La chute.
A la fois rapide, à la fois lente.
A la fois achevée, à la fois interminable.

Le vide.
Le néant.
Tout autour de moi.

Hela. Mon amie.
Où es tu ?
Pourquoi suis-je ici, seule ?
Encore une fois..
Seule.

Vivante ? Morte ? Je ne saurais dire. Peut-être un peu les deux. Encore une fois..

Perdue dans le vide intersidéral les minutes me paraissent des heures. Les mois, des années. Suis-je encore consciente... où est-ce une nouvelle fois elle qui m'enlace de ses bras froids et réconfortants ?
Ô Déesse bien aimée, pourquoi n'es tu donc pas à mes côtés... ?

Tombée.

La folie me guette, je le sais, je le sens. Peut-être est-ce pourtant là, la preuve que je suis encore bien vivante.
Mon corps flotte, inerte et perdu dans les abysses obscures de cet espace qui m'entoure. Je n'arrive plus à sentir le moindre de mes membres, je n'arrive plus à savoir si ma tête, est toujours rattachée à mes os...

Abandonnée.

Il m'arrive de perdre connaissance, je crois, avant d'à nouveau m'éveiller hors du temps, et de l'espace. Quelque part, loin.. Loin de toi, ma chère Hela.
Mes pensées s'entremêlent, s'entrechoquent et bientôt ne sont plus que capharnaüm assourdissant.
Mon esprit s'échappe, part à la dérive, autant que cette enveloppe inanimée et glacée qui reste de mon corps.

Et je la vois.

Elle apparaît. Telle une mère qui s'approche de son enfant afin de le réconforter, tendant ses bras en sa direction. Hela. Magnifique Hela. La Mère. La Maîtresse. L'Unique. Divine Hela. Tu as toujours tellement représenté, pour moi. Depuis ce moment où tu m'as prise contre toi alors que je n'étais encore qu'un louveteau, jusqu'à cet instant où tu m'as regardé, tomber et disparaître au travers des chutes dorées d'Asgard. "Comme tu me manquais."

Le temps se dérobe, une fois encore. Me propulse jusqu'à ces nombreuses batailles que nous avons jadis menées au côté d'Odin. Père de toutes choses. Tu étais parfaite. Cruelle, sans pitié. Fière. Et je t'aimais. De tout mon être. Où es tu, Hela ? De toute mon âme. Pourquoi est-ce que je ne t'entend pas ...? Inconditionnellement.

Mais ce ne sont que des rêves. Des fourberies de mon esprit. Tour de passe-passe. Illusions. Utopie. Chimères... Et me revoilà de nouveau dans l'immensité noire de l'en dessous du Royaume des Dieux. Mes yeux se troublent. Était ce la dernière fois que je te voyais, Hela ? ... Perdue ici, tu ne pourras plus rien faire pour moi.

Des mois.
Des années.
Des décénies.
Peut-être seulement quelques heures.

Difficile à dire.
Mais je la ressens une fois encore.
Cette chaleur, curieuse et douce, qui m'envahit. Qui enveloppe l'intégralité de mon corps.
Mes yeux s'ouvrent avec lenteur, paupières engourdies.

Et je la vois.

Ronde.
Rouge.

Cela ressemble à une lune, ou quelque chose de semblable. Mais mes yeux ne parviennent à en dessiner correctement le contour tellement ils sont longtemps restés fermés...

Rouge.
Ronde.

Elle s'approche. Ou peut-être est-ce moi, qui suis attiré jusqu'à elle. Brillante. Éblouissante.
Je sais qu'au fond de moi, ce n'est pas toi. - Tu n'aurais jamais choisie cette couleur. Mais, pour une raison qui m'est inconnue, je n'arrive pas à luter contre son attractivité.

Et elle m'engloutit.



Avec le recul, je me demande si ce n'était pas une ultime tentative désespérée dans l'espoir de te revoir un jour, Hela. Cette lune rougeoyante et captivante qui s'était élevée face à moi telle une évidence. Inéluctable.

...

Finalement. J'aurai mieux fait de crever dans l'espace.


Par quoi commencer, il y a tant à dire.
Cette peau affreusement rosée, cette taille particulièrement ridicule, ces membres, incapables de soulever de lourdes charges ? Me voilà désormais réduite à l'humanité. Car oui, pour moi, être humain a toujours été réducteur. Les Hommes sont faibles. Créatures insipides et frêles. Capables de tomber gravement malade au moindre courant d'air. Capables de se briser en deux à la moindre chute. Qu'était il advenu de mon superbe pelage ? Où étaient donc passés mes magnifiques crocs ? Ma carrure imposante et majestueuse ? De mon ancienne vie, seuls mes yeux avaient survécus. D'un vert émeraude flamboyant à en faire pâlir les plus beaux des bijoux.
Il ne me reste que ça. Ça, et l'espoir de te revoir un jour.

Humaine.
Simplement, humaine.
Chétive, délicate, inutile.

Les premiers jours, j'ai cru à une mauvaise blague. Une sorte de malédiction ou de rêve dans lequel vous êtes plongé de force. Loki ? Je l'ai maudit, plusieurs jours durant. Seul le Dieu de la Malice avait ce don de manipulation mental et, plonger un être tel que moi dans ce genre de mirage était tout à fait de son ressort.
Mais ce n'était pas Loki. Du moins, je l'ai compris, avec le temps. Il n'y avait aucune farce, aucune ruse, pas de geôle ou quelle que façon de me punir qui soit. Rien de tout ça. Juste, la vie. Ma, nouvelle vie.

Autant dire que ma condition humaine n'a pas été facile à digérer. Mais j'avais néanmoins cet optimiste fou de me dire que, peut-être, tu étais là, toi aussi. Alors j'ai cherché. Longtemps. Très longtemps. Essayant tant bien que mal d'apprivoiser cette apparence nouvelle ainsi que toutes les choses futiles qui lui faisait défaut.

Mais tu demeurais introuvable.
Et moi, je devais survire.

Avec le temps, les recherches se sont espacées. Avec le temps, l'espoir que je nourrissais c'est amenuisé. Il persiste et demeure, cependant, mais la flamme ardente de la vie qui m'animé autrefois semble s'éteindre de jour en jour.

Oui.
Finalement,
J'aurai mieux fait de crever dans l'espace.

Tu me manques, terriblement. Tellement que vivre dans ce drôle d'univers sans toi me paraît de plus en plus impossible.
Mais j'essaye. Je te jure. Car je veux que tu sois fière Hela. Fière, de moi.