(AU) The Beast Inside ||Ft. Ryan

Alors que la nuit se poursuivait, la culpabilité de Ryan, elle, croissait. De toutes ses forces, il avait espéré que l'instinct de Dylan s'était trompé — ô combien avait-il espéré qu'il ne s'agisse que d'une erreur. La simple vue des abominations qu'ils avaient eu à combattre ce soir aurait pu le convaincre de croire à n'importe quoi mais... une infection par morsure ? Vraiment ? Son esprit, habituellement rationnel, ne trouvait aucune explication à tout ce qui avait pu se dérouler sous ses yeux et une partie de lui avait continué à espérer pendant de longues heures qu'il ne s'agisse que d'un cauchemar dont il allait finalement s'éveiller. Des loups-garous... ces créatures n'étaient supposés se trouver que dans des films d'horreur ou vaguement surnaturels, dans le cas de certaines œuvres ayant tenté de les rendre un peu plus sympathique au fil des décennies. C'était le type de créatures qui faisait peur aux enfants, auxquels leurs parents offraient une assurance qu'ils ne risquaient pas de se retrouver confronté à l'une d'entre elle dans la vie réelle. Et pourtant.

La possibilité d'empêcher Dylan de subir cette malédiction s'était présentée à lui. Pire encore, ses yeux s'étaient attardés sur la tronçonneuse ainsi que sur le fusil à pompe qu'il aurait pu utiliser pour le débarrasser à temps de cette vicieuse infection — et de son bras par la même occasion. Trouver de quoi le faire n'était cependant pas la tâche la plus ardue du travail : c'était de réussir à s'y résoudre, le problème. S'imaginer le massacre que cela serait s'il décidait d'agir, la douleur qu'il infligerait au plus âgé et par-dessus tout les risques d'hémorragie ou de septicémie compte tenu de l'endroit qui n'avait strictement rien d'un hôpital avaient fini par le convaincre : il ne pouvait pas s'y résoudre. Maintenant, pourtant, alors que ses yeux s'égaraient sur la silhouette inhabituellement transpirante et le teint cireux du brun, il en venait à se dire qu'il avait fait une grossière erreur. La question de Kaitlyn intensifia aussitôt son rythme cardiaque alors que, l'espace d'un bref instant, il se demanda ce qu'elle aurait fait à sa place. Aurait-elle été capable d'amputer de sang-froid leur collègue d'un bras ? Bien qu'ayant toujours eu beaucoup de cran, cela représentait un stade que personne n'avait dû envisager franchir en posant candidature pour ce travail qui, en fin de compte, n'était même pas à moitié assez bien payé que pour ce qu'ils venaient de vivre. Quoi qu'il en soit, il n'eut pas l'occasion de creuser davantage : une parfaite inconnue arriva et, en dépit de la méfiance que le moniteur de voile pouvait manifester à son égard, le reste du groupe décida de lui faire confiance — parce qu'après tout, elle était toujours moins menaçante que ce qui se trouvait à l'extérieur.

