(TERMINE) Out of Darkness [Sirius]

"Quand ce sera fait, va-t'en Kreattur. Rentre à la maison. Ne dis rien à maman quand tu seras de retour, d'accord ? Je compte sur toi. Surtout ne lui raconte jamais rien. Même si elle te l'ordonne, même si elle te supplie. Ne lui dis rien."

L'elfe de maison l'observe avec de grands yeux ronds, il y a de l'angoisse dans son regard, mais Regulus prend sur lui, fait le choix de ne pas y prêter attention. Il est allé trop loin, il ne peut plus revenir en arrière. Plus important encore, il ne veut pas revenir en arrière. Oui, il est terrifié, terrifié comme il ne l'a jamais été, mais aussi, il est sûr de lui. Il fait ce qui doit être fait. Pour la première fois de sa vie, il fait ce qui est juste. Alors il ne peut pas reculer.

"Souviens-toi, quand ce sera fait, échange les médaillons, et détruis l'horcruxe. Ne laisse personne mettre la main dessus. Et surtout... N'essaie pas de me sauver, d'accord ? Il faut que le médaillon soit détruit. C'est le plus important."

Il donne ses ordres presque mécaniquement. Il les a tant et tant dits et redits dans son esprit, toutes ces fois où il s'est répété mentalement ce moment pour s'assurer de ne surtout rien oublier, il sait qu'il n'aura sans doute pas la lucidité, ensuite, de donner à son elfe de maison les ordres les plus cohérents. Il sait aussi qu'il aura la tentation de faire marche arrière. Il garde le souvenir horrifié, cuisant, de ce que Kreattur lui a raconté à son retour de la caverne, quand lui-même y avait accompagné le seigneur des ténèbres. Il a gardé en mémoire chacune des sensations que l'elfe s'est efforcé de lui retranscrire le plus précisément possible. Il sait à quoi s'attendre, et il ne sait pas ce qui est le pire... aller jusqu'au bout de son plan en sachant précisément ce qui en résultera, ou s'y rendre à l'aveugle...

Regulus pose un regard sur le bassin de pierre rempli de ce liquide vert émeraude duquel émane la seule source de lumière de la caverne d'une obscurité autrement infernale. Il prend une grande inspiration, brandit sa baguette dans les airs et parvient à métamorphoser un morceau de roche alentour en récipient à la forme inélégante, mais suffisante pour lui permettre de recueillir la potion et de la porter à ses lèvres. Il remplit le récipient une première fois, reporte à nouveau son attention sur son elfe.

"Et Kreattur... même si je te supplie de me sortir de là, ne m'écoute pas. Je dois boire la potion jusqu'au bout, d'accord ?"

Et pour joindre le geste à la parole, il boit une première gorgée de potion. Puis une deuxième. Un incendie au creux de ses entrailles lui ronge bientôt tout l'intérieur du corps. Il doit se faire violence pour que sa main tremblante ne lâche pas le récipient, pour poursuivre de boire encore de cette potion qui semble mordre ses organes de l'intérieur. La douleur est indescriptible, elle le domine, elle parasite toute réflexion. Il doit continuer, il faut qu'il continue, il sait que c'est nécessaire, il sait qu'il n'a pas le choix, mais la douleur est si vive, violente... Quand il en a fini, il a la gorge en feu. Sèche, si sèche, c'est de tous ses membres qu'il tremble tandis qu'il s'effondre au sol. Il se rapproche de l'eau environnante, il doit boire, il faut qu'il boive... A ce moment-là, il sent une main blafarde et visqueuse lui saisir le poignet, une prise ferme, et puis plus rien...

Regulus perd connaissance, et il pense que c'est fini. Pourtant il se réveille finalement, il sent un vent frais fouetter son corps détrempé, il peine à comprendre la situation. Kreattur se tient à côté de lui. Il n'est pas parti. Pour la première fois de sa vie, il a désobéi, s'est emparé du médaillon et a transplané en entraînant son maître avec lui. Ils sont sur la plage. Kreattur est nerveux, cherche à se punir en enfoncer ses ongles dans la chair de ses bras frêles, mais Regulus le retient d'un geste tremblant.

"Sirius...", parvient-il à articuler. "Emmène-moi chez Sirius", ajoute-t-il, mettant fin à la séance d'autoflagellation de son elfe, qui obéit aussitôt.

C'est le premier nom qui lui est venu à l'esprit. A l'évidence, il ne peut plus rentrer chez lui, à présent. Il n'y a qu'une personne qu'il se sente la force (pour ce qu'il lui en reste) de retrouver, et c'est son frère. L'instant d'après, il se sent transplaner de nouveau. Il réussit à peine à sonner à la porte avant de s'effondrer, littéralement, sur le pallier, à bout de forces.

Quand la porte s'ouvre et que Sirius prend la parole, sa voix lui semble lointaine, comme s'il se tenait à des dizaines de mètres de là. Regulus cherche mollement à se redresser, il ne veut surtout pas donner de lui une image à ce point dégradante. Il n'en est sans doute plus là, à ce stade, mais ce qui lui reste de fierté l'intime de se relever, de retrouver une contenance... Malheureusement, son esprit peut bien souhaiter tout ce qu'il veut, son corps, lui, ne suit pas, sa tentative ne lui vaut que de pousser un très faible gémissement absolument ridicule avant de s'affaisser encore davantage, tremblant, encore angoissé, la gorge encore sèche. Même s'il avait voulu dire quoi que ce soit, il n'en aurait tout simplement pas été capable. Alors il laisse à Kreattur le soin d'expliquer la situation à Sirius.

