(Terminé) Le frère abandonné ft Regulus Black

Le frère abandonné

feat. Remus

La bibliothèque locale avait commandé un certain nombre d’ouvrages à la Rose éternelle, et c’est Regulus qui s’est chargé de livrer le tout, avec sa bonne humeur habituelle (traduction : en tirant la tronche). Après quoi il avait décidé de traîner un peu dans les rayonnages. Regulus a toujours été passionné, fasciné par les livres. Pas parce qu’il les voyait comme des refuges mais plus comme des sources perpétuelles de savoir, dont il s’abreuvait jusqu’à plus soif. C’est toujours le cas aujourd’hui, mais certaines choses, tout de même, ont changé, ou du moins évolué. Parce que lui qui se cantonnait à l’époque aux livres seulement sorciers a découvert une littérature bien plus vaste, et pas seulement parce que celle-ci s’étendait dorénavant aux ouvrages moldus, mais parce qu’on trouvait ici des ouvrages issus de tous les lieux et de tous les univers possibles… Si l’on doit décider, à partir de ce vaste corpus, de se fasciner un imaginaire cohérent et d’étendre ses connaissances, on a de quoi être pris d’un certain vertige, il faut bien le dire.

Il ne sait pas sur quoi arrêter son attention exactement, dans le fond, il sait qu’il ne devrait pas s’attarder, mais il n’a pas grand-chose qui l’attende, chez lui… enfin si, un colocataire très expansif et bruyant, qu’il a appris à apprécier, certes, mais qui n’en demeure pas moins expansif et bruyant… et ses interrogations, et ses craintes, et cette épée de Damoclès constante qui repose au-dessus de sa tête. Non, au fond, ce n’est pas plus mal, vraiment qu’il reste ici, même si c’est sans franchement de raison, même si c’est pour finalement ne rien faire du tout. Il va pourtant rapidement regretter son choix quand il sent une présence dans son dos.

Il se crispe automatiquement au moment de sentir qu’on lui tapote l’épaule. Tendu, il se retourne, et son regard tombe alors sur qui il n’a pas franchement envie de voir, mais qu’il n’est pas surpris de retrouver malgré tout. Après Sirius, après Evans, après d’autres encore, savoir que Remus Lupin est ici ne le surprend, en définitive, pas outre mesure… Est-ce pour autant qu’il est heureux de le revoir… pas particulièrement, à la vérité… Comme dans le fond, il n’est heureux de revoir aucun acteur de son passé ou presque… trop de souvenirs douloureux, trop de pression, trop de rancœur. Le seul, dans le lot, qu’il avait vraiment eu envie de revoir était Sirius… et on ne pouvait pas franchement dire que leurs retrouvailles avaient été heureuses… le ressentiment était encore trop grand, et surtout, les frères Black, aussi fiers l’un que l’autre, avaient tout bonnement été infichus de faire un pas l’un vers l’autre.

« Évidemment que je me souviens de toi », soupire-t-il en le regardant de haut en bas, de bas en haut. Remus Lupin ou le voleur de frère numéro deux. Regulus le déteste moins que James Potter, certes… mais dans le fond, ça ne veut pas dire grand-chose. « Qu’est-ce que tu me veux ? »

Le frère abandonné

feat. Remus

Désolé de l’importuner, il peut l’être. Regulus se sent bel et bien importuné, comme ça aurait été le cas comme si n’importe qui avait décidé de l’interpeler, mais le fait qu’il s’agissait de Remus Lupin n’arrangeait définitivement rien. Certes, au final, l’ami de Sirius ne lui avait rien fait en soi, sans doute ne s’étaient-ils même pas adressé un seul mot tout au long du temps qu’ils avaient passé à Poudlard en même temps. Il n’a pas de raison de lui tenir une haine particulière, et dans le fond, il lui en veut bien moins à lui qu’à James, dont la famille a accueilli Sirius, le privant de sa compagnie dans la demeure des Black. Mais voilà, les meilleurs amis de Sirius, ceux-là qui se faisaient appeler les maraudeurs (va savoir pourquoi) seraient toujours des ennemis naturels aux yeux de Regulus. C’était comme ça, et ça avait peu de chances de changer. Les années ont passé, et Regulus le premier a immensément changé, mais certaines rancœurs ont vraiment la vie dure, et il est difficile de passer outre.

