Décembre, 1794 - Paris

Assis contre la cheminée d’une maison quelconque de Paris, Arno contemplait la lune rouge au-dessus de lui, une bouteille de vin à moitié pleine dans sa main lâche. Est-ce qu’il était si soûl que ça ? Il ne lui semblait pas. Il avait bu, c’était vrai mais moins que d’habitude. Ce qui ne voulait pas dire grand chose ces derniers temps c’était vrai.

Cela faisait six mois depuis la mort de Elise. Six mois depuis Germain, depuis le Temple, depuis l’Epée. Six mois depuis que sa vie tout entière s’était écroulée pour la troisième ou quatrième fois en 26 ans de vie. Cela faisait un peu beaucoup et Arno trouvait qu’il encaissait plutôt bien. Il avait traversé une période noire, ou plutôt rouge bordeaux, où il ne faisait que boire pour tenter d’étouffer sa tristesse, son désespoir, son deuil.

Mais à présent, il fonctionnait à peu près correctement. Il était revenu à Paris après la débâcle de Franciade où il avait fait ses adieux à Napoléon. Arno avait pensé à s’en aller, à quitter la France pour tenter de se bâtir une vie ailleurs mais il n’avait pas pu. Il n’avait pas pu abandonner Paris, cette ville qu’il aimait tant, et surtout, toutes ces personnes qui comptaient sur lui. Les parisiens qu’il avait aidé et qui le reconnaissaient et lui adressait toujours un “bonjour” ou un mot gentil, le café-théâtre, Madame Gouze et ses “n’oubliez pas de vous reposez jeune homme”, sa main maternelle dans ses cheveux parfois, Léon et son regard plein d’admiration et de Sade et tous les autres. Il était maître assassin après tout, membre du Chapitre français de la Confrérie et même s’il avait décidé de suivre sa propre voie et d’appliquer le crédo comme il l’entendait, c’était une des seules choses qui lui restait dans ce monde, la seule famille qu’il avait encore.

Alors il était resté et il était là à présent, en pleine contemplation dans la solitaire quiétude des toits de Paris et il observait la lune rouge dans le ciel et il se demandait s’il n’était pas en train de rêver. Etait-ce normal ? Arno n’en savait rien. Il avait reçu une bonne éducation de la part de Mr de la Serre, une éducation de jeune noble malgré son statut plus qu’ambigü au sein de la maisonnée, fils d’un noble, élevé entre Haut et Bas. Il avait eu des précepteurs, des cours de mathématiques, de littérature, de rhétorique, des cours d’histoires mais aussi des cours d’escrime et de danse, des cours de clavecin. Et il avait eu quelques cours d’astronomie mais rien qui ne parlait d’un phénomène tel que celui qu’il avait sous les yeux ou alors son enseignement n’avait pas été jusque là.

Les cloches de la ville mirent à retentir, sonnant une heure du matin. Il était plus que temps qu’il rentre au café-théâtre pour se nourrir, faire sa toilette et se reposer. Arno abandonna donc la bouteille et commença à courir sur les toits en direction de l’île Saint Louis, toujours sous le regard sanglant et de plus en plus intense de cette lune étrange. Il finit sa course sur une corniche d’église et c’est sans hésitation qu’il s’élança dans un saut de la foi, connaissant suffisamment la ville pour savoir qu’une charrette de paille se trouvait en dessous. Comme d’habitude, il sentit le vent sur son visage, cette sensation dans son ventre alors qu’il saute dans le vide. Il était en train d'effectuer la pirouette pour atterrir correctement quand il y eu ce bruit, la lumière rouge qui baignait la ville depuis le début de la nuit soudain disparut. Juste la nuit et les étoiles. Le contact de l’eau sur son corps. Et puis plus rien.

Une nouvelle vie

Quand Arno avait ouvert les yeux à l’aube de ce 1er janvier 2019 qui allait changer sa vie, il était sur une plage inconnue. En se relevant, hébété, il s’était aperçu qu’il ne portait plus la même tenue. Il avait toujours son manteau bleu avec sa légendaire capuche, sa ceinture rouge, son épée et sa lame fantôme au poignet mais disparut son gilet blanc, sa culotte grise et ses hautes bottes rouges. A la place il ne portait qu’une chemise, avec un col et sans la dentelle de ses manches, et un pantalon d’une étrange matière, comme un coton épais et étrangement rugueux avec des bottines bien plus courtes et noires. Mais ce n’était pas la seule chose étrange, loin de là. En regardant autour de lui, il ne trouva pas les berges de la Seine auxquelles il s’attendait, toujours pleine d’activités, entouré des immeubles habituels. Il était dans un endroit complètement inconnu. Il avait alors tenté d’utiliser sa vision d’aigle seulement pour abandonner immédiatement quand une migraine fulgurante lui traversa le crâne, comme une explosion de lumière directement dans l'œil.

