Retrouvailles | Jasmine

Depuis son arrivée dans ce monde, Dalia menait une vie très différente de celle qu’elle avait mené au palais ou sur le petit navire qu’elle possédait avec son époux. Ici, il n’était pas question de vivre entourée de dizaines de personnes, de gardes, de serviteurs, de personnes royales. Ici, il n’était pas question de vivre dans une immense demeure. Non, c’était tout le contraire. Si Dalia était agréable, aimable et amicale, si elle s’était fait quelques amis dans ce monde, elle préférait vivre seule avec ses deux enfants, dans une modeste maison. Son métier était, lui aussi, très différent. Ici, elle n’avait pas à servir une princesse, elle n’avait plus à s’occuper de Jasmine, ni même d’un navire comme elle avait pu le faire après avoir quitté le palais. Bien évidemment, elle avait aimé mener ces deux vies. Elle aimait Jasmine, elle était, pour elle, un membre de sa famille. Et elle, comme son époux, lui manquait terriblement. Mais ce n’était pas pour cela qu’elle avait envie de revenir en arrière. Ce monde était désormais le sien et elle aimait y vivre. Elle aimait ce qu’elle pouvait y faire, elle aimait les évolutions… Certes, au départ, les choses avaient été compliquées. Le changement soudain, les différences entre ce monde et le sien et tout un tas d’autres choses, toutes ces choses avaient été difficiles à accepter ou à comprendre, durant un temps tout du moins. Désormais, Dalia possédait sa propre boutique, devenue pâtissière, elle aimait y passer du temps, elle aimait se trouver derrière les fourneaux. Et par chance, ses pâtisseries avaient su séduire le palais de quelques fidèles clients qui revenaient régulièrement chez elle pour acheter.

Puisque la journée était déjà bien entamée, les pâtisseries se vendaient peu à peu et certaines venaient même à manquer. Prévoyante, la pâtissière préparait toujours plus de gâteaux que prévu, histoire de pouvoir remplir les vitrines lorsque celles-ci commençaient à se vider. C’est pourquoi elle se trouvait en arrière-boutique lorsque la petite clochette de la porte se mit à retentir. « J’arrive tout de suite. » Lâcha-t-elle pour prévenir qu’il y avait bien quelqu’un et qu’elle n’allait pas tarder à arriver. Néanmoins, elle prit le temps de finir ce qu’elle était en train de faire. Après avoir rempli son plateau, la jeune femme était revenue à l’avant de sa boutique. « Bonjour. » Dit-elle simplement pour saluer la personne qui était entrée depuis une bonne minute maintenant et qui se trouvait dos à elle. « Vous avez fait votre choix ? » Reprit-elle aussitôt, les yeux rivés sur le plateau qu’elle vidait peu à peu pour remplir les vitrines à nouveau.

Les nouvelles, pour une fois, étaient particulièrement bonnes. Cet endroit pouvait être terrible et particulièrement difficile à vivre, mais il savait également offrir de beaux cadeaux à l'occasion. Des cadeaux attendus depuis tellement d'années qu'ils en étaient devenus des rêves plus qu'autre chose. Jasmine avait longtemps cherché les siens, ceux qu'elle aimait, ceux à qui elle tenait plus que tout dans ce monde et dans tous les autres, en vain. Aujourd'hui, la chance semblait enfin lui sourire et cette insupportable attente semblait prendre fin.

Par hasard, complètement, elle avait appris la présence de Dalia en ville - enfin, elle l'espérait de tout son coeur, en tout cas. L'un de ses voisins lui avait parlé d'une pâtisserie délicieuse, tenue par une femme agréable, sympathique, enjouée et amusante. Cette description aurait pu correspondre à n'importe qui, ou presque. Cependant, ce voisin avait ajouté le prénom de celle qui la tenait. Dalia. Des Dalia, il devait y en avoir des tas dans cette ville, mais cette description semblait tellement... lui correspondre. Et Jasmine avait besoin de croire que sa solitude était derrière elle. Alors, c'était elle. C'était elle, oui. Jasmine n'avait aucun doute - ou ne voulait avoir aucun doute, plutôt.