Il peut entendre, à la voix de l'elfe, que celui-ci ne le fait qu'à contrecœur et n'avait aucune envie de se retrouver là... Il a obéi, il y a sans doute trouvé d'autant plus d'intérêt qu'il veut compenser sa désobéissance initiale, mais à l'évidence, il estime que son maître a eu une idée tout sauf acceptable en choisissant de se faire conduire ici. Sans doute est-il convaincu que Walburga Black, qu'il tient en terrible respect, aurait su pardonner à son fils, ou même, il aurait pu mentir pour le couvrir, qu'importe... Si Regulus ne fait pas le fier, en cet instant (mais il n'est pas vraiment capable d'afficher quelque émotion que ce soit en dehors de l'épuisement et de la douleur, à vrai dire), il sait qu'il est à la bonne adresse et que c'est bel et bien ici qu'il devait aller. Auprès de son frère.

"Monsieur Regulus m'a demandé de le conduire ici, il a besoin d'être soigné, c'est urgent", déclame l'elfe de maison rapidement, avant de pester entre ses dents. "Kreattur savait bien que c'était une mauvaise idée", à voix basse, certes, mais suffisamment haut pour que la réflexion ait pu échapper ni à l'un, ni à l'autre des deux frères.

Regulus n'est pas en état de le lui reprocher, et d'ailleurs, lui-même n'est pas certain d'avoir fait le choix le plus éclairé qui soit, encore moins dans l'état où il se trouve. Il a fait, disons, le choix le plus intuitif, et sûrement, par la même occasion, le seul choix qu'il lui restait dans tous les cas. Ses options sont limitées, et il n'est même pas totalement sûr que celle-ci en soit une par ailleurs.

Rien ne lui garantit que Sirius ne refermera tout simplement pas la porte sous leur nez sans aucune considération pour son état. Ou peut-être fera-t-il le choix de l'achever, histoire de se débarrasser d'un mangemort parmi tant d'autres. Sauf que la marque pourtant si vive sur son avant-bras ne représente dorénavant plus rien de ce qu'elle avait signifiée pour lui à l'époque où il s'était pourtant senti si fier d'appartenir à ce groupe dont il rejette à présent tout. Peu importe, il est là, maintenant, et il ne se sent pas la force d'aller où que ce soit. Et quand il parvient à parler, c'est d'une voix extrêmement rauque, et dans un discours on ne peut plus décousu.

"Soif... s'il te plaît..."

Et le simple fait qu'il prononce ces mots, "s'il te plaît", en dit clairement long sur son état.

"Il laisserait monsieur Regulus crever la gueule ouverte s'il en avait la possibilité, Kreattur savait très bien que ça ne marcherait pas", marmonne Kreattur, toujours fermement décidé à ne pas faire preuve de la moindre déférence envers celui qui pourtant avait été son maître tout autant que ne l'était Regulus. "Après tout ce qu'il a fait et tout ce qu'il a vécu, il va l'achever sur son palier comme le traître à son sang qu'il a toujours été."

Regulus veut rappeler Kreattur à l'ordre, mais il ne parvient pas à articuler le moindre son. Sa gorge toujours terriblement sèche, il se sent plus faible à chaque seconde, proche de s'évanouir, et il en viendrait presque à regretter les eaux noirâtres de la caverne. Qu'importe si les inferi l'avaient précipités jusque dans les profondeurs, cette perspective lui paraîtrait presque plus tolérable que d'endurer la douleur qui en cet instant le domine et complique la moindre de ses réflexions.

Sirius met cependant fin à son supplice en tendant à Kreattur un verre d'eau que ce dernier s'empresse de porter à ses lèvres. Regulus en boit le contenu d'une traite, sans presque prendre la peine de respirer. C'est à peine suffisant pour étancher la soif inextinguible qui l'assaille en cet instant, mais tout de même suffisant pour qu'il se sente reprendre un léger semblant de contenance, suffisamment pour parvenir à articuler quelques paroles cohérentes, qu'il adresse directement à l'elfe.

"Tu peux... rentrer... maintenant. Surtout, ne dis rien à personne... jamais... de ce qui s'est passé cette nuit... c'est bien compris ? Tu ne parles pas de la caverne, tu ne parles pas du médaillon, tu ne parles pas de Sirius.... A personne, d'accord ?"

Kreattur l'observe et Regulus sent qu'il a envie de répliquer quelque chose, mais il ne peut contester. Il a prouvé, certes, un peu plus tôt, que certaines situations pouvaient le pousser à aller à l'encontre de sa nature, quitte à désobéir à l'un de ses ordres, mais cela a également prouvé l'ampleur de sa loyauté envers son maître. Regulus veut croire qu'il respectera ses ordres et gardera le secret quoi qu'il advienne. D'ailleurs, il hoche faiblement la tête, mais avant de lui laisser le temps de transplaner, mais avant de lui en laisser le temps.

"Attends Kreattur... laisse-moi le médaillon. Je me chargerai de le détruire..." Kreattur, d'un geste hésitant, tend le médaillon de Serpentard à Regulus qui le récupère de sa main toujours tremblante. Puisqu'il a survécu à l'épreuve, même s'il ne sait pas pour combien de temps, mieux vaut sans doute que le médaillon demeure avec le traître plutôt qu'au 12, square Grimmaurd. "Pars, maintenant."

