Regulus fait non de la tête. Non, il ne savait pas qu’Albus Dumbledore était ici, et il n’en revient franchement pas de ne le découvrir que maintenant. S’il l’avait su bien plus tôt, il se serait épargné bien des angoisses et des remises en question. Certes, le fait qu’il soit présent ne va pas forcément tout résoudre, mais il est évident que si quelqu’un peut être capable de le faire, c’est lui. Le fait qu’il soit là, et en mesure peut-être de prendre les choses en mains, rassure sincèrement le jeune sorcier. Peut-être, oui, devrait-il accorder tout autant de crédit à l’équipe super-héroïque dont Peter lui vante les mérites et dont il semble si fier, mais de son côté, Regulus ne retient que le nom de l’ancien directeur de Poudlard. Oui, il faut qu’ils aillent le voir. C’est même… indispensable, en fait.

« Oui, il faut qu’on aille le voir », confirme Regulus.

Il n’est pas vraiment pressé de revoir Dumbledore en soi, cela dit. Même s’il devine que l’homme, pour ce qu’il en sait, sera clément avec lui, il n’oublie pas pour autant le fait qu’il a appartenu au camp ennemi, et à lui, il ne pourra certainement pas dissimuler son histoire. D’ailleurs, quand bien même il le voudrait, il est plus que probable qu’il n’y parviendrait pas dans tous les cas. Regulus doute fort que qui que ce soit puisse être réellement capable de cacher quoi que ce soit à Dumbledore (c’est faux). Regulus observe Peter avec une certaine incompréhension quand il lui parle de Batsignal, n’empêche que ça le fait irrésistiblement penser à quelque chose.

« Le seigneur des ténèbres avait sa manière de rassembler ses troupes... » Il baisse les yeux sur son avant-bras. Par tous les temps depuis qu’il est ici, il a appris à les garder couvert, pour ne pas avoir à porter son regard sur la marque des ténèbres incrustée dans sa peau. Il n’a pas exactement tout dit à Peter, il ne se voit pas commencer maintenant mais. « Il les a tatoués, il suffisait qu’il appuie sur le tatouage d’un des siens pour que tous les autres viennent à lui. On peut sans doute… Utiliser une base similaire, enfin, le même sort, mais en oubliant les tatouages », précise-t-il alors.

Pour le reste, il tient vraiment à ce que son frère soit le moins au courant possible. Il ne cherche pas à ce que Peter comprenne ses raisons, c’est juste… comme ça. Sauf que c’est vrai que vu comme ça, ça ne laisse pas la marge de dire grand-chose.

« Tu peux parler de l’horcruxe, pas de comment je l’ai récupéré ni de ce qui m’est arrivé… ça sert à rien d’en parler de toute façon… »

Et en fait, s’il pouvait juste ne pas prononcer son nom, ce serait bien… mais inenvisageable à ce stade, cela va sans dire. Ces mots prononcés, Peter se montre pragmatique. Où est-ce qu’il va passer la nuit ? C’est vrai, il ne peut définitivement pas rentrer chez lui.

« J’en sais rien… Qu’est-ce que t’entends par plein d’enfants ? C’est quoi comme genre d’endroit. »

« Je pense pas que je serais capable de reproduire ce genre de sorts, encore moins vu l’état de ma magie, là, tout de suite. »

Il n’entre pas dans les détails, il ne va pas s’amuser à expliquer à Peter que sa magie et ses compétences sont beaucoup plus faibles qu’avant et que ça le frustre. Il préfère, à la place, en dire le moins possible, comme à chaque fois. Il compte ajouter que oui, le professeur Dumbledore saura certainement y faire, mais c’est ce moment que Peter choisit pour le rappeler à cette « merveilleuse » technologie moldue dont il préfère se détacher autant que possible. Ici, il ne peut pas ignorer l’existence des téléphones portables, ce serait franchement impossible vu comment certain semblent obnubilés par leurs écrans, et lui-même a dû s’en procurer un, de téléphone, dans le cadre de son travail, mais c’est un objet qu’il préfère généralement éviter d’utiliser. Quand bien même il peut bien admettre que… ouais, OK, c’est quand même bien pratique.

« Ouais… les portables ça marche aussi, c’est sûr », ajoute-t-il en essayant de prendre le ton le plus détaché possible de celui qui ne se sent pas idiot de ne pas avoir pensé à ça pour commencer. Il pourrait bien avancer l’un ou l’autre argument en faveur de la magie plutôt que d’une technologie moldue, mais il n’a pas vraiment envie de se lancer dans ce genre de débats, qui ne feraient que confirmer le fait qu’il avait tort pour commencer d’oublier de penser comme un non-sorcier, parfois. « Je peux te passer mon numéro si tu veux », ajoute-t-il d’un ton qui ne transpire pas l’enthousiasme, mais chaque pas qu’il fait en direction de Peter doit pour autant être pris pour ce qu’il est : un petit miracle en soi – il est loin de se montrer aussi conciliant avec tout le monde, loin s’en faut. « Et laisse tomber avec Sirius, d’accord, y a rien qui puisse arranger notre relation, et notre relation n’a pas besoin d’être arrangée de toute manière, alors lâche l’affaire, OK ? »