Elle s'était précipitée à l'adresse que lui avait donnée son voisin. Elle avait poussé la porte et avait observé les lieux. C'était forcément elle. Elle avait l'impression de la reconnaître en observant les décors soignés et familiers. Silencieuse, elle attendait que la propriétaire se montre pour confirmer son impression. Elle avait relevé les yeux à l'instant où elle avait entendu cette voix si familière, et qui lui avait tellement manqué. De dos, Dalia ne l'avait pas reconnue, évidemment. Un sourire immense s'était dessiné sur les lèvres de Jasmine, qui restait silencieuse un instant. Son coeur battait à toute vitesse tant elle était heureuse de la retrouver et il lui fallait une seconde pour se remettre avant d'être capable d'articuler quelque chose.

Après un instant, Jasmine avait fini par se retourner, lentement, tout en soufflant : « Que me conseilles-tu ? » Elle s'était tellement précipitée pour se rendre ici, qu'elle n'avait pas réfléchi une seule seconde à ce qu'elle lui dirait. Pourtant, elle s'était souvent imaginé retrouver les siens et elle s'était souvent imaginée ce qu'elle dirait, mais tout s'était envolé à l'instant où elle avait espéré retrouver son amie.

La pâtisserie fonctionnait plutôt bien et Dalia était fière de tout ce qu’elle avait réussi à faire ici. Elle aimait le décor chaleureux qu’elle avait créé. Elle aimait la relation qu’elle avait réussi à avoir avec ses clients réguliers. Elle aimait la relation qu’elle pouvait créer avec chaque nouveau client. Venir travailler ici était, chaque jour, un véritable plaisir. C’est sans doute pour cela que la jeune femme ne perdait jamais son immense sourire. Pour cela qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de tenter quelques blagues et d’être amusantes avec tout le monde. Et c’était l’un de ses points forts, puisque certains de ses clients parlaient autour d’eux, conseillant à d’autres de venir, en parlant d’être de façon positive…


C’est grâce à cela qu’elle était là. Celle dont elle s’était occupé durant tant de nombreuses années. Son amie. Sa confidente. De dos, Dalia ne l’avait pas reconnu. La tête plongée dans ses pâtisseries, elle lui avait demandé si elle avait fait son choix. Elle s’attendait à n’importe quelle réponse, un oui, un non, une hésitation. Qu’importe la réponse en réalité. Là, ce qui importait, c’était la voix. Cette voix inoubliable. Cette voix reconnaissable. Une voix qu’elle avait entendue pendant de nombreuses années. Une voix qu’elle reconnaissait sans aucun problème, même si elle ne l’avait pas entendu depuis des années. Quelques mots lui avaient suffi. Dalia se stoppa, gardant les yeux sur ses pâtisseries un instant. Une main en suspens dans le vide, elle attendait. Quoi ? Elle n’en savait rien. En réalité, elle n’attendait rien, rien de précis. Attendre. Assimiler. Comprendre. Être certaine de ne pas rêver. Voilà ce qu’elle faisait.

Après quelques – trop longues – secondes de silences, elle avait enfin levé les yeux vers elle. Jasmine. C’était bien elle. « Jasmine ! » Lâcha-t-elle à la fois étonnée et heureuse de la revoir. « Jasmine ! » Répéta-t-elle une fois encore, lâchant ce qu’elle avait dans les mains. Après avoir retiré ses gants, elle se dépêcha de rejoindre son amie. « Tu es bien là. Je ne rêve pas, tu es bien là. » Dit-elle en se pinçant légèrement pour réaliser que les choses étaient bien réelles. « Je suis contente de te voir. » Avoua-t-elle avant de la prendre dans les bras, plus souriante que jamais.

Dalia travaillait, elle avait les yeux rivés sur les pâtisseries qu’elle était en train de remettre en vitrine. Professionnelle, et aimant donner des conseils, elle demandait à la cliente, qui était entrée un peu plus tôt, si elle avait fait son choix. Si ce n’était pas le cas, Dalia allait se faire un plaisir de lui parler de toutes les pâtisseries qu’elle vendait. Sauf qu’en réalité, la cliente n’avait rien d’une véritable cliente. Cette voix, Dalia la connaissait par cœur. Cette voix, elle l’avait entendue des centaines de fois chaque jour, durant des années. Jasmine. Elle était là. Dalia avait cru rêver en la voyant - et son étonnement ne pouvait que le confirmer - mais elle était bien là. Elle était réelle. Sans attendre, la pâtissière avait lâché ses gâteaux et s’était précipitée vers son amie pour la prendre dans ses bras. Elle ne pouvait pas connaître une joie plus immense en ce jour.