Et Kreattur s'exécute à contrecœur. Quelques instants plus tard, il n'y a plus que lui et son frère. L'elfe a transplané. Regulus déploie tout ce qu'il peut de force et de volonté pour se redressé, tenant en équilibre précaire contre le mur le plus proche. Et finalement, il ne parvient à dire que quelques mots seulement en daignant regarder Sirius dans le blanc des yeux. Mais des mots qui, à l'évidence, en disent long.

"Je l'ai trahi..."

Même dans cet état de détresse et de désœuvrement total, une part de lui s’inquiète encore de la réaction de son frère, de devoir mettre sa fierté de côté pour entendre Sirius lui faire remarquer qu’il avait raison depuis le début. C’est certes le cas, mais il pense avoir suffisamment payé les conséquences de son erreur pour ne pas en plus devoir accuser ce genre de réaction. Qui n’advient pas. Sirius semble plus inquiet que décidé à lui faire la morale pour le moment, ce qui arrange bien Regulus – même si ce n’est sans doute que partie remise. Il semble admettre la sincérité de sa démarche et le fait rentrer chez lui.

C’est avec difficulté que Regulus se laisse traîner, presque porter en réalité, jusqu’à un canapé. Allongé, il fixe le plafond avec le sentiment que tout ceci ne peut pas être complètement réel. Il se sent… perdu, désorienté. Il saurait à peine dire où il se trouve et ce qu’il fait ici. Il se sent… désorienté… Et encore beaucoup trop faible. Il a à peine vu Sirius s’absenter avant de finalement lui revenir, avec un nouveau verre d’eau. Regulus se redresse et en boit le contenu avec avidité. Même s’il se sent un peu mieux, il a toujours le désagréable sentiment qu’on lui a planté des milliers d’aiguilles dans la gorge… Il prend le temps de vider son verre, presque d’un trait, avant de répondre à son frère – sans le regarder, néanmoins. Alors qu’il prend la parole d’une vois toujours rauque, on pourrait soupçonner qu’il s’adresse davantage à son verre qu’à Sirius.

« J’avais pas vraiment prévu de m’en sortir vivant, si tu veux savoir… »

Un frisson le parcourt à la perspective soudaine de ce que va être sa vie à présent. Il s’en est sorti, soit, mais pour combien de temps. Qu’est-ce qui est le pire ? Périr au plus profond de ses eaux noirs, précipité dans l’obscurité par les inferi, ou vivre dans la peur constante des représailles du seigneur des ténèbres, qui ne tardera évidemment pas à découvrir ce qu’il a fait ? Non, il aurait été préférable qu’il meure, surtout si c’est pour voir cette échéance n’être que… reportée, tout compte fait. Pas qu’il y tienne tant, pourtant. Avoir échappé à la faucheuse de si près, et retrouver son frère après tout ce temps, le conforte dans l’idée qu’il ne veut pas subir un sort à ce point funeste. Mais il doute fort d’être capable d’y échapper.

« Je vais pas rester », qu’il précise dans un vain élan d’orgueil, mais surtout pour lui faire comprendre que son but n’est pas de faire que son frère se retrouve dans le collimateur du seigneur des ténèbres plus qu’il ne l’est déjà. « Je savais juste pas où aller… », ajoute-t-il en se redressant davantage. « Il faudrait… » Il tend le médaillon à Sirius. « Il faudrait le remettre à Dumbledore, j’imagine qu’il saura comment s’en débarrasser. »

Il n’aime pas l’idée de confier le médaillon à son frère, même temporairement, pas parce qu’il n’a pas confiance en Sirius, mais parce qu’il sait dans quelle position dangereuse il le met. Cependant, l’horcruxe doit être détruit, c’est nécessaire, et Regulus a peu de chances d’y parvenir par ses seuls moyens, alors que Sirius, avec ses contacts, y parviendra sans doute sans mal… pas vrai ?

Regulus parvient à afficher un semblant de grimace quand Sirius le qualifie, très certainement à juste titre, d'idiot. Il n'a pas vraiment voulu jouer les héros, d'ailleurs, il n'estime pas que c'est ce qu'il a été. Les héros sont acclamés pour leurs hauts faits, les héros marquent l'histoire, ce n'est pas ce qu'il a fait. Il sait qu'il ne sera acclamé dans aucun camp. Il s'est trouvé une conscience bien trop tard pour se faire pardonner ses actions et choix passés, et il ne sera jamais le héros que sa famille - sa famille qui n'était pas Sirius - voulait qu'il soit. Bref, tu parles d'un héros... Par contre, un sombre idiot, il l'a été, oui. Et mourir tout de suite l'aurait au moins empêché de faire face à sa propre stupidité.

Regulus était sérieux quand il parlait de ne pas rester. Bien sûr, il n'a pas l'intention de retourner au 12 square Grimmaurd, il n'a que trop conscience de ce qui doit l'attendre s'il se rend là-bas, mais il a eu l'intention de partir... ailleurs ? Sans savoir où. Au moment où Sirius lui fait comprendre qu'il est hors de question qu'il aille où que ce soit, Regulus n'a définitivement pas la force et l'énergie de lutter. Et dans le fond, c'est ce qu'il voulait entendre, que Sirius serait prêt à l'accueillir en dépit de tout ce qui s'était passé. Parce qu'il se sent seul, faible, et qu'il n'a jamais eu autant besoin de son frère que maintenant (mais ça, il ne faut quand même pas s'attendre à ce qu'il soit capable de le formuler à voix haute).

