i'd give up vodka but i'm no quitter (dylan)

Tandis que Ryan se penchait en direction de l'étagère de la réserve où étaient disposées les précieuses bouteilles à conserver hors de portée des plus jeunes, il ne pouvait qu'imaginer le regard désapprobateur et peut-être même déçu que Chris porterait sur lui s'il le surprenait. Venant de n'importe quel autre moniteur, probablement devait-il s'attendre à ce type de comportements : Jacob, Emma ou même Nick et Dylan seraient probablement du style à se laisser aisément aller à une soirée alcoolisée une fois les gosses couchés. Le concernant en revanche, le directeur avait toujours tendance à considérer que la majorité des responsabilités lui étaient imputées. La grande majorité du temps, le principal concerné considérait ça comme un véritable honneur au point d'essayer de toujours de se montrer à la hauteur mais pour ce soir, il avait décidé de transgresser quelque peu les règles. Fortement influencé par les paroles éternellement tentatrices du collègue avec lequel il s'entendait le mieux en dépit de leurs différences notables de tempérament, il avait fini par se laisser convaincre. Cela sonnait terriblement comme une mauvaise idée : l'un ou l'autre gamin pouvait se relever au cours de la nuit, victime d'une terreur nocturne ou toute autre situation de crise qu'ils auraient à gérer et pour laquelle ils seraient évidemment inaptes à réagir. Heureusement qu'au moins l'un des autres serait probablement prêt à prendre le relai parce que pour ce soir, Ryan comptait bien relâcher complètement la pression de ces dernières semaines. Oubliées, les heures supplémentaires dont ils avaient hérité durant tout l'été à cause des deux animateurs qui ne s'étaient jamais pointés. Oubliés, les gosses capricieux qui leur en faisaient parfois baver en étant convaincus qu'ils savaient mieux ce qu'ils leur apprenaient qu'eux-mêmes. Oubliée également l'éternelle facette d'adulte responsable qu'ils devaient tenter de conserver durant la grande majorité de la journée - certains y arrivant mieux que d'autres.  Aujourd'hui, seule la décontraction était acceptée.

La précieuse chopine logée dans le creux du bras, l'aîné retrouva rapidement la direction du dortoir où il avait commencé à établir ses quartiers lors de son arrivée à Hackett's Quarry. A la simple pensée qu'il ne lui restait désormais plus qu'une petite semaine avant de regagner la maison familiale, son coeur se serra quelque peu. Au fil des années, le camp était devenu comme un second foyer - pour ne pas dire celui qu'il préférait. Lorsqu'il était ici, les éternels conflits familiaux avec sa mère et ses grands-parents lui semblaient particulièrement lointains. Sa soeur lui manquait quelquefois, d'autant plus qu'ils avaient depuis toujours l'habitude de veiller l'un sur l'autre - mais il avait au moins le mérite d'avoir discrètement conservé son téléphone et de pouvoir la contacter presque tous les jours pour s'assurer que tout se passait à peu près bien de son côté. Pas qu'il aurait de toute façon été en mesure de pouvoir y changer quelque chose si ça n'avait pas été le cas : en se trouvant à autant de kilomètres l'un de l'autre et en ayant une interdiction formelle de quitter le lieu, il aurait simplement dû lui conseiller de mordre sur sa chique en étant son soutien moral mais c'était probablement déjà mieux que rien.

Un petit coup d'oeil à la montre vissée autour de son poignet, un dernier tour d'inspection pour s'assurer que tout le monde était bel et bien couché et Ryan fut officiellement prêt à partir. Se remerciant de s'être arrangé en amont avec Nick et Jacob pour les laisser se faire une soirée "confessions entre mecs" en laissant sa couche au blond le temps d'une nuit, il se montra précautionneux le temps de sortir. A chacun de ses pas, il s'empêcha de respirer trop fort - comme si ce simple fait lui éviterait de se faire découvrir par quelqu'un risquant de découvrir le pot-aux-roses. Et finalement, une fois arrivé à destination, il vint donner deux petits coups contre la porte pour signaler son arrivée avant de se glisser à l'intérieur sans même attendre de réponse comme ils l'avaient convenu au préalable : moins de temps passerait-il à l'extérieur, moins d'occasion auraient ils de se faire surprendre. Soudainement, il se sentait presque comme un adolescent en train de faire le mur. Et pour une fois, il devait bien l'admettre : c'était plaisant de ne pas constamment être tiré à quatre épingles.

