regarder. Elle n’a pu s’en empêcher. Elle a aimé tous les films d’Evelyn Hugo. Sauf celui-ci, qui est à son avis, le pire de tous.

« N’est-ce pas nos derniers souvenirs ? » s’étonne Celia. « Tu as cru que nous en avions des plus heureux ? » Elle rit doucement, un léger rire amer et triste, tout en détournant ses beaux yeux, déjà voilés par une fine pellicule d’humidité. De la tristesse. Cela lui fait encore terriblement de mal. D’y repenser, d’en parler, de la voir… Après tout cela. « Laisse-moi et faisons notre travail, c’est tout ce qui compte le plus pour toi. » Sur ces quelques mots prononcés sèchement, Celia recule et rejette les avances d’Evelyn. Elle ne veut pas qu’Evelyn la touche, lui caresse la joue ou les mains, ou quoi que ce soit d’autre. C’est trop dur, bien trop dur. Elle risque de céder d’un instant à l’autre, de pleurer devant ces beaux yeux pleins de tendresse et d’amour qui la dévisagent avec incompréhension.

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Celia observe son ancien amour accuser le coup, presque suffocante. L’actrice ne dit rien, non pour ne pas aggraver son état d’anxiété extrême, mais parce qu’elle-même est prise au dépourvu. C’est une situation bien complexe, l’une possède les souvenirs d’une vie entière faite de drames et d’amour véritable, tandis que l’autre conserve ceux d’une moitié de vie brisée et trahie par l’égoïsme de la femme de sa vie. Evelyn refuse de croire une chose pareille, mais Celia demeure interdite. Elle lui montre que tout est vrai par son attitude agressive, par la froideur de l’intonation de sa voix, ainsi que par la dureté de ses paroles, proférées avec une hargne à peine dissimulée. Celia est prête à aborder le sujet fâcheux de cette seconde dispute. Là, maintenant. Avant le tournage. Elle se sent prête, car elle éprouve tant de rancœur en elle. Son cœur s’est brisé, ce jour-là. Elle a bien cru ne jamais pouvoir s’en remettre. La confiance entre elles s’est effritée, et l’égoïsme d’Evelyn Hugo lui a alors paru… impardonnable. Des différends irréconciliables, voilà ce qui les oppose depuis toutes ces années. Elles ne sont pas faites pour être ensemble. (mais si !!) Celia ignore qu’elles l’ont pourtant été, ensemble. Durant de très longues années. Elles se sont réconciliées, elles se sont aimées, elles se sont « mariées », elles ont vieilli en Espagne, elles ont eu une vie… parfaite. Seule la maladie les a séparées, à la toute fin. L’île mystérieuse est d’une cruauté sans nom.

Quelque chose attire son attention, alors qu’elle s’apprête à proférer une nouvelle réplique cinglante à l’encontre de son ancienne amante. Des larmes brûlantes au coin de ses yeux. Cela la broie de l’intérieur, lui enserre les entrailles comme dans un étau et la rend livide comme la neige. Voir Evelyn réprimer ses larmes lui fait l’effet d’un coup de poignard en plein cœur. Voir Evelyn pleurer, tout bonnement, lui lacère le corps, le cœur, tout. Quoiqu’elle dise aujourd’hui, quoiqu’elle fasse, elle aime toujours profondément Evelyn Hugo. Elle l’aime d’un amour obsédant, passionné, vrai. Evelyn est vraie. Son histoire est vraie. Malgré tout ce qu’elle peut à ce jour lui reprocher, elle déplore le fait d’être toujours si profondément accrochée à cette femme. Evelyn l’a tant fait souffrir. Mais… Evelyn lui a également fait connaître le bonheur véritable, –  le temps de quelques années. Evelyn est de retour, maintenant. Celia aussi. Evelyn fait mention d’une vie idyllique, quelque part en Espagne, où elles ont terminé leurs vieux jours ensemble, profondément heureuses. Celia ferme les paupières en essayant de se souvenir de quelque chose, Evelyn semble si convaincante. Elle veut croire que cette version est vraie, qu’il s’est passé de très longues années, juste toutes les deux. Celia désire le croire si fort que s’en est douloureux.

