Don’t judge a book by the cover

feat. Alphard

Comme à chaque fois que Belle lui confie la place derrière le comptoir, Regulus se sent à la fois touché par la confiance qu’elle lui adresse et circonspect qu’elle puisse s’imaginer, après tout ce temps, que sa seule présence ne soit pas prétexte à leur faire perdre des clients potentiels. Regulus a beaucoup progressé depuis ses débuts dans ce monde. Au gré de ses rencontres et de ses découvertes, il a… évolué, et on aura tendance à penser que c’est pour le meilleur. Ceci dit, Regulus reste Regulus, et par bien des aspects, il y a quand même encore du travail à faire, notamment concernant cette mine taciturne qu’il affiche constamment, y compris quand il salue les nouveaux venus dans la boutique – et ça, c’est s’il prend la peine de les saluer. Le sourire de circonstance et tout ce qui va avec, c’est clairement pas quelque chose d’acquis chez lui, loin de là. Le voilà donc au comptoir de la Rose éternelle, et l’avantage qu’il a, au moins, cette fois, c’est qu’il n’y a pas foule de clients. Il a bien vu un type rentrer, mais il n’y a pas vraiment prêté attention. S’il y avait davantage pris garde, il aurait immédiatement reconnu une silhouette familière, un fantôme tout droit surgi de son passé. Un parmi beaucoup d’autres, car ils semblent être légion ces derniers temps.

C’est à la voix – légèrement familière quoi qu’il n’en soit pas tout à fait sûr – qu’il a le sentiment de le reconnaître pour commencer, mais c’est au moment de lever le regard et de croiser celui de l’homme qui requiert ses services qu’il pense bel et bien comprendre à qui il a affaire. Il reste sur sa réserve pour commencer, mais tandis qu’ils se dévisagent mutuellement, il devient assez évident qu’ils se reconnaissent l’un l’autre au bout du compte. Alphard. Son oncle. Qu’il n’a pas vu depuis… eh bien, depuis le décès de ce dernier, quand Regulus n’était encore qu’un adolescent.

« Je pourrais te poser la même question », remarque Regulus quand il lui demande ce qu’il fait ici, mettant un terme à toute autre hypothèse – oui, il s’agit définitivement de son oncle Alphard. « Je pensais vraiment pas te retrouver ici. »

Regulus ne sait pas trop s’il doit en être heureux ou non pour lui. Pour Reg, cet endroit a été sa seconde chance mais représente aussi une sorte d’évidente malédiction. Qu’en est-il pour lui ? Il n’a pas l’air malheureux de le voir en tout cas. Reg, de son côté, ne sait pas trop comment se comporter avec lui. Il faut dire que par la force des choses, ils n’avaient jamais été si proches. Regulus se fiait à l’avis de ses parents et le maintenait à l’écart de ses pensées et de sa vie. Mais les choses ont bien changé depuis. Reg, ne serait-ce que ça, a bien changé depuis.

« Est-ce que je peux… t’offrir un thé ? ou un café ? Bon, je travaille, là, mais on a une machine et une bouilloire dans l’arrière-boutique » – des technologies ce qu’il y a de plus moldues, en somme. « Et je pourrais aussi regarder ton livre, si tu veux. »

Ses propos sont assez maladroits car Reg, au fond, ne sait pas trop comment se comporter. Mais il faudra bien qu’il en prenne son parti malgré tout.

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feat. Alphard

« Non non, c’est bien. C’est calme, pour l’instant », fait Regulus qui n’affiche peut-être pas autant d’enthousiasme qu’il le voudrait quant au fait de retrouver son oncle.

Ce n’est pourtant pas parce qu’il est malheureux d’avoir retrouvé son oncle, ce n’est pas le cas du tout. Il en est même heureux, en réalité, mais les circonstances sont abruptes et compliquées, et Regulus, de son côté, est incapable de se montrer enthousiaste et expansif, il n’a jamais été capable de l’être.

« Suis-moi », reprend-il en l’invitant d’un geste à rejoindre l’arrière boutique, dans laquelle ils peuvent trouver une petite table, une machine à café et une bouilloire, le tout entouré de cartons pleins à ras-bord de bouquins en tout genre.