Regulus sent son coeur se serrer en entendant avec quelle facilité, avec quelle légèreté son frère est capable d'affirmer, en dépit de tout ce qui s'est passé, qu'il serait capable de mourir pour lui s'il le faut. Il y a dans son discours le courage et la détermination que Regulus lui a si souvent envier sans jamais admettre qu'il lui enviait quoi que ce soit. Un courage dont il a découvert qu'il pouvait être lui-même capable. Le genre de courage qui, très logiquement, demande d'être un rien stupide. Et si Regulus se sent piqué dans sa fierté chaque fois que son frère le traite d'idiot, il n'a jamais autant heureux de donner à ce dernier l'occasion de le lui dire et répéter.

"J'en sais rien", répond sincèrement Regulus quand Sirius lui demande de quelle manière atténuer ses souffrances. "Ça va passer. Enfin je pense, je crois..."

Il n'en sait fichtre rien, en réalité. Possible que ça ne passe pas du tout. Possible que ça ne passe jamais. Possible que Kreattur ait juste retardé l'échéance. Regulus opine mollement du chef quand son frère lui demande s'il s'agit bien du médaillon de Serpentard. Son frère a l'oeil, manifestement.

"C'est un horcruxe." Et puisque lui-même ignorait ce qu'était un horcruxe avant que Kreattur ne le lui apprenne, il précise. "Le seigneur des ténèbres a caché une fragment de son âme dans ce médaillon. Si on le détruit pas, on peut pas le tuer." Il marque une légère pause, le temps de vider un nouveau verre d'eau. "Je l'ai échangé contre un faux, mais il va bien finir par s'en rendre compte. Il faut juste... qu'il s'en rende compte trop tard."

Il n'entre pas dans le détail de ce qu'il a enduré, il ne pense pas que ce soit nécessaire. Un morceau de l'âme de Voldemort, on se doute que c'est une épreuve, une torture même, que de le récupérer.

Regulus réagit par un sourire, qui ressemble bien davantage à une grimace, quand Sirius lui fait remarquer qu'il a été complètement fou d'avoir volé le médaillon. Oui, c'est on ne peut plus évident. Il fallait être complètement cinglé pour faire ce qu'il a fait, et il est le premier à le penser. Et pourtant, il l'a bel et bien fait, sans être capable de le comprendre lui-même ou de se l'expliquer. Il l'a juste fait, c'est tout. C'était quelque chose de stratégique, de réfléchi, mais qu'il a fait sans certitude si ce n'est celle d'y passer, ce qui réglait la question de se croire fou ou non, de se remettre en question ou pas.

Dans tous les cas, que la chose soit folle ou non, il l'a bel et bien faite, et il n'y a aucun retour en arrière possible. Surtout, il ne veut d'aucun retour en arrière... Il ne sait pas ce qu'il va advenir de lui, il sait en revanche qu'il a fait très précisément ce qu'il devait faire. Il faut sans doute être fou pour faire ce qui était juste, raison pour laquelle il était bien souvent plus simple de se tourner vers la voie de la pure passivité et rien d'autre, plutôt que de choisir d'agir et de faire une véritable différence.

Regulus ne cherche même pas à se justifier, d'autant plus qu'il sent que ce n'est pas sur un ton de reproche que ces mots lui sont adressés, non... Sirius semblerait plutôt... fier de lui ? Oui, c'est ça, il y a des signes qui ne trompent pas, comme le sourire en coin qui s'esquisse sur ses lèvres. De tous les membres de sa famille que Regulus s'était si souvent efforcé de rendre fier, Sirius était le dernier, et pourtant sans doute celui dont il avait le plus besoin de la reconnaissance, même s'il ne l'avait pas admis d'office.

Il hoche la tête quand Sirius affirme qu'il remettra le médaillon à Dumbledore : c'est effectivement le mieux à faire, c'est aussi la première personne à qui il a pensé au moment de songer au sorcier qui pourrait éventuellement être susceptible de détruire un horcruxe. Si le seigneur des ténèbres le redoute, c'est bien pour une raison.

"Je sais pas ce que tu pourrais faire, j'ai pas du tout pensé à ce qui se passerait si..." S'il survivait. "On a un peu de temps devant nous, le temps qu'il comprenne ce que j'ai fait, et même après ça... Faut juste que je me fasse discret, il me traquera pas s'il pense que je suis mort. J'utiliserai du polynectar quand je sortirai dans la rue, je partirai... le plus loin possible, je suppose. Je sais pas encore. Mais t'en as déjà beaucoup fait." Regulus pousse un soupir, rejette sa tête en arrière. "Merci... d'être là pour moi."

Il ferme les yeux, il ne veut pas voir l'expression sur le visage de son frère quand il prononcera les mots qui viennent. Mais il faut bien qu'il les dise, il n'aura peut-être pas d'autres occasions. Et quand on frôle la mort d'aussi près, on remet certaines choses en perspective.

"Je suis désolé, Sirius."

"Bordel, Sirius, t'es pas bien !" se plaint Regulus en frottant son nez douloureux de venir tout juste de se prendre un coup de poing bien placé de la part du frangin, comme si le fait d'avoir pris un coup dans son orgueil ne suffisait pas pour commencer.

Bon, il peut bien reconnaître qu'il ne l'a pas volé, mais vu tout ce qu'il vient de traverser, il s'épargnerait franchement de devoir en plus ce genre de geste. Malgré tout, sa complainte est davantage là pour la forme qu'autre chose. Il sait bien qu'il est trop tard pour les excuses, mais en même temps... au moment de se sentir faiblir, là-bas, dans la caverne, il a cru qu'il n'aurait jamais eu l'occasion de les dire, ces mots, alors... mieux vaut tard que jamais, non ? A quoi est-ce qu'il s'attendait ? A crever, purement et simplement, mais à quoi bon le dire, maintenant qu'il est vivant. Il semble que même à se sacrifier, il ne soit finalement pas le plus doué.