« J’aimerais te croire, Evelyn. » Du fond de mon cœur… Evie, se retient-elle de préciser, les yeux bleus baissés vers quelques tubes de rouge à lèvres, qui traînent dans un coin. C’est dur, si dur de se retrouver devant l’amour de sa vie, et de n’avoir pour ce dernier que culpabilité et rancune, alors que l’on désire tant lui tomber dans les bras. Lui succomber… « Je ne me souviens pas de cette… vie dont tu parles. Je pense que nous devrions simplement en rester là et… » Mais elle se coupe, presque brutalement en découvrant… une chose étonnante. Agonisante. Déstabilisante. Glaçante. Evelyn Hugo, la grande star d’Hollywood, la petite fille chérie du cinéma, se lève de sa chaise pour se mettre littéralement à genoux devant la rousse incendiaire. « Evelyn… » chuchote Celia, profondément troublée par cet acte de pur abandon, de confiance absolu, de dignité bafouée au profit d’un amour puissant et dévastateur. Celia demeure perplexe dans les première secondes, avant de prendre amèrement conscience de la valeur de ce sacrifice. Celia St. James connaît Evelyn Hugo par cœur. Evelyn Hugo ne lui offrirait jamais sa soumission, si… Si ce n’était pas ce qu’elle voulait vraiment. Si ce n’était pas sincère. Cela la fait réfléchir, et malmène ses dernières résistances morales. Elle veut lui dire non, sa raison lui hurle de dire non, mais son cœur la désire tellement… Croire qu’Evelyn Hugo puisse avoir changé est un risque qu’elle s’apprête à prendre. « Si une part de moi continue de t’aimer… » répète Celia, interdite. Oui, toutes les parties d’elle continuent d’aimer tendrement Evelyn. Un étrange sourire se dessine progressivement au bord de ses lèvres tremblantes. Celia n’en revient toujours pas, elle est sincèrement estomaquée. « Oui. » répond-elle. La rousse incendiaire accepte de lui donner une seconde chance. « Juste une soirée. » précise Celia, distante. Du moins en apparence. Au fond d’elle, son cœur explose de joie. Elle maintient toutefois le vernis lisse d’une certaine froideur émotionnelle, pour ne pas dévoiler si vite l’ensemble de ses cartes.

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Entendre Evelyn, — sa douce Evelyn — l’amour de sa vie l’appeler « mon amour » à nouveau lui procure une sensation aussi vertigineuse que celle de chuter du haut d’un gratte-ciel. Cece a beau vouloir se convaincre qu’elle ne ressent plus rien pour Evelyn, ou qu’il n’y a plus une once de nostalgie pour leurs chaudes étreintes passées, ce n’est que reculer pour mieux sauter. C’est mentir de la plus cruelle des manières. Cece se ment à elle-même. Elle se ment et elle ment à Evelyn Hugo. Elle veut renier toute leur histoire, par chagrin, jalousie, colère et désespoir. Mais pourquoi rejeter une si belle et passionnée histoire d’amour ? Une de celles que l’on ne découvre que dans un livre, ou un bon film. Leur histoire d’amour a tout du parfait pitch cinématographique. Peut-être qu’un beau jour, Celia osera proposer un manuscrit de ce qui l’a si longtemps rongée à un quelconque producteur sans admettre toutefois qu’il ne s’agit pas d’une fiction. Celia a son orgueil, quoiqu’il en soi. Elle refuse de passer pour une femme sans défense, faible et vulnérable. Une femme anéantie, et brisée par l’amour de celle pour qui elle aurait tout donné. Une femme qui a cru en une réciprocité parfaite, passionnelle et puissante entre elle et la superstar aux cheveux d’or et aux courbes plantureuses. Evelyn n’était rien d’autre qu’une illusion. Belle, douce et sauvage dans le privé. Froide, compliquée et contradictoire sur la scène publique. Evelyn Hugo est un paradoxe, tout comme sa sexualité. Evelyn est à l’image de sa sexualité. Débridée, multiple. L’esprit très cartésien, noir et blanc, de Celia ne comprendra jamais complètement les facettes de son ex-amante. C’est ce qui avait précipité la chute de leur relation amoureuse. Toutes leurs incompréhensions, leurs débats, leurs points de désaccord, leurs incertitudes. Celia était prête à vivre cette histoire au grand jour, a contrario d’Evelyn, — beaucoup trop préoccupée par son image de marque auprès de la gent masculine. Evelyn a -t-elle vraiment changée ?  C’est ce qu’elle lui fait comprendre, en tout cas. Cece se montre sceptique, en lui offrant une expression des plus méfiantes avec ses sourcils parfaitement épilés légèrement retroussés. Elle veut y croire tout en ne voulant pas le croire possible.

