(abandonné) I had my becoming [Hannibal]

I had my becoming

feat. Hannibal

Elle n’est sereine qu’en apparence, comme on ne peut que l’être quand on se décide à tutoyer le diable en personne après avoir déployé de monstrueux efforts afin de se faire oublier de lui, et d’en retour ignorer son existence. A mesure qu’elle se rapprochait d’Alana, Margot avait espacé ses séances avec le docteur Lecter. A la fin, elle avait simplement cessé de s’y rendre. La politique de l’autruche ne mène jamais nulle part, elle le sait pertinemment, mais dans un premier temps, elle a été fort bénéfique, lui offrant de se concentrer sur ce qui lui semblait être le plus urgent. Au final, et même exempte des conseils de son thérapeute, l’on peut dire qu’il a conservé sur elle une influence notable : elle a suivi ses recommandations à la lettre, c’est le moins que l’on puisse dire : Margot Verger a tué son frère de sang froid, non sans au passage s’octroyer la peur de sa vie, alors qu’elle devait craindre pour la vie de Morgan, qui fort heureusement avait été épargné par la cruauté notoire de son frère. Mason Verger aura quitté ce monde sans gloire ni lauriers, sans rien de notable, pas même un héritier qu’il puisse se vanter d’avoir façonné à son image…

Ce démon exclu une bonne fois pour toutes de son existence, cette dernière pouvait reprendre sereinement. C’est ce qu’elle s’est dit, pour commencer, avant qu’Alana ne lui confesse plus frontalement la nature des promesses que le psychiatre lui avait adressées dans une autre vie… une vie qui a de trop fortes similitudes avec celle-ci pour qu’elles puissent s’imaginer qu’il l’oubliera, qu’il les oubliera… Les cartes que Margot a à jouer en la circonstance ne sont pas bien grandes, elle le sait, mais elle doit faire le nécessaire, pour protéger son épouse, pour protéger son fils… et parce que, depuis sa rencontre avec Abigail Hobbs, elle pense avoir une carte suffisamment intéressante à jouer pour ne pas se l’épargner. Ce n’est rien de certain, bien sûr, mais elle doit tenter le tout pour le tout, elle le sait pertinemment. Aussi c’est ce qu’elle fait… dans le dos d’Alana, qui aurait probablement répudié son initiative et aurait refusé de la comprendre.

Elle a pris un nouveau rendez-vous avec le docteur Lecter.

Son apparence sereine, quelque part composée, pourrait presque laisser suggérer qu’elle n’éprouve guère d’inquiétude, alors qu’elle patiente dans ce cabinet où, quelques années plus tôt, elle avait ses marques… Vivre sous le même toit que Mason Verger a ses avantages… il en faut beaucoup pour que Margot cède à la panique, même quand la situation lui hurle qu’il lui faut être terrifiée. Elle attend donc, et quand il lui ouvre, elle s’étonnerait presque de le voir… si fidèle à lui-même, si semblable à ce qu’il a toujours été. Une part d’elle s’efforce à penser qu’il devrait être différent, d’une manière ou d’une autre. Parce que elle a beaucoup changé. Elle n’est plus du tout la même.

« Docteur Lecter. » Son ton est plus froid qu’au cours de leur dernier échange. « Je n’étais pas certaine que vous accepteriez de me recevoir encore. »

Non, elle savait qu'il accepterait. Curiosité oblige.