Comme à son habitude, ou plutôt comme ils en avaient l'habitude de le faire avec Edwin, Charles avait cherché une potentielle enquête à faire. Il avait fouiné dans les archives, il avait écouté les bruits de couloir, il avait écouté de potentiels clients. Le tout en faisant son tableau, en notant ce qui serait plus urgent à faire ou non. À la fin, il ne lui restait plus que l'histoire d'un fantôme hantant une bibliothèque de l'université. Et même si lui n'était plus un fantôme, il pouvait toujours les voir. Il avait fait l'expérience avec la mort, il était même mort lui-même, alors il les verrait toujours, quoi qu'il arrive. Il avait fourré quelques trucs dans son sac, ni vu ni connu et s'était rendu jusqu'à la faculté.

Une fois arrivé sur les lieux, il traversa les couloirs, croisant pas mal d'étudiants en tout genre. Ceux qui courraient en tous sens pour ne pas rater leur prochain cours, ceux qui étaient probablement en pause et, etc. Quant à lui, il trouva assez facilement la bibliothèque. C'était amusant lorsqu'on savait que ça faisait plus de trente ans qu'il existait, alors que physiquement parlant, il était toujours aussi jeune. Par conséquent, dans ce genre d'endroit, on le prendrait pour un étudiant avec aisance. Il entra dans la bibliothèque, plutôt grande pour une université. Il aurait de quoi faire pendant quelques heures. Limite, il pourrait même regarder dans les différentes allées, pour regarder quel genre de livres ils pouvaient avoir. Quant à cette histoire de fantôme, il devrait en savoir un peu plus sur cette personne possiblement décédée. ❝Si toutefois dans ce monde, c'est possible.❞ Se dit-il à lui-même tandis qu'il entra dans un rayon au hasard. Ou alors faudrait-il mourir dans ce monde pour le devenir ?

Charles ne voudrait même pas tenter de mettre en pratique sa théorie. Ce serait dommage de mourir une seconde fois. Ce n'était pas comme si sa première mort fut de tout repos. Rien que d'y repenser, il en frissonna. Oui, il était mort d'hypothermie et d'hémorragie interne, et encore, il avait eu tellement froid, qu'il n'avait pas l'impression de souffrir. Il observa les environs avec une attention toute particulière. Rien à voir avec un étudiant qui chercherait un livre. Surtout que Charles regardait plus de haut en bas, de droite à gauche. Ce qui n'avait aucun sens avec une personne désirant un livre.

Depuis que tu es arrivé dans ce monde, tu passes le plus clair de ton temps libre à la bibliothèque. Faut dire que tu as perdu pas mal de capacités depuis que tu t'es réveillé ici. Si au début t'avais été déstabilisé par l'endroit, par le fait que t'étais pas chez toi, qu'il y avait personne que tu connais, t'avais vite fait par t'adapter. T'avais à nouveau la vingtaine, t'avais personne avec qui te battre pour ta vie et en plus on te donnait l'occasion de faire des études.  

Alors finalement t'avais pris la chose assez bien. Tu t'étais même très bien adapté à ta situation étudiante et t'avais fait comme tous ceux qui débarquaient ici. T'as essayé de vivre sans penser à ce que tu avais laissé de l'autre côté. D'ailleurs tu sais plus très bien c'est quoi l'autre côté et ce que tu y as laissé. Attention, t'as pas oubli les gens, ni ton histoire ou quoi, c'est juste qu'ils te manquent pas. Personne. C'est un peu bizarre mais le doc que tu as consulté a dit que c'était pas grave et que ça pouvait être une bonne chose pour ton adaptation. Alors tu le prenais plutôt bien et tu te faisais une nouvelle vie.

Et là, comme d'habitude quand tu as fini tes cours, tu passes par la bibliothèque. Tu poses ton sac à bandouillère sur une des table libre. T'aimes beaucoup ces petites tables en bois avec leurs petites lampes sur pied à l'abajour d'un verre profond. T'aimes bien le son que cela fait quand tu les allumes en tirant sur la cordelette dorée. La lumière est toujours tamisée, pas trop forte ni trop basse, idéale pour la lecture. Puis tu vas errer dans les rayons dans la bibliothèque. Dans un rayon, tu croises un gars... Une dégaine assez remarquable. Tu te demandes même s'il ne vient pas du département artistique. Mais clairement il est pas là pour un livre... Sa façon de regarder dans l'air comme ça, ça te rappelle l'époque où tu chassais  dans le monde obscure. Tu te poses, les bras croisés, l'épaule appuyée sur un des montants en bois et tu souris.

Qu'est-ce que tu cherches comme ça? Le fantôme de la bibliothécaire?