✧.✧.✧.✧.✧

L'expérience dont la nouvelle arrivée était dotée ne la laissa pas dupe bien longtemps quant à la trace sanguinolente présente sur son avant-bras. Et ses mots, naturellement, firent l'effet d'une véritable gifle à celui qui avait accueilli son arrivée avec autant d'hostilité. Tout à-coup, l'envie de contredire ses mots et de continuer à jouer les têtes de mule lui passa. Dylan était infecté. Dylan était infecté et c'était entièrement de sa faute. Bien qu'il s'en soit quelque peu douté en voyant son état se dégrader au fil des heures, il avait essayé de se raccrocher aux branches : là où Nick avait manifesté une agressivité particulièrement choquante comparé à sa personnalité habituelle, Dylan, lui, avait eu l'air de rester mentalement lui-même. La gorge nouée, il ne se rendit même pas compte que son regard était resté fixé sur le mur le plus proche, incapable d'affronter dans l'immédiat le regard de celui dont il avait indirectement causé la perte de par sa lâcheté. Il l'entendit l'interpeller et prouva qu'il l'avait entendu avec un simple petit geste défaitiste de la main, ignorant comment son partenaire pouvait encore avoir envie de simplement communiquer avec lui compte tenu des circonstances. Ce face à quoi il pouvait encore réagir, cependant, était la menace qui pesa instantanément sur son comparse. Le bruit du fusil ramena aussitôt Ryan sur terre, le faisant resserrer la prise qu'il exerçait déjà autour de celle se trouvant entre ses mains. Là où les deux armés s'affrontaient du regard, défiant silencieusement l'autre d'être celui qui ferait le premier pas, Kaitlyn, elle, éternellement plus mature du groupe et surtout n'ayant pas toutes les cartes en main à l'heure actuelle, tenta d'apaiser les tensions. « C'est ça, ouais... » S'était-il contenté de marmonner face à la menace proférée par la blonde, manquant visiblement cruellement d'argument mais ne pouvant s'empêcher d'exprimer une nouvelle fois l'aversion qu'il pouvait ressentir à son égard. En guise de représailles, l'unique fille du trio se contenta de lui infliger un coup de coude dans les côtes auquel il ne prit pas la peine de répondre, esquissant une simple grimace d'inconfort. Au moins, la menace s'était éclipsée pour l'instant, leur permettant de poursuivre le chemin jusqu'au chalet.

Maintenant qu'il atteignait l'endroit dans de telles circonstances, celui-ci lui paraissait complètement différent de celui qu'il connaissait. Là où il avait aisément pu le considérer comme un endroit accueillant, un second foyer même, ne voyait actuellement plus qu'une lugubre bâtisse boisée d'où le nombre particulièrement élevé d'issues lui faisait penser qu'ils n'étaient pas réellement en sécurité là-bas — mais ils n'avaient pas réellement le luxe de s'accorder un autre choix. Loin de pouvoir s'attarder sur son environnement, Kaitlyn parvint une nouvelle fois à l'ancrer à la réalité en l'interpellant, la manière dont elle désigna Dylan lui rendit aussitôt l'ordre de ses priorités : maintenant qu'il avait la confirmation officielle qu'il avait merdé, tout ce qu'il pouvait faire était au moins d'essayer de se montrer présent pour celui dont il avait gâché la vie. D'un signe de tête, il obtempéra et se dirigea vers le principal concerné d'une démarche lente et plus hésitante que celle qu'il aurait employée en temps normal, cherchant d'ores et déjà les mots qu'il pourrait utiliser une fois arrivé à sa hauteur. « Je serai probablement venu même sans son intervention. » Lui-même ne savait pas si c'était véridique : peut-être que sa lâcheté l'aurait poussé à rester en retrait plutôt que d'assumer les conséquences de son acte. Ou plutôt de son absence d'acte. « Nick avait l'air moins rationnel que toi lorsque c'est devenu imminent. Tu as probablement encore un peu de temps devant toi, non ? » Lui demanda t-il, conscient que n'avoir qu'une seule référence dans la matière n'aidait pas à pouvoir les situer avec exactitude. Peut-être que le processus n'était pas exactement le même pour tout le monde. « Non. Personne d'autre que nous n'est au courant... mais je ne sais pas combien de temps on va pouvoir la tenir dans la confidence. » Si ça avait été Abby, probablement aurait-il estimé qu'ils possédaient une marge plus large : encore traumatisée par le traitement qu'elle venait de subir en provenance du gars doux et romantique sur lequel elle avait entretenu bon nombre de fantaisies tout l'été combinée à sa naïveté naturelle l'aurait probablement maintenue suffisamment à distance que pour l'empêcher de se rendre directement compte de ce qu'il se passait. « Comment est-ce que tu te sens ? » Autant commencer par les basiques, après tout. Durant un court instant, il garda le silence, se contentant d'observer la main que le brun posait au niveau de son poignet avant de finalement croiser son regard ambré. Ambré. Depuis quand Dylan avait-il les yeux ambrés ? « Merde, Dylan ! » Lâcha t-il soudainement, aussi subjugué par la beauté désormais réellement surnaturelle que cette nouvelle caractéristique lui accordait que sous le choc face à cette progression fulgurante. Finalement, peut-être que son affirmation quant au temps susceptible de lui rester était particulièrement erronée. « Je suis terriblement désolé, j'aurai dû t'écouter lorsque tu m'as dit de couper, tout est de ma faute... »