« Parler de quoi exactement ? » demande Regulus en l’observant de haut en bas, de bas en haut.

Dans d’autres circonstances, si Remus avait été le premier sorcier de son monde que Regulus avait retrouvé, comme ça avait été le cas avec Andromeda, il aurait pu se montrer un peu plus clément, mais ce n’est pas le cas. Il commence à s’être fait à l’idée que ce nouveau monde qu’il pensait vierge de tout ce qui faisait sa vie d’avant ne l’était pas tant… toutes les menaces auxquelles il pensait avoir échappé étaient là, bien réelles, tous ses démons susceptibles de le rattraper. C’est peut-être l’occasion pour lui de faire amende honorable, autant auprès de son frère qu’auprès des amis de ce dernier, mais il ne pense tout bonnement pas qu’il soit capable d’une telle chose. Ou pas tout de suite. Pour faire la paix avec son frère, et donc avec les proches de son frère, il faudrait aussi que Regulus soit en paix avec lui-même, et ça, c’est loin d’être gagné, encore. On pourrait même arguer, à la vérité, que c’est là une tâche tout à fait impossible, inaccessible.

« Si toi aussi tu t’es mis en tête pour je ne sais quelle raison de me réconcilier avec Sirius, je vais te faire gagner du temps tout de suite : c’est peine perdue. Et ça n’arrivera pas. »

Il le dit d’un ton ferme et cherche à prétendre que ce constat, qu’il fait en toute sincérité, ne lui fait aucun mal, mais c’est bien sûr entièrement faux. Regulus rêverait de faire la paix avec son frère, mais il est définitivement trop fier et trop borné pour faire vers lui le moindre pas salutaire.

Le frère abandonné

feat. Remus

Oui, ça fait longtemps, en effet, mais peu importe le nombre d’années passées, Regulus n’est pas convaincu que cela change grand-chose. Regulus n’a pas idée du fait que dans le cas de Remus, cela remonte à plus longtemps encore, si bien que ses tourments d’adolescent doivent lui paraître bien insignifiants. Pour Regulus, les années sont passées, mais la blessure ne s’est pas complètement refermée pour autant. Elle ne peut pas se refermer. Et pour cause, il en garde des séquelles, physiques comme mentales, il est tourmenté d’une angoisse et de cauchemars qui ne le laissent jamais tranquille. Ce n’est pas exactement lié aux meilleurs amis de Sirius, bien sûr, mais sa fraternité brisée avec ce dernier le ramène à bien des égards à des pensées et des considérations qui sont vraiment difficiles à supporter pour lui.

Alors non, même après tout, il ne sait pas quoi dire, et il n’est pas convaincu qu’ils aient grand-chose en commun. Il regarde Remus, et tout ce qu’il voit, c’est ce type qui passait le plus clair de son temps avec son frère, ce frère qui ne lui accordait pas, en retour, la moindre attention. Parce que, bien sûr, Regulus affichait aussi à son adresse un souverain mépris. Rien à voir avec ce qu’il pensait réellement bien sûr, mais il y a toujours eu un gouffre entre ses pensées réelles et l’image qu’il pouvait donner. Et ça n’a pas changé. C’est même pire encore, aujourd’hui.

« Personne, c’est ce que tu crois », soupire Regulus quand Remus suggère que si ce n’est pas ce qu’il veut, personne ne lui forcera la main…

Il n’a sans doute jamais rencontré Peter Parker, son merveilleux colocataire qui saute sur toutes les occasions de le placer sur le chemin de son frère dans l’espoir qu’ils se réconcilient… Le pire, c’est que Regulus n’arrive pas à le lui reprocher, et pour cause, une part de lui voudrait que ça fonctionne, que ça fonctionne vraiment. Après tout, c’est un fait, que son frère lui manque. Il ne le dit jamais à voix haute, bien sûr, mais plus que personne, il voudrait pouvoir effacer le passé et revenir à cette période si lointaine où tous les deux étaient encore complices… Mais ça, c’était dans une autre vie, bien sûr. Il pousse un nouveau soupir.