Alors qu’il met l’eau à bouillir d’un coup de baguette magique (on ne se refait pas), il accepte de se pencher sur le livre pour lequel Alphard est venu le voir pour commencer, ce qui est surtout une manière pour lui de garder contenance en fin de compte.

« Je vais regarder ça », fait-il en jetant un œil au livre en question. « Il est en excellent état, vu sa date d’édition », remarque-t-il, se concentrant là-dessus plutôt que sur quoi que ce soit d’autre. Il est néanmoins perturbé dans ses réflexions quand son oncle ajoute qu’il a grandi. Regulus affiche un sourire en coin. Il peut se réfugier derrière son travail, bien sûr, mais ce n’est qu’une manière de fuir des retrouvailles qu’il ne sait pas gérer, parce qu’il ne sait pas quelle émotion c’est supposer lui inspirer.

« Toi tu n’as pas beaucoup changé, par contre », remarque-t-il alors, ce qui est sans doute une remarque tout aussi bateau que celle que vient de lui adresser son oncle. Lui aussi est surpris à beaucoup de niveaux, malgré tout. « Je… » Il baisse les yeux sur le livre en question quand Alphard lui demande ce qu’il s’est passé pour lui après sa mort. Est-ce qu’il peut vraiment répondre à cette question ? « Oh, j’ai rejoint les mangemorts, j’ai retourné ma veste et je l’ai payé de ma vie »… Ouais, il a plutôt envie d’éviter, en réalité. A la place, il se décide pour une sorte de compromis. « Je comprends ce que tu veux dire… Je veux dire… enfin… Je suis mort, moi aussi. Quelques années après toi. » Et avant qu’Alphard ait l’occasion de lui poser la question du fatidique « Pourquoi ? », elle décide de retourner la situation. « C’est ce que tu fais dans la vie, maintenant ? Tu revends des livres anciens ? Ou tu les restaures, peut-être ? »

Se concentrer sur ce qu’ils sont maintenant plutôt que sur ce qu’ils étaient autrefois, c’est sa façon de faire. Sa manière de supporter une situation trop étrange pour être réellement supportable, en réalité.

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Au fond, les choix de vie d’Alphard dans ce nouveau monde ne surprennent pas le moins du monde Regulus, ils sont même plutôt conformes à ce que le jeune homme aurait pu s’imaginer pour lui s’il avait un jour décidé de s’interroger sur la question (ça n’avait pas été le cas, il avait vraiment pensé qu’il ne le reverrait plus jamais). Il affiche une légère grimace et détourne le regard quand son oncle ajoute qu’au final, sa situation et ses difficultés ne sont pas si différentes de celles qu’il rencontrait dans son ancienne vie. « Au final, ça ne change pas tellement des sangs purs. Il était toujours mal vu d’y intégrer un sang-mêlé. » Et Regulus avait plus que largement participé à cette mentalité d’un autre temps, qu’il a entre-temps trahi dans des proportions plus que phénoménales. Il préfère ne faire aucun commentaire à ce sujet. Y a-t-il quoi que ce soit à dire dans tous les cas ? Ils savent à quoi s’en tenir quoi qu’il en soit.

« Je n’en doute pas », confirme Regulus en s’autorisant une fine esquisse de sourire et en daignant reposer son regard sur son oncle – mais jamais très longtemps, au moment d’entendre Alphard lui dire qu’il a de la ressource quoi qu’il en soit.

Regulus note qu’à aucun moment son oncle ne l’interroge sur sa mort et sur les circonstances de celle-ci, et c’est une chose que le jeune homme apprécie sincèrement. Il n’a pas vraiment envie de se replonger dans cet épisode de son existence. Même à ceux dont il est devenu le plus proche dans ce nouveau monde, il peine à en parler – cela lui aurait sans doute été impossible, avec Alphard. Si ce dernier avait cherché à en apprendre davantage, Regulus se serait très probablement dérobé au sujet et renfrogné comme il en a si souvent eu l’habitude.