DYLAN&RYAN

Rien de ce qu’ils avaient pu voir jusqu’à présent concernant cette étrange malédiction n’était rassurant : son mode de contamination était bien trop facile, la manière dont les malheureux la subissant perdaient le contrôle était bien trop intense et la transformation qui en résultait était à la fois bien trop rapide et bien trop inévitable. D'ici quelques heures tout au plus, Dylan gambaderait librement auprès des autres créatures nocturnes peuplant les bois environnants et représenterait une menace supplémentaire dont ils se seraient définitivement bien passés. Savoir que sa propre lâcheté les avaient conduit faisait tourner la tête et retournait l'estomac du Erzahler. Comment pourrait t-il se pardonner si quiconque mourait par sa faute ? Pour cela, il lui faudrait toutefois déjà lui-même survivre à cette nuit. Quitte à ce qu'un innocent ne périsse ce soir, le solitaire moniteur préférait de loin qu'il s'agisse de lui-même : au moins, sa conscience ne le torturerait pas pour le restant de ses jours dans ces conditions. L'heure n'était toutefois pas encore à envisager ce type de scénarios catastrophe : la situation était grave mais pas encore tout à fait désespérée. Pas tant que le brun était encore humain et qu'il se trouvait là, à ses côtés, à tenter de trouver une solution pour les sortir de ce qui semblait être une impasse. « L'eau ? » Répéta son involontaire bourreau avec incrédulité lorsqu'un élan de lucidité sembla traverser son comparse, n'en comprenant la conclusion qu'une fois son hypothèse davantage développée. « Mais… et si ça te faisait risquer ta vie ? Les plus expérimentés ont pour instinct de ne pas s’approcher de l’eau, qu’est-ce qui nous garantit que ce sera le cas pour toi aussi ? » Peu connu pour son optimisme, le métisse s'imaginait déjà le cas de figure aussi atypique que pathétique où le loup-garou, aveuglé par sa bestialité récente, sauterait de la barque dans une tentative d'atteindre les malheureux se trouvant sur la berge et serait incapable d'y remonter. Imaginer quiconque mourir de cette manière était aussi atroce que pittoresque et, bien qu'il refusait de se l'admettre, Ryan devait admettre qu'il n'avait aucune envie de s'y représenter Dylan. « Tu te sens déjà perdre le contrôle ? » Et si ce n'était pas le cas, le sentirait t-il seulement lorsque ça arriverait ? Bien que ses souvenirs au sujet de Nick s'entremêlaient et qu'il n'ait pas assisté avec la plus grande des assiduités à l'ensemble des événements de la nuit, l'ayant initialement juste pensé sonné de ce qui lui était arrivé, il était presque convaincu que celui-ci n'avait pas réellement envisagé qu'un dénouement aussi dramatique l'attendrait au bout de ce qui avait pourtant été si semblable à une terrible agonie.

La mention de Kaitlyn, présente à seulement quelques mètres d'eux, lui fit froncer les sourcils. Le plus jeune avait raison : ils lui devaient la vérité tant par simple honnêteté que par précaution. « Je sais… » Prononcés décemment bas que pour presque pouvoir passer pour un soupir, devoir s'y résoudre n'enchantait pas Ryan pour autant. Bien qu'ayant entretenu de très bonnes relations avec leur amie commune durant tout l'été, il savait que le franc parlé naturellement brut-de-décoffrage de cette dernière ne lui ferait pas du bien dans une situation telle que celle-là. De tout le groupe, elle serait probablement celle qui n'hésiterait pas à lui mettre ouvertement le nez dans le purin en lui signifiant ouvertement que son incapacité à agir était ce qui les avait conduits là. Et quand bien même décidait t-elle de lui accorder la clémence de garder ses pensées pour elle, son visage expressif la trahirait forcément. Réussirait t-elle toutefois à être plus virulente encore que sa propre conscience ? Sur ça, il avait des doutes.

