(Abandonné) We barely changed [Lucius]

We barely changed

feat. Lucius

La première fois qu’il a mis les pieds dans ce café, Regulus avait été loin d’imaginer qu’il deviendrait un lieu de villégiature pour lui et qu’il y retournerait assez régulièrement. Et pour cause, la première fois qu’il y avait mis les pieds, il était encore très perdu et incertain, ne serait-ce que dans son appréhension d’un monde à ce point… moldu. Et s’il y a quelque chose qui doit vous sauter d’office aux yeux ici, c’est que tout transpire la non-magie, depuis la décoration et ces tableaux immobiles accrochés aux murs jusqu’au choix des boissons… Il n’y a pas grand-chose de magique dans ce café long qu’il a pour habitude de commander à chaque fois qu’il vient ici, s’installant toujours, évidemment, à la même place (il y a suffisamment de changements dans sa vie comme ça pour qu’il ne commence pas, en plus du reste, à envisager de s’installer à une autre table que celle où il a pour habitude de s’asseoir – quitte à préférer rentrer chez lui les jours où ladite table n’est pas disponible)… mais il est bon alors… après tout, pourquoi pas… C’est la dernière des choses honteusement moldue qu’on puisse lui reprocher d’apprécier, après tout… Ce n’est pas comme s’il en avait beaucoup d’autres en réserve, et non des moindres.

C’est un fait, les choses ont changé, Regulus a lui-même changé, il n’empêche qu’il se demande parfois ce que son lui du passé penserait, à le regarder siroter ce café noir, assis à cette fameuse table près de la fenêtre qui était devenue sa place de prédilection, un livre à la main comme presque toujours. Un livre moldu, évidemment. De même qu’il se demande ce qu’il aurait pensé de ses nouvelles fréquentations, et plus concrètement de sa relation avec Peter… Dans le fond, il préfère ne pas connaître la réponse à cette question. Certaines interrogations sont vouées à ne jamais aboutir à la moindre réflexion un tant soit peu judicieuse, et qui sait si ce n’est pas mieux ainsi, dans le fond.

Il est plongé dans la lecture d’un ouvrage qui, à dire vrai, ne le passionne pas tant que cela. Un nouvel arrivage de la librairie qui a connu jusqu’ici un succès critique assez important. Pour ne pas mourir idiot, et parce que Regulus aime à savoir parler de tous les livres qu’il vend à la librairie – même s’il n’aime pas parler tout court, en revanche –, il s’y est donc essayé. Mais cette romance écrite dans un style pompeux et un phrasé somme toute très prétentieux l’a jusqu’ici laissé de marbre. A présent qu’il en a une idée plus concrète, la manière dont bien des auteurs ont tendance à écrire l’amour le laissent soupçonner qu’ils ne l’ont probablement jamais ressenti eux-mêmes… Mais ça, c’est un autre débat. Enfin, il insistera bien quelques pages de plus.

Mais avant, il est probablement temps de se ravitailler. Sa tasse est vide depuis une trentaine de minutes déjà, et il fait clairement de la rétention de place à une heure d’affluence (mais en même temps, c’est sa place)… une nouvelle tasse de café fera sans doute passer un peu mieux la pilule aux serveurs qui le regardent de travers. Mais alors qu’il lève les yeux, c’est une silhouette autrement familière qui capte son attention.

« Lucius… ? » Regulus se redresse un peu trop brusquement de sa chaise en une sorte de réflexe un peu idiot, découvrant à présent face à lui celui qui fut, dans une autre vie, non seulement un ami, mais un protecteur aussi. A l’instar de tous ceux qui avaient fait comme lui le choix de suivre le seigneur des ténèbres autrefois, il ne sait pas vraiment sur quel pied danser en sa présence. « C’est bien toi ? »

Bon, autant commencer par une question idiote, du coup, apparemment.

We barely changed

feat. Lucius

Regulus ne savait pas vraiment à quel accueil s’attendre de la part de Lucius… Comme de beaucoup d’autres acteurs de son passé, qui tous avaient compté, d’une façon ou d’une autre, et qu’il redoutait donc nécessairement d’avoir déçu de par ses actions passées… Ou de décevoir plus tard de par ses actions présentes. Regulus n’est plus le parfait enfant de sang pur, produit idéal de son éducation, qui avait longtemps fait la fierté d’Orion et Walburga Black. Traître à sa manière tout en refusant de tout rejeter de son passé comme Sirius le faisait si aisément, il marchait sur des œufs, constamment, peu importe à qui il pouvait bien avoir à faire.

Ce sont finalement les paroles que Lucius prononce ensuite qui, si elles n’ont en soi rien de rassurantes, réussissent à le réconforter en quelques sortes. Il n’y a en soi rien de très plaisant dans le fait d’entendre ce fantôme de son passé affirmer qu’il n’est pas tout à fait réjoui de le revoir, mais il en comprend très précisément la raison. En effet, sa présence laisse entendre que d’autres pourraient être là également, et si Lucius n’explicite pas l’identité de ce « il » qu’il évoque alors, il n’est vraiment pas difficile pour le jeune homme de deviner à qui il fait plus exactement référence. Il. Le seigneur des ténèbres. L’inquiétude que Lucius éprouve à l’idée de revoir leur ancien maître a ceci de rassurant qu’il confirme à Regulus que son vieil ami n’est donc pas assujetti à la volonté de ce dernier, et autrement soucieux de se libérer de l’emprise de ce dernier. A moins qu’il ne s’agisse d’un piège, bien sûr… A quelques rares exceptions près (coucou Bellatrix), Regulus réalise que beaucoup d’anciens mangemorts envisagent les choses ainsi : lui, Lucius, Peter… C’est à la liberté qu’ils aspirent à présent, une liberté dont ils redoutent qu’elle ne leur soit violemment arraché par celui qu’ils avaient eu à la fois l’audace et l’idiotie de suivre autrefois.

« J’aimerais être un oiseau de bon augure, mais… »

Mais il ne le sera pas. Parce que le seigneur des ténèbres est bel et bien présent dans ce monde, et un peu plus puissant à chaque jour qui passe, au point que c’en est terriblement alarmant. Il n’a pas de bonnes nouvelles à apporter à Lucius. Il voudrait, vraiment, ne pas entacher leurs retrouvailles en jouant les porteurs de mauvaise nouvelle, mais il ne peut pas vraiment se permettre de lui dissimuler une réalité qu’il ne pourra que découvrir tôt ou tard quoi qu’il en soit.

« Je vais bien… Compte tenu du fait que je ne devrais même pas être en vie, je dirais même que j’ai rarement été mieux », affirme-t-il avec un fin sourire.

Sans oublier que cette vie lui a offert bien plus qu’il ne pensait pouvoir en espérer… sa réconciliation avec son frère… sa rencontre avec Peter… Tout a un prix… Le bonheur plus encore… Il faut sans doute toujours sa contrepartie… afin d’équilibrer, dirons-nous.

« Et toi ? » Il le jauge en détail. « Tu as l’air en forme. J’imagine qu’il s’est passé… beaucoup de choses depuis la dernière fois. »

Que ce soit dans cette vie ou dans la précédente.