"Oui, c'est ce que je cherchais, oui", répliqua Regulus sans même savoir pourquoi il se justifiait encore alors que ses justifications, de toute manière, ne seraient jamais satisfaisantes aux yeux de Sirius.

Il n'avait pas d'excuses satisfaisantes, non, pour ce qu'il avait fait. Certes, il avait ses raisons, ce n'est pas pour autant que son frère les estimerait recevables. Pour preuve, ces raisons, il les connaît déjà, et il les résume très bien. Oui, ça se résume à ça. Regulus Black s'était engagé auprès du seigneur des ténèbres pour faire honneur à sa famille, parce qu'il se sentait une double responsabilité : celle de rendre ses parents fiers, et celle d'effacer le souvenir de la trahison de son frère.

Pour lui ça avait été une nécessité, presque une fatalité, en fin de compte. Cela n'excuse pas le camp qu'il a choisi, ou les horreurs qu'il a commises et cautionnées, mais à l'évidence, s'il n'avait pas ressenti une telle pression familiale, s'il n'avait pas ressenti le besoin d'honorer le nom des Black et de faire oublier la réputation de son frère, ses choix auraient été sans doute été bien différent.

"J'ai merdé, c'est bon, je suis au courant", soupire-t-il.

Et s'il se renfrogne tout d'abord, cela ne dure pas malgré tout... Quand Sirius le prend dans ses bras, Regulus est bien incapable de refuser cette étreinte. Au contraire, il en a réellement besoin, et ça lui fait plus de bien qu'il ne serait capable de l'admettre.

"Tu m'as manqué aussi", confesse-t-il après un moment. Ces mots ne sont pas simples à prononcer, en revanche ils sont on ne peut plus sincères. "Et tu m'as pas abandonné, c'est moi qui t'aies laissé tomber."

Parce qu'il le sait, maintenant, il aurait dû tenir tête à sa famille et prendre la défense de son frère quand tout le reste des Black lui tournait le dos. Mais à la place, oui, il s'était senti vraiment abandonné, et trahi, par la même occasion.

"T'as raison, on va se reposer..."

Même si Regulus n'est pas encore totalement sûr de ne pas juste s'éclipser au milieu de la nuit pour ne pas causer plus de problème à son frère.

Regulus se sent faible. Physiquement, moralement. Il n'est pas dans son état normal. Pour autant, les mots qu'il prononce n'en sont que plus sincères, parce qu'il n'a tout simplement plus la force de mentir ou de tricher.

Quand il aura retrouvé la santé et ses esprits (si cela doit bel et bien arriver), peut-être qu'il regrettera de s'être excusé, d'avoir admis son erreur, peut-être qu'il sera rattrapé par sa fierté et songera à la honte qu'il apporte, présentement, à sa famille. Mais pour l'heure, il n'est capable de penser à rien. Il se sent rassuré d'avoir son frère à ses côtés, de l'avoir retrouvé après tout ce temps, et ce réconfort-là estompe un peu la douleur.

Il laisse Sirius prendre les choses en mains. Il sait que ce n'est pas très juste : c'est lui qui l'a mis dans cette position, alors qu'en faisant partie de l'Ordre, il s'expose et se met d'ores et déjà bien assez en danger. Il devrait le laisser tranquille... mais c'est si rassurant, quelque part, de simplement se laisser porter. Le danger est partout, et pourtant, il parvient à se sentir en sécurité. Il a retrouvé son frère, chose qu'il pensait impossible, et ce seul constat lui réchauffe le coeur bien plus sûrement que n'importe quelle potion miracle.

"D'accord", se contente-t-il de répondre quand Sirius lui parle sans rentrer dans le détail de l'endroit où ils pourront se rendre aussitôt qu'ils seront reposés. "Merci."

Quand il s'allonge dans le canapé, son esprit turbine à mille à l'heure. Il se sent épuisé, et dans le même temps, il ne parvient pas à s'endormir. Les pensées affluent et lui soufflent toutes la même chose : il n'a pas le droit de faire ça à son frère. Il en a fait bien assez pour lui, il ne peut pas réclamer de lui les dangers auxquels il est prêt à s'exposer en son nom.

Non, il doit partir, essayer, se débrouiller. Les effets de l'horrible boisson qu'il a dû ingurgiter dans la caverne se sont estompés, il se sent en meilleure forme bien qu'encore faible, alors... oui, c'est ça, il doit partir.

Alors, quand il a le sentiment d'entendre que Sirius, allongé au sol, s'est endormi, il se redresse, et tente, aussi discrètement que possible de s'en aller. C'était une entreprise vouée à l'échec, en réalité.

A peine a-t-il mis un pied à l'extérieur qu'il se voit dans l'incapacité de transplaner comme il en avait d'abord eu l'intention. Il ne ferait sans doute que quelques pas avant de s'effondrer. Il ne sait pas où aller, il ne sait pas quoi faire... Et dans tous les cas, même en voulant se faire discret, il a certainement réveillé Sirius au moment de s'en aller.