S'inquiéter de son propre état n'était toutefois pas au goût du jour. Pour l'heure, ce qui inquiétait le malheureux concernait principalement l'infecté et l'état, autant mental que physique, de ce dernier. La trace de morsure qu'il avait possédée encore quelques dizaines de minutes plus tôt au niveau du poignet avait été moche, assez d'ailleurs que pour lui faire courir un risque d'infection considérable et pour laisser à minima une bien vilaine trace. Aussi, les yeux du témoin de ce malheureux événement ne purent que s'écarquiller avec stupeur face à la peau désormais laisse qu'il lui exposa. « C’est… honnêtement impressionnant. » Lui qui n'était déjà pas un grand orateur, les mots lui manquaient encore davantage cette fois. C'était également quelque peu effrayant aussi, compte tenu de ce qui en découlait. Bien qu’ils n’en sachent encore que très peu à l’égard de cette malédiction, Ryan en concluait aisément que l’apparition de symptômes tels que celui-ci devait trahir une avancée considérable de l’infection. Hélas, les deux adolescents n'étaient pas au bout de leurs surprises...

La plus grande des surprises le terrassa lorsque son regard croisa celui du passionné de physique quantique. Loin des prunelles noisettes dans lesquelles il s'était perdu plus de fois qu'il ne pourrait décemment l'admettre au cours de cet été, celles qui le fixaient désormais lui étaient parfaitement inconnues. D'abord incapable de lui répondre, il lui fallut quelques secondes pour reprendre le contrôle de ses pensées que pour éviter de continuer à le fixer avec un mélange d’incertitude et de fascination. « Tu... tes yeux... » Là, ils n'avaient officiellement plus le choix : il fallait falloir admettre la vérité à Kaitlyn maintenant que celle-ci n'était plus dissimulable. Conscient que cela s'annonçait compliqué d'y parvenir, le moniteur de planche à voiles se passa une main sur le visage afin d'essayer de garder les pieds sur terre. « Ne tente pas de me convaincre de quelque chose dont tu n’es toi-même pas convaincu, Dylan. » Bien sûr que tout était de sa faute : il avait été celui incapable de rassembler suffisamment son courage que pour empêcher son ami de finir transformé en une monstrueuse créature, ce qui gâcherait le restant de sa vie maintenant l'infection répandue. Comment pourrait t-il continuer à s'observer dans le miroir en dépit de cette culpabilité écrasante ? « J’ai eu tort et nous le savons tous les deux… » Et, en dépit de la beauté surnaturelle des iris le scrutant actuellement, ces dernières le forçaient à se rendre compte de la gravité de la situation, un désagréable frisson parcourut sa colonne vertébrale. Ô combien aimerait t-il pouvoir s’éveiller de cet abominable cauchemar que représentait cette nuit toute entière.