Il ne lui avait pas fallu longtemps pour se rendre compte qu’il était dans un endroit inconnu, à une époque bien loin de celle qui était la sienne. Il avait crû être dans un rêve au début puis être devenu fou. Il avait pensé avoir été drogué ou prisonnier d’une illusion avant de réaliser que non, c’était là bel et bien sa réalité, sa nouvelle vie. S’en était suivi plusieurs mois d’errance alors que Arno tentait d’y trouver un sens. Sa vision d’aigle était pour le moment hors service et il ne savait pas si le sang de la Première Génération qui coulait dans ses veines étaient toujours actifs, mais il disposait toujours de son entraînement, de ses réflexes et de son esprit, il devait trouver un moyen de les mettre à contribution, il était visiblement coincé ici.

Le plus difficile pour lui, c’était la solitude. Arno n’aimait pas être seul trop longtemps et il avait perdu tous les êtres qu’il aimait, tous ceux qu’il appréciait en plus de tout ce qui lui était familier en même temps sans avoir aucune explication quant à cet évènement. Et c’est en cherchant des réponses, notamment à l’Université Miskatonic qu’il s’était rendu compte du don qu’il avait pour la recherche, surtout dans le domaine des anciennes civilisations et mythes oubliés, qu’il avait déjà étudié lors de sa formation d’assassin et même après, quand il avait apprit la nature du sang qui coulait dans ses veines et de la longues traditions à laquelle il appartenait. Il y avait donc décrocher un poste tout en acceptant d'offrir sa loyauté pour des missions plus secrètes mais en phase avec ce qu'il était et ses capacités.  

Et petit à petit, Arno s’était bâtit une vie dans ce lieu étrange, il s’était coupé les cheveux, s’était renseigné sur l’histoire de son pays, de la France, les larmes aux yeux en sachant que malgré le chaos qu’il avait laissé derrière lui, sa mère-patrie s’en était sortit, qu’elle existait toujours. Il avait rit, à travers ses larmes, en apprenant le destin de Napoléon, un pincement au cœur lorsqu’il avait lu la mort misérable de ce si grand homme. Il avait fait le deuil d’Elise aussi, il avait appris qu’il y avait d’autres personnes, d’autres femmes et surtout d’autres hommes, rien de comparable mais de quoi mettre un peu de baume sur son cœur meurtri.

Cela faisait maintenant cinq ans qu’Arno avait échoué ici et … il allait bien. Il en était le premier surpris mais, véritablement, il allait bien. Sa vie d’avant lui manquait toujours, surtout les gens, mais il avait réussi à reconstruire une existence ici et il en était heureux.

Some Facts

Arno continue de s’exercer et de s’entraîner, il n’est pas rare de l'entre apercevoir en train de courir de toit en toit, image de grâce et d’agilité - Ayant porter les cheveux longs toute sa vie, il a encore des réflexes associés comme rejeter la tête en arrière pour dégager une mèche, ce genre de chose - Il a apprit à aimer l’époque dans laquelle il est mais il est encore novice sur pas mal de chose - Il adore découvrir des trucs modernes - Il n’a pas d’animal de compagnie mais il nourrit tous les chats du quartier qui l’accompagne souvent lors de ses escapades nocturnes - Arno est un visiteur assidu de la bibliothèque de l’université - D’ailleurs, il adore lire - Il sait jouer du clavecin et du piano - Il est ambidextre - Il porte toujours son manteau et sa lame mais son épée et sa ceinture sont rangé précieusement chez lui, il porte parfois la ceinture et son épée ne sort que lors de mission - il a encore du mal avec sa vision d’aigle mais parvient de plus en plus à l’utiliser - Il a une façon de parler un peu ampoulée, vestige d'une vie au XVIIIe siècle - Arno s'est habitué à la mode moderne mais son style reste très classique et classe, en général chemise, veston, pantalon et bottes, vestiges de son époque - Il a une cicatrice au visage qui lui part du nez jusque sur la joue gauche, au niveau du coin de son oeil, marque indélébile de son séjour à la Bastille et témoignage de sa lignée au sein de la Confrérie.