« Parce que je le suis. » Même quand elle n’allait pas bien, elle gardait le sourire. Dalia était ce genre de femme, souriant, à toujours essayer d’amuser le monde, dynamique… Bien évidemment, sa vie ici n’était pas parfaite. Certains jours étaient difficiles, elle avait envie de retrouver son époux qui lui manquait terriblement et elle avait aussi envie de retrouver Jasmine, avec qui elle avait vécu bien trop longtemps pour accepter de vivre sans elle dans ce monde. Mais elle avait ses enfants à ses côtés, elle avait aussi cette boutique et quelques amis qui savaient lui donner le sourire. « Ce n’est pas un hasard si tu arrives pile le jour où j’ai décidé de mettre une nouvelle pâtisserie en vente. Avoue, tu m’avais retrouvé, mais tu ne voulais pas me voir. En réalité, c’est elle que tu es venue trouver. » S’amusa-t-elle alors. Bien évidemment, elle savait que tout cela était faux. Elle savait que c’était cette ville qui décidait quand et où les habitants devaient se retrouver. Leur jour était enfin arrivé. « Je veux tout savoir de ta vie ici. Est-ce que tu as retrouvé ton père ? Ou Aladdin ? Est-ce que vous avez eu des enfants ? Je suis sûre qu’ils doivent être adorables. » Dalia était pipelette et aimait poser beaucoup de questions, alors elle n’allait pas s’en priver, surtout maintenant qu’elle avait retrouvé son amie, parce qu’elle avait vraiment envie de tout connaître de sa vie dans ce monde. Et pour plus de tranquillité, Dalia avait tourné la pancarte de sa boutique avant de tourner la clé, elle était fermée pour le moment, hors de question d’être dérangées par des clients, elle voulait profiter pleinement de ses retrouvailles avec son amie.

Dalia était heureuse. Jasmine le voyait et elle en était heureuse pour elle. Il n'y avait rien que la jeune femme avait plus espéré que le bonheur des siens. Et Dalia n'avait pas changé. Elle était toujours aussi souriante, toujours aussi pleine de vie et d'entrain. Comme elle lui avait manqué. Jasmine l'avait toujours su parce qu'elle avait passé presque cinq ans à ressentir ce manque, mais en la voyant maintenant, face à elle, elle comprenait l'ampleur de ce manque.

Dalia, égale à elle-même, ne pouvait s'empêcher de parler, encore et encore. Jasmine l'écoutait et souriait. Elle avait presque l'impression d'être dans un rêve. Un merveilleux rêve dont elle espérait ne jamais se réveiller. « Tu as percé à jour mon plus grand secret, Dalia. » Souffla-t-elle, les larmes toujours aux yeux, mais souriant comme jamais face aux plaisanteries de son amie. « Cet endroit est magnifique. » Ajouta-t-elle en observant les lieux, une fois encore. Et elle était sincère. Elle avait fait de cette petite boutique un endroit chaleureux et elle était certaine que ce qui était vendu était délicieux.

La suite était moins amusante pour elle. Dalia n'y voyait aucun mal, bien sûr, ses questions étaient innocentes, mais... Elles étaient difficiles à entendre pour Jasmine. Elle aurait aimé pouvoir répondre oui à toutes ces questions. Elle aurait aimé pouvoir parler d'Aladdin, de sa vie ici avec lui et de leurs merveilleux enfants, mais... Ce n'était pas le cas. Il n'y avait rien de tout ça pour elle.

Son visage avait perdu de sa joie, s'était assombri, mais elle avait tenté de garder son sourire et de se reprendre, tandis que son amie était allée fermer la porte de sa boutique, sans doute pour qu'elles ne soient pas dérangées. « Je n'ai retrouvé personne. Ni mon père, ni Aladdin. » Elle tentait de ne pas montrer trop d'émotion dans sa voix, pour ne pas gâcher ce beau moment, mais il était difficile, malgré tout, de cacher sa peine. « Je suis toute seule. Tu es la première personne que je retrouve. » Expliqua-t-elle pour donner davantage de détails. « Et toi, alors ? » Peut-être avait-elle retrouvé le Génie ? Peut-être avaient-ils eu la chance de ne pas être séparés et d'être heureux, ici, ensemble ? C'était, en tout cas, tout ce qu'elle lui souhaitait.