Regulus n'a pas réfléchi (d'accord, d'accord, il serait grand temps qu'il s'y mette, on est bien d'accord là-dessus). Ce n'est pas qu'il n'en soit pas capable en temps normal (même si ça ne s'est pas toujours vu) - il peut même être diablement intelligent, quand il le décide -, mais en l'occurrence, il est tout simplement trop faible pour agir raisonnablement. En se mettant en danger, en les mettant en danger, il s'imagine sincèrement qu'il va mettre Sirius à l'abri et le préserver du danger... Oui, il est idiot... Mais pour sa défense, il était à deux doigts de mourir il y a encore quelques heures, on va dire que ça lui donne quelques circonstances atténuantes - de loin à contrejour, quoi.

Il n'y a pas besoin d'ailleurs d'être un fin limier pour constater que Regulus est au bout de sa vie, et à bout de forces. C'est à peine s'il réussit à faire quelques pas. C'est à peine si son corps accepte d'obéir aux ordres de son cerveau. Il se sent en déconnexion, en déséquilibre total, comme si ses membres ne parvenaient pas à lui obéir, et c'est à peine s'il se sent s'effondrer, là, comme un con, au beau milieu de la rue, à quelques pas seulement de la demeure de Sirius. Incapable d'écouter ses limites, il sombre dans l'inconscience, comme l'abruti qu'il sait parfois être et que Sirius a de bonnes raisons de lui reprocher d'être.

C'est un bruit étrange, un grognement rauque, puis un souffle chaud sur son visage qui le sort de sa torpeur assez brutalement. Son coeur manque un battement et son visage se tord de terreur en voyant la gueule de cet énorme chien noir qui le surplombe. Il s'en faut de peu pour qu'il pousse un hurlement absolument flag, mais heureusement, la surprise lui coupe la chique, si bien qu'il se retrouve incapable de produire le moindre son, pour commencer. En tout cas, une chose est certaine, il est réveillé, et bien réveillé.

Il veut se redresser mais c'est ce moment que choisi l'animal pour lui attraper la cheville. Regulus grogne de crainte et de douleur, il a envie de crier, mais il ne le fait pas, la part de lui encore vaguement capable de réflexion sait qu'il ne doit pas attirer l'attention. Il n'arrive pas, en attendant, à se défaire de l'emprise de l'animal.. Ce n'est pas un comportement de chien errant. Ce n'est pas un chien errant... Angoissé, il se laisse trainer, après avoir renoncer à faire lâcher prise à la bête, à l'intérieur.

"Merlin, c'est quoi ce bordel ?"

Par réflexe, il cherche sa baguette dans sa poche pour la pointer sur la bête, incapable d'en venir d'office à l'explication pourtant la plus crédible.

Regulus se demande s’il n’est pas juste en train de délirer. Ce grand chien qui vient littéralement de l’installer sur le canapé… ça n’a juste aucun sens. Non, c’est sans doute ça, il nage en plein délire. Si ça se trouve, il est encore dans les eaux noires de la cavernes, écharpé par les inferi, et c’est son esprit qui lui a inspiré les retrouvailles avec son frère, manifestation hallucinatoire étrange de ses remords, dont celui de peut-être ne jamais pouvoir se réconcilier avec son aîné. Oui, c’est forcément ça. C’est clair, c’est évident, même. Et ce chien noir, c’est le sinistros, la manifestation symbolique bien concrète de Et ce chien noir, c’est le sinistros, la manifestation symbolique bien concrète de la Mort, qui vient enfin le cueillir… Ou bien, Regulus doit arrêter de rationnaliser ce genre de situations, et constater qu’il y a parfois des explications plus rationnelles encore, même si c’est absurde.

Bientôt, il n’y a plus de chien, mais Sirius. Sirius est un animagus. Quand ? Comment ? Depuis quand ? Dans quelles circonstances. Il en a vécu, des chocs émotionnels, en une nuit seulement, mais quand il pensait avoir fait le tour des surprises que cette situation était susceptible de lui réserver, voilà qu’il devait se faire une raison : ce n’est pas le cas, mais alors pas le cas du tout. Et il n’a même pas le temps de se remettre de cette révélation qu’il se prend une nouvelle salve de reproches de la part de son frère. Bon, d’accord, il a effectivement raison, il merde de toutes les manières possibles depuis tout à l’heure, là, mais pour sa défense, il n’est pas complètement lui-même, là.

Est-ce qu’il est fier de lui ? Non, franchement pas… Maintenant qu’il est de nouveau à l’intérieur, peinant à tenir assis sur le canapé, faut bien qu’il avoue qu’il a merdé. Bien sûr que c’était complètement con, particulièrement con, même, mais il a juste… agi dans l’impulsion du moment. Il ne veut pas faire porter de fardeaux particuliers à son frère, et il a bien conscience qu’il va être un fardeau ambulant, qui risque de bouleverser sa vie du tout au tout et de lui faire du mal. Il a bien conscience qu’il va être un poids, et que déjà qu’il était en danger, ça allait être encore pire. Il se laisse donc joyeusement insulter, il sait bien qu’il l’a très franchement cherché, et ne reprends quand il a fini que quand Sirius l’a bien fustigé.

« A qui est-ce que tu voudrais que j’en parle ? » réplique Regulus avec amertume quand son frère lui fait bien comprendre qu’il ne doit parler de tout ceci à personne.

Il n’a pas à le lui demander, en réalité. Outre le fait qu’il ne se verrait certainement pas trahir le secret de son frère, quand bien même il a dorénavant envers lui une dette telle qu’il serait bien incapable de ne serait-ce qu’envisager de le trahir.