« Comment tu t’occupes, ici ? T’as retrouvé tes pouvoirs ? »

La question en serait presque bateau tant Regulus la pose à tous les sorciers qu’il rencontre. Simple curiosité de sa part, parce que l’air de rien, il ne peut s’empêcher de s’interroger… depuis le temps qu’il est dans ce monde, il ne peut pas pour autant prétendre en avoir cerné tous les rouages. C’est loin, très loin (trop loin) d’être le cas, alors tout indice abondant dans un sens ou dans un autre lui apparaît, à ce titre, bon à prendre. Ou pas. Est-ce que ça changera grand-chose tout compte fait, pouvoirs ou pas, il a du mal à trouver sa place ici, et il n’est pas convaincu qu’il y parviendra mieux où que ce soit ailleurs.

Le frère abandonné

feat. Remus

« Ce n’est plus mon frère », soupire Regulus, le regard baissé.

Il ne le dit pas comme on prononcerait un discours radical, comme quelque chose de définitif, qu’il aurait décidé de lui-même, mais comme un constat, quelque chose qui lui semble inexorable. Le jour où leur folle de mère (faut-il qu’il accepte enfin de l’admettre ? Oui, Walburga Black était cinglée, et les circonstances ne l’ont certainement pas aidée à aller mieux) a décidé de retirer le nom de Sirius de la tapisserie familiale, elle a asséné à Regulus un proverbial et définitif « Tu n’as plus de frère ». Et les circonstances ont donné raison à cette affirmation. Sirius n’était plus à la maison, plus personne ne parlait de lui, on faisait comme s’il n’avait jamais existé, puis leurs choix, leurs convictions, avaient achevé de creuser le fossé entre eux, de ces fossés qu’on ne franchit pas. Si Regulus et Sirius Black ont été frères, cela remonte à des temps à présent très anciens. Une période à laquelle il ne leur est dorénavant plus possible de revenir, à laquelle il leur saura impossible de revenir.

Ce faisant, il n’a pas répondu précisément à la question de son interlocuteur, mais elle est sous-jacente. Oui, Regulus a revu Sirius, et les choses se sont si terriblement mal passées que leurs chances de se réconcilier un jour, un espoir que Regulus n’ose même plus caresser à présent, se sont littéralement effondrées à présent. Il n’y a absolument plus rien à faire dorénavant, c’est trop tard et ils le savent. Ils le savent pertinemment, même. Ce qui est bête, au fond, parce qu’ils ont sans doute autant l’un que l’autre besoin l’un de l’autre, et ils n’arrivent tout bonnement pas à faire autrement.

« Je travaille dans une librairie », répond-il alors quand Remus lui apprend à quoi ressemble son quotidien dans ce nouveau monde, dans cette nouvelle vie auxquels ils n’ont d’autre choix que de s’adapter, ne leur en déplaise. Il n’est pas surpris d’entendre que Remus est devenu professeur : il l’imagine très pédagogue, attentif à ses élèves. Au fond, il peut reconnaître que Remus Lupin possède bien des qualités dont Regulus manque très franchement lui-même. Son seul vrai défaut a été d’être aussi proche de Sirius quand il n’était plus donné à Regulus de l’être lui-même, en dépit de tout ce qu’il pouvait espérer et souhaiter. « Pareil pour moi, mes pouvoirs ont fini par revenir. Je ne m’explique pas ce qui s’est passé pour commencer, pourquoi il a fallu tant de temps pour que ces pouvoirs nous reviennent. »

Et il sait que ce n’est pas le cas pour tous les sorciers, que cela n’arrive pas au même rythme ni en même temps. C’est clairement là quelque chose de particulièrement énigmatique, et Regulus est bien incapable, pour sa part, de se l’expliquer, et ce de quelque manière que ce soit.

Le frère abandonné

feat. Remus

Regulus sait très bien, au fond, qu’il devrait conserver ses réflexions les plus tranchées pour lui-même, à plus forte raison qu’elles ne font jamais que le trahir. Comment peut-il prétendre être indifférent quand il se montre à ce point virulent à l’égard de son frère. Si toute cette situation lui était égale, si vraiment il avait oublié son frère, il ne réagirait pas de cette manière… mais que voulez-vous, l’éternelle fierté des Black ne l’aidait pas spécialement à réagir d’une autre manière. Certes, ce n'est pas la bonne manière, mais il n’empêche. Et en attendant, c’est vrai, il n’a pas répondu à la question de son interlocuteur. Il a envie de répliquer qu’il ne lui doit pas la moindre réponse dans tous les cas, mais à la place, il accepte tout de même d’en dire davantage, absolument à contrecoeur néanmoins.