Pensif, il n'entendait désormais que bien peu les arguments pourtant rationnels que son collègue tentait d'apporter afin de justifier son erreur et d'apaiser sa conscience. Il ignorait s’il a fait le bon choix et n'en aurait la confirmation dans un sens comme dans l'autre que sur le long terme quoi qu'il en soit. La seule chose qui était sûre, c'était qu'il avait écouté son cœur et sa lâcheté en refusant l’amputation tout en ayant potentiellement condamné tout le groupe à une véritable éradication une fois leur compagnon de route intégralement transformé. La réaction soudaine du damné le força à réagir rapidement, se redressa en un bond également. « Tu ne peux pas t’isoler et prendre le risque de rester à l’extérieur avec ce qui y rôde déjà ! Et s’ils revenaient et décidaient cette fois de t’achever ? Et si tu tombais sur Nick? » Leur ancien collègue n'avait, après tout, semblé n'en porter plus que le nom la dernière fois qu'ils l'avaient aperçu. « Dylan, s'il te plaît, sois rationnel. On ne sait même pas si tout le monde est encore vivant... » Tenta t-il de le raisonner, bien que sa justification soit maigre. C'était pourtant le mieux qu'il puisse faire actuellement, compte tenu de la crise qu'ils étaient contraints de traverser. « On devrait commencer par en parler à Kaitlyn. Une fois que ce sera fait... » Son esprit tentait de désespérément trouver une solution, une issue quelconque leur permettant de défier le funeste destin qui semblait les attendre. « On trouvera une solution. On dénichera un endroit dans lequel t'enfermer d'où rien ne pourra sortir ou rentrer avant le lever du jour, des cordes suffisamment forts que pour réussir à te maintenir attaché à quelque chose de solide. » Ses pensées s'entremêlaient, la raison le quittait. Même pour quelqu'un d'aussi impassible que lui, cela commençait à faire beaucoup à gérer.

DYLAN&RYAN

La comparaison du chat et de l’eau, quoi que bien connue de tous et certainement la plus qualitative, peinait à convaincre Ryan. Plus les détails du plan lui étaient exposés et plus l’impression de jouer à la roulette russe avec la vie de son acolyte se faisait omniprésente, lui laissant un arrière-goût très amer au fond de la gorge. « J’espère que ta théorie est également valable pour les animaux… un peu plus conséquents. » Là où le chat décidant de sauter risquait simplement de se noyer à circonstances égales, le loup-garou qu’il s’apprêtait à devenir causerait quant à lui beaucoup plus de dégâts s’il venait à gagner la berge et ce peu importe le moyen employé. La logique de Ryan aurait évidemment dû voir en premier lieu le danger que cette situation risquait de faire courir aux autres moniteurs, lui y compris, mais son cœur, refusait de voir cette éventualité comme étant la plus catastrophique. Ce qui le rongeait le plus, c’était d’imaginer Dylan à peine humain et à deux doigts de se noyer, tout ça par sa faute. Lui et sa lâcheté. Et dire qu’il avait d’abord été vu comme celui possédant le plus de sang-froid du groupe au point qu’une arme lui avait été confiée… Cette pensée ne faisait que de renforcer son aigreur. « Tu sais qu’il y a au moins une trentaine de scénarios catastrophe qui me passent par la tête face à ce plan ? » Lui fit-il remarquer sans pouvoir s’en empêcher, conscient qu’ils allaient pourtant devoir se contenter de ça ou quelque chose de similaire : ils ne débordaient pas vraiment d’autres options et, pire que tout, l’urgence les pressaient et les empêchaient de s’accorder le luxe de réfléchir. « Je sais, je sais… » Bien que ça l’agaçait de devoir le concéder, il devait le reconnaître : la sécurité de la majorité primait. Et la santé mentale du brun également, considérant que celle-ci prendrait subirait un grand coup s’il venait à devoir vivre avec une telle culpabilité au quotidien. Ryan n’était de toute façon pas légitime à lui dire quoi faire : toute complication à partir de maintenant serait de sa faute.