« J’ai plus que toi… », soupire-t-il, qui réalise pleinement ce constat en même temps qu’il le formule. « Je sais, c’était con, j’essaierai plus de partir, c’est promis. » Il marque une pause. « Depuis quand t’es capable de ça… ? »

Depuis ses quinze ans ? Sérieusement ? ça faisait des années qu’il était capable de ça ? Ben Merlin… Pour avoir étudié la question sans pour autant s’y être intéressé plus que ça non plus (se transformer en animal, il n’en avait pas trop vu l’intérêt, faut quand même le dire), il sait du moins que c’est clairement pas l’exercice magique le plus facile et que ça demande un sacré travail. Bon, Sirius a toujours été intelligent (plus intelligent que lui, même, et c’est bien le souci), mais il se serait pas imaginé que, du haut de ses quinze ans, et alors qu’il était encore élève à Poudlard, il se serait amusé à une chose pareille. Et pour quoi faire, d’ailleurs ? Pour se rendre intéressant semblerait une bonne explication, sauf que ça sert quand même pas à grand-chose si on peut en parler à personne.

Regulus ne répond rien et se contente d’adresser à son frère un regard agacé quand ce dernier lui répète qu’il veut qu’il garde ça pour lui, vu qu’il n’est pas enregistré auprès du ministère. C’est bon, dans tous les cas, non, il n’a pas l’intention d’ébruiter son secret sous tous les toits. L’absence de confiance de Sirius le blesse, et pourtant, il peut pas franchement dire que c’est démérité, compte tenu de ce qu’a été son comportement tout ce temps, et aussi compte tenu du fait, bien sûr, qu’il venait il y a littéralement quelques minutes de vouloir prendre la poudre d’escampette. C’était pas contre Sirius qu’il l’avait fait, c’était même plutôt pour lui, en fait, mais inutile d’en discuter, ni d’argument au sujet de sa bonne foi, Regulus sait d’avance que ça ne changera rien quoi qu’il en soit. Après tout ce qu’il a fait, après tout ce qu’il a dit et lui a fait subir, à lui et à dire. Il faudra plus que quelques mots pour convaincre Sirius d’avoir raison de prendre tous ces risques pour son cadet. Alors Regulus ne cherche plus à se défendre ou à répliquer. Maintenant, il est même plutôt décidé à ne plus se faire remarquer. Il faut bien qu’il se fasse une raison. Il n’a rien, et encore moins de repères. Se reposer sur son frère, c’est le mieux qu’il puisse faire à l’heure actuelle. Il était sérieux, plus tôt. Que Sirius le croie ou non, ça ne change rien à la véracité totale, inéluctable de ses propos : il n’a définitivement plus que lui. Et personne d’autre.

Il hoche vaguement la tête quand son frère lui suggère de dormir. Il n’a définitivement plus la force de rien, là. Pas même de poser à Sirius toutes les questions qui le taraudent au sujet de ses capacités d’animagus. Les grandes questions attendront. Il faut qu’il se repose. Il ne proteste plus, il s’effondre, c’est tout ce qu’il fait, et il ne faut pas longtemps pour qu’il s’endorme bel et bien, perclus de douleur et de fatigue. Pas d’un sommeil franchement réparateur, les cauchemars défilent et se succèdent sous ses paupières closes. Malgré tout, quand il est temps de se réveiller, il se sent définitivement plus reposé et plus alerte qu’au moment de fermer les yeux. Ce n’était sans doute pas difficile pour lui d’aller mieux que tout à l’heure, en même temps. En tout cas, il se sent prêt à partir… où qu’ils aillent.

« J’ai le droit de savoir où on va, au moins ? » demande-t-il d’une voix encore un peu rauque.

C’était rare de parvenir à lire ne serait-ce qu’un soupçon de peur dans le regard de Sirius Black. Peut-être est-ce parce qu’ils s’étaient éloignés depuis beaucoup trop longtemps pour qu’il ait pu voir son aîné être exposé à toutes ces situations qui justifiaient très largement que l’on éprouve de la crainte, si ce n’est de la panique, mais Regulus est assez perturbé de voir son frère dans une telle position, et se sent d’autant plus coupable de le voir dans la même position. C’est une chose qu’il a beaucoup admirée chez Sirius, même si elle l’a aussi immensément agacé : cette force de caractère, cette capacité à faire front face à n’importe quel danger, cette constante détermination qui donnait l’impression que rien n’était susceptible de l’impressionner. Bien sûr, Sirius reste toujours quelqu’un d’infiniment plus courageux que lui (même si Regulus a tendance à sous-estimer son propre courage), et quand bien même la crainte se découvre dans ses prunelles, il se montre d’une ténacité et d’une détermination sans faille, mais ça n’empêche certainement pas Regulus de se sentir particulièrement déstabilisé de découvrir cette faille chez son frère, en ne pouvant au demeurant que se dire qu’il l’avait provoquée, qu’il en était responsable.

Pas le temps de se morfondre néanmoins. Sirius lui apprend qu’ils vont se rendre à la cabane hurlante. Sérieusement ? De tous les endroits possibles, il décide de choisir la demeure qu’on considère être la plus hantée de Grande-Bretagne, le genre de bâtisse qui accueillerait une dizaine de Peeves, mais encore pires que Peeves ? Alors certes, Regulus s’est déjà dit que les légendes urbaines qui entouraient cet endroit étaient forcément un peu exagérées, et c’est sûr aussi que c’est pas le genre d’endroit que les sorciers osent approcher, donc en soi ils seront sans doute tranquille mais… Non, il a beau essayer de comprendre le raisonnement de Sirius, quelque chose lui échappe. Mais ça, évidemment, c’est parce qu’il lui manque une partie cruciale de l’histoire, qui tout de même commence à faire légèrement plus de sens quand son frère lui apprend qu’il s’y rendait sous sa forme de chien, et qu’un passage secret à Poudlard permettait de s’y rendre.