« Ouais, je l’ai revu », se contente-t-il de répondre alors. Il n’a pas l’intention de s’épancher sur les retrouvailles en question et sur combien elles ont été douloureuses et n’ont en rien ressemblé à ce que Regulus s’était imaginé dans les moments où il avait réellement cru que les choses pourraient aller mieux entre eux… Bon, c’était idiot aussi d’avoir cru qu’ils seraient capables de dépasser leur orgueil démesuré alors qu’ils sont tous les deux fiers comme des paons. « Pas toi ? »

Mouais… Autant changer de sujet, au final, pas vrai… Encore que Regulus ne sait pas vraiment à quoi il s’engage en se racontant à son interlocuteur. Pourquoi s’amuse-t-il seulement à raconter sa vie à Remus Lupin. A quoi est-ce que ça rime, exactement ? Ben, la réponse est au final très simple : à rien, sans doute. A rien du tout, même. Mais bon, ils en sont là donc… autant y aller, hein. Oui, ce n’est pas vraiment comme s’ils avaient le choix dans tous les cas.

« La Rose éternelle », répond succinctement Regulus quand il lui demande dans quelle librairie il travaille. Il a envie d’ajouter un « mais je vois pas pourquoi ça t’intéresse », cependant, il décide de s’abstenir à la dernière minute. « Tout est aléatoire, ici, c’est bien ça le problème. » Y compris la manière dont le destin vous place ou non sur le chemin de personnes qui ont fait partie de votre passé… C’est particulièrement déstabilisant à vivre, à dire vrai. « Peut-être qu’on finira par repartir d’ici aussi aléatoirement qu’on est arrivés. »

Et quand ce sera le cas… Il ne restera plus rien à part le silence.

Le frère abandonné

feat. Remus

« Ouais, il est dans son élément », réplique Regulus d’un ton amer sans véritablement expliciter son propos et préciser ce qu’il entend par là… sans doute parce qu’il n’entend pas grand-chose par cela, dans le fond. Il tient seulement à se montrer désagréable s’il le peut, ce qui est pour lui une sorte de réflexe de protection, ni plus ni moins.

On pourrait croire que c’est là une réflexion pour suggérer qu’il n’aurait pas pu faire un métier plus avantageux ou plus « respectable », ou encore parce qu’il serait porté sur la boisson, mais en fait, Regulus ne pense rien de cela. Il est convaincu que Sirius fait un bon barman parce qu’il est sympathique, séduisant, et qu’il sait se faire aimer des gens, de même qu’il est cent fois plus sociable qu’il ne le sera jamais lui-même.

Et quand Regulus fait mine de n’avoir que de l’aversion à l’adresse de son frère, c’est évidemment faux, et c’est à peine s’il sait vraiment se montrer convaincant à ce sujet. La vérité, celle qu’il n’admettra pas, c’est qu’il est tout de même heureux que son frère ait trouvé un emploi dans lequel il sait s’épanouir, et qu’il apprécie de savoir qu’il a retrouvé celui qu’il estime être le moins pire de ses meilleurs amis. Il n’aimerait pas qu’il se retrouve seul, surtout pas. Pas le moins du monde.

Quoi qu’il en soit, clairement, Regulus n’a pas envie de parler de son frère plus longtemps. Il ne peut clairement pas dissimuler le fait que le sujet est beaucoup, beaucoup trop sensible à ses yeux, vraiment trop sensible. Et quelque part, même si bien sûr il ne le dira pas, il apprécie que Remus reconnaisse que ce sujet est trop délicat pour s’y attarder. Il aurait pu insister, poser davantage de questions, mais non, il accepte bel et bien qu’il veuille ne rien dire, et pour ça, vraiment Regulus lui est terriblement reconnaissant.

Enfin, silencieusement reconnaissant. Cette conversation, même si elle ne doit pas être bien plaisante à Remus, lui fait dire que dans d’autres circonstances, ils auraient sans doute tout à fait pu s’entendre, tous les deux. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées de cette manière, et ne se passeront jamais de cette manière parce que Regulus est clairement trop borné et fier pour revenir sur sa parole et sur ses émotions. S’il n’est pas capable de le faire pour Sirius, comment le pourrait-il pour Remus (et ne parlons pas de James, c’est peine perdue).