« Je ne suis pas complètement sûr que ce soit la meilleure des qualités mais… c'est probablement ce qu'il soit possible de trouver de mieux ici, lança-t-il à l'égard de son comparse en désignant la bouteille d'un léger signe de tête, loin de se douter qu'une cave à vins débordait pratiquement de grands crus dans la maison délabrée qu'il lui arrivait parfois d'apercevoir, au-delà des limites du camp. Puis bon… ça nous changera des jus de fruit et c'est le principal, non ? »

DYLAN&RYAN

Chaque année lorsqu’il revenait ici, Ryan arrivait avec la même intention : avoir droit à une pause avec son quotidien merdique, oublier les problèmes qui l’entouraient et simplement faire de son mieux pour que les gamins passent un bon moment comme ça avait été le cas lorsqu’il avait leur âge. Lui qui se montrait souvent taiseux pour ne pas dire carrément renfermé avec les autres jeunes de son âge avait un peu plus de facilités à s’ouvrir avec les plus jeunes — sans pour autant en devenir un véritable moulin à paroles. Généralement, ceux avec lesquels il entretenait le plus de discussions étaient de toute façon ceux qui rentraient dans le même schéma que lui : les plus compliqués à décrypter, ceux qui restaient davantage dans leur coin et n’attiraient que bien peu l’attention sur eux. Il essayait de ne pas faire de favoritisme explicite, évidemment, mais ceux-là avaient toujours aisément eu sa préférence. Quoi qu’il en soit, les contacts avec les mioches étaient une chose mais attirer plus que nécessaire l’attention des autres moniteurs n’était pas dans ses habitudes. Il s’arrangeait toujours pour avoir des relations cordiales avec chacun d’eux, mais ça s’arrêtait généralement là : dans tous les cas, le jeune homme gardait à l’esprit qu’il ne les reverrait probablement jamais une fois l’été écoulé et qu’un attachement plus que nécessaire à leur égard ne ferait de bien à personne.

Dylan, toutefois, s’était acharné comme personne ne l’avait fait auparavant. Plutôt que de battre en retraite ou se désintéresser face à son attitude désinvolte, il avait continué à s’acharner avec encore davantage de ferveur. La moindre occasion avait semblé bonne pour tenter de s’attirer ses faveurs et, pour une fois, il avait décidé de lui lâcher un peu de leste. La détermination du brun avait été payante, suffisante pour réussir à l’amuser et lui donner envie de baisser le temps d’une soirée les remparts qu’il prenait grand soin à ériger autour des gens l’entourant depuis plus d’années qu’il ne pourrait les compter. Toutefois, il connaissait bien assez son naturel renfermé que pour craindre une soirée tournant à la gêne la plus totale : Dylan, éternel social butterfly, qui tentait vainement de trouver les sujets de conversation les plus anodins dans le but de dissoudre toute bulle d’embarras s’étant créée là où lui-même s’enfermait dans son mutisme après qu’un point sensible (ou tout simplement son seuil de sociabilité) n’ait été atteint. L’alcool lui était donc venu naturellement, bien que la manière de pouvoir s’en procurer lui ait fait redouter le pire. Si les autres ne s'étaient pas privés de le faire durant tout l’été et que Chris lui-même leur avait dit de “s’accorder un peu de temps pour eux de temps à autre pour éviter le surplus de pression“, l'élève modèle n’était pas vraiment à l’aise avec l’idée de boire sur son lieu de travail. Certainement ravi de le voir se dévergonder un peu, Nick lui avait assuré qu’il serait sur ses gardes et prêt à se rendre disponible durant toute la nuit si l’un des gosses nécessitait une aide quelconque. Mais entre la théorie, la pratique et le sommeil lourd du concerné… le moniteur de planche à voile ne pouvait que rester un tant soit peu inquiet.