« Mais qu’est-ce que t’allais foutre dans la cabane hurlante sous ta forme de chien, je comprends pas… »

C’est sans doute pas le moment de discuter les détails, cela dit, d’autant plus que de toute manière, ce n’est pas comme si Regulus avait une quelconque contre-proposition à faire de son côté. Il se sent encore faible, même si dormir lui a fait du bien, et il a envie de faire une confiance aveugle en son frère. Il a bien conscience de tout ce que ce dernier sacrifie pour lui : ce qu’il lui restait de sécurité pour commencer… et ça, sans doute qu’il aurait dû y penser avant… mais s’il ne s’était pas rendu chez Sirius, va savoir ce qu’il serait advenu de lui. Il serait sans doute déjà mort, là, tout de suite.

Sirius attrape son bras, lui fait signe qu’ils vont transplaner. Le transplanage d’escorte lui retourne l’estomac, mais il fait de son mieux pour reprendre contenance tandis qu’ils arpentent les rues de Pré-au-Lard. Ils n’ont pas le temps de faire quelques pas que des voix s’élèvent. Instinctivement, les doigts de Regulus se referment sur sa baguette.

« Les deux plus grands, c’est Avery et Mulciber, je reconnais leurs voix », souffle-t-il à voix la plus basse possible après un temps d’observation silencieuse. Pas forcément fier en cet instant de non seulement les reconnaître mais d’avoir été ami – plus ou moins – avec eux. « Pas les plus dangereux, on peut essayer de les avoir par surprise », ajoute-t-il en essayant de se montrer pragmatique, même s’il n’est pas du tout sûr pour autant d’être en mesure de vaincre ses anciens camarades. « Je crois que le troisième, c’est… » Il s’interrompt au milieu de sa phrase, hésite avant de reprendre. « Pettigrow… Désolé… »

Quelles étaient les chances, franchement, que de tous les mangemorts qu’ils croisent, Peter Pettigrow soit de la partie ? Clairement, ils jouent de malchance, et ce n’est définitivement pas de cette manière que Regulus aurait voulu que Sirius apprenne la trahison de celui qu’il considérait comme un ami, comme un frère, certainement, plus que lui-même. Quand Pettigrow avait rejoint les rangs des mangemorts, il n’avait pas vraiment reçu un accueil des plus chaleureux, c’est certain. Beaucoup se sont payé sa tête, personne ne l’a jamais vraiment considéré comme un asset utile au groupe, davantage comme un faire-valoir. Regulus avait une opinion différente à ce sujet.

Oh, comme tous les autres, il n’a pas été tendre avec lui, mais ses raisons étaient bien différentes, et par conséquent bien moins avouables, il faut bien le dire… Personne ne trouverait quoi que ce soit à jalouser à Peter Pettigrow, peut-être, et pourtant, Regulus, lui, l’a jalousé : sa complicité avec son frère, cette amitié que lui avait perdue. Le voir trahir ceux qui avaient placé toute leur confiance à en lui l’avait dégoûté. Pourtant, est-ce que ce n’est pas ce qu’il a fait lui aussi en quittant les mangemorts ? Pas la peine de s’épancher sur la question. Il se doute que Sirius doit se sentir trahi… qu’il ne s’y attendait pas… Et même s’il ne sait pas vraiment à quel moment il aurait envisagé de lui apprendre la nouvelle, ça n’aurait clairement pas été dans ces circonstances. Non, il ne se trompe pas… Et même s’il devait se tromper sur le moment, ça ne change rien à la réalité qu’il vient d’apprendre à son frère, et qui lui fait sans doute l’effet d’une gifle mentale.

Il le voit, la nouvelle affecte Sirius au point qu’il ait peine à revenir à l’instant présent. C’est sûr que le moment n’est pas vraiment bien choisi. Ils sont en danger, si l’un est sous le choc et l’autre affaibli, ça ne va définitivement pas arranger leurs affaires. La réaction impulsive de Sirius est fort heureusement freinée par l’état dans lequel il est, et Regulus par sa seule présence et sans avoir à faire grand-chose, parvient à retenir son aîné de faire une bêtise qu’il aurait forcément regrettée.  Les mangemorts en approche, il faut maintenant être plus rapide, heureusement, Sirius paraît s’être ressaisi, et il l’entraîne à présent avec lui.

Regulus hoche la tête quand Sirius lui demande s’il était au courant pour Peter. C’est clairement pas dans ces circonstances qu’il aurait voulu que les choses se passent, et il redoute que son frère lui reproche de n’avoir rien dit (alors que, pour sa défense, ils ne se disaient plus rien du tout dans tous les cas). Il lui répond à voix très basse.

"Ça fait plusieurs mois qu’il nous…" Il baisse la tête. … "qu’il les a rejoints."

Des mangemorts, et en dépit de ce dont témoigne la marque des ténèbres sur son avant-bras, il ne fait plus partie. Suffit-il néanmoins de le décider pour que ce soit le cas ?

Il veut ajouter autre chose mais est interrompu net quand une silhouette apparaît devant eux, baguette pointée dans leur direction. Ils sont cernés.