« J’aimerais bien te croire. » rétorque-t-elle, après un temps d’absence passé à retracer l’histoire courte de leur histoire d’amour violente. « J’ai besoin de preuves, Evie. » De véritables preuves et pas juste des mots parfaits dignes d’une ligne de dialogue dans le plus beau et émouvant des scripts cinématographiques. Celia trahit son attachement par l’emploie de ce surnom, presque malgré elle. Il y a encore de l’espoir pour elles. « Je te donnerais le temps de me donner toutes ces preuves. C’est difficile pour moi de te refaire confiance pour le moment, mais… Je te sens vraiment sincère… dans ce que tu ressens pour moi et dans ta volonté de faire les efforts que je t’avais demandé tant de fois par le passé… » Celia marque une pause. Voir Evelyne presque sur ses genoux a quelque chose de… grisant, tout en étant un vrai crève-coeur. Elle déteste voir Evelyn ainsi,  en position de faiblesse. Alors qu’elle l’imagine si forte, aussi vibrante qu’une centaine de soleils. Et elle se déteste encore bien davantage d’éprouver toujours autant de tendresse, ou de bienveillance pour Evelyn. Evelyn, qui a piétiné si violemment leur si belle histoire d’amour. Qui en plus de la cacher au monde entier, aux flashs aveuglants des photographes, l’a pourrie de l’intérieur. « Lorsque tu parles de nous…  J’ai l’impression de te retrouver comme avant, Evelyn. » Un mince sourire un peu crispé se niche sur le pourtour de ses lèvres peintes. Celia aurait envie de se montrer encore plus cruelle. Evelyn le mériterait. Elle mériterait bien des remarques acerbes et injustes, mais… Quelque chose dans le regard sombre envahi de larmes naissantes dans les beaux yeux d’Evelyn la font reculer dans ses intentions.

Leurs doigts se rejoignent, lorsqu’Evelyn décide de joindre ses mains aux siennes, et Celia ne fait strictement rien pour empêcher ce geste d’amour pur, vrai. Cela fait si longtemps. Celia se surprend même à fermer les yeux en l’espace d’une fraction de seconde. Voulant savourer cet instant. Evelyn guide ensuite ses mains sur les contours gracieux de son visage de poupée poudré à l’excès. Celia accepte. Elle caresse de la pulpe de ses doigts le grain de peau parfait de sa chère et tendre. Celia se laisse également embrasser par une myriade de baisers appuyés, au moment où Evelyn porte ses lèvres colorées sur ses phalanges bien dessinées. Le maquillage d’Evelyn coule sur sa peau aussi douce que l’ivoire, contrastant avec soin avec sa peau proche d’être translucide. « Je l’espère… » Qu’elles se retrouveront mieux qu’autrefois, pas seulement comme autrefois. « C’est la dernière chance que je te laisse. » Avant de lui claquer la porte. Quand Evelyn se redresse, c’est un crève-coeur pour Celia. Elle n’en dit rien, toutefois. Ses lèvres boudeuses restent obstinément closes. Son orgueil, encore une fois. Son satané orgueil. Evelyn évoque le caractère risible du contexte de leur série et des moeurs de leur époque. Celia acquiesce en souriant un peu tristement, avant de se ressaisir et de puiser une vraie force dans ses prochains mots. Elle se sent emplie de fierté à l’idée d’incarner cette nouvelle jeunesse, cette jeunesse qui bouge les codes établis, qui change les choses, qui n’a plus honte, qui ne se cache plus. « Il fut un temps… on aurait probablement ri de cette situation. Ça aurait été comme croire à l’existence du Père Noël, tu sais. Je me sens chanceuse de pouvoir incarner l’évolution de nos moeurs avec toi, Evelyn. Je n’imaginerais le faire avec personne d’autre. » Parce que leur histoire est en soi un drame romantique, avec ses hauts et ses bas. « Les amours d’aujourd’hui n’ont plus besoin de se cacher. Ils se vivent sur le petit comme sur le grand écran et reflètent une nouvelle société. J’en suis fière, si tu savais… C’est ce que j’ai toujours espéré tourner, là-bas. » Là-bas, leur époque.