Quelle drôle de spécimen ce cher Charles Rowland. Parfois, quand il s'ennuyait, il travaillait quand même, sur des affaires que personne ne voudrait. Il avait tellement passé de temps, trente années à faire ce qu'il faisait, que ça lui semblait inconcevable de faire autre chose. Et puis, à la finalité, ça rapportait pas mal. Enfin, maintenant qu'il était de nouveau en vie. Mort, l'argent ne lui servait à rien, alors à la place, on pouvait le payer en objets de collection magique. C'étaient ses favoris, il fallait bien admettre. Et il partait du principe que ça servait toujours un jour l'autre. Il fourrait toujours tout dans son sac. Enfin, aux yeux de tous, il paraissait être un sac à dos lambda, un peu vieux, peut-être. Mais en réalité, c'était son univers de poche multidimensionnel. Il fourrait tout un tas d'objet, grands, petits, même des personnes s'il le voulait et tout tenait dans ce petit sac. Certains pourraient se dire, un peu comme à la Hermione Granger. Sauf que si on devait lui dire ça, il ne saurait même pas de qui on parlait. Et encore, son sac, personne ne pourrait y mettre la main dedans, à part lui.

Enfin, bref, il en était arrivé dans cette bibliothèque, à flâner, et à chercher des choses qui pourraient sortir de l'ordinaire. Silencieusement, ou se parlant à lui-même, respectant ainsi les autres qui étaient en ces lieux pour leurs études, ou peu importait la raison de leur présence ici. Il regardait peut-être un peu trop à droite, à gauche, en bas, en haut, n'importe où, mais pas au niveau des étagères. Oui, de sûr, on ne risquait pas de se dire qu'il cherchait un livre. Comme s'il avait perdu quelque chose quoi. Il ne vit pas arriver l'un des étudiants, et il se mit soudainement à sursauter en entendant le son d'une voix. Le fantôme de la bibliothécaire. C'étaient ses mots. ❝Parce qu'il y en a vraiment une ?❞ Demanda-t-il par curiosité. Bien que si elle existait réellement, si elle traînait vraiment dans les parages, il l'aurait vu.

Il n'était sûrement plus mort, il n'était plus un fantôme, mais ayant subi — de très près dans son cas — une situation avec la mort, il pouvait, même vivant, toujours voir les morts. Et ce qu'ils pouvaient laisser derrière eux. Objets, traces, ce genre de choses quoi. Il reporta à nouveau son attention sur le jeune blondinet, une fois qu'il en avait assez de lever son nez vers le plafond. D'ailleurs, il se demandait bien dans quel genre de rayons, il s'était engouffré depuis le départ. Il devait bien y avoir un écriteau, un truc. Quoiqu'il n'eût qu'à jeter un petit coup d'œil aux livres sur les étagères. Par ailleurs, il attrapa un livre au hasard, à la couverture rouge. ❝Ah… Intéressant.❞ Non, ce n'était pas vrai, c'était juste afin de briser le silence. Il reposa le livre à sa place et scruta les environs. Décidément, il n'était pas prêt à lâcher l'affaire. ❝Tu es ici depuis longtemps ?❞ Demanda-t-il à l'étudiant, toujours là à le fixer, comme si que Charles était un étrange spécimen. Ce qui devait probablement être le cas, qu'en savait-il réellement. Son colocataire étant tout aussi étrange, ils faisaient la paire au moins.

Tu l'observes de haut en bas. Il avait l'air un peu spécial mais plutôt agréable à regarder. Et puis, il détonnait dans le paysage ce qui attira inévitablement ton regard. Tu lui as fait peur en lui parlant. Heureusement il n'a rien fait tomber. Il prend tes paroles aux pieds de la lettre et ça te fait sourire. Tu décroises les bras et t'avances vers lui pour lui chuchoter près de l'oreille.

Il parait qu'elle apparait dans les rayons aux alentours de minuit et se fâche s'il y a trop de bruit... Genre grande bouche déformée et yeux exorbités.

Puis tu te penches pour regarder le livre qu'il avait en main. Tu n'arrives pas à déchiffrer le titre. On dirait que le petit est monté sur du mille volts il n'avait pas l'air de savoir rester en place. Tu portes à nouveau ton regard sur lui pour sourire à ses question. Tu réalises que tu ne t'aies pas présenté. Tu lui tends donc la main pour la lui serrer et la garder un peu dans la tienne pour le saluer.

Pardonne mon impolitesse. Je m'appelle Jace. Je suis arrivé ici... Hmm cet été. Je ne connais pratiquement personne. Je suis un peu perdu. C'est assez différent de mon monde. Et toi? Tu t'appelles comment? T'es pas étudiant hein?