A ce sujet, il se montre directement plus agressif. Parce qu’il ment. Ou du moins, il ment à moitié. Il le pense vraiment quand il affirme que rien ne serait susceptible d’arranger leurs relations. Parce qu’il en est convaincu. Par contre, il ment, bien sûr, quand il assure que leur relation n’a pas besoin d’être arrangée, car c’est tout le contraire. En tout cas, Regulus, pour sa part, oui, en aurait clairement besoin. Mais ce n’est pas parce qu’il en a besoin qu’il le mérite pour autant. Regulus a perdu son frère il y a des années de cela. Rien ni personne ne peut changer ça, et encore moins une tierce personne un peu trop enthousiaste et armée de présumées bonnes intentions. Regulus pousse un léger soupir (encore un) quand Peter lui donne ses suggestions de repli quant à l’endroit où il pourra passer la nuit. Mais finalement, il reprend, un peu plus conciliant.

« Qu’est-ce que t’as, comme films ? »

« Juste plus faible », explique Regulus sans entrer dans les détails quand Peter lui demande si sa magie est différente de celle qu’il a connue.

Il a eu l’occasion de constater l’existence de nombreuses formes de magie depuis qu’il est ici, et devoir admettre que celle qu’il avait toujours connue n’était pas la seule à unique n’avait pas été simple pour lui et avait mis, surtout, un sacré coup à sa fierté, il faut quand même le dire, mais sa magie reste celle qu’il a toujours connue, seulement… il a l’impression qu’il n’accède qu’au dixième de ses compétences réelles, et ça le frustre terriblement. Bien sûr, il sait qu’il doit seulement être patient. Après tout, lui-même a mis plus de deux ans à récupérer ces pouvoirs un peu faiblards, il ne doit pas s’attendre à des miracles d’entrée de jeu, mais dans l’incertitude de l’évolution de ses pouvoirs, tout comme il avait été dans l’incertitude de parvenir à les récupérer pour commencer, il se sent, bien évidemment, particulièrement frustré, et il n’est pas simple de passer outre.

Pas plus de détails sur la question, donc, de même il préfère ne pas s’étendre sur le sujet non plus quand ils échangent leurs numéros tous les deux. Il ne compte pas s’en servir plus que nécessaire, tout comme, dans tous les cas, il a tendance à négliger son portable la plupart du temps. Il n’est certainement pas de ces personnes qui appellent ou qui « textotent » pour tout et n’importe quoi. Ce qui est sûr, c’est que si Peter reçoit un appel de Regulus, il aura toutes les raisons du monde de s’inquiéter. Il se contente d’un hochement de tête. Il y a des choses qui n’auraient l’air de rien ou pourraient même sembler méprisantes d’un point de vue extérieur, mais de la part du jeune sorcier, c’est un véritable effort, et une marque d’estime, aussi. Il lui fait suffisamment confiance pour lui donner son numéro. Non, vraiment, ce n’est pas rien.

Par contre, il s’agirait de ne pas abuser non plus. Notamment en ce qui concerne Sirius. Ce n’est pas parce qu’il est parvenu au miracle de s’entendre à la fois avec Sirius et avec Regulus qu’il doit s’attendre à ce qu’il lui laisse un passe-droit pour jouer les entremetteurs. Il a pas de frère, alors justement, il peut pas comprendre, il ne peut pas savoir ce que ça fait, et à quel point leur relation est compliquée. Ou bien si, il pourrait comprendre, peut-être, si Regulus faisait l’effort d’expliquer. Mais, je vous le donne en mille, ça n’arrivera pas. Il met tout ça de côté pour accepter quelque chose de beaucoup plus… absurde et trivial… Après tout ce qui vient de se passer, il va vraiment passer la soirée à regarder des films avec un type qu’il vient à peine de rencontrer ? Bah écoutez, on dirait bien que oui. Les films. Ces inventions moldues qu’il devrait mépriser. Mais l’une des première invention moldues qu’il a adoptées ici, presque malgré lui, parce que l’assaut des images était inévitable. Mais parce qu’il aimait ça, aussi, il faut le dire quand même.

Il laisse donc Peter faire l’examen scrupuleux de ses films. Lui ne s’y connaît pas assez pour véritablement décider de quoi que ce soit. Il ne comprend rien à ces histoires de sorciers et de films de sorciers, déjà qu’il a eu l’impression que Peter parlait dans une autre langue au moment d’évoquer le sujet…

« Je connais pas, je connais rien à ces trucs de Moldus », répond Regulus quand Peter lui parle de Tim Burtruc. En tout cas, il n’a jamais connu de sorciers qui s’appelaient Burton, pour sa part. « J’allais te demander de quoi ça parle, mais t’as déjà décidé, hein ? »

Mais au final, il n’est pas si mal loti, ni si malheureux d’être là. Et même, il accepte de piocher quelque bonbons dans le paquet que Peter leur a déniché. Au final, il se prête au jeu.