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Evelyn lui affirme avoir changé, et sur ce point, Celia aimerait tant le croire. De tout son cœur. Ce dont elle a le plus besoin en ce monde, c’est bien le cœur d’Evelyn Hugo. Et lorsque cette dernière se jette sur elle, d’une manière si spontanée, son cœur s’enflamme. Elle lui avait tant manqué. Elle n’en prend réellement conscience que maintenant. Celia ferme les yeux, savourant en silence cette proximité physique retrouvée. Loin de repousser les attentions de la belle actrice aux boucles blondes, elle se laisse au contraire prendre dans les bras. Celia ne bouge pas d’un cil, son corps demeure immobile. Evelyn dessine son joli menton de ses lèvres pulpeuses. Cette sensation… tant aérienne que sensuelle l’envoie tout droit au paradis, dans une petite bulle fantasmagorique. Comme les baisers et les caresses de Evelyn lui ont manqué. Celia devrait les repousser, mais elle en est bien incapable. Comment oser un seul instant dire non au grand amour de sa vie ?

La chaleur corporelle que Evelyn induit en elle est délectable. Celia se sent envahir par ce léger frottement de chairs chaudes à travers leurs vêtements. Elle a la sensation que celle-ci lui réchauffe les os. « Evelyn… » dit-elle dans un souffle, formant un mot si peu audible. Celia se sent bien incapable de prononcer autre chose, confrontée à cette proximité des plus grisantes. Elle se sent impuissante face aux avances de l’actrice. Son souffle se perd dans celui de son ex-amante. Leurs lèvres se rencontrent, s’effleurent, elle n’en fait rien pour autant. La tentation est belle, grondant en son être comme une entêtante et insupportable mélodie. Evelyn franchit un pas que Celia se sentait à deux doigts de saisir à son tour. Elle était prête à y accéder. Son cœur, bien que meurtri par les trahisons d’Evelyn, ne cesse de battre à un rythme chaotique. Ce n’est pas la colère qui guide ses pensées, lorsque les mains d’Evelyn Hugo viennent encadrer en coupe son élégant visage. C’est le désir, la mélancolie, l’envie d’être libre à nouveau. Libre d’aimer. Libre d’aimer Evelyn Hugo, avec les dangers qui en découlent, car un tel amour ne peut être sans conséquences.

Alors que leur baiser se fait plus profond, plus langoureux, le cœur de Celia continue de battre la chamade. Elle demeure stoïque en apparence, s’efforçant de conserver sa stature de glace pour ne pas s’effondrer à genoux devant celle qui a su si habilement capturer son pauvre cœur. Elles s’embrassent alors comme autrefois. Celia entrouvre ses lèvres maquillées d’un rouge carmin avec grand plaisir. Elle se laisse faire, guider dans cette reconquête amoureuse. Celia a son ego. Elle refuse d’admettre être déjà à terre, sur le point de replonger dans cette douce ivresse. Elle refuse d’être celle qui initiera entre elles ces retrouvailles, et pourtant, dieu seul sait à quel point elle en meurt d’envie. Celia se met donc à mouvoir ses lèvres en réponse aux assauts d’Evelyn. Sa langue, quoique timide dans un premier temps, entre dans la cavité buccale de la jolie blonde bouclée. Cherchant sa comparse un moment relativement court, mais déchirant pour elle, c’est avec bonheur et extase qu’elles finissent par se retrouver enfin, et dans cette chaude étreinte, elles s’enroulent tendrement. Celia consent au baiser exigé par son ex amante. Celia consent à beaucoup de choses, en réalité, par le simple fait de céder ce baiser. Bien qu’elle fasse des efforts monumentaux pour ne pas prendre la nuque d’Evelyn dans sa paume, ce n’est pas l’envie qui lui manque, loin de là. Celia lutte avec elle-même pour ne pas répondre trop désespérément aux attentes de son ex. Pour ne pas lui agripper sa belle chevelure blonde et l’embrasser plus passionnément, violemment. Celia doit se contenir. Evelyn ne lui a pas encore tout dit. Evelyn ne s’est pas encore suffisamment battue pour récupérer ce droit de passage. Alors, elle répond, sans trop en faire. Croyant duper sa chère Evie… quelle bêtise que de se croire suffisamment maîtresse des événements. Evelyn ne peut que comprendre que le cœur, comme le corps, de Celia penchent d’ores et déjà en sa faveur. Jamais, elle ne lui aurait rendu son baiser autrement.