« Je ne sais pas trop… », constate Regulus en jetant un regard autour de lui quand Alphard lui demande pourquoi avoir fait le choix de travailler en librairie. Parce qu’il aime les livres, sans doute. Parce que le poste était à pourvoir, probablement. « C’est une bonne planque », finit-il par commenter évasivement. Enfin, ça c’est ce qu’il avait pensé pour commencer avant de prendre conscience de son erreur. « Sinon, en dehors de ça… je m’en sors à peu près. » Qu’est-ce qu’il peut lui dire ? Pas grand-chose, songe-t-il en pensant au médaillon qu’il garde autour de son cou et qui lui brûle l’abdomen. Pas grand-chose sans redouter de mettre son oncle en danger. « Sirius est là, tu le sais ? Et… maman aussi. »

Il ne dit pas ce qu’il en pense, il ne dit pas à Alphard quoi en penser, il délivre seulement l’information telle qu’elle est. Oui, parler affaires, ça semble bien, ça semble plus… sûr…

« C’est de la feuille d’or, sur la couverture… Et tu avais raison, c’est un exemplaire rare. Une première édition, sans doute parue en très peu d’exemplaires. De quoi te faire une petite fortune si tu trouves le bon acheteur. »

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feat. Alphard

Regulus grimace au moment d’entendre son oncle lui apprendre qu’il a bel et bien croisé sa mère, et que les retrouvailles n’avaient pas été des plus cordiales, comme on devait s’y attendre de la part de Walburga Black. Regulus se souvient encore parfaitement de ce qu’avait été la réaction de sa mère à la mort de son frère… une réaction qui n’avait pas tant différé du moment où Sirius avait définitivement quitté la maison… Regulus préfère ne pas faire de commentaire, mais il se demande si Alphard souffre de cette situation. C’est sans doute le cas, au fond, comme lui-même a longtemps souffert du fossé qui s’était creusé entre lui et Sirius, jusqu’à ce qu’ils parviennent à construire un pont entre eux et à se retrouver.

« C’est… » Regulus cherche les meilleurs mots pour qualifier sa relation avec sa mère… malheureusement, rien de bien heureux ne lui vient à l’esprit. « Compliqué. » La manière la plus basique mais certainement la plus appropriée de le décrire. « J’ai changé… » Il hésite. « J’ai trop changé pour elle. »

Et même s’il sait que cette distance prise avec sa mère était probablement nécessaire, elle lui serre le cœur malgré tout. Devenir un objet de déception pour des parents qu’il avait voulu rendre fiers plus que quoi que ce soit d’autre en ce bas monde, c’est difficile à encaisser, même quand on considère de manière objective toutes les bonnes raisons de rester campé sur ses positions.

« Ouais, toujours aussi Gryffondor », admet Regulus avec un léger sourire qui atteste de l’évolution de sa relation avec son frère, lorsque ce dernier est mentionné. Avant, il aurait sans doute prononcé ces mots avec un souverain mépris, proche du dégout. Maintenant, c’est différent. Bon, son tempérament… purement gryffondorien… continue de l’incommoder à bien des titres, très clairement, mais Regulus parvient à le prendre avec une distance plus amusée qu’exaspérée. « On parle pas vraiment du passé, lui et moi… je crois que ça vaut mieux », ajoute-t-il, évasif.

Pour en revenir à l’analyse du livre présentée par Alphard, Regulus ignore s’il a vraiment été d’une grande aide pour son oncle, mais ce dernier semble plutôt satisfait, et l’ancien vert et argent, de son côté, trouve, il est vrai, une certaine satisfaction au fait d’avoir su faire convenablement son travail. Une satisfaction toute simple qui trahit un véritable besoin d’approbation – qui clairement ne vient pas de nulle part.

« Plus ou moins… pour l’intégration, hein ! J’ai pas de petite amie… enfin j’en ai plus. » Plus il parle, plus il se sent embarrassé. « On va dire que j’ai plus d’amis qu’avant, de vrais amis, je veux dire », reprend-t-il en songeant immédiatement à Peter, Peter qui avait bouleversé tant de choses dans sa vie, Peter à qui il ne sait penser sans sentir une impression de chaleur l’envahir presque immédiatement, qu’il ne se hasarde bien évidemment pas à identifier. « Ce qui… est pas franchement un exploit, je suppose. »