« Toi aussi… ? » demande Regulus alors que Remus lui apprend que revenir d’où ils viennent, c’est ne se rendre nulle part, vu qu’ils ont poussé leur dernier soupir dans leur ancienne vie. Au fond, il aurait dû s’en douter. La guerre a semblé n’épargner personne après son départ. « Je suis désolé… je ne savais pas. »

Le frère abandonné

feat. Remus

Pour Regulus, il est encore difficile de se faire une idée de ce qu’a été le cours de l’histoire de son monde après son absence. La première question qu’il avait posé à ceux susceptibles de lui répondre avait été de savoir si le seigneur des ténèbres avait finalement été vaincu. Il voulait s’assurer que son sacrifice n’avait pas été vain, qu’il était au moins mort pour quelque chose, et que l’ennemi avait été vaincu. Au final, il n’avait eu qu’une réponse partielle à cette question. Certes, il a bien compris que Voldemort avait été vaincu, mais il n’a pas vraiment été en mesure de savoir si le rôle qu’il avait joué avait véritablement été d’une quelconque utilité. Une part de lui ne peut s’empêcher de se dire que non. En soi… il ne demandait pas à sauver le monde, et il n’aurait de toute façon pas pu survivre en décidant de quitter les rangs du seigneur des ténèbres : mais il avait vraiment cru qu’il serait capable de réussir quelque chose, et il en doute absolument, à présent.

Il a donc bien entendu parler de la bataille de Poudlard. Il avait compris qu’elle avait fait un nombre conséquent de morts sans en savoir beaucoup plus : il comprend à présent qu’au-delà de tout ce qu’il avait présumé, des souffrances terribles avaient été endurées, et que personne, absolument personne, n’avait été épargné. Il découvre dans la foulée que Remus Lupin s’était marié… En dépit du peu de sympathie qu’il lui inspire, c’est une information qu’il apprécie de découvrir… Ces cas de figure, de personnes qui ont vraiment eu l’occasion de trouver l’amour, de fonder une famille, est visiblement si rare. Certes, cela n’a pas empêché leur fin tragique, mais au mopins se sont-ils permis d’aimer… C’est un don qui n’a pas été fait à tout le monde dans les circonstances de la guerre.

« Ouais, il paraît », répond Regulus avec un léger cynisme, quand Remus ajoute que ce sont des choses qui arrivent…

Mourir, ce sont en effet des choses qui arrivent, aux meilleurs comme aux pires… Regulus, lui, n’aura su être ni l’un ni l’autre, mais il est mort malgré tout, alors dans le fond, il en sait effectivement quelque chose. Oui, ce sont des choses qui arrivent, mais ce sont aussi des choses qui ne devraient pas arriver. Ou en tout cas pas dans ces circonstances, jamais dans ces circonstances. Regulus ne sait souhaiter cela à personne, pas même envers Remus envers qui pourtant, à l’instar de Potter et de Pettigrow (mais pas longtemps dans ce dernier coup), il a très longtemps nourri une jalousie qu’il ne réussissait pas spécialement à dissimuler, si ce n’est sous couvert d’une haine tenace.

« Vous aviez des enfants ? »

Le frère abandonné

feat. Remus

Plus il entend parler des années qui ont suivi sa mort, de la défaite première du seigneur des ténèbres, puis de son retour, plus il se demande ce qu’il serait advenu de lui s’il avait vécu suffisamment longtemps pour connaître ces événements qui ont marqué l’histoire de la magie mais absolument pas la sienne. Serait-il, jusqu’au bout, resté un mangemort ? Aurait-il affronté Remus ou un autre lors de cette fameuse bataille de Poudlard ? Aurait-il déserté d’une autre manière ? Se serait-il planqué pour survivre ou, au contraire, aurait-il rejoint l’ordre du phénix et aurait-il fait partie de ceux qui n’auraient pas survécu à cette fameuse bataille. Peut-être à tort, il veut croire qu’il se serait forcément retourné contre son maître à un moment à un autre, si ça n’avait pas été dans les circonstances qui avaient causé sa perte, alors il y en aurait eu d’autres… Regulus n’a que cette conviction.