Même dans un moment comme celui-là, Dalia ne pouvait s’empêcher de plaisanter. Mais ça ne changeait rien à la joie qu’elle ressentait en retrouvant son amie. Ça ne changeait rien aux larmes qui avaient envahi ses yeux et ses joues. Et lorsque Jasmine lui avait répondu, Dalia s’était contentée de sourire, l’émotion l’empêchant d’être totalement elle-même. « Merci Jasmine. Je voulais vraiment que cet endroit soit chaleureux. Je voulais que tout le monde se sente bien en entrant ici. Et je voulais me sentir bien ici, après tout, je passe vraiment beaucoup de temps enfermée là. » Cet endroit Dalia, l’avait décoré avec le cœur. Elle l’avait fait avec tout ce qu’elle aimait, ajoutant quelques décorations lui rappelant Agrabah et le Palais. Elle y avait longuement réfléchi et elle était contente du résultat. Des compliments, elle en avait reçu des dizaines, mais c’était certainement celui de Jasmine qui lui faisait le plus plaisir.

Curieuse d’en apprendre plus sur la vie de Jasmine dans ce monde. Curieuse de savoir si elle avait retrouvé Aladdin, si sa vie avait changé, évolué. Dalia voulait tout savoir et elle posait des tas de questions sans se soucier des conséquences, pas par méchanceté, non, simplement parce qu’elle ne pensait pas que Jasmine ait pu vivre seule durant tout ce temps. Dalia avait compris son erreur lorsque le visage de son amie avait changé, lorsqu’elle avait cessé de sourire. « Je suis désolée, Jasmine. » Dit-elle en posant la main sur celle de son amie. « Je suis maladroite. Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais que tu les avais retrouvés. » Dalia se sentait vraiment bête et mal à l’aise, elle savait qu’elle avait fait de la peine à son amie, alors que, bien évidemment, ce n’était pas son but. « Mes deux merveilleux enfants sont avec moi. » Elle n’avait retrouvé personne, elle n’avait qu’eux, et même si elle voulait retrouver le Génie, elle était contente, heureuse même de pouvoir les avoir avec elle chaque jour. Sans eux, les choses auraient sans doute étaient différentes.

Au moment de complimenter l'endroit où Dalia travaillait, Jasmine était sincère. Cet endroit était magnifique et lui ressemblait. Mieux encore, il ressemblait, par certaines touches, à Agrabah. C'était un souvenir agréable pour Jasmine et elle appréciait cet hommage à son royaume. « C'est réussi. On s'y sent bien aussitôt. » En tout cas, c'était son cas à elle parce que l'endroit lui paraissait familier, bien qu'il lui était inconnu, et elle était certaine que c'était la même chose pour les autres visiteurs.

La curiosité poussait naturellement Dalia à interroger Jasmine à propos de sa vie ici. Elle était persuadée que Jasmine avait retrouvé Aladdin. Ce n'était malheureusement pas le cas. Si Jasmine ne lui tenait pas rigueur de ces nombreuses questions qui l'affectaient, elle ne pouvait pas faire autrement que perdre son sourire, l'espace d'un instant, pour lui expliquer la solitude qui avait été la sienne pendant presque cinq ans. « Ce n'est rien. Tu ne pouvais pas savoir. » Au contraire, elle avait voulu être heureuse pour elle, comment lui en vouloir ? Elle avait voulu se réjouir d'un bonheur qui n'avait pas existé, mais qu'elle avait supposé, et elle n'y était pour rien. Dalia était comme ça, après tout, impulsive, joyeuse, à imaginer le meilleur.

Jasmine préférait parler d'autre chose que de ces absences qui lui pesaient énormément. Alors, elle s'interrogeait sur la vie de Dalia. « Tes quoi ? » avait répété bêtement, surprise et étonnée, Jasmine qui n'avait pas conscience que son amie était devenue mère dans leur monde. « Tu as eu des enfants ? Ici ? » Il fallait qu'elle se calme sur l'étonnement, mais il était sincère et elle s'interrogeait sur la vie de son amie. Le Génie était donc là, lui aussi ? Ou avait-elle refait sa vie ? Après tout, elle en aurait eu le droit. Elles ne pouvaient pas attendre et être malheureuse éternellement. Mais peu importait, quelque part, elle semblait heureuse et elle avait deux merveilleux enfants, n'était-ce pas tout ce qui comptait ? Jasmine était heureuse pour elle et n'avait plus qu'une hâte : les rencontrer, même s'il lui fallait un peu de temps pour digérer la nouvelle.