Ce n’est qu’une fois à bout de souffle que les deux femmes mettent un terme à leurs embrassades. Leurs retrouvailles… Plus passionnées que pudiques. Evelyn lui rappelle alors, les joues rouges et les cheveux légèrement en pagaille, à quel point elle a changé par rapport aux derniers souvenirs de Celia. Celia veut bien le croire. Quelque chose lui semble différent en Evelyn. Comme si elle était devenue une meilleure personne. « Je n’aurais jamais cru que tu puisses être capable de tant d’abandon dans ce militantisme qui te répugnait autrefois… Ça te faisait peur. » À tort. « Je vois que tu me dis avoir grandi. » Celia marque une pause, cherchant ses mots, malgré le tremblement qui fait vriller son timbre. « Je me rappelle que je t’ai fait découvrir ta véritable nature, à cette époque. » Sa bisexualité. Celia se mord la lèvre. Evelyn a toujours refusé de faire tous les pas, toutes les démonstrations d’amour et d’abandon exigées par Celia. Tout cela pour protéger sa propre réputation. La lâcheté d’Evelyn a tué leur histoire d’amour. « C’est ta lâcheté qui nous a assassinées, Evie. » Tout en s’exprimant à voix basse, la sulfureuse rousse ne quitte pas Evelyn des yeux. Elle les lui capture, les emprisonne par leur intensité. Elle les fait siens, tout comme Evelyn est sienne, maintenant et à jamais. « Je me rends compte aujourd’hui en t’écoutant qu’il est possible que tu aies… appris à aimer cette dernière. » Sa vraie nature. Celia en est toute retournée. Fière, immensément fière d’entendre Evelyn évoquer ses exploits militants, ou d’exprimer sa reconnaissance envers toutes les personnes qui se sont battues pour leurs droits. Le droit d’exister et d’aimer, tant à l’écran que dans la vraie vie. « Jamais tu ne te serais exprimée de la sorte auparavant. » Jamais Evelyn n’aurait parlé avec une telle… certitude dans la voix, une force de conviction que Celia ne lui connaît pas. Il y a de quoi avoir des doutes. Peut-être qu’il n’est pas encore trop tard pour elles. Peut-être que Celia devrait lui donner une seconde chance. « Je l’admets… On n’a pas à faire semblant très longtemps. » admet-elle, le coeur serré. Cela lui coûte énormément de faire preuve d’autant d’honnêteté.

Celia reste proche d’elle, tout en hésitant sur la suite à donner à leurs retrouvailles. Il lui vient une idée. « Ce ne sont que des paroles, Evelyn. J’ai besoin de beaucoup plus. » lui confesse-t-elle, loin de se montrer tant désapprobatrice que la formulation de sa phrase le laisse paraître. Si elle garde une expression impassible durant les premières minutes, son visage change radicalement après des quelques mots, qu’elle prononce tout bas, contre la commissure des lèvres d’Evelyn : « Les actes, c'est mieux. ». L’ourlet de ses lèvres s’allonge pour dessiner un rictus des plus charmeur. Celia est toujours en colère. Une colère sourde. Mais… Oui… Peut-être bien qu’Evelyn Hugo n’est plus la Evelyn Hugo qu’elle a connu dans ses pires moments, mais bien une personne ayant appris de ses erreurs. Une personne s’étant révélée enfin, telle qu’elle est vraiment. « J’aurais besoin d’être… persuadée. » Et par persuasion, Celia St. James entend… quelque chose de plus sulfureux qu’une simple rhétorique militante. Elle le lui fait d’ailleurs comprendre en battant des cils, d’un simple échange de regards, suivi d’un discret petit rictus empreint de séduction. Le jeu des préliminaires entre elles commence à peine.