Est-ce qu’il aurait trouvé quelqu’un ? Est-ce qu’il se serait marié, aurait fondé une famille ? Peu importe la vie alternative qu’il s’invente, il est incapable de véritablement envisager cette option. D’une manière ou d’une autre, il a forcément le sentiment que celle-ci ne saurait être viable sur le long terme. Il n’aurait pas été capable de fonder une famille, et il ne savait pas vraiment s’il devait blâmer ou admirer Remus d’y être parvenu en dépit des sinistres circonstances. Sans doute ni l’un ni l’autre… Et quoi qu’il en soit, à quoi bon réfléchir à tout ceci ? Toutes ces considérations appartiennent à présent à un passé dont il ne peut même pas être vraiment sûr qu’il ait réellement existé, à présent. Non, il ne sert sans doute à rien d’y réfléchir plus longuement.

Il écoute donc Remus lui parler de son enfant, de son fils, et il comprend donc que lui est son épouse son mort trop tôt pour vraiment le connaître. Avaient-ils seulement assisté à ses premiers pas ? A son premier mot ? Bien sûr, ce sont là des questions bien trop indiscrètes pour qu’il se permette de les formuler à voix haute ? Il peut faire preuve d’une véritable indélicatesse, et encore plus, peut-être, en présence de celui qu’il est loin de considérer comme un ami même s’ils parviennent – contre toute attente – à avoir une conversation un tant soit peu cordiale.

« Je suppose que vous ne l’avez pas retrouvé ici, alors… », remarque-t-il en se disant que le formuler ainsi, c’est déjà indélicat en soi, mais avec, au fond, une sincère compassion envers ces parents qui recherchaient désespérément leur progéniture dans ce monde qui les avait isolés de leur famille. « J’espère que tu vas le retrouver. Ça doit bien être possible après tout. » Il hausse les épaules. « Ça aurait quel sens que tu me retrouves moi et pas ton propre fils, hein ? »

Le frère abandonné

feat. Remus

Même s’il en faudra clairement davantage pour que Regulus se prenne d’affection ou d’amitié pour son interlocuteur, il peut au moins admettre que cette conversation, plus sereine qu’il ne l’aurait présumée, aura eu le mérite de réduire au silence certaines des tensions qu’il éprouvait naturellement au contact de celui qui est un des meilleurs amis de son frère. Non, ils ne seront jamais les meilleurs amis du monde, c’est un fait, mais ce n’est pas pour autant qu’il lui souhaite du mal, et encore moins ce mal-là. Il ne sait pas ce que c’est que d’être père, et honnêtement, il n’est pas sûr et certain de le devenir un jour ni de le vouloir, mais il peut deviner ce que Remus ressent, loin de cet enfant qu’il n’a toujours pas retrouvé. Il est normal qu’il le recherche, par-dessus tout. Quand il dit ne pas avoir perdu espoir, il semble tout à fait sincère, et c’est une bonne chose. Il a sans doute raison, certains signes semblent prouver qu’il n’est pas illusoire de caresser ce genre d’espoir. D’autres, en revanche, sont par contre beaucoup moins encourageants, c’est un fait.

Et il le pense, quand il dit que ce serait tout de même absurde que Remus le retrouve lui, qui ne représente rien à ses yeux si ce n’est qu’il est le frère acariâtre d’un de ses meilleurs amis, alors que sa chair et son sang lui resteraient étrangers… Ceci dit, le sort a l’air de frapper indifféremment, et ça, c’est un fait qu’il faut bien constater, faute de réussir à véritablement l’accepter. Bref, il ne peut pas promettre à Remus que ses espoirs ne sont pas vains, mais il ne le déteste clairement pas au point de lui souhaiter une chose pareille, certainement pas.

« Et d’autres moins belles… », ne peut quand même s’empêcher de dire Regulus, en défaitiste devant l’éternel, mais aussi parce que si ce monde lui a permis de faire des rencontres exceptionnelles, de retrouver des personnes importantes pour lui (même s’il n’admettra pas forcément leur importance), mais aussi de retrouver des individus qu’il aurait voulu ne jamais revoir. En bref, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, c’est bien le problème. « J’espère que ça ira pour toi », ajoute-t-il seulement en s’étonnant lui-même de la sincérité de son discours, en l’occurrence.

« Je dois filer », reprend-il après avoir jeté un œil à sa montre.

Il n’avait pas remarqué que le temps avait filé aussi vite. Contre toute attente, la conversation avait été relativement fluide avec son interlocuteur, elle avait coulé de source, quelque part, mais malgré tout, comme bien souvent après une interaction sociale, quelle que soit sa nature, il a envie de se retrouver seul avec lui-même.

« A bientôt, peut-être. »