Dalia avait tout fait pour que cet endroit soit agréable. Elle y passait beaucoup de temps et elle voulait se plaire ici. Elle voulait aussi que ses clients s’y plaisent, qu’ils aient envie de revenir et qu’ils se sentent bien à chaque fois qu’ils poussaient la porte de la boutique. Il lui arrivait parfois de recevoir des compliments et à chaque fois, ça lui faisait vraiment plaisir, mais cette fois-ci, c’était différent. Puisque les compliments venaient de Jasmine, cela lui faisait encore plus de bien.

Dalia voulait savoir tout de la vie de son amie ici. Elles ne s’étaient pas vues depuis leur arrivée ici, alors Dalia voulait rattraper le temps perdu. Maladroite, elle avait parlé d’Aladdin et du père de Jasmine, ne s’imaginant pas une seule seconde qu’ils n’étaient pas dans la vie de son amie. Alors, bien évidemment, elle s’était excusée et s’était vraiment sentie gênée, parce qu’elle avait fait de la peine à Jasmine sans le vouloir. Bien évidemment, son amie ne lui en voulait pas, mais Dalia ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir un peu.

Lorsque Jasmine lui retourna la question, la brune lui répondit simplement que ses deux enfants étaient avec elle. Elle ne s’était pas imaginée que Jasmine ne se souvenait pas d’eux. Mais vu son visage et son air étonné, sans oublier ses questions, Dalia avait vite compris. « Euh… Non ! » Commença-t-elle alors simplement, un air légèrement étonné sur le visage malgré tout. « Ceux que j’ai eus dans notre monde… Des années avant d’arriver ici… Avec le génie ! » Dit-elle en marquant une pause entre chaque partie de phrase, pensant que chaque petit détail allait éveiller un souvenir en elle, mais comme cela n’éveillait rien, elle ajoutait quelques informations en plus. « Lian et Omar ! » Lâcha-t-elle alors avec un peu de désespoir. « Tu ne te souviens vraiment pas ? » Dit-elle dans un soupir, plus désespérée encore, laissant ses bras retomber contre ses jambes.

Dire que Jasmine était étonnée aurait été un euphémisme. Jasmine était étonnée, bien sûr, mais elle était surtout surprise et perdue. Dans son souvenir, Dalia éprouvait des sentiments pour le Génie. Ils s'étaient même rapprochés et avaient des projets, ensemble. Ses souvenirs s'arrêtaient là. Il n'y avait eu ni mariage, ni enfants. Le plus logique, dans son esprit, était donc que Dalia ait eu des enfants depuis son arrivée ici, mais puisqu'elle n'avait pas parlé du Génie, elle avait donc refait sa vie ?

Dalia assurait pourtant le contraire, qu'elle n'avait pas eu ses enfants dans ce monde, et Jasmine ne comprenait pas. Elle avait besoin de plus d'explications. Elle avait besoin d'explications tout court, d'ailleurs. Elle lui expliquait que ces enfants étaient ceux qu'elle avait eus avec le Génie dans leur monde. Jasmine secouait la tête de droite à gauche, désolée qu'aucun souvenir ne lui revienne - mais ces souvenirs existaient-ils seulement chez elle ? Les prénoms, eux-mêmes, ne servaient pas à lui faire revenir la mémoire. Elle ne se souvenait vraiment de rien, malgré ses efforts.

Après une seconde d'hésitation, Jasmine, le regard désolé, avait secoué la tête de droite à gauche pour signaler que, non, elle ne se souvenait de rien. Dalia semblait désespérée et Jasmine se sentait presque gênée de ne se souvenir de rien, des enfants de son amie. Ce n'était tout de même pas rien. « Je suis vraiment désolée Dalia... Vraiment, mais je ne me souviens pas d'eux. » Et elle l'était réellement, désolée. Ce n'était pas juste une façon de parler. Elle se sentait stupide et avait l'impression d'être la pire amie que l'on puisse avoir sur cette terre. « Mais je suis impatiente d'apprendre à les connaître. » Et ça non plus, ce n'était pas une façon de parler. Si les enfants étaient comme leur mère, ils devaient être adorables et Jasmine avait hâte de faire leur connaissance.