Ils ignoraient pratiquement tout de cette infection qui le rongeait de l’intérieur. Leur seul point de comparaison était Nick, dont les agissements n’avaient pas été très inspirants concernant la suite. Là où Ryan l’avait toujours considéré comme quelqu’un de profondément gentil et prévenant, celui-ci s’était finalement mué en un détestable et violent individu et ce en l’espace de quelques heures seulement. À la réflexion et bien qu’il ne lui ait pas remarqué d’yeux similaires à ceux l’observant actuellement, son apparence physique était également devenue bien plus piteuse, faisant toutefois davantage craindre au moniteur de planche à voile des symptômes de rage ou autre maladie méconnue plutôt que l’affliction invraisemblable dont il avait finalement hérité. Par chance, Dylan ne semblait pas être soumis aux mêmes excès de violence — et ses mots lui semblaient sincères. Pour l’instant, il ne risquait manifestement pas de finir en steak haché. Mais combien de temps leur restait t-il avant qu’il ne devienne incontrôlable ? Ryan pouvait accepter de se voiler la face en appréciant le bref mais doux geste qu’il eut à son égard tant que la majorité de ses traits étaient encore humains, mais lorsqu’il ressemblerait à l’une des créatures leur ayant fait face plus tôt dans la nuit… la réalité les rattraperaient forcément.

Cette infection n’avait toutefois pas que des mauvais côtés, à en juger par la cicatrisation rapide dont la blessure à l’origine de tous leurs malheurs avait bénéficié. Ou par la couleur inhumainement dorée des prunelles qui l’observaient désormais et où il réussissait aisément à lire un mélange d’étonnement et d’inquiétude face à son propre mutisme. « Ils sont… jaunes. » Les mots franchirent ses lèvres à un volume sonore particulièrement bas qui le poussa à penser que son interlocuteur ne l’avait peut-être même pas entendu. Sans qu’il ne contrôle pleinement son geste, l’une de ses mains vint délicatement se poser de part et d’autre de son menton afin de le forcer à incliner légèrement la tête et pouvoir s’assurer qu’il n’était pas en train d’halluciner. Le constat était sans appel : ses propres yeux ne lui jouaient pas de tour quant à ceux de son collègue. Collègue dont la nouvelle ne l’empêcha pas d’essayer à faire taire sa mauvaise conscience, qui semblait décidée à le tourmenter. « L’état de Nick. Merde, Dylan, l’état de Nick aurait dû être suffisant pour me convaincre de ne pas faire deux fois la même erreur ! » Encore plus compte tenu du fait que le concerné lui-même avait préconisé l’amputation à ce moment, ce qui aurait pu leur éviter bon nombre de tracas… et la mort d’Abby si lui-même ne s’était pas montré aussi entêté. Merde, pour ça également, tout était de sa faute. « Pour te condamner à pire encore ? » Ses mots et son intonation trahissaient son désespoir, incapable de réfléchir avec autant de raison qu’il le ferait en temps normal. L’éternelle neutralité qu’il s’efforçait d’aborder en toutes circonstances craquelait sous le poids des responsabilités colossales dont il avait hérité contre son gré et, progressivement, Ryan perdait pied.

Si la possibilité de simplement fermer les yeux et de prier pour se réveiller de l’abominable cauchemar dans lequel ils se trouvaient lui était offerte, le métisse la saisirait plutôt deux fois qu’une mais il le savait : le déni ne lui serait d’aucune aide. Pire, lui-même ne serait pas utile s’il continuait à se laisser terrasser par ses émotions. Chance pour eux, cependant, Dylan gardait le sens du pratique et des priorités pour deux. La mention de la trappe dont le stress lui avait fait oublier jusqu’à l’existence fit aussitôt relever la tête de Ryan, qui acquiesça lentement face à cette solution. Celle-ci lui plaisait définitivement plus que la barque : moins risquée pour chacun des partis impliqués, à priori. Enfin, à condition de réussir à l’y enfermer solidement et d’avoir le temps de le faire avant qu’il ne soit trop tard. « Ça pourrait marcher. » Concéda t-il alors que son changement d’expression et d’attitude prouvait que, progressivement, les pièces se mettaient en place dans son esprit. Peut-être qu’après tout, il leur restait un espoir que tout ça ne termine pas en bain de sang. « Je me rappelle avoir aperçu des cordes dans l’une des réserves de Chris l'autre jour, en allant y chercher une tenue de rechange. » Mentionna t-il, pensif. En analysant la situation avec les éléments qu’ils possédaient désormais, beaucoup de choses s’expliquaient pour le gosse que Ryan avait lui-même été. Ancien scout, il avait naturellement entendu bon nombre de légendes urbaines à propos de cet endroit. Gamin, il avait cru à bon nombre d’entre elles — notamment à celle prétendant que l’esprit d’un ancien gigantesque chien de garde hantait les lieux, expliquant la présence de ces étranges colliers nominatifs qu’il avait parfois aperçus du coin de l’œil et, par la suite, de ces fameuses cordes. Ce soir, il se sentait plus stupide que jamais. Pourtant, quelle était l’hypothèse la plus crédible entre le fantôme enragé d’un ancien canidé ayant autrefois gardé les lieux et une famille composée de lycanthropes ? L’adolescent qu’il était aujourd’hui serait incapable d’y répondre et ce n’était de toute façon pas la priorité. « C’était dans le sous-sol du chalet principal. Il y a facilement moyen d’y faire un crochet avant d’aller jusqu’à son bureau si on en trouve nulle part ailleurs d’ici là. » En temps normal, il se serait même proposé pour y aller seul mais compte tenu de ce qui errait aux alentours et du nombre d’accès au chalet qu’il espérait bel et bien tous condamnés, cela s’apparenterait plus à de la témérité qu’à du courage désormais. À ses yeux, rester ensemble avec les armes qu’ils avaient en leur possession était désormais leur meilleure chance.  