En dépit de ça, l’adolescent n’avait pas reculé face à son plan initial, curieux de connaître le réel déroulement des événements. S’il se considérait, à juste titre, comme une personne particulièrement mesurée dont la sagesse était amplement plus prononcée que la créativité, son binôme, lui, était tout l’inverse. La preuve en était que celui-ci avait déjà réussi l’impossible : le convaincre de se débrouiller pour ramener lui-même l’objet du délit. Ce simple effort en soit représentait déjà quelque chose de colossal pour une personne s’assurant d’être toujours aussi droite que possible, le prouva d’ailleurs la façon avec laquelle il s’engouffra dans le cabanon une fois la porte de celui-ci ouverte. À son attitude, quiconque aurait d’ailleurs pu penser qu’il transportait quelque chose d'extrêmement dangereux ou illicite plutôt qu’une simple et presque ridicule bouteille de vodka. «  Nick m’a assuré qu’il couvrait nos arrières… j’espère pouvoir l’estimer digne de confiance.  » Ce que le métisse, à la façon dont il annonçait les choses, n’estimait franchement pas gagné. «  … T’es du style à tenir facilement l’alcool, d’ailleurs ?  » Il était un peu tard pour s’en inquiéter, mais il fallait naturellement que ce soit à cet instant qu’il s’en préoccupe. Lui-même n’étant pas du style à courir le milieu estudiantin devait reconnaître que son entraînement dans le domaine était moindre et que, très honnêtement, il risquerait de vite finir par terre. «  Si peu de mots prononcés et ils ont tout de même suffit à me mettre en tête son abominable chanson…  » Se plaignit t-il en prenant sa tête entre ses mains, la secouant légèrement comme pour se forcer à se reprendre. «  Je n’ai jamais eu l’occasion de goûter non plus. Il faut dire que les paquets ne font jamais long feu entre Jacob et Nick, alors pour réussir à en dérober un…  » Et lui-même n’étant pas de nature suffisamment conflictuelle que pour prendre le risque de se les mettre à dos, il n’avait jamais tenté de s’imposer non plus. «  Mais oui, dans le pire des cas, ça servira à éponger nos estomacs en souffrance.  » Pour l’instant, l’envie d’en plaisanter était au moins toujours présente. Pour combien de temps avant qu’il ne commence à regretter amèrement leur décision ? Seul l’avenir nous le dirait. Les mots avec lequel il poursuivit lui firent lâcher pourtant un petit rire moqueur, l’attitude de son interlocuteur ne pouvant que l’amuser tout particulièrement. «  Après tous ces efforts fournis de ton côté, je pouvais au moins t’accorder cette soirée…  » Et c’était plus facile de répliquer cela plutôt que d’admettre simplement que l’intérêt qu’il semblait lui porter commençait gentiment à gagner en réciprocité. «  Mais effectivement, certains pourraient dire que tu es une personne privilégiée.  » Il ne mentait pas sur ce point : tous n’auraient pas bénéficié de ce traitement de faveur. Pas que tous y auraient vu un quelconque intérêt, cela dit. «  D’ailleurs, en quel honneur cette soirée nous est-elle exclusivement réservée à tous les deux ? Les autres aussi auraient probablement apprécié une attention de ce type…  » Son air innocent suffirait t-il à le duper alors qu’il semblait pourtant évident qu’il n’était pas dupe au point de ne pas comprendre l’intérêt réel de cette soirée ? Rien n’était moins sûr.

DYLAN&RYAN

DYLAN&RYAN