L’arrivée de Kaitlyn coupa le jeune homme dans ses réflexions. Et, bien que l’idée de passer aux aveux lui semblait aussi peu séduisante qu’inévitable, il n’eut même pas besoin de le faire : les traits de Dylan parlaient pour eux au point où le coupable eut tout juste le temps d’entrouvrir la bouche pour tenter de se défendre tout en acceptant d’endosser la responsabilité de la situation que la victime se retrouva obligée d’intervenir pour éviter de les détourner du problème principal. Avec Kaitlyn, il n’y avait pas le temps pour les tergiversations : celle-ci mena la marche jusqu’au bureau de Chris, endroit où il se sentait encore bien peu à sa place. Lui qui avait toujours été l’employé modèle ne s’était auparavant jamais montré aussi “intrusif“. Pourtant un simple retour des choses compte tenu des secrets colossaux dans lesquels il avait été gardé durant toutes ces années. « On fait au plus vite. » Lança t-il à l’égard de l’unique fille du trio lorsque celle-ci s’éclipsa pour aller préparer le terrain dont ils allaient avoir besoin. Sa manière de se mouvoir trahissant son manque d’aisance, il rentra précautionneusement dans la pièce aux caméras comme le ferait quelqu’un craignant d’y être surpris. Cette fois, ce ne fut pas les caméras qui retinrent son attention mais plutôt une armoire métallique disposée dans un coin de la pièce et uniquement fermée par un cadenas. « Si on espère trouver quelque chose ici, je pense que c’est notre meilleure option. » Admit t-il en désignant d’un signe de tête le mobilier en question, se dirigeant vers ce dernier avant d’y rentrer les deux options de code qu’il espérait avoir le privilège de connaître. Évidemment, cela aurait été trop beau. Une grimace lui faisant serrer les dents face aux deux échecs consécutifs qu’il venait de subir, il se passa une main sur le visage. « Je pensais que la date de naissance de Caleb ou de Kaylee serait seraient des valeurs sûres, il les utilise généralement pour tout. » Sauf qu’évidemment lorsque ça aurait été la situation la plus utile, il avait fallu que ce ne soit pas le cas. « Tu aurais une idée ? » Lui demanda t-il, ses yeux s’attardant sur le bureau et la paperasse y étant étalée. « Ou peut-être y aurait t-il quelque chose là-dedans ? » L’espoir était permis : si Chris Hackett était suffisamment cliché que pour utiliser les dates de naissance de ses enfants comme mot de passe types, peut-être était t-il également du genre à les noter sur un bout de papier aussi aisément accessible.

DYLAN&RYAN